Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Morphologies
La revue bibliographique conduite jusqu’à présent a survolé le couplage qui existe entre la cristallisation induite et l’histoire thermo-mécanique de la sollicitation. L’objet de cette partie est d’anticiper le type de morphologie semi-cristalline susceptible de se développer en cours de sollicitations uni-axiales et de disposer des signatures identifiées en diffraction des rayons X.
La diffraction des rayons X offre l’avantage d’une description à deux échelles : orientation de la phase cristalline et donc des chaînes de cette phase à partir de la description du réseau, dans le cas d’une étude aux grands angles (Wide Angle X-Ray Scattering, WAXS, en anglais et par la suite dans le texte) et orientation des normales aux lamelles cristallines lors d’une analyse aux petits angles (Small Angle X-Ray Scattering, SAXS en Anglais et par la suite dans le texte).
Comme mentionné précédemment, le développement de la cristallisation induite s’effectue au sein d’une phase amorphe potentiellement très orientée et composée principalement de chaînes en conformations trans. Les conformations gauches sont confinées au sein des régions amorphes ne supportant qu’une très faible orientation[8, 74, 78]. Les microstructures susceptibles de se développer doivent intégrer de telles contraintes et sont, de ce fait, pressenties allongées. La morphologie la plus communément admise lors de l’étirage de fibres[42-43] et de films[52- 54, 77, 79, 80] est de type microfibrillaire. Ce modèle suppose l’existence d’empilements d’entités cristallines séparées par une phase amorphe orientée (figure I-17).
Dans le cas le plus général[54], cette microstructure est caractérisée par un angle f entre les normales des cristallites et la direction d’étirage, et un angle q entre l’axe des chaînes participant à la phase cristalline et la direction d’étirage. La fibrille est délimitée dans l’espace par un contour s’appuyant sur les faces des cristallites, définissant un angle a avec la direction d’étirage. La figure I-17 définit également la longue période, d2, somme des épaisseurs des phases amorphe et cristalline adjacentes selon la direction normale aux cristallites.
Figure I-17 : Morphologie microfibrillaire proposée par Stockfleth et al. [54]
Une explication avancée à la formation de microfibrilles serait la capacité plus importante de ces géométries linéaires à dissiper l’énergie associée au phénomène exothermique de cristallisation. La nature exacte des entités composant les fibrilles, demeure méconnue.
Compte tenu des contraintes topologiques supportées par les chaînes, il n’est pas certain que des cristaux lamellaires puissent se former à partir du repliement des chaînes pré-orientées, tout du moins en l’absence de traitements thermiques complémentaires qui favoriseraient la mobilité moléculaire. Il semble plus vraisemblable de considérer une croissance cristalline sous la forme de micelles à franges[80], figure I-18.
Figure I-18 : Modèle de micelles à franges. D’après Haudin et Monasse [81].
Dans le cas de sollicitations uni-axiales, pour une texture dite « de fibre parfaite », la signature théorique par diffraction des Rayons-X aux grands angles (i.e. par WAXS) selon la méthode de Debye Scherrer en chambre plane[81, 82], devrait correspondre au cliché proposé figure I-19 par Gupte et al. [42]. Elle est représentée par une figure de diffraction comprenant des taches irrégulièrement réparties suivant les directions de référence de l’étirage. Les directions préférentielles de diffraction sont telles que les taches relatives aux plans cristallins contenant les axes de chaînes (i.e. (010), (100), (110) – ) soient localisées selon la direction transverse à l’étirage alors que celles relatives aux plans dont la normale est quasi colinéaire aux axes de chaînes (i.e. (103)
Figure I-19 : Représentation schématique d’une texture de fibre parfaite obtenue par WAXS-2D en transmission selon la méthode de Debye-Scherrer[47]. Identification cristallographique des plans selon le réseau triclinique proposé par Daubeny et al.[48].
La description de ces textures peut être partiellement raffinée par des mesures de diffraction aux petits angles (i.e. par SAXS). Une orientation très marquée des microfibrilles à l’issue de l’étirage est à l’origine d’un cliché SAXS à deux taches[53], figure I-20(a), l’angle f de la figure I-17 étant négligeable. Si les normales aux lamelles sont inclinées par rapport à la direction d’étirage, un cliché à quatre taches est alors observé[53, 54, 79] (figure I-20(b)). La figure I-20(b) illustre un tel cliché pour une fibrille dont l’axe est parallèle à la direction d’étirage (a = 0) et dont l’axe des chaînes constituant les lamelles est suivant l’axe de la fibrille (q = 0).
Toutefois, les clichés SAXS à quatre taches peuvent également être représentatifs d’un arrangement de cristaux de taille variée regroupés sous forme de couches très régulièrement espacées (figure I-20(c)).
Notons aussi que l’existence d’un cliché SAXS à deux taches n’est pas suffisante pour affirmer la présence de microfibrilles. En effet, sans être corrélé à un cliché WAXS de texture de fibre (figure I-19), un cliché SAXS à deux taches peut parfaitement correspondre à un empilement de lamelles cristallines séparées par une phase amorphe isotrope[5].
Figure I-20 : (a) et (b) Nature des lamelles composant les microfibrilles d’après les travaux réalisés en diffraction des rayons X aux petits angles par Stockfleth et al.[54] (c) Schéma d’une structure multifibrillaires également associée à un cliché SAXS à quatre taches. D’après Lapersonne et al.[83] et Abou- Kandil et al. [84]
Différentes estimations des dimensions des cristaux composants ces fibrilles ont été effectuées. Goschel et Urban[80] mesurent une épaisseur des cristaux variant entre 3,8 et 4,8 nm et avancent une valeur de la longue période comprise entre 13,3 et 15,4 nm. Dans le cas d’étirage de films en PET à force constante, Lapersonne et al.[83] obtiennent des tailles de cristaux relativement similaires correspondant globalement à 5 motifs suivant l’axe de l’étirage, la normale au plan du film et la largeur du film. D’après les observations de Jabarin[51], le développement de ces entités serait fonction de la vitesse de déformation : pour des valeurs élevées, la tailles des entités semblent diminuer, phénomène compensé par l’accroissement de leur nombre (figure I-20(c)).
L’interprétation des clichés de diffraction n’est donc pas sans ambiguïté surtout lorsque les analyses sont effectuées dans des conditions post-mortem à l’étirage, où il devient difficile de séparer totalement la cristallinité induite par la déformation de celle développée pendant le refroidissement des éprouvettes[5, 6]. C’est ce que révèlent les analyses par diffraction des rayons X menées par Gorlier et al. sur des échantillons mono-étirés à différents taux de déformation et ayant été refroidis suivant deux protocoles de trempe différents après étirage (figure I-21). La figure I-21 met en corrélation le taux de cristallinité ainsi que les clichés de diffraction obtenus après analyse des différents interrompus refroidis par trempe efficace (échantillons A, B, C, D) et inefficace (i.e., précédée d’une courte période de refroidissement lent échantillons A’, B’, C’, D’).
Avant de décrire les résultats obtenus, il convient de rappeler que la trempe efficace réalisée par Gorlier et al.[5, 6] s’effectuait en pulvérisant un brouillard d’eau à 0 °C sur l’échantillon maintenu tendu entre les mors, après que l’essai de traction ait été suspendu. La trempe inefficace, quant à elle, consistait à démonter, le plus rapidement possible, l’échantillon des mors avant de l’immerger dans un bain d’eau à 0 °C.
Figure I-21 : (a) Corrélation entre comportement mécanique, évolution du taux de cristallinité et des
figures de diffraction X obtenues après trempe efficace du PET mono-étiré à différents taux de déformation à 85 °C et 0,01 s-1. (b) Corrélation entre comportement mécanique, évolution du taux de cristallinité et des figures de diffraction X obtenues après trempe lente du PET mono-étiré à différents taux de déformation à 85 °C et 0, 01 s-1. D’après Gorlier et al. [5,6].
La figure I-21 nous indique qu’indépendamment du protocole de trempe utilisé, la sollicitation uni-axiale du PET au-dessus de sa transition vitreuse mène à la formation d’une texture de type microfibrillaire. La formation de cette texture implique tout d’abord un matériau amorphe dont l’isotropie et la densité initiales apparaissent peu modifiées jusqu’à l’atteinte d’une déformation critique (~ 1 à 85 °C et 0,01 s-1), i.e. d’un degré suffisant d’orientation des chaînes moléculaires. Au-delà de ce premier stade, les textures et cinétiques observées diffèrent significativement.
Les textures observées à l’issue d’une trempe inefficace sont vraisemblablement le fruit de la succession d’une orientation moléculaire et d’une phase de relaxation des chaînes notamment pour des niveaux d’orientation modérés. Cette phase de relaxation, qui résulte directement du caractère lent du début de la trempe, favorise l’apparition d’une phase cristalline mieux définie et plus abondante.
La cristallisation à l’issue d’une trempe efficace apparaît différente plus en terme de cinétique qu’en terme de texture. L’absence de phase cristalline bien définie à l’atteinte du durcissement structural se distingue des textures cristallines bien définies généralement rencontrées dans la littérature[85]. Bien que ces divergences puissent en partie provenir des différences de taux de di-étlyléne glycol et d’acide isophtalique en part plus importante pour les PET des bouteilles que pour les PET des films, les travaux de Gorlier et al. démontrent qu’un durcissement significatif du matériau ne coïncide pas systématiquement avec la présence d’une phase cristalline bien développée au sein du matériau.
Egalement corroborées par les observations ex-situ effectuées par Marco et al.[9], ces résultats post-mortem peuvent être complétés par les travaux de Blundell et al.[22] qui ont démontré que la cristallisation survenait essentiellement après cessation de la déformation, lors d’une étude microstructurale in-situ de films de PET mono-étirés à hautes vitesses (~ 10 à 13 s-1). Bien que les analyses microstructurales in-situ soient généralement plus précises et les temps d’exposition aux rayons-X plus courts qu’en analyse post-mortem, il reste malgré tout difficile de distinguer avec précision les phases de déformation et de cristallisation compte tenu des durées d’exposition nécessaires à l’obtention des clichés de diffraction (~ 40 ms).
Rappelons que le fait d’orienter les chaînes polymères augmente sensiblement les cinétiques de cristallisation.
Toutefois, les différentes observations réalisées jusqu’ici sont à la base d’un modèle multiphasé permettant de décrire l’évolution progressive de l’architecture moléculaire du PET au cours d’étirage uni-axiaux (figure I-22).
La première étape est caractérisée par l’orientation progressive des segments de chaînes polymères de la phase amorphe suivant la direction d’étirage. Asano et al.[57] décrivent cet ordre, obtenu en début de déformation, par une structure cristal liquide de type nématique (figure I-22(a)). Puis, lorsque le facteur d’orientation des chaînes vaut 0,3[24], les macromolécules orientées de la phase nématique s’organisent peu à peu suivant la direction perpendiculaire à l’étirage en donnant naissance à une phase smectique (figure I-22(b)). Lors de la dernière étape, cette mésophase smectique est peu à peu convertie en phase cristalline induite (figure I-22(c)).
Néanmoins, ce scénario d’évolution n’est pas immuable et dépend beaucoup des conditions d’observation et des conditions de sollicitation appliquées en terme de vitesses et de températures. Par exemple, Mahendrasingam et al.[25] déclarent n’être effectivement capables de mettre en évidence la phase smectique que pour des sollicitations mono-axiales réalisées à 90 °C et 10 s-1. Ces observations soulignent donc la nécessité de poursuivre les études précédemment menées en vue d’approfondir notre connaissance des micro-mécanismes à l’origine des modifications microstructurales du PET en cours de sollicitation en fonction des conditions thermo-mécaniques.
Etirage bi-axial d’échantillons en PET et bi-étirage soufflage des préformes
Les résultats bibliographiques recueillis lors d’essais de traction uni-axiaux constituent une première approche pour appréhender l’évolution de la microstructure du PET en cours de sollicitation. Toutefois, pour mieux comprendre comment évolue le matériau dans le cas de sollicitations multi-axiales comme lors de la mise en forme d’une bouteille, il est nécessaire d’étendre notre étude bibliographique au bi-étirage d’échantillons de PET et d’évaluer parallèlement ce qui a déjà été fait en terme de bi-étirage soufflage des préformes.
Le bi-étirage d’échantillons de PET a été traité à de multiples reprises dans la littérature. Les précédentes études ont été aussi bien réalisées sur des éprouvettes épaisses de 4 mm [9, 33-35] que sur des films de quelques centaines de micromètres[30,31,86]. Les divers résultats démontrent essentiellement que les mécanismes moléculaires, à l’origine de la cristallisation induite des échantillons bi-étirés, diffèrent selon la nature simultanée ou séquentielle des sollicitations appliquées.
|
Table des matières
I. CONTEXTE
I.1. Introduction
I.2. Quelques généralités sur le PET
I.3. Le procédé de bi-étirage soufflage appliqué au PET
I.4. Chemin de chargement lors de la fabrication d’une bouteille
I.5. Etude bibliographique de l’évolution microstructurale du PET en cours de sollicitations mécaniques
I.5.1. Description des sollicitations rencontrées
I.5.2. Données microstructurales
I.5.3 Etirage uni-axial
I.5.3.1. Genèse de la cristallisation induite
I.5.3.2. Morphologies
I.5.4. Etirage bi-axial d’échantillons en PET et bi-étirage soufflage des préformes
I.5.5. Conclusion de l’étude bibliographique
I.6. Les PET de l’étude
I.7. Démarche suivie
Références bibliographiques
II. PRESENTATION DES TECHNIQUES D’INVESTIGATION
II.1. Introduction
II.2. Caractérisation par diffraction des Rayons X
II.2.1 Analyses WAXS réalisées dans l’étude
II.2.1.1. Diffraction en chambre plane (Debye-Sherrer) et balayages
II.2.1.2. Les figures de pôles
II.2.2. Principe du SAXS
II.3. Caractérisation thermique
II.3.1. L’analyse thermique différentielle (DSC)
II.3.2. La spectroscopie mécanique par DMTA
II.4. Caractérisation morphologique
II.5. Conclusion
Références bibliographiques
III. COMPORTEMENT MECANIQUE ET MICROSTRUCTURAL DU PET AU COURS D’ESSAIS DE LABORATOIRE
III.1. Description du dispositif et du protocole expérimental
III.1.1. Détermination des conditions d’essai
III.1.2. Protocole expérimental
III.1.2.1. Protocole et dispositif d’étirage
III.1.2.2. Protocole de trempe
III.2. Evolution microstructurale du PET en cours d’étirage uni-axial
III.2.1. Tendance générale
III.2.1.1. Analyse WAXS
III.2.1.2. Analyse SAXS
III.2.1.3. Analyse DMTA
III.2.1.4. Bilan
III.2.2. Influence de la température et de la vitesse de déformation sur le comportement mécanique et microstructural du PET
III.2.2.1 Observations expérimentales
III.2.2.2 Conclusion
III.2.3. Influence d’un traitement thermique post-étirage
III.2.4 Bi-étirage de films
III.3. Discussion et comparaison à la littérature
Références bibliographiques
IV. COMPORTEMENT MECANIQUE DU PET LORS DU BI-ETIRAGE SOUFFLAGE EN SURFACE LIBRE
IV.1. Description du prototype de soufflage libre.
IV.2. Les cinématiques de soufflage libre
IV.2.1. Détermination des conditions d’essais
IV.2.1.1. Description des conditions thermiques
IV.2.1.2. Description des conditions mécaniques
IV.2.2. Etude cinématique globale
IV.2.3. Déformations locales
IV.3. Conclusion
Références bibliographiques
V. EVOLUTION MICROSTRUCTURALE DU PET LORS DU BI-ETIRAGE SOUFFLAGE
V.1. Textures induites par un soufflage en surface libre.
V.1.1. Caractérisation globale par diffraction des rayons X.
V.1.1.1 Prélèvement des échantillons
V.1.1.2. Description des textures
V.1.2. Caractérisation de l’orientation des chaînes polymères
V.2. Microstructures induites par un soufflage en surface libre.
V.2.1. Description des conditions d’essais
V.2.2. Analyse microstructurale ; Caractérisation SAXS
V.2.3. Modélisation morphologique
V.2.4. Etude complémentaire par analyse MEB
V.3. Etude comparative des échantillons soufflés sur prototype et souffleuse industrielle
V.3.1. Protocole expérimental
V.3.2. Etude comparative des microstructures
V.3.3. Quelques éléments sur les propriétés mécaniques induites
V.4. Discussion et conclusion
Références bibliographiques
VI. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
VI.1. Développement microstructural du PET lors de la mise en forme
VI.2. Cinématique de soufflage et impact du moule
VI.3. Perspectives
Références bibliographiques
ANNEXES
Télécharger le rapport complet