Comportement mécanique du sel gemme
La recherche moderne sur le comportement thermomécanique du sel a commencé au milieu des années 30 et au fur et mesure a été approfondie comme une discipline restreinte » la mécanique du sel » en prenant une dimension technique et un niveau de complexité considérable.
La rhéologie du sel gemme est particulièrement complexe car elle est le lieu de rencontre de différents phénomènes, certains liés à la structure polycristalline du sel (mouvements des dislocations, interaction entre cristaux,. . .), d’autres communs à toutes les roches quelle que soit leur structure (fissuration,. . .). Enfin, certains phénomènes sont liés à la grande solubilité du NaCl dans l’eau et confèrent à cette rhéologie des aspects inédits (migration de saumure, transport de matière assisté par fluide,. . .).
Le sel gemme présente de ce fait des comportements différents et parfois contradictoires sous diverses conditions de température, contrainte et vitesse de sollicitation. Il se présente, par exemple, comme un solide fragile sous compression simple dans des conditions habituelles, mais se comporte comme un liquide visqueux à l’échelle des temps géologiques dans les formations salifères.
Les besoins de l’ingénieur amènent, dans un premier temps, à étudier phénoménologiquement le comportement du sel gemme par des essais mécaniques réalisés au laboratoire : résistance à la compression, écrouissage, fluage, etc. Les déformations différées du sel gemme sont relativement importantes par rapport à ses déformations élastoplastiques instantanées et jouent de ce fait un rôle essentiel dans les calculs de conception et d’analyse des ouvrages géotechniques. Pour cette raison, le travail exposé consiste à étudier le comportement différé du sel gemme en particulier dans le contexte des cavités souterraines.
Le changement de forme irréversible différé d’un corps solide sans fissuration est nommé » fluage « . Le fluage du sel gemme qui est à l’origine du comportement fragile et ductile, comme pour les autres matériaux cristallins, se produit principalement par le mouvement des dislocations (glide, climb et cross-slip).
Etude bibliographique des lois viscoplastiques pour le sel
Dans cette partie, on passe en revue les principales lois rhéologiques viscoplastiques proposées dans la littérature. Beaucoup d’entre elles sont basées sur des lois qui ont été construites pour rendre compte du comportement des métaux. Dans tous les cas on s’est limité aux matériaux isotropes et aux petites déformations.
Tout d’abord il faut remarquer que le temps ne doit pas intervenir explicitement dans la formulation d’une loi rhéologique (sauf cas très particulier où l’on veut rendre compte d’un vieillissement ; voir Bérest, 1987 [3]).
Une loi dans laquelle figure explicitement le temps ne peut avoir pour ambition que de décrire une expérience particulière, elle n’a pas de validité générale. Par exemple il est courant de décrire les résultats d’une série d’essais de fluage sous divers chargement par une loi de la forme ε = Aσβt α. Toutefois, en dérivant cette relation par rapport au temps on peut éliminer la variable t et obtenir une équation différentielle liant ε, ε˙ et σ qui seule peut prétendre à constituer une loi rhéologique.
La notion de plasticité, ou de viscoplasticité, contient deux éléments distincts : d’une part l’existence d’une frontière à l’intérieur de laquelle le comportement est élastique; d’autre part une loi d’écoulement qui décrit l’évolution du matériau lorsque la frontière est atteinte ou dépassée. On peut alors évoquer deux types de loi (Extrait de Bérest, 1987 [3]) :
– loi différentielle sans critère viscoplastique (la frontière du domaine élastique tend vers zéro)
– loi différentielle avec critère viscoplastique .
Les lois du deuxième type sont celles dans lesquelles les déformations différées permanentes n’apparaissent que si, au cours d’un chargement mécanique (ou éventuellement thermique), un certain point est dépassé. On définit ainsi dans l’espace des contraintes une frontière viscoplastique par l’ensemble de ces points. Cette frontière définit un intérieur (qui contient l’origine en général) et un extérieur.
On sait qu’en plasticité une frontière est définie d’une manière analogue . Toutefois, en plasticité, l’état de contrainte ne peut pas être à l’extérieur de la frontière. Cette dernière peut évoluer au cours du temps, suivant des lois spécifiques, mais l’état de contrainte est nécessairement à l’intérieur de, ou sur, la frontière actuelle. Au contraire, en viscoplasticité, l’état de contraintes peut dépasser la limite définie par la frontière actuelle.
On considère souvent que pour des états de contraintes situés à l’intérieur de la frontière, le comportement est élastique (corps élasto-viscoplastique). Parfois, les déformations élastiques étant petites, on admet que le comportement est rigide à l’intérieur de la frontière (corps rigide-viscoplastique).
Fluage à long terme
Les modèles précédents peuvent être classés en deux grandes familles selon qu’ils admettent ou non l’hypothèse d’existence d’un état de fluage stationnaire. En faisant cette hypothèse, si on impose une contrainte constante sur un échantillon, alors après une phase transitoire où la vitesse de fluage décroît, on tend vers un régime à vitesse de déformation constante. Les modèles qui n’admettent pas cette hypothèse supposent que la vitesse décroît continuellement en raison de l’écrouissage.
Les essais de laboratoire ne permettent pas d’opter définitivement pour l’une ou l’autre des hypothèses. Néanmoins, tous les modèles proposés pour le sel s’accordent sur quelques points. Ils admettent tous que la déformation sous charge constante n’est pas bornée, et qu’elle tend vers l’infini même si sa vitesse décroît. Ils admettent également que le seuil d’écoulement est très faible, voire nul. D’autre part, ils constatent que la vitesse de déformation est fortement non linéaire en fonction de la contrainte et de la température.
Ces points communs sont d’une importance capitale pour la prévision du comportement à long terme des excavations souterraines, et réduisent la divergence entre les divers points de vue. Ils assurent, en effet, que si ces excavations sont soumises à une convergence libre, sous l’effet d’une pression interne inférieure à la pression lithostatique, leur convergence ira jusqu’à leur fermeture complète, ce qui est un résultat important pour les projets de stockage. La loi empirique la plus utilisée admettant un écrouissage continu pour le sel gemme est la loi en t α qui a été proposée par Lemaitre (1970) et Menzel-Schreiner (1977). Cette loi a l’avantage de traduire toute la courbe de fluage par une seul expression, sans avoir à distinguer une phase transitoire et une phase stationnaire.
Les modèles admettant le fluage stationnaire trouvent, par contre, leur justification dans des réflexions théoriques sur les mécanismes de déformation à l’échelle microscopique (Munson et Dawson 1984 [10], Carter et Hansen 1983 [14], Langer et al. 1984 [15]). Ils sont fondés sur l’idée suivant laquelle en imposant une charge constante sur le matériau, sa structure interne change et atteint, au bout d’une phase de fluage transitoire un nouvel état stable. Dans cet état stable, les mécanismes qui ont tendance à faire décroître la vitesse de fluage (écrouissage) et ceux qui tend à l’accroître (recouvrement) sont en équilibre, ce qui caractérise un régime stationnaire. Les paramètres caractérisant la structure interne sont principalement la densité des dislocations dans les grains et la taille des sous-grains formés par la polygonisation.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 MÉCANIQUE DU SEL ET DES CAVITÉS SALINES
1.1 Introduction
1.2 Comportement mécanique du sel gemme
1.2.1 Etude bibliographique des lois viscoplastiques pour le sel
1.2.2 Fluage à long terme
1.2.3 Fluage transitoire
1.2.4 Une version modifiée du modèle de Munson-Dawson
1.2.5 Etude bibliographique des critères de rupture et d’endommagement du sel gemme
1.3 Comportement mécanique des cavités salines
1.3.1 Introduction
1.3.2 Comparaison éprouvette/caverne
1.3.3 Intérêt de l’étude analytique
1.3.4 Cas d’une cavité sphérique
1.3.5 Endommagement du sel autour d’une caverne
1.3.6 Stabilité d’une cavité de stockage
2 COMPORTEMENT MÉCANIQUE TRANSITOIRE DES CAVITÉS
2.1 Introduction
2.1.1 Transitoire géometrique et rhéologique
2.1.2 Fluage transitoire inverse
2.1.3 Comportement transitoire et rupture
2.2 Existence d’un régime permanent
2.3 Transitoire géométrique et rhéologique
2.4 Expansion différée d’une caverne (fluage inverse)
2.4.1 Les preuves au laboratoire
2.4.2 Les preuves in situ
2.5 Etude numérique du transitoire
2.5.1 Transitoire géométrique
2.5.2 Transitoire rhéologique
2.6 Fracturation hydraulique et transitoire géométrique
2.6.1 Introduction
2.6.2 Etat de contrainte autour d’un puits
2.6.3 Effet du fluage sur la fracturation
3 PHÉNOMÈNES TRANSITOIRES DANS LES CAVITÉS SALINES
3.1 Description des phénomènes
3.1.1 Comportement Mécanique
3.1.2 Comportement thermique
3.1.3 Comportement hydraulique
3.1.4 Comportement physico-chimique
3.2 Couplage des phénomènes
3.2.1 Introduction
3.2.2 Essai d’étanchéité
3.2.3 Modélisation de l’essai d’étanchéité
4 ABANDON DES CAVITÉS SALINES
4.1 Evolution d’une cavité pleine de saumure
4.1.1 Introduction
4.1.2 Phénomènes contribuant au changement de pression
4.1.3 Evolution de la pression dans une caverne fermée
4.2 Evolution d’une cavité contenant du gaz
4.2.1 Introduction
4.2.2 Evolution de la pression dans une cavité fermée
4.3 L’essai d’abandon sur la caverne SPR2
4.3.1 Introduction
4.3.2 Les cavités de Carresse
4.3.3 Caractéristiques de la cavité SPR2
4.3.4 Evolution de la pression pendant l’essai
4.3.5 Evolution de la temperature
4.3.6 Convergence viscoplastique
4.3.7 Fuite
4.3.8 Perméation dans le sel
4.3.9 Evolution de la pression
4.3.10 Les effets atmosphériques
4.3.11 Simulation numérique
4.4 Essai d’abandon sur la caverne EZ53
4.4.1 Introduction
4.4.2 Expansion thermique de la saumure
4.4.3 Fluage du sel
4.4.4 Perméation de la saumure
4.4.5 Fuite
4.4.6 Résultats de l’essai
CONCLUSION GÉNÉRALE
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