Pour subvenir à ses besoins du quotidien, l’Homme au fil de son existence a toujours utilisé des matériaux naturels dans la construction des ouvrages en terre parmi lesquels les barrages ; les digues ; remblais autoroutiers ; aéroportuaire…. Ces ouvrages peuvent avoir plusieurs fonctions pouvant aller de bassins de retenue d’eau pour les aménagements hydroagricoles à la protection des biens et des personnes en passant par la production d’électricité et d’eau potable.
De plus en plus le recours à ces types d’ouvrages augmente car en plus de l’explosion démographique qui accroit les besoins en eau, le réchauffement climatique augmente les risques d’inondation et le besoin d’ouvrages de protection. Selon la commission internationale de grands barrages (ICOLD, 2010), il existerait plus de 50 000 grands barrages (H>15mètres) dans le monde. Si on tient compte de ceux dont la hauteur est inférieure à 15 mètres, ce chiffre s’élèverait à plus de 150 000.
En France, on dénombre un immense patrimoine d’ouvrages de retenue dont plus de 8 000 km de digues, 6700 km de voies navigables, 1000 km de canaux hydroélectriques, etc. (Pham 2008). Bon nombre d’entre eux sont exploités par EDF qui dispose de 435 centrales hydrauliques et 447 barrages pour la production d’électricité. La plus part de ces ouvrages ont été construits il y a plus d’un siècle et avec des techniques anciennes ne répondant plus aux normes actuelles. Leur structure reste donc très peu maitrisée.
Les milieux granulaires : définitions et Caractéristiques
Les milieux granulaires sont des substances très diverses constituées d’une collection de particules de taille supérieure à 100 µm (Brown & Richards (1970)). Les particules plus fines sont appelées poudres (entre 1 µm et 100 µm) ou colloïdes (entre 1 nm et 1 µm). Le tas de sable ; les ballastes des voies ferrées ; les poudres compactées des cachets de médicaments… sont quelques exemples de milieux granulaires.
Ce milieu constitué d’éléments multiples se caractérise par des comportements particuliers. En effet, il existe un grand écart entre les propriétés à grande échelle du matériau et les propriétés individuelles des grains. Sa structure est généralement formée d’un squelette constitué des grosses particules dont les pores contiennent les petites particules. Ces petites particules peuvent se mouvoir à l’intérieur de ces pores sous l’effet des sollicitations hydriques ou mécaniques. Il ne possède pas de liaison chimique, donc pas de cohésion. Un amas de ce matériau tient uniquement sous l’effet des forces de contact inter granulaires Les milieux granulaires, composant les sols terrestres et sous-marins, sont présents en grande quantité dans la nature. Les dunes de sable, les rides et les figures d’érosion (formes provoquées par une érosion torrentielle) sont des structures naturelles localement spatialisées résultantes de leur présence (Charru et al. (2013)).
Ce type de matériau est omniprésent dans plusieurs domaines tels que :
❖ L’extraction minière (Extraction, transport, broyage, Tamisage des minerais, …),
❖ le bâtiment et le génie civil (béton, ballast des chemins de fer, remblai dans les ouvrages en terre,. . .),
❖ l’industrie chimique pharmaceutique, l’agroalimentaire etc.
Chacun de ces domaines rencontre des problèmes qui pourraient être liés au stockage, au transport, à l’écoulement, au mélange, à la transformation, au comportement hydrique et mécanique.
Caractéristiques d’un milieu granulaire
Caractéristiques physiques
Malgré leur importance dans plusieurs domaines industriels et géophysiques, les milieux granulaires résistent encore pour bien des points à notre compréhension et description et font l’objet de nombreuses recherches (Guyon & Troadec, (1994), Duran (1997), Hermann & al. (1998), De Gennes (1998), Kishino (2001)). Les propriétés macroscopiques d’un milieu granulaire sont fortement liées aux caractéristiques de ses particules parmi lesquelles : La nature des particules (silice, sucre, métal, etc.) ; la géométrie des particules (sphères, sphéroïdes, polyèdres convexes, polyèdres étoilés, grains concassés), leurs dimensions (les grosses particules forment un cône plus plat) ; la distribution granulométrique des grains, leur masse volumique, la teneur en eau du sol. Eventuellement, pour aller plus loin, ou en vue de faire des modélisations, il peut s’avérer nécessaire de définir des grandeurs mécaniques, comme le coefficient de restitution lors d’un choc entre deux grains, la rigidité des grains, ou encore le coefficient de friction inter-grains. On peut aussi considérer le milieu granulaire comme un milieu continu. Dans ce cas, nous pouvons relever la densité moyenne ou locale du milieu granulaire, l’angle de talus à l’équilibre, évaluer le tenseur des contraintes moyen, ou caractériser le mouvement relatif des grains. Les propriétés des grains et du milieu continu équivalent sont fortement dépendantes : la densité peut par exemple être influencée par la morphologie des grains ou leur distribution granulométrique .
La forme des grains
Les critères de Wadell (1935) et de Powers (1953) basés sur l’arrondi et la sphéricité sont généralement utilisés pour caractériser la morphologie des grains. Cette notion d’arrondi et de la sphéricité a été introduite pour caractériser des particules de quartz.
Chaque grain ayant une forme propre, ce dernier est donc une caractéristique intrinsèque des milieux granulaires pouvant influencer fortement leur comportement mécanique (Rothenburg & Bathurst (1989), Mirghasem & al. (2002), Azema, & al. (2007)).. De par la diversité des minéraux entrant dans leur composition et celle des conditions de leur formation les sols granulaires apparaissent comme les matériaux naturels présentant les formes de grains les plus variées. Ainsi, plusieurs études et classifications se sont portées sur la forme des grains dont on ne retiendra que les aspects essentiels (Mitchell & Soga (2005)). L’échelle d’observation joue aussi un rôle capital dans la caractérisation de la forme des particules. A l’échelle de la particule, on décrit la forme générale de la particule en termes de sphéricité, d’arrondi. A une échelle inférieure, celle des aspérités ; c’est l’état de surface des particules qui est décrit en termes de rugosité, d’arrondi des sommets… En mécanique des sols, la description des particules est limitée à l’échelle d’observation à l’aide des dispositifs optiques. A cette échelle, on peut résumer la forme des particules en termes de sphéricité et d’arrondi par opposition à l’angularité (Voivret (2008)).
La distribution granulométrique
En géotechnique, un échantillon de sol peut être défini par sa distribution granulométrique. La distribution granulométrique renseigne sur les tailles de particules mises en jeu ainsi que sur les proportions en masse de chaque taille de particules présente dans les matériaux granulaires naturels ou industriels. Dans l’ingénierie civile, l’utilisation de la granulométrie mono diamètres est très rare. La présence de particules de tailles différentes, et souvent à des proportions différentes, joue un rôle important dans le comportement mécanique des matériaux granulaires au sens où la présence de différents ordres de grandeurs de taille de grains change radicalement l’arrangement des particules (Voivret & al. (2007)). Le comportement macroscopique étant dépendant du réseau de contacts qui s’établit entre les grains, une modification de l’arrangement de ces derniers modifie également les caractéristiques, autant locales que macroscopiques, d’un matériau granulaire. Le type de projet de génie civil détermine le type de granulométrie à choisir. les ?? sont des diamètres correspondant à ? pourcent de passants. Les diamètres ?10 , ?30 ?50, ?60 sont des grandeurs caractéristiques de la courbe granulométrique. Ils permettent de définir :
❖ Coefficient d’uniformité ?? = ?60 / ?10 permet de caractériser l’étalement de la courbe granulométrique. Ainsi, une granulométrie est dite étalée lorsque son Coefficient d’uniformité ?? > 3 et serrée si ?? < 3.
❖ Coefficient de courbure ?? = ?²₃₀/ /(?10 ∗ ?60) : il renseigne sur la forme de la courbe granulométrique. Par exemple, lorsque ?? > 3 pour un sable, alors 1 < Cc < 3 permet d’avoir une granulométrie bien étalée. Pour permettre de définir le choix de granulométrie pour le besoin croissant de granulats de qualités et adaptés aux besoins du génie civil des appellations ont été mis en place en fonction des tailles des particules qui constituent les granulats.
Densité d’un empilement de sphères polydisperses :
Dans la pratique, les milieux granulaires ne sont pas constitués de sphères de diamètres identiques. Un empilement polydisperse est un amas constitué de sphères de plusieurs diamètres différents. La densité minimale d’un empilement polydisperse de sphères est toujours supérieure à celle d’un empilement aléatoire monodisperse lâche CRLP. Le plus simple de ces empilements est le mélange binaire qui est constitué de sphères de deux diamètres différents. La densité de ce type d’arrangement dépend non seulement de la fraction des petites particules mais aussi du rapport entre les deux diamètres.
On trouve aussi plusieurs travaux de recherche qui exposent des algorithmes permettant de déterminer numériquement la densité d’un empilement polydiperse (Al-Raoush et al. (2007) et Jia et al. (2007)). Ces algorithmes obtiennent des structures et des densités proches de celles mesurées dans la réalité, par exemple à l’aide d’un tomographe à rayons X.
Particules de forme quelconque :
De Larrard (2002) a développé un modèle permettant de déterminer une densité virtuelle atteinte pour un mélange de grains avec un maximum de serrage. Ce modèle a été aussi repris dans les travaux de Guillemin (2008) sur les suspensions concentrées.
En mécanique des sols, la densité est la grandeur déterminante dans la construction des ouvrages. Ainsi, (Scott, 1963) montre que la dilatance d’un sol dépend de la densité de l’empilement initial. Si cette densité est supérieure à la valeur de la densité critique, on observe plus de dilatance, et si elle est plus faible on assiste à une contractance lors d’une déformation due à une contrainte de cisaillement . Cette densité critique correspond à des grandes déformations du sol à volume constant sous une contrainte de cisaillement constante. D’après Bousaid (2004), Casagrande (1936) airait constaté que la densité critique d’un sable est fonction de la contrainte normale ?? et émet l’idée d’indice des vides critique. Pour lui, cette valeur d’indice des vides matérialise la limite initiale à partir de laquelle un sol peut être dilatant ou contractant.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1: Les milieux granulaires : définitions et Caractéristiques
1.1. Introduction
1.2. Caractéristiques d’un milieu granulaire
1.2.1. Caractéristiques physiques
1.2.1.1. La forme des grains
1.2.1.2. La distribution granulométrique
1.2.1.3. La densité d’un milieu granulaire
1.3. Généralités sur les écoulements dans les milieux poreux
1.3.1. Le milieu granulaire non saturé
1.3.2. Ecoulement d’un fluide dans un milieu poreux
1.3.2.1. Ecoulement de Darcy
1.3.2.1.1. Equation de Darcy généralisée
1.3.2.1.2. Equations de Navier-Stockes pour un fluide incompressible
1.3.3. Dynamique des particules dans un milieu poreux soumis à un écoulement
1.3.3.1. Transport de particules dans les sols
1.4. Caractéristiques mécaniques
1.4.1. Essai à l’appareil triaxial
1.4.2. Etat critique d’un sol
1.5. Conclusion
Chapitre 2 : Instabilités internes dans les milieux granulaires
2.1. Introduction
2.2. Sens des terminologies décrivant le déplacement des particules selon les auteurs
2.3. Instabilité et typologie d’érosion interne
2.3.1. Les phénomènes d’arrachement
2.3.2. Les phénomènes de transport
2.3.3. Critères de stabilité
2.3.3.1. Critères géométriques
2.3.3.1.1. Critères de Terzaghi (1939)
2.3.3.1.2. U.S Army Corps of Engineers, USACE (1953)
2.3.3.1.3. Le critère de Lubochkov (1969)
2.3.3.1.4. Kezdi (1969, 1979)
2.3.3.1.5. Critère de De Mello (1975)
2.3.3.1.6. Sherard (1979) et de Sherard et Dunningan (1986)
2.3.3.1.7. Critère de Kovacs (1981)
2.3.3.1.8. Critère de Kenney et Lau (1985, 1986)
2.3.3.1.9. Approche de Lafleur et al. (1989,1993)
2.3.3.1.10. Critère de Sun (1989)
2.3.3.1.11. Critère de Chapuis (1992,1996, 2006)
2.3.3.1.12. Critère de Burenkova (1993)
2.3.3.1.13. Critère de Honjo et al (1996)
2.3.3.1.14. Travaux de Wan et Fell (2004, 2008)
2.3.3.1.15. Critère de Liu (2005) et Mao (2005)
2.3.3.1.16. Critère de Li (2008), Li et Fannin (2008)
2.3.3.1.17. Le critère de Adrianatrehina et al. (2012)
2.3.3.2. Les critères hydrauliques
2.3.3.2.1. Le gradient hydraulique critique de Terzaghi
2.3.3.2.2. Skempton et Brogan (1994)
2.3.3.2.3. Wan et Fell (2004)
2.3.3.2.4. Liu (2005) ; Mao (2005) et Moffat (2005)
2.4. Conclusion sur les critères de stabilité
Chapitre 3 : Modélisation des milieux granulaires
3.1. Introduction
3.2. La Méthode des Eléments Finis (FEM)
3.3. Smoothed Particles Hydrodynamics (SPH)
3.4. La Méthode des Eléments Discrets (DEM)
3.4.1. Mouvement des particules
3.4.2. Détection des contacts particules-particules
3.4.3. Le calcul des contraintes
3.4.4. Le cycle de calcul
3.4.5. L’amortissement
3.4.6. Le pas de temps
3.5. Couplage fluide- solide par la méthode DEM
3.5.1. Les écoulements fluides dans PFC3D
3.6. Conclusion
Chapitre 4 : Modélisation numérique des écoulements et du comportement mécanique sur des chemins triaxiaux
4.1. Introduction
4.2. Modèle de génération d’un milieu granulaire
4.2.2. Génération d’un matériau granulaire avec une granulométrie et une porosité cibles
4.2.3. Validation du modèle de génération
4.3. Matériaux utilisés
4.4. Modélisation d’un écoulement dans un milieu granulaire
4.4.1. Interaction fluide-solide
4.4.2. Conditions aux limites
4.4.3. Solution numérique
4.5. Modélisation du comportement d’un milieu granulaire sur des chemins triaxiaux
4.6. Conclusion
Conclusion générale