Le réseau routier constitue un paramètre indispensable pour le bon développement d’une région en particulier, et pour un pays en général. Les pays en développement s’investissent de plus en plus dans la construction d’infrastructures routières qui participe à l’essor économique et au désenclavement des zones reculées. Pour leur conception, on utilise un certain nombre de paramètres parmi lesquels la portance de la plate-forme, la qualité des matériaux utilisés en couches de chaussée et le niveau du trafic routier. Cependant, dans nos pays, les chaussées se caractérisent le plus souvent par une durée de vie courte matérialisée par un endommagement prématuré. Les caractéristiques des matériaux constituants les assises des chaussées doivent bien répondre à certaines exigences minimales de qualité. En ce qui concerne le corps de la chaussée plusieurs catégories de matériaux peuvent être utilisées. Cependant, les ingénieurs routiers, par souci d’économie, sont contraints de tenir compte des distances de transport et des moyens d’exploitation des gisements. Ceci les a amené à utiliser des matériaux très particuliers ou présentant des qualités souvent inférieures, et cela dans toutes les couches du corps de chaussée.
En Afrique subsaharienne, les formations latéritiques représentent les plus abondantes ressources de matériaux «économiquement» disponibles (BCEOM-CEBTP, 1984). Ces matériaux une fois extraits sont livrés directement aux clients sans subir de traitements industriels, ce qui réduit très souvent leur coût. Au Sénégal, on a toujours compté sur ces formations latéritiques pour réaliser les assises de chaussées. Mais il est important d’attirer l’attention des concepteurs de chaussées sur un certain nombre de constats effectués, comme :
❖ le niveau du trafic et le nombre de poids lourds qui ne cessent de croître (augmentation généralisée du trafic aussi bien du point de vue nombre de cycles que de la charge à l’essieu), ce qui se traduit par une augmentation des exigences de la qualité du matériau,
❖ une demande de plus en plus importante en matériaux de construction ;
❖ la raréfaction des matériaux latéritiques de qualités satisfaisantes vis à vis des spécifications en vigueur qui se basent essentiellement sur l’expérience et non sur la proposition de normes effectives ; ces dernières sont non existantes.
Comportement des Graves Non Traitées sous sollicitations cycliques
Les matériaux granulaires non traités sont constitués de granulats, d’air et d’eau et sont généralement utilisés en couches de base ou de fondation des chaussées souples. D’un point de vue microscopique, la déformation d’un matériau granulaire sous chargement d’essieu consiste en une consolidation, une distorsion et une attrition (Evesque, 1999). Dans la plupart des modèles de calcul multicouches, le milieu granulaire est considéré comme continu et l’observation du comportement se fait à l’échelle macroscopique. Dans les chaussées souples constituées de Graves Non Traitées (GNT), le principal mode de dégradation est l’orniérage, qui est dû essentiellement à l’accumulation des déformations irréversibles (ou les déformations permanentes) dans les couches en matériaux non liés. L’absence de liant impose aussi à ces matériaux de supporter plus d’efforts d’attrition sous l’effet des contraintes induites par les charges roulantes. Ainsi, un dimensionnement adéquat d’une structure de chaussée souple passe nécessairement par une bonne compréhension du comportement mécanique des matériaux sous sollicitations cycliques, à long et à court termes.
Charges roulantes et contraintes dans les couches de GNT
Les charges sur la chaussée sont mobiles et cycliques, caractérisées sous le support de chargement, par la rotation des directions des contraintes principales. En effet, les contraintes verticales et horizontales (positives) sont maximales sous la roue alors que la contrainte de cisaillement s’annule sous la roue et s’inverse après le passage de celle-ci (Lekarp et Dawson, 1997). Sous chargements cycliques, les Graves Non Traitées sont caractérisées par une augmentation rapide des déformations permanentes dès les premiers cycles de chargement, puis, au fur et à mesure que le nombre de cycles augmente, celles-ci se stabilisent et le comportement devient essentiellement réversible permettant dés lors de définir un module appelé Module Réversible (Yoder et Witzack, 1975 ; Paute, 1994 ; Martinez, 1982 et 1990). Toutes les études montrent aussi que ce comportement est élastoplastique non linéaire (Huang, 1993 et 2004) (figure I.1). Ainsi, pour prendre en compte cette non linéarité et rompre avec les théories traditionnelles élastiques, la rigidité des matériaux granulaires est définie par un Module Réversible variant en fonction de l’état des contraintes. Ce Module Réversible est l’un des paramètres les plus importants pour le dimensionnement mécanistique des chaussées souples.
L’analyse des déformations permanentes permet d’étudier le comportement à long terme des GNT notamment pour prédire les déformations plastiques, qui engendrent l’orniérage et la dégradation des chaussées souples.
Essai triaxial à chargement répété
La procédure expérimentale que nous avons utilisée est décrite par le NCHRP Project 1-28A (NCHRP, 2004). L’appareil triaxial à chargements répétés est le dispositif expérimental de référence pour caractériser le comportement mécanique des GNT. Il est constitué d’une cellule triaxiale, de capteurs de déformations (encore appelés « Linear Variable Differential Transformers » ou « LVDTs »), d’un dispositif de chargement cyclique et d’un système informatique d’acquisition des données. Dans la cellule triaxiale, l’éprouvette est soumise à un chargement cyclique et simultanée d’une contrainte verticale σ1 (sous l’effet d’une charge verticale q) et d’une contrainte statique de confinement σ3, suivant différentes séquences. Les capteurs de déformations internes (« LVDTs » internes placés dans le tiers central de l’éprouvette) et les capteurs de déformations externes (« LVDTs » externes), permettent de mesurer les déformations internes et externes de l’éprouvette. Ainsi, à chaque cycle, on peut déterminer les déformations réversibles et les déformations permanentes.
L’étude du comportement réversible comprend deux phases. Dans la première, on applique à l’éprouvette un conditionnement avec un nombre de cycles déterminé et selon un chemin de contrainte variant suivant la norme prescrite et simulant ainsi l’évolution du chargement routier. Au cours de ce processus, il y a une augmentation rapide des déformations permanentes lors des premiers cycles, puis celles-ci sont stabilisées après plusieurs centaines de cycles chargements et on obtient un comportement réversible non linéaire. Cependant, si les sollicitations sont trop élevées, les déformations permanentes augmentent jusqu’à la rupture éventuelle du matériau. Le conditionnement est assimilé aux sollicitations sévères que subit le matériau lors du compactage et les trafics de chantier.
Pendant la deuxième phase, l’éprouvette est chargée cycliquement suivant différentes contraintes de confinement et différentes contraintes axiales pour l’étude du comportement réversible. Les déformations axiales et radiales ainsi que la pression de confinement et la force axiale sont enregistrées. L’étude du comportement irréversible (anélastique) se fait sans conditionnement. La procédure expérimentale consiste à faire subir à l’éprouvette plusieurs milliers de cycles de sollicitations selon un ou différents chemins de contraintes prédéfinis. Les déformations axiales, la pression de confinement et la force de compression sont relevées à différents nombres de cycles prédéterminés.
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Table des matières
Introduction générale
Partie I – Comportement mécanique des matériaux granulaires et dimensionnement par la méthode Mécanistique-Empirique
Chapitre I – Comportement des Graves Non Traitées sous sollicitations cycliques
1. Introduction
2. Charges roulantes et contraintes dans les couches de GNT
3. Essai triaxial à chargement répété
4. Facteurs affectant le comportement cyclique des Graves Non Traitées
5. Modélisation du comportement cyclique des Graves Non Traitées
6. Conclusion
Chapitre II – Analyse du comportement des chaussées souples et dimensionnement par la méthode Mécanistique-Empirique
1. Introduction
2. Principe et concepts de la méthode Mécanistique-Empirique
3. Le « Mechanistic Empirical Pavement Design Guide » ou « MEPDG »
4. Conclusion
Partie II – Caractérisation des matériaux de l’étude
Chapitre III – Caractérisation des matériaux de l’étude et Principe de la méthode
1. Introduction
2. Caractérisation géologique
3. Caractérisation physique et mécanique
4. Matériel et procédure expérimentale
5. Conclusion
Partie III – Etude du Comportement Réversible des Graves Non Traitées sous sollicitations cycliques
Chapitre IV – Comportement Réversible des granulats concassés de Bakel – Comparaison avec d’autres granulat-types utilisés en couche de base
1. Introduction
2. Programme expérimental
3. Résultats expérimentaux
4. Conclusion
Chapitre V – Interprétations et Analyses des Modules Réversibles Expérimentaux
1. Introduction
2. Analyses de régression
3. Interprétation des analyses de régression
4. Conclusion
Chapitre VI – Effet de la Succion sur le Module Réversible des matériaux granulaires
1. Introduction
2. Théorie de la succion – Notion de Courbe Caractéristique Sol-Eau
3. Mesure de la succion dans les matériaux granulaires
4. Prise en compte de la succion dans le dimensionnement M-E
5. Effet de la succion sur le Module Réversible
6. Conclusion
Partie IV – Etude du comportement à long terme et « in situ » des Graves Non Traitées
Chapitre VII – Comparaison du comportement irréversible des granulats concassés de Bakel avec les matériaux de référence au Sénégal
1. Introduction
2. Quelques aspects théoriques
3. Etude et Procédure expérimentales
4. Résultats expérimentaux
5. Conclusion
Chapitre VIII – Expérimentation à Grande Echelle des quartzites de Bakel et du basalte de Diack – « Large Scale Model Experiment »
1. Introduction
2. Caractéristiques de l’appareil « 20 kips » et principe de la méthode
3. Résultats et analyses
4. Détermination du coefficient de la couche de base selon la méthode AASHTO (AASHTO, 1993)
5. Conclusion
Conclusion générale