Comportement mécanique de composites oxydes

La réduction de consommation de carburant est l’un des axes majeurs de développement des principaux avionneurs que sont Airbus, Boeing et dorénavant Comac. L’allègement des structures des avions est la solution majeure à cette problématique. L’introduction de structures composites, plus légères que les pièces métalliques, a permis une diminution des masses structurales des avions. La mise en circulation ces dernières années des Boeing 787 et Airbus A350, composés à plus de 50% en matériaux composites, est le fruit de plus de 30 ans de développement des structures composites dans l’aéronautique. Ces avancées ont permis une réduction de 20% de consommation de carburant.

L’abaissement de la consommation de carburant impacte également les motoristes qui doivent proposer aux avionneurs des propulseurs de moins en moins gourmands en kérosène. La conception de nouveaux matériaux est au cœur de cette problématique. Encore une fois, l’introduction de structures composites constitue le principal axe de développement. L’introduction d’aubes de soufflantes en CMO (composites à matrice organique) à tissage tridimensionnel dans les moteurs LEAP de CFM International (coentreprise regroupant General Electric et Safran Aircraft Engines) en est le principal exemple.

La mise en place de matériaux composites ne se cantonne pas uniquement aux parties froides des moteurs d’aviation civile. En effet, les matériaux composites à matrice céramique (CMC) sont développés dans l’optique de remplacer les superalliages métalliques présents dans les parties chaudes des moteurs. Les CMC se caractérisent par d’excellentes propriétés thermomécaniques et des densités inférieures à celles des superalliages. Leur introduction doit permettre d’obtenir des températures de combustion plus élevées qui optimisent les performances des moteurs et diminuent leur consommation en carburant. Une des premières applications des CMC se trouvent aux niveaux des arrières corps des moteurs d’aviation civile. Notons l’introduction d’une tuyère en CMC composé de fibres de carbure de silicium et d’une matrice multi-séquencée [Si-B-C] dans un moteur d’aviation civile en service (programme ARCOCE mené par Safran). Le principal frein limitant le déploiement de ces pièces dans les moteurs est lié au coût de production dû à la complexité des procédés de fabrication mis en œuvre.

Les coûts de production des CMC base carbure ont poussé les motoristes à s’intéresser à une autre gamme de CMC pour les arrière-corps : les CMC composés de fibres et de matrice oxyde (appelés CMC oxyde ou composite oxyde). Ces matériaux se caractérisent par des propriétés thermomécaniques stables jusqu’à 1000°C, températures supérieures à celles présentes au niveau des arrière-corps. La mise en œuvre de ces matériaux est moins onéreuse que les CMC base carbure (appelé également CMC non oxyde), avec des procédés de fabrication similaires à ceux des CMO. Le développement de ces matériaux depuis les années 1990 a permis la réalisation de pièces d’arrière corps en CMC oxyde tels que des tuyères (projet CLEEN de Boeing) et des mélangeurs (Passport 20 de General Electric) . En plus de diminuer le poids et la consommation des moteurs, ces pièces peuvent permettre la réduction des nuisances sonores.

Composites oxydes

Les matériaux analysés lors de cette étude font partie des composites à matrice céramique (CMC) qui se décomposent en trois familles : les composites à matrice vitrocéramique, les composites non oxydes et les composites oxydes. Les CMC ont été développés dans le but d’obtenir des matériaux résistants à l’endommagement avec des propriétés thermiques proches de celles des céramiques monolithiques. La résistance à l’endommagement est obtenue via la déviation de fissures au niveau de l’interface fibrematrice. La différence de propriétés mécaniques entre deux constituants doit être suffisamment importante pour parvenir à la déviation de la fissure [Kerans 1989, Evans 1990]. Dans le cadre des CMC, deux catégories de matériaux existent pour obtenir la déviation de fissure. D’une part les CMC avec interphase faible [Davis 1993] où une interphase (module faible) est placée entre la fibre et la matrice (module élevé) . D’autre part, les CMC avec une matrice de faible module où la déviation s’effectue directement au niveau de l’interface avec la fibre de module élevé .

Les composites non-oxydes sont pour la plupart constitués d’interphases qui jouent également le rôle de barrière protectrice à l’oxydation des fibres [Naslain 1993]. Les composites oxydes sont majoritairement basés sur le concept de matrice à faible module [Lange 1995, Levi 1998, Zok 2001], ils sont constitués de fibres et de matrice présentant des systèmes unaire, binaire ou ternaire d’oxydes. Les oxydes en jeu sont principalement des oxydes d’aluminium, de silicium ou de zirconium. Bien qu’inférieures à celles des composites non-oxydes, les composites oxydes présentent des propriétés thermomécaniques intéressantes pour des températures allant jusqu’à 1000°C. De plus, la mise en forme des composites oxydes, se rapprochant des procédés utilisés pour les composites à matrice organique (CMO), est moins onéreuse.

Constituants

Les composites oxydes sont composés pour la plupart de fibres de faibles diamètres (10 – 16 µm) regroupées sous forme de fils. Les fils servent de base à la création de l’armure textile du composite. La structure fibreuse est entourée de matrice. Des pièces de géométries simples (plaques, cylindres) ou complexes (tuyères, mélangeurs de moteur d’aviation) peuvent ainsi être réalisées. Les matériaux étudiés dans la littérature sont composés de différents systèmes qui influent sur les caractéristiques du composite.

Fibres
La majeure partie des composites oxydes de la littérature sont constitués de fibres Nextel™ de la société 3M™. Ces fibres, obtenues par procédé sol-gel (solution gélation), sont principalement composées d’alumine avec une faible granulométrie.

Le succès des fibres Nextel™ est notamment dû à leur tenue mécanique, la faible granulométrie des fibres permet d’atteindre des niveaux élevés de contrainte [Deleglise 2001, Poulon-Quintin 2004]. De par leur teneur en alumine plus importante, les propriétés mécaniques à température ambiante des fibres Nextel™610 sont supérieures à celles des fibres Nextel™650 et 720.

La présence de systèmes binaires d’oxyde dans les fibres Nextel™650 et 720 favorisent néanmoins leur tenue en température [Wilson 2013]. Ces systèmes ralentissent les cinétiques de frittage qui apparaissent au-delà de 900°C dans le cas de l’alumine [Young 1970, Zeng 1999]. Les fibres Nextel™720 se caractérisent par une bonne résistance au fluage pour des températures dans le domaine 900°C – 1200°C. Cette caractéristique est notamment due à la présence de mullite (3Al2O3, 2SiO2) dans cette fibre (40% en masse) qui est naturellement plus résistante au fluage que l’alumine. L’évolution de la microstructure de la fibre Nextel™720 sous conditions de fluage à haute température vers des grains d’alumine allongés semble également améliorer la résistance au fluage des fibres [Deleglise 2001]. La présence de zircone avec une très faible granulométrie dans les fibres Nextel™650 améliore leur flexibilité et donc leur mise en œuvre dans des structures composites [Poulon-Quintin 2004].

Le choix de la fibre est donc dépendant de l’application visée. Les fibres Nextel™610 s’avèrent plus adaptées aux sollicitations mécaniques élevées (contrainte à rupture de 3,3 GPa) et des températures inférieures à 900°C, alors que les fibres Nextel™720 conviennent pour des sollicitations mécaniques moindres (contrainte à rupture de 2,1 GPa) à des températures allant jusqu’à 1150°C. La fibre Nextel™650, présente un compromis entre les nuances 610 et 720, elle reste cependant peu utilisée dans les CMC oxydes.

Matrice

Afin de permettre la déviation de fissures dans les composites oxydes, la mise en forme d’une matrice présentant des propriétés mécaniques inférieures à celles des fibres est nécessaire. Les propriétés de ténacité (en J.m-2) et de module d’Young de la matrice nécessitent donc d’être abaissées afin d’obtenir un comportement endommageable au sein des composites oxydes  [Evans 1990, Zok 2001]. Cependant, les propriétés mécaniques de la matrice doivent être suffisantes pour assurer une bonne tenue structurelle et mécanique au matériau composite. Ces critères contradictoires sont à prendre en compte lors de la mise en œuvre de composites oxydes.

La technique mise à profit pour abaisser les propriétés mécaniques de la matrice tout en conservant ses propriétés thermiques est d’insérer de la porosité dans la matrice [Lange 1995, Tu 1996]. La porosité matricielle doit être suffisamment fine et répartie de manière homogène afin de ne pas créer des sites préférentiels à la formation de fissures. La création de porosités submicroniques est principalement réalisée lors du frittage de poudre. Le frittage consiste à chauffer une poudre à une température inférieure à sa température de fusion. Plus la température exercée est élevée, plus les cinétiques de frittage sont importantes. Sous l’effet de la température, des ponts sont créés entre les grains, qui amènent à une densification progressive de la structure. Dans le cadre des composites oxydes, un frittage partiel est effectué afin d’obtenir un réseau matriciel interconnecté dans l’ensemble de la structure.

La détermination des propriétés mécaniques de matériaux céramiques obtenus par frittage est un domaine très étudié [Spriggs 1961, Nagarajan 1971, Green 1988, Boccaccini 1997, Asmani 2001]. Une baisse importante des propriétés élastiques est observée lorsque le matériau d’étude est partiellement fritté . Dans le cadre des CMC oxydes, la porosité matricielle est comprise entre 35 et 50%. Des modélisations par éléments finis de poudre partiellement frittée donnent des estimations des propriétés mécaniques de la matrice via des techniques d’homogénéisations  [Richter 2013]. Les valeurs de modules d’Young de la matrice sont estimées entre 20 et 50 GPa en fonction du niveau de la porosité et de la nature de la matrice, soit un ordre de grandeur inférieur au module des fibres .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. Composites oxydes
I.1.1. Constituants
I.1.2. Procédé de fabrication
I.1.3. Propriétés mécaniques
I.1.4. Scénarios d’endommagement proposés
I.2. Suivi de l’endommagement par émission acoustique
I.2.1. Présentation de la technique de l’émission acoustique
I.2.2. Indicateurs d’endommagement
I.2.3. Analyse statistique multi-paramètre
I.2.4. Limites à l’identification de la signature acoustique des différents mécanismes d’endommagement
I.3. Suivi de l’endommagement par essais in-situ
I.3.1. µ-tomographie par rayons-X
I.3.2. Microscopie électronique à balayage
I.3.3. Couplage essais in-situ – émission acoustique
I.3.4. Principales limites des essais in-situ
I.4. Bilan de la synthèse bibliographique et méthodologie choisie
I.4.1. Faits marquants de la bibliographie
I.4.2. Démarche de travail choisie
CHAPITRE II : NUANCES D’ETUDE ET MOYENS DE CARACTERISATION
II.1. Nuances de matériau étudiées
II.1.1. Morphologie macroscopique des nuances
II.1.2. Morphologie microscopique des nuances
II.1.3. Représentation des microstructures
II.2. Essais mécaniques
II.2.1. Présentation des éprouvettes
II.2.2. Essais de caractérisation mécanique
II.2.3. Essais de traction in-situ sous synchrotron
II.2.4. Essais de traction in-situ sous MEB
II.2.5. Bilan des essais réalisés
II.3. Protocole d’analyse des données d’émission acoustique
II.3.1. Post-traitement
II.3.2. Localisation des sources d’émission acoustique
II.3.3. Analyse globale de l’activité acoustique
II.3.4. Analyse statistique multi-paramètre
II.4. Organisation de l’étude
CHAPITRE III : ANALYSE MACROSCOPIQUE DU COMPORTEMENT MECANIQUE
III.1. Propriétés en traction dans l’axe des fibres
III.1.1. Propriétés mécaniques
III.1.2. Faciès de rupture
III.1.3. Activité acoustique
III.2. Propriétés en traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
III.2.1. Propriétés mécaniques
III.2.2. Faciès de rupture
III.2.3. Activité acoustique
III.3. Visualisation de l’endommagement sur éprouvette macroscopique
III.3.1. Observation de l’endommagement de la nuance B
III.3.2. Observation de l’endommagement de la nuance C
III.4. Bilan de l’analyse macroscopique
CHAPITRE IV : ANALYSE MICROSCOPIQUE DE L’ENDOMMAGEMENT
IV.1. Représentativité mécanique des essais in-situ
IV.1.1. Propriétés mécaniques en traction dans l’axe des fibres
IV.1.2. Propriétés mécaniques en traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
IV.2. Suivi de l’endommagement en traction dans l’axe des fibres
IV.2.1. Endommagement de la nuance B en traction dans l’axe des fibres
IV.2.2. Endommagement de la nuance C en traction dans l’axe des fibres
IV.3. Suivi de l’endommagement en traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
IV.3.1. Endommagement de la nuance B en traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
IV.3.2. Endommagement de la nuance C en traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
IV.4. Bilan des essais in-situ
IV.4.1. Scénario d’endommagement en traction dans l’axe des fibres
IV.4.2. Scénario d’endommagement en traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
CHAPITRE V : IDENTIFICATION DE LA CHRONOLOGIE DES MECANISMES D’ENDOMMAGEMENT VIA L’ANALYSE DES SOURCES D’EMISSION ACOUSTIQUE
V.1. Activité acoustique détectée par les deux types de capteurs
V.2. Classification non supervisée des sources d’émission acoustique
V.2.1. Choix des descripteurs pertinents et structuration des données
V.2.2. Caractéristiques des classes
V.3. Activité acoustique et labellisation des classes
V.3.1. Activité acoustique des différentes classes lors des essais de traction dans l’axe des fibres
V.3.2. Activité acoustique des différentes classes lors des essais de traction à ±45° par rapport à l’axe des fibres
V.3.3. Labellisation des classes
V.3.4. Influence du milieu de propagation d’un composite oxyde sur les caractéristiques des sources
V.4. Classification supervisée
CHAPITRE VI : RELATIONS MICROSTRUCTURE-PROPRIETES ETABLIES A PARTIR DE LA LABELLISATION DES SOURCES D’EMISSION ACOUSTIQUE
VI.1. Scénario d’endommagement pour une sollicitation dans l’axe des fibres
VI.1.1. Scénario d’endommagement pour une sollicitation dans l’axe des fibres sur la nuance A
VI.1.2. Scénario d’endommagement pour une sollicitation dans l’axe des fibres sur la nuance B
VI.1.3. Scénario d’endommagement pour une sollicitation dans l’axe des fibres sur la nuance C
VI.2. Scénario d’endommagement pour une sollicitation à ±45° par rapport à l’axe des fibres
VI.2.1. Scénario d’endommagement pour une sollicitation à ±45° par rapport à l’axe des fibres sur la nuance A
VI.2.2. Scénario d’endommagement pour une sollicitation à ±45° par rapport à l’axe des fibres sur la nuance B
VI.2.3. Scénario d’endommagement pour une sollicitation à ±45° par rapport à l’axe des fibres sur la nuance C
CONCLUSIONS GENERALES

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