Phases cristallographiques
L’alliage d’aluminium 6061 est un alliage d’aluminium à durcissement structural. Les alliages de la série 6xxx sont enrichis en Mg et Si. Ces éléments forment des précipités nanométriques de type «MgxSiy» et constituent la phase majoritaire assurant le durcissement structural. En plus de ces phases nanométriques, des précipités plus rossiers sont également présents dans cet alliage. Nous commençons par une présentation rapide de chacune des phases cristallographiques présentes dans cet alliage.
Les précipités nanométriques MgxSiy
La formations des précipités de type MgxSiy nanométriques suit la séquence suivante : amas de solutés et/ou zones de Guinier-Preston, cohérents avec la matrice; précipités métastables , en forme d’aiguille, cohérents avec la matrice; précipités métastables en forme de bâtonnets, semi-cohérents avec la matrice; précipités stables -Mg2Si, sous forme de plaquettes, incohérentes avec la matrice.
Le magnésium et le silicium sont présents au sein de la solution solide sursaturée. Ils se combinent en amas de solutés riches en Mg et Si. Ces fluctuations de composition, sans interface définie, auraient un diamètre compris entre 1 et 5nm. Leur étude est délicate du fait de leur petite taille. Une question reste à soulever quant à leur dénomination en zones de Guinier-Preston. Ces dernières, visibles dans plusieurs alliages d’aluminium, présentent une structure interne propre, une composition et des interfaces bien définies. Plusieurs auteurs affirment, dans leurs récents travaux, avoir détecté des amas de Mg ou de Si (homo-amas) ou de MgSi (hétéro-amas). Ces amas formeraient, très probablement, des sites de nucléation des phases く’’ .
La poursuite du réarrangement des solutés lors d’un vieillissement thermique transforment les zones GP en précipités く’’, sous forme d’aiguilles, mesurant entre 1 à 5 nm de diamètre et entre 10 à 50 nm de longueur. Du point de vue cristallographique, certains auteurs proposent une structure C2/m (monoclinique), avec un motif Mg5Si6.
Les paramètres de maille seraient a = 1,516 nm ; b = 0,405 nm ; c = 0,674 nm et く= 105,3°. Du fait de leur forte densité et de leur cohérence avec la matrice (champ de contrainte induit par la différence de paramètre de maille précipité / matrice), ces précipités rendent difficile le mouvement des dislocations.
Les précipités Mg2Si grossiers
Des phases stables Mg2Si, dites « grossières » de taille micrométrique se forment lors de la solidification et du refroidissement de l’alliage après coulée. Ces phases n’ont aucun apport en termes de durcissement structural et sont pénalisantes en termes de ténacité. Les traitements à haute température d’homogénéisation et de mise en solution permettent de dissoudre une partie de ces précipités et remettent donc le silicium et le magnésium en solution solide. Les solubilités du Mg et du Si augmentent avec la température, la fraction de Mg2Si grossiers diminue donc jusqu’à une dissolution totale pour des températures généralement comprises entre 550 et 600°C comme représenté sur le diagramme pseudo-binaire Al-Mg2Si.
Plus les teneurs en Mg et Si sont élevées, plus la température nécessaire pour la dissolution de tous les précipités est élevée. Cette température ne doit pas dépasser le solidus de l’alliage, pour éviter la fusion des phases ayant les plus bas points de fusion (brûlures).
Influence de la microstructure sur la ténacité de l’AA6061
Après avoir décrit les phases cristallographiques, la gamme de fabrication, ainsi que l’influence des traitements thermomécaniques sur la microstructure et sur les propriétés mécaniques en traction.
Ténacité K1C et J1C
La ténacité K1C définit en élasticité linéaire le facteur d’intensité de contrainte critique en mode I qui permet la propagation de fissure. L’hypothèse d’élasticité linéaire est adaptée à la rupture fragile (rupture brutale), dans le cas de la rupture ductile la valeur de K1C reste valide si la plasticité reste confinée (zone plastique en pointe de fissure de taille réduite). La mesure de ténacité est faite sur des éprouvettes préfissurées, l’hypothèse de confinement de plasticité est vérifiée si :
l’épaisseur de l’éprouvette est suffisante pour avoir un état de déformation plane; le ligament de l’éprouvette est suffisamment grand par rapport à la taille de la zone plastique.
Les matériaux ductiles présentent une zone plastique étendue qui s’accompagne généralement d’une propagation de fissure stable. Dans ce cas, les hypothèses de la ténacité K ne sont pas vérifiées. L’une des méthodes existantes consiste à utiliser l’intégrale de contour J proposée par Rice . La valeur de J permet de définir l’état de contrainte-déformation régnant en pointe de fissure. Begley a montré que l’on pouvait l’appliquer comme critère de propagation de fissure. Cette définition généralise le calcul de K en prenant en compte la propagation de fissure. J caractérise donc l’énergie nécessaire pour propager un défaut et s’exprime en kJ.m-2. Lors des essais sur éprouvettes préfissurées, il est alors possible de mesurer l’évolution de l’énergie J en fonction de l’avancée de fissure Δa. Conventionnellement, on définit l’énergie à l’amorçage correspondant à une propagation stable de 0.2mm, on note J02 cette valeur.
La résistance à la propagation est caractérisée par la pente de la courbe J – Δa, on note dJ/da cette valeur. On appelle pop-in (à coup en français), une avancée brutale de fissure mais limitée s’accompagnant d’une chute de force supérieure à 5%.
Influence de la microstructure sur la ténacité
Les éléments métallurgiques reportés comme influençant la ténacité de l’AA6061 sont principalement : les précipités grossiers issus de la coulée : précipités Mg2Si grossiers et intermétalliques au fer; les dispersoïdes au chrome et au manganèse; les précipités nanométriques;
Étude du comportement mécanique des phases : micro-indentation
Une série de micro-indentations a été effectuée au moyen d’un microindenteur de type Berkovich en diamant, de forme pyramidale à base triangulaire sur une coupe métallographique dans le plan LS pour une charge de 1,5mN. La taille de l’emprunte est petite (de l’ordre de µm) par rapport à la taille des précipités, ainsi l’influence de la matrice sur la mesure des précipités est négligeable. Les intermétalliques au fer sont les plus durs, avec une dureté de 10,7 GPa. La matrice aluminium et les précipités Mg2Si grossiers ont des valeurs de dureté très similaires (~2,5 GPa).
La micro-indentation permet également de mesurer le module de Young local. Le module de Young des intermétalliques au fer est nettement supérieur à celui de la matrice et des Mg2Si avec une valeur d’environ 113 GPa. La matrice d’aluminium présente un module de Young de 70 GPa et celui des Mg2Si est d’environ 33GPa. Ces précipités possèdent des propriétés mécaniques différentes en termes de dureté et de module de Young de celles de la matrice d’aluminium. Du fait de ces différences de comportement, les précipités grossiers constituent des zones d’incompatibilité de déformation qui semblent être à l’origine de l’endommagement des matériaux.
Évolution de l’endommagement de surface (apport des observations sous MEB in-situ en traction)
Des essais de traction in-situ sous Microscopie Électronique à Balayage (MEB) sont des moyens dorénavant classiques d’étude de l’endommagement . Ces essais ont été menés afin de visualiser et quantifier la séquence de l’endommagement en surface de l’éprouvette. Ces essais, initialement développés au Laboratoire de Mécanique des Solides (LMS) de l’École Polytechnique, nécessitent la préparation soigneuse de la surface des échantillons indispensable pour les traitements d’image utilisés pour la mesure de critère de rupture (déformation critique) des précipités sur lesquels s’initient des cavités, puis afin d’évaluer la cinétique de croissance de ces cavités.
Procédures expérimentales :Les essais sont réalisés sur la machine de traction in-situ disponible au LMS, conçue pour être utilisée dans le MEB-FEG avec un capteur de force de 1000N. L’essai mécanique est réalisé en déplacement imposé dont la vitesse est fixée à 1 µm/s. Afin de faciliter les observations, une double entaille circulaire avec un rayon de 2 mm a été réalisée sur les éprouvettes plates de manière à localiser la déformation dans une zone réduite . La vitesse de déformation ainsi imposée est de l’ordre de 10-4 s-1. Afin d’observer l’évolution de l’endommagement, les essais de traction sont interrompus à plusieurs niveaux du chargement. A chaque interruption, deux types d’images à grande résolution sont prises: des images à fort grandissement sur les précipités grossiers (x4000) et des images à faible grandissement (x300,) assemblées qui couvrent la moitié de la zone la plus déformée. Les images à fort grandissement réalisées sur les précipités grossiers nous permettent qualitativement d’identifier le mode de rupture de ces derniers, ainsi que la croissance et la coalescence des cavités qui en découlent. Les analyses sont ensuite effectuées sur les images prises à faible grandissement et assemblées afin de quantifier l’évolution de l’endommagement.
|
Table des matières
CHAPITRE I INTRODUCTION
I.1 CONTEXTE INDUSTRIEL
I.2 PROBLÉMATIQUE SCIENTIFIQUE
I.3 PLAN DU MANUSCRIT ET MÉTHODES UTILISÉES
CHAPITRE II CARACTÉRISATIONS MICROSTRUCTURALES ET MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX
II.1 PHASES CRISTALLOGRAPHIQUES
II.1.1 Les précipités nanométriques MgxSiy
II.1.2 Les précipités Mg2Si grossiers
II.1.3 Les intermétalliques au fer (IMF)
II.1.4 Les dispersoïdes au chrome et au manganèse
II.2 MATÉRIAUX ET TRAITEMENTS THERMOMÉCANIQUES
II.2.1 Matériaux de l’étude
II.2.2 Traitements thermomécaniques
II.2.3 INFLUENCE DE LA MICROSTRUCTURE SUR LA TÉNACITÉ DE L’AA6061
II.2.3.1 Ténacité K1C et J1C
II.2.3.2 Influence de la microstructure sur la ténacité
II.3 CARACTÉRISATIONS MICROSTRUCTURALES ET MORPHOLOGIQUES APRÈS FABRICATION
II.3.1 Observations qualitatives en surface
II.3.2 Observations qualitatives par tomographie X
II.3.3 Analyses quantitatives
II.3.4 Conclusions sur la caractérisation microstructurale
II.4 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES
II.4.1 Étude du comportement mécanique des phases : micro-indentation
II.4.2 Propriétés mécaniques en traction
II.4.3 Caractérisation de la résistance de l’entaille
II.5 BILAN
CHAPITRE III IDENTIFICATION DU MÉCANISME D’ENDOMMAGEMENT ET CONSÉQUENCE POUR L’ANISOTROPIE
III.1 ÉVOLUTION DE L’ENDOMMAGEMENT DE SURFACE (APPORTS DES OBSERVATIONS SOUS MEB IN-SITU EN TRACTION)
III.1.1 Procédures expérimentales
III.1.2 Résultats qualitatifs de l’évolution de l’endommagement de surface
III.1.3 Résultats quantatifs de l’évolution de l’endommagement de surface
III.2 ÉVOLUTION DE L’ENDOMMAGEMENT DANS LE VOLUME (APPORT DES OBSERVATIONS DES ESSAIS DE TRACTION AE RÉALISÉES SOUS TOMOGRAPHIE X EX-SITU)
III.2.1 Procédure expérimentale
III.2.2 Résultats
III.3 MÉCANISME D’ENDOMMAGEMENT DURANT LA PROPAGATION DE FISSURE (APPORT DE LAMINOGRAPHIE X IN-SITU)
III.3.1 Procédure expérimentale
III.3.2 Résultats expérimentaux
III.4 ANISOTROPIE D’ENDOMMAGEMENT (APPORT DES OBSERVATIONS DES ÉPROUVETTES DE TÉNACITÉ)
III.4.1 Procédure expérimentale
III.4.2 Résultats expérimentaux
III.5 BILAN
CHAPITRE IV VALIDATION DES MICROMÉCANISMES ET SIMULATION D’ENDOMMAGEMENT
IV.1 INTRODUCTION DE LA DEMARCHE METALLURGIQUE DE VALIDATION
IV.1.1 Caractérisation microstructurale des matériaux modèles
IV.1.2 Propriétés mécaniques des matériaux modèles
IV.1.3 Compréhension du mécanisme d’endommagement du matériau FLM6
IV.2 MODÉLISATION DE LA TÉNACITÉ
IV.2.1 Modèles analytiques simples à base physique
IV.2.2 Modèle non-couplé de Rice-Tracey
IV.2.3 Modèle couplé de Gurson-Tvergaard-Needleman (GTN)
IV.3 BILAN
CHAPITRE V CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
V.1 CONCLUSIONS
V.2 PERSPECTIVES
V.2.1 Identification des paramètres du modèle GTN
V.2.2 Effet d’irradiation
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet