Comportement dynamique du béton frais

Technologie d’une presse

   L’opération complexe de mise en forme des blocs est réalisée automatiquement sur une seule machine : la presse vibrante. C’est une machine fixe à démoulage immédiat. Les produits sont donc mis en forme et immédiatement convoyés hors de la presse pour le séchage. Leur tenue mécanique est due uniquement aux forces intergranulaires de cohésion induites par le compactage. On distingue deux types de machines utilisées pour la production de blocs, basées sur le principe de l’action combinée d’une vibration et d’un effort de pressage. Les machines fixes américaines. La vibration est produite directement sur le moule (voir figure 1.5). Le démoulage est réalisé par poussée des produits sous le moule. Les produits sont très homogènes et donc adaptés pour une utilisation comme blocs apparents. Cependant les moules doivent être très robustes, limitant ainsi le nombre de produits moulés. Ces machines ne représentent qu’une faible partie du parc français. Les machines fixes européennes. La vibration est produite par une table vibrante et transmise au moule par une planche (comme indiqué sur la figure 1.6). Ces machines permettent l’utilisation de moules de grandes dimensions et de formes complexes. C’est ce type de machines qui est l’objet de cette étude. Un modèle de presse est présenté sur la photo 1.7. Une telle presse réalise 10 parpaings en une seule opération. La cadence est de 5 opérations par minute. L’architecture générale d’une presse vibrante est schématisée sur la figure 1.8. Le béton est mis en forme par moulage, sous un effort de compactage exercé par le pilon. Cette opération est assistée par une succession de chocs périodiques, souvent assimilée à une vibration. Le principe de transmission de cette énergie de vibration au béton est le suivant : durant son mouvement de vibration, la table vient heurter la planche et poursuit son mouvement quasi-sinusoïdal. La planche décolle et retombe sur les pontées. La presse vibrante est donc bien, du point de vue de la sollicitation, une machine à chocs. La “vibration” est donc un abus de langage, en référence au pilotage de la machine puisque la table vibrante est animée d’un mouvement sinusoïdal (quasi- en raison de la présence des suspensions élastiques). Les éléments principaux de la presse sont décrits ci-dessous. Le moule Le moule est une structure mécano-soudée débouchante, en acier traité 66 HRC (photo 1.9). Les noyaux sont en tôle d’acier, fixés sur le moule à l’aide de traverses. L’ensemble assure l’essentiel de la conformation du produit, les deux faces supérieures et inférieures étant en contact respectivement avec le pilon et avec la planche. La planche La planche sert de support plan au moule et au produit moulé. Elle assure la transmission de l’énergie de vibration de la table vibrante vers le couple moule/béton. Elle sert aussi au convoyage du bloc. Elle est généralement en bois (épaisseur 45 mm) car les planches métalliques, bien qu’elles soient plus efficaces, sont plus chères et plus bruyantes. La planche est serrée élastiquement contre des butées fixes, appelées “pontées”, par des vérins à vessie assurant une certaine souplesse au montage. La table vibrante La table vibrante est l’élément qui transmet la vibration à la planche, via des frappeurs. Elle repose sur des plots élastiques en élastomère permettant le mouvement de la table et participant à l’isolation du système vibrant pour l’environnement extérieur. Sous l’effet des efforts d’inertie du système vibrant, la table vibrante est donc animée d’un mouvement quasi-sinusoïdal : la vibration. Le système vibrant Le système vibrant est constitué de moteurs (généralement 2 ou 4) qui mettent en rotation des arbres montés en liaison pivot sur la table vibrante (figure 1.10). Les arbres sont équipés de balourds. Les moteurs tournent à la même vitesse (de l’ordre de 3000 tr/min) et ont des sens de rotation inversés pour équilibrer les efforts hors-axe du moule. La table est donc mise en vibration sous l’action de l’inertie des balourds. Le réglage de l’amplitude de vibration se fait par réglage du déphasage entre les balourds. Comme indiqué sur la figure 1.11, les moteurs sont en phase, et l’amplitude est maximale. Lorsque les moteurs sont réglés en opposition de phase, l’amplitude est théoriquement nulle puisque les efforts d’inertie des moteurs se compensent. En pratique, l’opérateur règle la force de vibration (entre 0 et 16000 daN) correspondant aux efforts d’inertie des balourds. Le pilon Le pilon (ou dameur) est l’effecteur venant appliquer l’effort de compactage sur le produit. De plus, il assure le démoulage du produit compacté lors de la montée du moule. Il est actionné par un vérin piloté à pression constante lors du compactage. Lorsque le pilon atteint un déplacement conférant au produit la hauteur spécifiée, il est bloqué en position, jusqu’à la fin du démoulage.  Le temps de cycle, critère fondamental pour l’optimisation du procédé, est d’une dizaine de secondes. Prévibration C’est la phase de remplissage du moule. Elle se fait sous vibration afin d’assurer un bon remplissage des cavités, sans formation de bouchons, et jusque sous les noyaux. Compactage C’est la phase de mise en forme du produit, toujours sous vibration. Le pilon est actionné par le vérin piloté en pression constante. Décompression Cette phase intermédiaire, suite au compactage, est nécessaire au bon démoulage du produit. Le pilon est maintenu en position,toujours sous vibration. Le terme de “décompression” fait des blocs référence à l’action de la vibration afin de relaxer les contraintes internes de pression dans le béton. Démoulage La vibration est arrêtée. Le pilon est toujours maintenu en position et le moule se relève. Puis le pilon est relevé à son tour, et la planche supportant les blocs est convoyée hors de la machine. La tenue du produit, encore frais au démoulage, dépend de l’efficacité des opérations précédentes.

Transmission de la sollicitation

   La chaîne de transmission de puissance entre les balourds et les organes en contact avec le matériau à compacter, est très complexe : problèmes de contact, de modélisation du comportement des matériaux (par exemple les plots élastiques), le tout soumis à des chocs. La fonction de transfert globale de ce système est pratiquement impossible à évaluer et la sollicitation exercée sur le béton est certainement très différente de la commande. Une étude expérimentale qualitative des corrélations qu’il peut exister entre la sollicitation programmée (la commande des moteurs), et la sollicitation exercée sur le béton (en fait ici l’accélération du moule,organe principalement en contact avec le béton) a été menée. Cette analyse est complétée par la mesure de la hauteur de l’échantillon suite au compactage, qui est une mesure de l’efficacité de l’opération. Les essais sont réalisés sur une mini-table vibrante composée uniquement du système vibrant. Le pilon est remplacé par un système mécanique actionné par une masse de 80 kgs exerçant sur l’échantillon une contrainte représentative du procédé réel. La machine est commandée de la même façon qu’une presse vibrante industrielle : par la fréquence de rotation des moteurs, et par la force de vibration (voir la section 1.2). Le déroulement de l’essai est lui aussi similaire au procédé : une étape de prévibration sans l’action du dameur, et une étape de compactage sous vibrations, toutes deux ayant une durée fixe pour chaque essai. L’échantillon est dimensionné comme une représentation cylindrique d’une cellule élémentaire de bloc, Afin de caractériser la transmission de puissance, des accéléromètres sont fixés sur la table, sur la planche, ainsi que sur le moule. Ils mesurent l’accélération dans l’axe de l’échantillon, des organes transmettant la vibration. Les résultats montrent que l’accélération de la vibration est de l’ordre de 50 g et que l’accélération mesurée peut être très différente le long de la chaîne de transmission de la vibration. Pour illustrer ce résultat, on présente sur la figure 1.33 les spectres de décomposition en séries de Fourier des signaux d’accélération de la table, de la planche et du moule. Les figures 1.34 et 1.35 montrent les résultats de l’influence de la force de vibration, et de la fréquence de rotation des balourds, sur l’efficacité de l’opération de compactage :
– une force élevée assure toujours un meilleur compactage,
– la hauteur finale de l’échantillon n’est pas corrélée avec la fréquence de rotation des balourds. Ceci confirme que la sollicitation perçue par le moule (que l’on suppose être la plus proche de la sollicitation perçue par le béton) peut être très différente de la sollicitation commandée par les moteurs. Afin de compléter cette étude qualitative, un travail d’analyse dimensionnelle a été entrepris afin de déterminer quelles grandeurs sont représentatives de l’efficacité de la vibration. La méthode est basée sur le théorème Pi de Buckingham (Buckingham [1981], Curtis et al. [1982]). La méthode, issue de ce théorème, consiste à identifier les nombres adimensionnels d’une liste de variables arbitraires jugées pertinentes. Ici, la méthode consiste à l’inverse à déterminer une liste de paramètres telle que les résultats expérimentaux décrivent une courbe maîtresse de la relation de liaison des paramètres adimensionnels associés.

De l’enjeu scientifique

  D’un point de vue scientifique, le problème de la compréhension des mécanismes du compactage des bétons frais est très motivant. La sollicitation est des plus complexes :
– le béton est confiné dans un assemblage de structures complexes (table, moule, pilon),
– l’ensemble est soumis à des chocs répétés, qui peuvent dans un premier temps être remplacés par une vibration sinusoïdale. Quant au matériau, ni fluide, ni solide, il relève de la physique des matériaux granulaires, en réelle ébullition depuis une vingtaine d’années. En effet le béton frais étudié est un empilement de multiples corps quasiment rigides (les granulats), dont les interactions sont complexes et donnent au matériau ses propriétés spécifiques (Duran [1997], De Gennes [1973], Guyon and Troadec. [1994], ainsi que les annexes A ). Le champs d’application, dans l’industrie, du compactage des matériaux granulaires est très vaste (Philippe [2002]) :
– industries du béton,
– métallurgie des poudres,
– fabrication de comprimés pour l’industrie pharmaceutique,
– construction de routes,
– stabilisation de sols, etc.
Selon Duran [1997], “le traitement de la matière en grains mobilise a peu près 10 % des moyens énergétiques mis en œuvre sur la planète. Cette classe de matériau occupe d’ailleurs le deuxième rang, immédiatement après l’eau, dans l’échelle des priorités pour l’activité humaine”.

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Table des matières

Partie 1 : Introduction 
1 De la fabrication industrielle des blocs aux matériaux granulaires 
1.1 Présentation du produit : le bloc
1.1.1 Fonctionnalités du bloc
1.1.2 Spécifications géométriques
1.2 Le procédé de mise en forme sur presse vibrante
1.2.1 Installation classique pour la production de blocs
1.2.2 Technologie d’une presse
1.2.3 Les différentes opérations
1.3 Analyse technique du procédé
1.3.1 Analyse du matériau
1.3.2 Analyse du produit
1.3.3 Analyse de la presse
1.3.4 Efficacité de la vibration : état de l’art
1.4 Besoins industriels et problèmes scientifiques
1.4.1 De l’amélioration du procédé
1.4.2 De l’enjeu scientifique
Conclusion
Partie 2 : Étude du compactage sous impacts 
2 Compactage sous impacts 
2.1 Conception d’un essai de compactage sous impacts
2.1.1 Similitudes avec l’essai Proctor et objectifs
2.1.2 Choix technologiques
2.1.3 Mesure et post-traitement
2.2 Mise au point de l’essai
2.2.1 Déroulement de l’essai
2.2.2 Répétabilité
2.2.3 Validation de la mesure
2.2.4 Forme du signal calculé aux interfaces
3 Résultats de l’analyse expérimentale du compactage sous impacts
3.1 Propagation des ondes dans le béton frais
3.1.1 Vitesse des ondes dans le béton frais
3.1.2 Réflexion sur la propagation de l’onde de compression dans le béton frais
3.2 Courbes de densification
3.2.1 Analyse des courbes
3.3 Étude de l’impact initial
3.3.1 Mécanismes du compactage durant l’impact initial
3.3.2 Mode de compactage avant la transition vitreuse
3.3.3 Transition vitreuse
3.4 Efficacité globale du compactage sous impacts
3.4.1 Forme du signal pour les impacts suivants
3.4.2 Efficacité comparée entre essais dynamiques et quasi-statiques
Conclusion
Partie 3 : Étude du compactage sous vibration 
4 Les essais 
4.1 Présentation du dispositif d’essais
4.1.1 Montage expérimental
4.1.2 Mesures
4.1.3 Configuration
4.1.4 Définition des essais
4.2 Déroulement des essais
4.2.1 Protocole expérimental
4.2.2 Post-traitement des mesures
4.3 Présentation des résultats expérimentaux
4.3.1 Mesure brute
4.3.2 Analyse spécifique de la dynamique des ondes
4.3.3 Analyse de la répétabilité des essais
4.3.4 Résultats des essais de compactage sous vibration
4.3.5 Résultats des essais de compactage quasi-statique
4.3.6 Résultats des essais de compactage quasi-statique cyclique
4.3.7 Résultats des essais de relaxations multiples
4.3.8 Résultats des essais de fluage
5 Analyse du comportement du béton frais sous vibration 
5.1 Vibration et frottement aux parois
5.1.1 Analyse du frottement global
5.1.2 Analyse du frottement local
5.1.3 Interprétation des résultats
5.1.4 Influence du frottement sur l’échantillon
5.2 Rôle de la vibration
5.2.1 Efficacité de la vibration durant l’écrasement
5.2.2 Influence de la vitesse de compactage
5.3 Vibration : efficacité de la décharge
5.3.1 Effet des décharges
5.3.2 Modélisation de l’influence de la décharge
5.3.3 Bilan et limites de la modélisation
Conclusion
Partie 4 : Conclusion générale et perspectives
6 Conclusion générale 
6.1 Retour au procédé de fabrication
6.2 Bilan de l’étude
7 Perspectives autour de la modélisation 
7.1 Définition du problème initial
7.2 Définition du problème simplifié
7.2.1 Notion d’homogénéisation en temps
7.2.2 Écriture du problème simplifié
7.3 Perspectives de modélisation
7.3.1 Résultats d’identification
7.3.2 Vers un modèle pertinent
Annexes
A Structure de l’empilement granulaire
A.1 Définition d’un matériau granulaire
A.2 Chaînes de force
A.3 Séparation des échelles
A.4 Orientation des contacts
A.5 Influence des conditions aux limites
B Matériaux granulaires soumis à un compactage quasi-statique
B.1 Densité de consolidation / transition vitreuse
B.2 Écrouissage et mobilité des grains
B.3 Dilatance
B.4 Anisotropie induite
C Matériaux granulaires et vibration
C.1 Résultats expérimentaux sur milieux granulaires modèles vibrés
C.2 Influence de la vibration
D Éléments de modélisation des matériaux granulaires vibrés
D.1 Modèles phénoménologiques : volume libre
D.2 Modèles microscopiques : Tétris
D.3 Modèles thermodynamiques : notion de température granulaire
E L’essai Proctor
F Résultats de l’essai SHPB classique sur du béton frais
F.1 Dispositif expérimental
F.2 Résultats
F.3 Conclusion sur l’essai SHPB
G Correction de la vitesse initiale
H Résultats complémentaires de l’essai de compactage sous impacts
H.1 Effet du frottement aux parois
H.2 Rebonds
I Analyse expérimentale des essais de fluage sous vibration
I.1 L’essai de fluage
I.2 Résultats des essais de fluage
I.3 Essais de fluage cyclique
J Résultats du compactage sous vibration seule
J.1 Origine de la vibration seule
J.2 Compactage sous vibration seule
K Analyse du module d’élasticité du béton frais
K.1 Analyse de l’élasticité
K.2 Effet de l’élasticité sur la courbe mesurée
L Technique d’homogénéisation en temps
M L’essai aux barres de Hopkinson
M.1 Principe
M.2 Historique
M.3 Description de l’essai
N Analyse de la mesure des essais aux barres de Hopkinson
N.1 Propagation d’une onde élastique unidimensionnelle
N.2 Précision des mesures
N.3 Transport
N.4 Analyse du comportement du matériau
O Méthodes de transport des ondes
O.1 Décomposition dans le domaine temporel
O.2 Décomposition dans le domaine fréquentiel

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