Comportement des matériaux composites en fatigue

Comportement des matériaux composites en fatigue

Endommagement des matériaux composites

Un matériau composite est composé de deux phases distinctes : le renfort, généralement des fibres (coupées, longues, courtes ou continues), et la matrice. Dans le cas de fibres continues, une ou plusieurs directions préférentielles peuvent être introduites dans le matériau (anisotropie). A contrario, une distribution aléatoire de l’orientation de fibres coupées fait que le matériau présente un comportement isotrope au niveau macroscopique. Les fibres supportent les efforts mécaniques auxquels le matériau est soumis. La matrice assure la transmission des efforts entre les fibres et joue un rôle protecteur face à l’environnement. La performance du matériau dépend fortement de l’interface entre ces deux éléments constitutifs du composite. Un tel matériau hétérogène est susceptible de s’endommager via des mécanismes complexes et dynamiques qui se développent durant la vie des structures.

Généralement, quatre mécanismes d’endommagement sont identifiés durant le cycle de vie des matériaux composites :
• La fissuration matricielle : elle a pour origine la faible résistance de la matrice ou peut être générée à partir d’interfaces fibre/matrice médiocres ainsi que d’inclusions/porosités préexistantes dans le matériau. De nombreux paramètres contrôlent la propagation des fissures comme la quantité des fibres, l’épaisseur des différents plis ou la qualité de l’interface.
• La décohésion fibre/matrice : la propagation des microfissures dépend de la qualité de l’interface. Si elle est résistante, les fibres peuvent contenir la fissuration mais les contraintes sur cette phase augmentent. Cela produit la rupture des fibres. Il en résulte un faciès de rupture fragile. Dans le cas d’une interface médiocre, la fissuration contourne les fibres qui ne se brisent pas et le faciès de rupture est plus ductile [1] .
• La rupture des fibres : les fibres étant l’élément le plus résistant du matériau, ce mécanisme requiert une contrainte particulièrement élevée afin de générer leur défaillance conduisant alors à la ruine du matériau. Certaines fibres peuvent également rompre précocement si elles présentent un défaut ou un désalignement par rapport à la direction de sollicitation mécanique [2].
• Le délaminage : aussi appelé fissuration inter-laminaire ou décohésion inter-pli, cet endommagement macroscopique est lié à l’anisotropie entre les différents plis. Il s’amorce dans les zones ayant les plus forts gradients de contraintes (bords libres) et provoque la décohésion entre les différents plis du stratifié.

Ces différents mécanismes d’endommagement dépendent aussi du type de chargement mécanique appliqué. La ruine finale du matériau résulte de l’apparition d’un ou plusieurs de ces mécanismes [3]. La sollicitation en traction d’un empilement unidirectionnel favorise la ruine par rupture des fibres, alors que la sollicitation transversale génère de la décohésion et du délaminage. Ces mécanismes d’endommagement sont généraux. Ils peuvent être identifiés lors d’essais statiques (en traction ou en flexion) ou encore durant des campagnes de fatigue.

Fatigue des matériaux composites

Lors d’un essai de fatigue, le scénario d’évolution de l’endommagement dépend des constituants du composite (fibre, matrice) et de la charge mécanique appliquée (niveau de contrainte de la séquence de chargement, rapport de contraintes) [4, 5]. Dans le cas particulier de la fatigue mécanique, de nombreux protocoles de caractérisation à l’échelle du laboratoire ont été développés pour la détection des foyers d’endommagement et l’examen de leurs cinétiques d’évolution. Un choix approprié des techniques de contrôle non destructif est nécessaire pour détecter sans ambiguïté les endommagements mécaniques se produisant dans le composite.

Le scénario d’évolution global de l’endommagement au cours du cycle de vie en fatigue mécanique est généralement composé de trois étapes principales [7, 8] (figure I-2). Basé sur l’évolution de la rigidité normalisée du matériau en fonction du temps, ce scénario d’évolution est commun aux composites structuraux à matrice polymère quel que soit le type de fibre (carbone, verre …). La première étape (I) est développée pendant les premiers 15% de la vie du composite et se caractérise par une diminution rapide de la rigidité correspondant à la mise en service de la pièce composite considérée. La deuxième étape (II) est quasi-stable avec une évolution de l’endommagement plus lente dégradant progressivement la rigidité du matériau. La dernière étape (III) est marquée par une chute de la rigidité normalisée conduisant à la rupture (5 à 15% de la vie totale du composite). Ce scénario repose sur une analyse macroscopique des caractéristiques du matériau, ce qui est limitatif étant donnée la propagation multi-échelle de l’endommagement au sein des composites. Cette évolution de l’endommagement sous chargement de fatigue est identifiable au moyen de différentes techniques de contrôle non destructif, telles que l’émission acoustique ou la thermographie infrarouge (figure I-3).

La limite d’endurance est une caractéristique utilisée pour le dimensionnement des structures en fatigue. Il s’agit de la contrainte pour laquelle on considère que la pièce ne cassera pas en fatigue. La durée de vie est alors estimée « infinie ». L’analyse classiquement menée afin de déterminer cette limite est la construction de la courbe de Wöhler (contrainte maximale appliquée en fonction du nombre de cycles de sollicitation mécanique).

La détermination expérimentale de la courbe de Wöhler est chronophage et coûteuse considérant le nombre d’échantillons utilisés. Afin de pallier ce problème, les essais d’autoéchauffement [11] permettent une détermination plus rapide de la résistance en fatigue. Cette méthode repose sur la quantité de chaleur dissipée par le matériau soumis à des blocs de contrainte croissante. Pour une contrainte donnée, la température du matériau se stabilise après un certain nombre de cycles. Il est alors possible de représenter ces températures de stabilisation en fonction de la contrainte appliquée. Deux comportements linéaires sont identifiables. L’intersection de ces domaines permet de déterminer la limite d’endurance .

Lors d’un essai de fatigue, le matériau est sollicité de façon cyclique introduisant un effet thermoélastique en son sein. Ces fluctuations à l’échelle des cycles mécaniques doivent être évaluées afin d’interpréter précisément l’augmentation de température induite par l’endommagement (figure I-5). Bien que ces techniques aient été développées pour les matériaux métalliques, elles sont aussi appliquées dans le cas des matériaux composites, notamment les composites à fibre de carbone, pour déterminer la limite d’endurance [12].

L’endommagement en fatigue est également évalué par la dégradation des caractéristiques mécaniques du matériau (évolution des rigidités). Le suivi de plusieurs paramètres définis à partir des caractéristiques mécaniques surfaciques et dans l’épaisseur a permis une évaluation pertinente de l’endommagement de composites à fibre de verre. Cette analyse multi-paramétrique [14], met en lumière la nécessité de paramètres d’endommagement sophistiqués pour une évaluation fiable de la dégradation des composites. Ces résultats sont d’autant plus précis que les caractéristiques mécaniques utilisées sont nombreuses et complémentaires. La rigidité résiduelle est un indicateur extrêmement fiable pour les matériaux métalliques mais présente quelques limitations dans le cas des composites. D’autres paramètres ont donc été introduits, notamment à l’aide de techniques non destructives (émission acoustique [15], thermographie infrarouge, ou corrélation d’images numériques [16]). En conclusion, l’endommagement mécanique des composites est un phénomène complexe faisant intervenir différents mécanismes. Afin d’évaluer son impact sur l’intégrité des structures composites, des indicateurs d’endommagement hérités des matériaux métalliques ont été utilisés. Cependant, ceux-ci ne permettent pas la prise en compte de l’ensemble des spécificités de l’endommagement tels que l’anisotropie ou la dégradation aux différentes échelles du matériau. A cette fin, les techniques de contrôle non destructif sont intéressantes dans la mesure où elles permettent la caractérisation sans dégradation supplémentaire de la structure. Les indicateurs d’endommagement établis à l’aide de ces méthodes sont susceptibles d’améliorer le diagnostic de l’état de santé du matériau.

Contrôles non destructifs appliqués à la caractérisation de l’endommagement

Cette partie présente les avancées récentes relatives à l’évaluation de l’endommagement des composites à matrice polymère à l’aide de contrôles non destructifs. Plusieurs techniques peuvent être utilisées selon que l’on souhaite évaluer l’endommagement lorsque la pièce est soumise à une charge mécanique (essai in-situ) ou dans un cas libre de charge mécanique pour une analyse périodique (essai ex-situ). Une description exhaustive de l’ensemble des techniques non destructives est hors de propos au regard de leur nombre important. Cette synthèse bibliographique se limitera à rappeler le principe des techniques les plus pertinentes pour caractériser et localiser l’endommagement, surfacique ou dans l’épaisseur suivant la méthode considérée : shearographie, courants de Foucault, térahertz, ultrasons basés sur les effets non-linéaires, radiographie, µ-tomographie, piézorésistivité, émission acoustique, thermographie infrarouge, corrélation d’images numériques et ultrasons conventionnels. L’intérêt d’une approche hybride multi technique pour évaluer au mieux l’endommagement sera enfin mis en exergue.

Shearographie 

La shearographie est une méthode optique basée sur l’interférométrie holographique. Son application classique requiert l’utilisation de lasers [17]. Les résultats présentent, sous forme d’images qualitatives à grandes échelles, les variations de déplacement de la surface d’une structure (variation dans le plan et hors-plan). Cette méthode a été développée dans l’industrie aéronautique pour évaluer les pièces composites. La détérioration des composites étant corrélée avec les zones de fortes concentrations de contraintes, la shearographie est utilisée pour détecter la décohésion fibre/matrice ou l’amorçage du délaminage [18-24]. La shearographie numérique par stimulation laser a été utilisée pour détecter et localiser des défauts artificiels calibrés (diamètres de 15 à 40mm et profondeurs de 1 à 3.2mm) dans des stratifiés de 4 mm d’épaisseur [0, ± 45, 90]s [19]. Les résultats obtenus présentent une bonne corrélation entre la taille et l’emplacement réels des défauts. Ce type de mesures reste limité aux mécanismes d’endommagement surfacique ou sous-surfacique. La détection du délaminage par shearographie a été fortement améliorée en une analyse neuronale (basée sur des réseaux de neurones et de la logique floue) sur 30 échantillons du même matériau composite (erreur obtenue inférieure à 3%) [25]. Généralement, ce type d’analyse nécessite beaucoup plus de données pour atteindre cette précision. La localisation de l’endommagement par shearographie peut également être améliorée en utilisant un éclairage laser à double impulsion (modulation de phase spatiale) et un laser stroboscopique (modulation de phase temporelle) [26]. Les deux méthodes d’excitation sont utilisées pour la détection du délaminage, les résultats les plus pertinents étant obtenus dans le second cas en raison de la réduction du bruit avec les cartographies de modulation de phase temporelle. L’inconvénient majeur de la shearographie reste la complexité de caractérisation de la rupture des fibres, de la fissuration matricielle ou de la décohésion fibre/matrice (c’est-àdire des mécanismes d’endommagement microscopiques à mésoscopiques). De plus, son application en conditions industrielles reste difficile en raison de sa sensibilité aux perturbations environnantes [27] et de sa limitation à la surface des pièces évaluées.

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Table des matières

Introduction générale
I. Etat de l’art
I.1. Comportement des matériaux composites en fatigue
I.1.1. Endommagement des matériaux composites
I.1.2. Fatigue des matériaux composites
I.2. Contrôles non destructifs appliqués à la caractérisation de l’endommagement
I.2.1. Shearographie
I.2.2. Courants de Foucault
I.2.3. Térahertz
I.2.4. Acoustique non linéaire
I.2.5. Radiographie et micro-tomographie aux rayons X
I.2.5.1. Radiographie aux rayons X
I.2.5.2. Micro-tomographie aux rayons X
I.2.6. Résistivité électrique
I.2.7. Emission acoustique
I.2.7.1. Détection de l’endommagement
I.2.7.2. Localisation des évènements acoustiques
I.2.8. Thermographie infrarouge
I.2.8.1. Thermographie passive
I.2.8.2. Thermographie active
I.2.9. Corrélation d’images numériques
I.2.10. Ultrasons
I.2.10.1. Ondes de volume
I.2.10.2. Ondes de Lamb
I.2.11. Approche multi-technique non destructives
I.2.12. Bilan
I.3. Traitement et fusion des données
I.3.1. Analyse des composantes principales
I.3.2. Méthodes déterministes pour la fusion de données
I.3.2.1. Fusions de données conventionnelles
I.3.2.2. Modélisation de Dempster-Shafer
I.3.2.3. Application à l’endommagement des composites
I.3.3. Méthodes indéterministes pour la fusion de données
I.3.3.1. Méthodes pour l’estimation de la durée de vie résiduelle
I.3.3.2. Réseaux de neurones pour l’évaluation de l’endommagement
I.3.4. Bilan
I.4. Conclusion
II. Matériau et méthodes expérimentales
II.1. Caractérisation du matériau composite
II.1.1. Elaboration
II.1.2. Propriétés physiques et mécaniques du matériau composite
II.2. Conception des bancs expérimentaux
II.2.1. Enceinte d’isolation in-situ
II.2.2. Amélioration du système C-scan ultrasonore
II.3. Réalisation des essais multi-instrumentés
II.3.1. Essais d’auto-échauffement en fatigue
II.3.2. Protocole de mesures multi-techniques
II.4. Méthodes non destructives utilisées
II.4.1. Thermographie infrarouge
II.4.1.1. Dispositif expérimental
II.4.1.2. Fonction de régression thermique sur un bloc de fatigue
II.4.2. Corrélation d’images numériques
II.4.2.1. Dispositif expérimental
II.4.2.2. Calcul de l’aire l’hystérésis
II.4.2.3. Sélection des paramètres pertinents
II.4.3. Acousto-ultrasons
II.4.3.1. Maillage de la zone d’intérêt
II.4.3.2. Génération de sources acoustiques artificielles
II.4.3.3. Interpolation numérique des cartographies acousto-ultrasonores
II.4.3.4. Fusion des cartographies de chaque capteur
II.4.4. Emission acoustique
II.4.4.1. Dispositif expérimental et définition des descripteurs acoustiques
II.4.4.2. Choix des capteurs
II.4.4.3. Paramètres d’acquisition des salves
II.4.4.4. Protocole de localisation des sources acoustiques
II.4.5. Caractérisation ultrasonore dans l’épaisseur
II.4.6. Ondes de Lamb sous chargement mécanique statique
II.5. Conclusion
III. Evaluation de l’endommagement par techniques de contrôle non destructif
III.1.Thermographie infrarouge passive
III.1.1. Températures de stabilisation
III.1.2. Mode fondamental de la régression
III.1.2.1. Amplitude thermique du mode fondamental
III.1.2.2. Phase du mode fondamental
III.1.3. Amplitude de la première harmonique
III.1.4. Bilan
III.2.Corrélation d’images numériques
III.2.1. Caractérisation de l’hystérésis
III.2.1.1. Cycles d’hystérésis
III.2.1.2. Aire de l’hystérésis à l’échelle de l’image
III.2.1.3. Exploitation à l’échelle du mm²
III.2.2. Déformations dans le sens longitudinal
III.2.3. Déformations principales
III.2.3.1. Première déformation principale « e1 »
III.2.3.2. Seconde déformation principale « e2 »
III.2.4. Bilan
III.3.Acousto-ultrasons
III.3.1. Définition des indicateurs d’endommagement
III.3.2. Fusion des données de capteurs acousto-ultrasonores
III.3.3. Variation d’amplitude
III.3.4. Variation de fréquence d’initiation
III.3.5. Bilan
III.4.Emission acoustique
III.4.1. Effet Kaiser et rapport Felicity
III.4.2. Evolution de l’amplitude
III.4.3. Localisation des évènements acoustiques
III.4.4. Cartographies du nombre d’évènements pour l’évaluation de l’endommagement
III.4.5. Bilan
III.5.Cartographies ultrasonores
III.5.1. Evolution de l’amplitude temporelle dans l’épaisseur
III.5.2. Evolution de la vitesse dans l’épaisseur
III.5.3. Bilan
III.6.Ondes de Lamb
III.7.Conclusion
Conclusion générale

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