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Observation industrielle
Au cours de l’irradiation en cœur, on constate généralement un allongement irréversible des assemblages de l’ordre du centimètre. Cet allongement est directement lié à celui des tubes-guides. Il apparait que les valeurs d’allongement mesurées après irradiation, cf. Figure 3, sont dispersées et dépendent beaucoup de la conception de l’assemblage, notamment des matériaux utilisés, ainsi que des pré-charges axiales exercées par le ressort de maintien situé en tête d’assemblage (Gabrielsson et al., 2018). Les crayons combustibles s’allongent généralement plus que les tubes-guides et coulissent alors dans les grilles.
Risques associés au grandissement
Le principal risque associé à un grandissement extrême est de dépasser la capacité d’absorption en déplacement des ressorts du système de maintien. L’assemblage arriverait alors en butée et pourrait flamber, interdisant le mouvement vertical des barres de contrôle à l’intérieur de ses tubes-guides. Un grandissement important, même sans atteindre la butée, amène également une augmentation de la compression verticale de l’assemblage et favorise, par conséquent, ses déflections latérales.
Causes du grandissement
Il est communément admis que cet allongement irréversible est la résultante de deux phénomènes antagonistes, à savoir : d’une part, la croissance sous flux de neutrons rapides d’énergie supérieure à 1 MeV (Fidleris, 1988), qui tend à allonger les tubes-guides et, d’autre part, le phénomène de fluage, qui tend à les raccourcir puisque l’assemblage est soumis en permanence à une forte compression du système de maintien. La croissance sous flux neutronique et le fluage des alliages de zirconium seront détaillés au §2.
Solutions techniques adoptées
Au niveau de la conception des assemblages combustibles, les améliorations réalisées pour limiter leur grandissement ont principalement porté sur la mise au point de nouveaux matériaux pour les tubes-guides, caractérisés par une croissance sous flux moins importante. Pour ne citer que le cas des assemblages Framatome, le Zircaloy-4 (Zy-4) détendu a fait place au Zircaloy-4 recristallisé, puis au M5™. La Figure 3 illustre l’impact de l’utilisation de ce dernier alliage sur l’allongement des assemblages sous irradiation.
Causes des déformations latérales
Tout d’abord, avant même de citer les causes, on a abordé au 1.3.1 le fait que la géométrie du cœur conditionne les flèches maximales atteignables. En effet, un paramètre technologique important est la valeur des jeux entre grilles voisines de même altitude lorsque le réacteur est en fonctionnement. Ainsi le jeu total disponible sur une ligne d’assemblages dépend du nombre d’assemblages dans la ligne, du jeu initial au plan entre grilles, et des coefficients de dilatation des grilles en zirconium et des plaques en acier qui supportent et guident les pieds et têtes des assemblages. Ce jeu est également légèrement réduit par la croissance irréversible des grilles sous irradiation. En ce qui concerne la dilatation, notons que les premiers assemblages des réacteurs à eau pressurisée avaient des grilles en inconel, à fort coefficient de dilatation. Pour des raisons d’opacité aux neutrons thermiques et des raisons de retraitement, celles-ci furent remplacées par des grilles en alliage de zirconium. Leur coefficient de dilatation est environ trois fois plus faible que celui des plaques de cœur en acier. Cette dilatation différentielle favorise donc une augmentation des jeux à chaud entre grilles. Ce jeu complémentaire d’un peu moins d’un millimètre représente une augmentation de 30%. Dans un plan horizontal de cœur, ces jeux se cumulent sur une rangée d’AC et autorisent alors jusqu’à 20mm de flèche pour les assemblages placés au centre du cœur. Les AC périphériques sont, quant à eux, rapidement bloqués par le contact avec l’enveloppe de cœur.
La déformation quasi-statique de l’AC progresse pendant les quelques cycles d’irradiation de son séjour dans le cœur du réacteur. Elle s’avère être le résultat complexe d’un certain nombre de phénomènes et de forces.
Tout d’abord, en ce qui concerne les forces externes, chaque AC est soumis à une force de compression verticale par l’intermédiaire des ressorts de maintien, à des forces de contact potentielles avec ses quatre voisins, en fonction de leur déformation, et, dans une large mesure, à des forces hydrauliques. Ces forces sont à la fois verticales et latérales. La composante verticale est assez constante et si importante qu’elle serait capable de soulever l’AC s’il n’était pas maintenu axialement. En revanche, les forces latérales sont de moindre intensité mais fluctuent beaucoup avec la position dans le cœur et dans le temps. Comme il semble que ces forces hydrauliques latérales soient la principale cause de la déformation des AC, de nombreuses études sont menées sur l’interaction fluide-structure. Il a été démontré que déformations et écoulement influent fortement l’un sur l’autre (Horváth and Dressel, 2013; Wanninger et al., 2018). En effet, les déformations des AC modifient les espaces d’eau entre assemblages, modifiant la carte des débits dans le cœur, qui à son tour influence la carte des pressions et donc les forces latérales sur les assemblages de combustible (De Lambert et al., 2021). La Figure 7 ci-dessous considère la zone d’écoulement entre 2 grilles pour le cas d’un jeu assez faible de 1mm. Elle illustre, à gauche, la surpression en amont de la zone convergente formée par les bords inclinés des grilles et, à droite, la redistribution locale de débit qui apparait lorsque le jeu entre deux grilles est faible ou nul. Suivant la déformée des assemblages voisins, les jeux sont plus ou moins ouverts. Ils constituent alors un chemin plus ou moins perméable qui influence le champ de pression et de débit au sein du cœur.
MODELISATIONS THERMOMECANIQUES DES ASSEMBLAGES
Besoins opérationnels distincts
Deux besoins opérationnels différents font appel à une modélisation multi-physique du comportement mécanique des AC en cœur. Le premier besoin concerne la compréhension et la maîtrise des phénomènes fins qui interviennent à l’intérieur d’un AC. Le second concerne le comportement collectif des AC au sein du cœur en situation d’IFS.
Disposer d’un modèle numérique détaillé d’assemblage combustible est absolument nécessaire afin d’analyser, comprendre et hiérarchiser les phénomènes responsables de la déformation des assemblages en cœur. Parmi ces phénomènes, on peut citer le fluage, la relaxation progressive du serrage, les glissements axiaux et les rotations des crayons par rapport aux grilles, la déformation locale et la flexion des grilles, etc. Ce type de modélisation détaillée nécessite beaucoup de mémoire et de puissance de calcul car il comprend la modélisation de tous les composants et liaisons de l’assemblage avec la prise en compte de phénomènes non linéaires (contact, frottement, fluage, grands déplacements).
A l’opposé, les études d’interaction fluide-structure à l’échelle du cœur complet, lequel rassemble 150 à 250 assemblages, nécessitent des modèles individuels d’assemblages beaucoup moins détaillés. De ce fait, il est nécessaire de mettre au point des modèles simplifiés ou mieux encore des modèles réduits d’assemblage.
Idéalement, le modèle détaillé doit représenter fidèlement les différents mécanismes susceptibles d’être impliqués dans la déformation de l’AC. Il devrait être développé le premier, pour permettre d’orienter ensuite la mise au point, puis la validation de modèles simplifiés ou réduits d’AC. Ceux-ci sont ensuite dupliqués et juxtaposés pour former le modèle thermomécanique de cœur. Ce dernier peut être alors couplé aux simulation neutronique et thermohydraulique.
Modèles simplifiés d’assemblage pour le calcul collectif des déformations du cœur
Des organismes de recherche, fournisseurs et exploitants ont mis au point plusieurs modèles mécaniques simplifiés d’assemblage en vue d’étudier leur comportement collectif au sein d’une modélisation du cœur. La majorité d’entre eux a commencé par une représentation 2D dans un plan vertical (une rangée d’assemblage) avant d’évoluer plus récemment vers une représentation 3D de l’AC et du cœur. Tous utilisent des éléments finis généralisés de type poutre, chaque poutre représentant un ensemble de crayons ou un ensemble de tubes-guides. Presque tous ces modèles simplifiés utilisent des éléments discrets de différentes sortes, aussi appelés joints, pour gérer tout ou partie du problème de contact-frottement qui intervient entre crayons et grilles.
Parmi les plus aboutis, nous pouvons citer les 2 modèles suivants :
– Le modèle développé par EDF depuis une vingtaine d’années dans Code_Aster et chainé à une simulation de l’écoulement hydraulique du cœur. Chaque assemblage est représenté par
o un crayon équivalent, maillé en EF poutre,
o une poutre équivalente qui représente l’ensemble des tubes-guides, o quatre joints rotatifs par grille à comportement élastoplastique,
o des blocages en rotation pour toutes les grilles (cf. Figure 10).
Ce modèle 3D (Levasseur et al., 2009), complété par un patin élastoplastique axial pour les liaisons crayon-grille, représente les principaux phénomènes qui régissent le comportement d’un assemblage combustible et a certainement l’avantage d’une convergence aisée. Néanmoins, sa représentation simplifiée de la liaison crayon-grille qui découple les mouvements axiaux et de rotations limite son caractère prédictif en cas de chargements couplés. Le blocage artificiel en rotation au niveau des grilles, quant à lui, permet de retrouver le bon mode de déformation macroscopique pour les tubes-guides mais il amène aussi une légère surestimation de la raideur du système. De même la déformation des grilles est négligée et un seul crayon équivalent est considéré comme représentatif de tous les crayons. Ce modèle ne peut donc pas rendre compte de la distribution des glissements, qui n’est pas tout à fait homogène au sein d’une grille.
Présentation du modèle détaillé de référence
UN MODÈLE 3D COMPRENANT TOUS LES COMPOSANTS ET LIAISONS DE L’ASSEMBLAGE
Le modèle détaillé d’AC est utilisé dans un outil métier qui utilise le logiciel aux éléments finis Cast3M (CEA, 2020). Il a été enrichi pendant la thèse. Il permet de mener des études en mécanique quasi-statique, sur tout ou partie d’un AC de type REP. Tous les composants métalliques et les liaisons sont représentés : les deux embouts en acier, les 24 tubes-guides, les 11 grilles et leurs liaisons soudées avec les tubes-guides, les 265 crayons, les presque 12 000 bossettes embouties dans les grilles et les 6 000 ressorts en inconel qui viennent pincer les crayons. La Figure 26 montre quelques maillages afin d’illustrer le périmètre des études que cet outil permet de mener.
Afin de limiter le nombre de degrés de liberté à environ un million, la modélisation fait principalement appel à des éléments finis structuraux.
– Chaque crayon est modélisé par une centaine d’éléments tuyaux, qui sont des éléments poutre d’ordre 1 à section annulaire et 6 degrés de liberté par nœud.
– Les tubes-guides utilisent ces mêmes éléments à raison d’une cinquantaine par tube.
– Les grilles, dont la forme réelle est un treillis complexe, ajouré, doté de soudures par cordons et par points, sont quant à elles représentées de manière plane et homogénéisée à l’aide de 2312 éléments coques de type DST (Batoz and Dhatt, 1994). Ceux-ci sont des triangles à 3 nœuds et 6 degrés de liberté par nœud, à comportement orthotrope, permettant de dissocier la raideur de courbure hors plan de la raideur de cisaillement de la grille. En effet, cette dernière est très faible à cause de la géométrie de la grille à réseau carré, donc déformable.
– Les embouts sont maillés précisément en éléments de type hexaèdres massifs linéaires à 8 nœuds (3 degrés de liberté par nœud) ou plus sommairement en éléments de coques mince linéaires standards (6 degrés de liberté par nœud, pas de cisaillement transverse).
– Les 17 000 zones de contact et de frottement entre crayons et grilles sont modélisées à l’aide d’éléments discrets à 2 nœuds dénommés JOI1. La gestion du contact normal est réalisée au travers d’une loi pénalisée par la raideur et à l’aide d’une variable interne pour représenter le jeu, cf. Figure 27.
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Table des matières
Acronymes et notations
Introduction
1. Problématique industrielle
L’assemblage combustible
Grandissement des assemblages
1.2.1 Observation industrielle
1.2.2 Risques associés au grandissement
1.2.3 Causes du grandissement
1.2.4 Solutions techniques adoptées
Déformations latérales
1.3.1 Observations industrielles
1.3.2 Risques associés
1.3.3 Causes des déformations latérales
1.3.4 Solutions techniques adoptées
Modélisations thermomécaniques des assemblages
1.4.1 Besoins opérationnels distincts
1.4.2 Modèles simplifiés d’assemblage pour le calcul collectif des déformations du cœur
1.4.3 Modèle détaillé d’assemblage
1.4.4 Modèles réduits d’assemblage
1.4.5 Ambition pour la modélisation collective des AC
2. Comportement des alliages de zirconium sous irradiation
Les alliages de zirconium
Dilatation thermique
Durcissement par l’irradiation
Croissance sous flux de neutrons rapides
Fluage d’irradiation
Fluage thermique
Synthèse des comportements des matériaux à modéliser dans l’assemblage
3. Présentation du modèle détaillé de référence
Un modèle 3D comprenant tous les composants et liaisons de l’assemblage
Validations en laboratoire
Institut Polytechnique de Paris
Extension du domaine d’utilisation aux chargements en réacteur
Campagne de calculs de référence pour la réduction du modèle de fluage
3.4.1 Modèle, conditions aux limites et chargements
3.4.2 Définition du plan d’expérience
4. Eléments de bibliographie sur les techniques de réduction de modèles et la méthode NTFA POD
4.1.1 Origine
4.1.2 Principe de la Snapshot POD
4.1.3 POD classique
4.1.4 Galerkin POD PGD
4.2.1 Généralités
4.2.2 Etape 1, exemple d’enrichissement avec une approche Galerkin
4.2.3 Etape 2 : mise à jour des modes temporels
4.2.4 Etape 3 : contrôle de convergence
4.2.5 Application au problème de fluage et limitation
Hyper réduction
4.3.1 Principe général
4.3.2 Enrichissement et adaptation de la base
4.3.3 Réduction du problème global (prévision HPOD)
4.3.4 Hyper-réduction
4.3.5 Contrôle d’erreur
4.3.6 Application pratique à des problèmes non-linéaires et réduction de coût obtenue NTFA
4.4.1 Principe
4.4.2 Base de modes inélastiques
4.4.3 Contraintes
4.4.4 Loi réduite
Bilan et stratégie pour la réduction du modèle d’assemblage combustible
5. Réduction du modèle : traitement du fluage
Adaptation de la méthode NTFA à un VER de structure élancée
5.1.1 Modes macroscopiques
5.1.2 Champs associés aux différents modes
5.1.3 Forces thermodynamiques
5.1.4 Loi d’évolution réduite
5.1.5 Cas des caractéristiques locales hétérogènes
5.1.6 Problème réduit et algorithme de résolution
Institut Polytechnique de Paris
91120 Palaiseau, France
Validation avec un cas-test simple en fluage non-linéaire
5.2.1 Description du modèle de référence
5.2.2 Identification du modèle réduit
5.2.3 Comparaison des solutions du modèle de référence et du modèle réduit
Fluage d’un AC en conditions hétérogènes
5.3.1 Adaptation du produit scalaire pour les élément finis généralisés de type poutre et tuyau
5.3.2 POD adaptée aux modes de déplacement macroscopiques
5.3.3 Modes inélastiques
5.3.4 Vérification du modèle réduit sur les points du plan d’expérience
5.3.5 Validation hors des points du plan d’expérience
Conclusions pour le modèle réduit de fluage
Perspectives : vers un potentiel réduit qui s’adapte à l’hétérogénéité
5.5.1 Produit scalaire évolutif
5.5.2 Projection de la loi d’écoulement
5.5.3 Moyenne des contrainte
5.5.4 Loi d’évolution finale
5.5.5 Caractéristique équivalente
6. Réduction du modèle : traitement du contact éléments de bibliographie sur la réduction d’un modèle de contact
6.1.1 Conditions locales de contact
6.1.2 Causes et variabilité des ouvertures et réactions de contact
6.1.3 Approche TFA
6.1.4 Approche par projection de Galerkin et base de modes positifs pour les forces de contact
Base des multiplicateurs de Lagrange et conditions réduite de contact
Approche nodale primale par transformation
6.3.1 Description des déplacements
6.3.2 Construction des modes d’ouverture
6.3.3 Lagrangien du problème de contact
6.3.4 Résolution par la méthode des statuts
6.3.5 Résolution par pénalisation
6.3.6 Validation de l’approche nodale primale sur un cas test de contact en 2D
6.3.7 Exploration autours de la base des modes d’ouverture
6.3.8 Bilan de la méthode primale
Approche nodale mixte pour la réduction du modèle de contact
6.4.1 Principe général et forme de la solution
6.4.2 Conditions de contact
6.4.3 Système à résoudre
Institut Polytechnique de Paris
91120 Palaiseau, France
6.4.4 Mise en œuvre et validation
6.4.5 Bilan de la méthode mixte
Réduction d’un modèle de contact à joints pénalisés
6.5.1 Transformation du modèle à variables internes d’ouverture en modèle mixte
6.5.2 Conditions de contact
6.5.3 Mise en œuvre et validation
6.5.4 Bilan de la méthode mixte pour un modèle de référence à joints pénalisés
Bilan des réductions de modèle de contact mises en place
7. Réduction du modèle : traitement du frottement
Condition locale de frottement
Réduction de la cinématique de glissement
Régularisation
Loi de frottement modale
Résolution du modèle réduit de contact-frottement
Application à un cas simple de contact-frottement en 3D
7.6.1 Modèle éléments finis de référence et base de réalisations
7.6.2 Base des modes frontières élastiques
7.6.3 Base des modes de multiplicateurs de Lagrange
7.6.4 Base des modes d’ouverture
7.6.5 Base des modes de glissement
7.6.6 Simulation et corrélation de quelques cas de chargement
Bilan de la réduction du modèle de frottement
8. Conclusions et perspectives
ANNEXE
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