Description de la coulée continue
La coulée continue dont un exemple est donné par la Figure 2 a supplanté dans le dernier quart du XXe siècle la coulée en lingot, cette dernière étant plus onéreuse. Le but de la coulée continue est de former et produire de l’acier de manière continue en utilisant une lingotière ouverte aux deux extrémités. N’ayant pas de moule pour retenir le métal liquide, un tel procédé nécessite la formation d’une carapace solide assez résistante pour accueillir à l’intérieur du métal liquide. Voyons maintenant comment est fabriqué de l’acier à l’aide d’une coulée continue. Elle se compose de deux parties principales : une lingotière, servant a maintenir le métal liquide durant les premiers instants de la coulée, et un puits sans fond délimité par des rouleaux de soutien. Ces rouleaux n’ont d’autre utilité que de maintenir la brame en exerçant une pression sur la croûte solide. Quelques rouleaux sont motorisés et servent à faire avancer la brame. Au dessus de la lingotière, on peut remarquer un répartiteur servant à alimenter en acier liquide la lingotière de façon continue. On distingue deux zones de refroidissement, une zone de refroidissement primaire au niveau de la lingotière servant à créer la carapace solide et une zone de refroidissement secondaire créée par des busettes d’eau placées entre les rouleaux. Après solidification, en fin de zone de refroidissement secondaire les brames sont découpées.
Origines de la fissuration à chaud
De nombreux paramètres relatifs au matériau ont une influence sur la fissuration à chaud, les plus importants étant les suivants :
• La composition chimique du matériau et son mode de solidification (cinétique, phases produites, ségrégations chimiques), ces deux mécanismes étant liés,
• Les caractéristiques de mouillage de la phase liquide interdendritique à bas point de fusion en contact avec un matériau déjà solidifié,
• La viscosité de la phase liquide. Cette dernière est particulièrement importante pour les aspects d’alimentation en liquide de fissures en cours d’ouverture,
• La dilatation thermique des composants du matériau. Plus précisément, dans le cas de la fissuration de solidification les deux facteurs ayant le plus d’influence sont :
• La composition chimique du matériau et notamment la teneur en éléments résiduels et en impuretés qui contribuent à la formation d’un eutectique à bas point de fusion
• Le mode de solidification du matériau, soit la quantité de la phase liquide interdendritique ou intergranulaire à bas point de fusion, pour les fissures amorcées par décohésion de films liquides résiduels. Lors de la solidification en mode dendritique, apparaît une morphologie très dentelée du front de solidification. La forme de la dendrite suggère une répartition spatiale différente du soluté pendant la solidification. En effet, le découpage du front de solidification permet de piéger les poches de liquide présentes au sein du solide lors du rapprochement des dendrites. Dans ce cas, le liquide piégé du fait d’une composition différente peut avoir un point de solidus en deçà du solidus macroscopique. Dans ce cas, le liquide piégé dans la matrice solide se trouve sollicité lorsque les contraintes thermomécaniques s’appliquent. La présence de ces poches liquides diminue fortement la résistance globale du matériau et peut donc amener une pièce de fonderie à se fissurer [Borland60] Du point de vue thermomécanique, la solidification est un passage d’un état liquide à un état solide. L’état métallurgique du matériau est directement impacté par les transferts et gradients thermiques induits par la solidification. Même si l’on parle d’un changement liquide – solide, il n’en demeure pas moins que d’un point de vue métallurgique ce dernier est gradué. En effet entre la zone solide et la zone liquide, il existe une zone intermédiaire appelée zone pâteuse. A l’intérieur de cette zone cohabitent liquide et solide. Pour définir l’intervalle de température sur lequel est observé la zone pâteuse on définit un intervalle de solidification. L’étude de Dalhe et Arnberg [Dalhe96] permet de comprendre le passage du liquide au solide. Selon cette description, on distingue 4 stades qui permettent la transition d’un état liquide à gauche à un état solide à droite. Un premier stade issu de la germination où les dendrites flottent librement dans le liquide. Dans cette zone le mélange liquide solide se comporte comme une suspension. Lorsque les dendrites croissent, elles atteignent très vite un seuil de percolation. A partir de cette fraction solide cohérente, on observe un réseau solide interconnecté. Mais le liquide circule librement et aisément dans ce réseau. Par la suite, plus la taille des dendrites augmente, plus le réseau devient dense et seuls quelques films liquides subsistent. La perméabilité du réseau poreux chute drastiquement, on atteint le stade 3. Au stade 4, la fraction solide de coalescence est atteinte, c’est-à-dire que des ponts solides se forment entre les grains solides, ce qui isole totalement les films liquides dans des poches. Si on peut estimer que la fraction solide de coalescence se situe autour de 0.97, la fraction solide de cohérence reste plus difficile à déterminer. Sa valeur peut osciller entre 0.15 et 0.6 selon les aciers et les aciers [Eskin04]. C’est dans ce stade 4, qu’il a été montré d’un point vu phénoménologique que durant cette période de la solidification l’acier va connaître une période de fragilité appelée BTR (Brittle Temperature Range). Le BTR est un intervalle de fragilité qui représente un intervalle entre des fractions solides. En effet, ce BTR définie deux zones particulières, une première zone pour les hautes fractions solides, où la contrainte dans la structure devient importante. Cette contrainte va provoquer des ruptures au niveau des ponts solides ou des films liquides emprisonnés par la structure solide. La deuxième zone, au niveau de la densité de cohérence, représente le moment à partir duquel il devient difficile pour le liquide de circuler dans la réseau solide. Donc au dessus de la température de cohérence le liquide pourra difficilement alimenter les porosités créées par les ruptures de films liquides. Revenons sur l’analyse annoncée en introduction du document et qui vise à identifier le lieu où apparaissent les fissures dans une zone dendritique. Trois régions présentant des comportements différents vis-à-vis des sollicitations thermomécaniques peuvent être distinguées dans la zone semi-solide :
• La région 1 correspond au domaine de formation des dendrites primaires. Le liquide, présent en grande quantité, peut circuler aisément dans de vastes espaces interdendritiques.
• La région 2 correspond au domaine de maturation des structures dendritiques. Il y a donc eu nucléation et grossissement des dendrites jusqu’à une certaine température pour laquelle celles-ci se joignent et forment un réseau cohérent bien que non complètement solidifié La fissuration à chaud apparaît dès la rupture du film liquide présent entre des joints de grain. L’initiation d’un tel phénomène fait intervenir des interactions complexes entre aspect métallurgique et facteurs mécaniques, ces derniers étant directement influencés par les gradients de température provenant de la solidification. Comme schématisé sur la Figure 6, les interactions thermo-métallurgiques contrôlent la microstructure de solidification, tandis que les interactions thermo-mécaniques sont responsables des contraintes et déformations locales et globales. La compréhension des phénomènes de fissuration passe par une bonne analyse des facteurs favorisant la fissuration à chaud. En réalité ces facteurs à proprement parler ne sont pas facilement identifiables, puisque couplés. Les principaux connus sont présentés cidessous.
Rôle des éléments chimiques
On sait que l’apparition de fissures est accrue avec la présence d’éléments d’alliages à bas point de fusion. Certains éléments tels que le soufre, le phosphore ou le bore favorisent en effet la formation d’un film liquide subsistant dans la phase finale de solidification, ce qui peut diminuer les propriétés mécaniques.
A. Rôle du soufre et du phosphore : Le soufre intervient par micro ségrégation, et son effet néfaste sur la résistance des aciers a été montré expérimentalement. A partir d’une certaine concentration, cet effet s’aggrave. En effet le soufre tend à abaisser la température de solidus, il influe donc sur la vitesse de disparition du liquide vers la fin de la solidification. Cette cinétique de disparition du liquide est d’autant plus lente que la concentration en soufre est élevée. Malgré les différentes études réalisées sur l’influence du phosphore sur la fissuration, son influence reste difficilement quantifiable. [Matsuda88] démontre par exemple que pour des aciers faiblement alliés en chrome ou molybdène, le soufre est près de 2 fois plus influent que le phosphore. [Brooks83] observe par contre que, pour un acier à haute teneur en azote et manganèse, le phosphore est plus nocif que le soufre. En effet leur action sur le métal liquide semble différer. Quand le soufre tend à produire de fines gouttelettes de liquide, le phosphore favorise la formation de film liquide.
B. Rôle du manganèse : Le manganèse tend à réduire le risque de fissuration à chaud, car il tend à abaisser la nocivité du soufre en modifiant la morphologie des sulfures. Ceci a pour conséquence d’augmenter leur point de fusion. En effet les sulfures MnS ont une température de fin de précipitation plus élevée que les sulfures FeS ou CrS. D’autre part selon la teneur en nickel, le manganèse peut être à l’origine d’une deuxième phase. Cette deuxième phase permettrait une solidification mixte plus résistante que la traditionnelle solidification austénitique.
C. Rôle du carbone : Des études ont montré que le flux thermique global extrait de la lingotière passe par un minimum pour des aciers moyen carbone (Figure 10b), ce mauvais transfert thermique s’accompagne d’une plus forte sensibilité au phénomène de crique (Figure 10a). Ce mauvais transfert thermique provient d’un décollement de la zone de peau des parois de la lingotière, la lame d’air ainsi formée servant d’isolant thermique. Voyons ici les hypothèses pouvant être formulées pour expliquer ce décollement. La solidification les aciers moyen carbone est une transformation fer delta – fer gamma (Figure 11). Cette transformation s’accompagne d’un retrait, la ferrite ayant une maille cubique centrée moins compacte que la maille cubique face centrée de l’austénite. Dans le cas d’alliages dont la teneur en carbone est comprise entre 0,17% et 0,43%, la solidification commence en fer delta et se poursuit en austénite. La variation de volume en fin de solidification est moins importante que pour les aciers moyen carbone, et l’alimentation en métal liquide peut compenser en partie ce retrait.
Influence des paramètres internes sur les critères
Le paramètre qui semble de première importance dans le critère de WYSO, semble être l’étendue du BTR. En effet c’est uniquement durant cet intervalle que chaque élément va cumuler des déformations pour le critère de fissuration.Comme l’avait déjà noté Bellet et al dans [Bellet09], les valeurs limites du BTR à une influence non négligeable sur le critére de fissuration. Ici, on constate qu’une hausse du BTR de 35% (c’est-à-dire 15°C) a pour conséquence une hausse significative du HCC, le nouvel HCC = 1.25 x HCCref.. De même une baisse du BTR de 35% (c’est-à-dire une baise de 14°C) va entraîner aussi une baisse significative du HCC, HCC = 0.57 x HCCref. En conclusion de BTR est un paramètre crucial mais dont les bornes sont difficiles à déterminer. Par conséquent nos observations sont identiques à celles décrites dans [Bellet09]. Pour le critère de RDG, la valeur importante est la pression critique à partir de laquelle on considère qu’il existe un risque d’apparition d’une cavité pouvant dégénérer en fissure. Cette pression, est très difficcile à mesurer et est directement reliée à des problèmes de tension de surface.
La mesure de champ de déplacement en lumière blanche
Cette technique a été développée dans les années 80 [Peters82], [Chu83] ; elle est basée sur l’intercorrélation d’images numériques. Le principe de cette technique consiste à comparer deux motifs grâce aux variations de texture de surface de l’objet observé. Pour cela on utilise un motif aléatoire. Le champ de déplacement plan est obtenu par intercorrélation d’une image de référence avec une image déformée [Chen93]. Le principal avantage de cette méthode réside dans le peu de matériel nécessaire à sa mise en œuvre, c’est-à-dire une caméra CCD, une carte d’acquisition, un PC et une source lumineuse. L’aspect aléatoire de la texture de la surface des éprouvettes est utilisé comme mouchetis aléatoire. De cette technique découle l’utilisation des mouchetis de peinture vue précédemment. Ces mouchetis ont été introduits dans le cas où la surface de l’éprouvette n’offrait pas un contraste suffisant issu de la seule texture. Lors des essais en lumière blanche la surface de l’éprouvette est suivie et enregistrée durant la durée d’un essai mécanique à l’aide de la caméra CCD. Ce sont ces images qui, une fois couplées à un algorithme de corrélation, servent à calculer les déplacements à la surface de l’éprouvette. Cette méthode présente de nombreux avantages, comme la mesure sub-pixel selon les algorithmes utilisés, la surface de l’échantillon n’a pas forcément besoin d’une préparation particulière, la résolution spatiale de la mesure n’est pas limitée par une distance entre points comme dans le cas des grilles. On peut y trouver certains inconvénients, le nombre de point à traiter est limité par la taille du capteur CCD, les variations de texture de surface dues à l’application d’une force peuvent modifier l’image et donc la mesure, et enfin un mauvais alignement du système d’observation par rapport à l’objet peut provoquer des erreurs.
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Table des matières
Chapitre 1 : Introduction
Chapitre 2 : Etude bibliographique
1. Les procédés de solidification et la problématique de la fissuration à chaud
1.1 Description de la coulée en lingot
1.2 Description de la coulée continue
1.3 Description des différents états et des microstructures de l’acier au cours du procédé
1.4 Les interactions thermiques, métallurgiques et mécaniques
2. Etat de l’art sur la fissuration à chaud, pendant le processus de solidification
2.1 Origines de la fissuration à chaud
2.2 Rôle des éléments chimiques
2.3 Influence du mouillage
2.4 Facteurs métallurgiques
2.5 Les critères de fissuration à chaud
3. Analyse des capacités de la simulation numérique pour la prédiction de la fissuration à chaud
3.1 La simulation numérique des gradients thermiques
3.2 Simulation numérique du comportement mécanique
3.3 Etudes des paramètres influents sur les critères de fissuration à chaud
4. Conclusions et discussion
Chapitre 3 : Caractérisation mécaniques par essais de traction à chauffage résistif
1. Caractérisation du comportement métallurgique des nuances retenues
1.1 Les nuances d’acier retenues
2. Dispositif expérimental utilisé pour la caractérisation mécanique
2.1 Présentation de la machine Taboo utilisée au CEMEF
2.2 Dispositif utilisé chez Ascometal
3. Description de la formulation
3.1 Le problème thermo-électrique
3.2 Conditions aux limites et conditions interfaciales
4. Problème mécanique
5. Résolution numérique du problème couplé
5.1 Formulation intégrale du problème électrique thermique
5.2 Formulation intégrale du problème mécanique
5.3 Choix d’un élément
5.4 Discrétisation spatiale:
6. Mesures des paramètres nécessaires à la simulation
6.1 Mesure de résistivité électrique
6.2 Résistances électriques de contact
6.3 Mesure d’émissivité
7. Validations numériques
7.1 Validation de la loi d’Ohm, couplage thermique en mono domaine
7.2 Validation de la loi d’Ohm, couplage thermique en multi domaines
8. Régulation de la température: modélisation de la boucle PID
9. Stratégie de simulation et validations
9.1 Modélisation de l’essai Taboo
9.2 Modélisation de l’essai Gleeble
10. Aide au design des éprouvettes
10.1 Vers une géométrie d’éprouvette optimisée
10.2 Vers une géométrie d’éprouvette optimisée pour Taboo
11. Conclusion
Chapitre 4 : Mesure de déformation par corrélation d’images de speckles laser
1. Mesure de champs de déplacement, étude des méthodes existantes
1.1 Les méthodes de moiré et les méthodes de grilles
1.2 Les techniques de corrélation : corrélation d’images et méthode de grilles
1.3 L’holographie et l’holographie interférométrique
1.4 Les techniques basées sur les speckles laser
2. Problématique haute température : Choix d’un nouveau moyen de mesure
3. Mesure du déplacement
3.1 Principe de la corrélation d’images
3.2 Interpectre de deux signaux, cas bidimensionnel
3.3 Intercorrélation dans le cas unidimensionnel continu
3.4 L’intercorrélation: formulation de Fourier d’un cas bidimensionnel
4. Mise en place d’un nouvel algorithme hybride
4.1 Les limites de l’interspectre : décalage non circulaire dans le calcul de déformation
4.2 Avantages et inconvénients de l’interspectre et de l’inter corrélation pour nos applications
4.3 Vers un nouvel algorithme hybride(CC-CS)
4.4 Validation numérique de l’algorithme
4.5 Problème classique en traitement du signal : l’effet du sous-échantillonnage
5. Dispositif de mesure installé au Cemef
5.1 Description du montage expérimental
5.2 Validation de la nouvelle méthode sur des essais à froid
6. Dispositif de mesure développé chez Ascometal
6.1 Description du montage expérimental
6.2 Validation
7. Faisabilité d’essais haute température
7.1 Changement de l’état de surface du à l’oxydation
8. Application aux essais à chaud
8.1 Résultats d’essais Taboo
8.2 Résultats essais Gleeble
9. Conclusions
Chapitre 5 : Analyse inverse et Caractérisation Mécanique
1. Méthodes de minimisation de la fonction coût
1.1 Les méthodes d’ordre zéro
1.2 Les méthodes à direction de descente
1.3 Choix d’une méthode d’optimisation
2. Algorithme MOOPI
2.1 Présentation de l’algorithme
2.2 Choix d’une fonction coût : mesures globales
2.3 Choix de la loi de comportement
2.4 Validation de l’algorithme
3. Identification de paramètres rhéologiques sur des essais Taboo
3.1 Essais de traction à chaud
3.2 Résultats
3.3 Essai de traction à déplacement imposé
3.4 Essai de tractions pour des températures supérieures à 1350°C
4. Identification à partir des mesures de champs-
4.1 Méthodes d’identification à partir de mesures de champs
4.2 Exploitation des mesures de champs
4.3 Vers l’identification d’une mesure de champs par une méthode de recalage EF
5. Conclusion
Bibliographie
Chapitre 6 : Apport micro de la dynamique moléculaire
1. La dynamique moléculaire « classique »
1.1 Principes
1.2 Les grandeurs thermodynamiques
2. Les limites de la dynamique moléculaire
3. Les potentiels utilisés dans la bibliographie pour décrire le comportement du fer
3.1 Les potentiels de paires
3.2 Les potentiels à trois corps
3.3 Les potentiels à N corps
3.4 Discussion
4. L’application d’un potentiel à N corps au Fer CFC
4.1 Validation du potentiel et du jeu de paramètres
4.2 Caractéristiques à l’état liquide
4.3 Propriétés de la zone semi solide
5. Etude du comportement mécanique de mono cristaux de fer
5.1 Propriétés statiques
5.2 Module d’élasticité
5.3 Tenseur d’élasticité
6. Conclusion
Chapitre 7 : Conclusions et discussion
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