Dans l’รฉtude de la fatigue des matรฉriaux cristallins, la rรฉponse contrainte-dรฉformation joue un rรดle important. En effet, La rรฉponse des contraintes du matรฉriau dรฉtermine la quantitรฉ de dรฉformation plastique cyclique induite par les chargements extรฉrieurs exercรฉs sur les รฉlรฉments de construction. Les aciers inoxydables AISI 316 (X2 CrNiMo 17-12) et AISI 304 (X2 CrNi 17-12) sont largement utilisรฉs dans les รฉlรฉments de sรฉcuritรฉ des centrales nuclรฉaires. Les sollicitations vues par ces matรฉriaux sont de types cycliques uniaxiales voire multiaxiales. De nombreux auteurs se sont intรฉressรฉs au comportement des aciers inoxydables austรฉnitiques soumis ร de telles sollicitations. Les travaux de recherche sur le comportement de ces aciers et les propriรฉtรฉs intrinsรจques des aciers inoxydables austรฉnitiques seront prรฉsentรฉs par la suite.
Les aciers inoxydables austรฉnitiques
Composition chimique
Les aciers inoxydables austรฉnitiques prรฉsentent une excellente rรฉsistance ร la corrosion grรขce ร lโajout dโau moins 10,5% de Chrome. Ces aciers ont aussi dโexcellentes caractรฉristiques mรฉcaniques en termes de ductilitรฉ ou de tรฉnacitรฉ selon les รฉlรฉments dโalliage.
De faรงon gรฉnรฉrale, les aciers 304L, rรฉpertoriรฉs dans la littรฉrature, contiennent de 0,02 % ร 0,10% de Carbone, de 17 % ร 20% de Chrome, de 7 % ร 25% de Nickel et de 2 % ร 5% de Molybdรจne [DeBaglion 2011, Lehericy 2007, Petitjean 2003]. Le chrome est un รฉlรฉment alphagรจne, c’est-ร -dire, il รฉlargit le domaine ferritique ยซ ฮฑ ยป au dรฉtriment de lโaustรฉnite ยซ ฮณ ยป. Il est donc nรฉcessaire d’introduire un รฉlรฉment d’alliage gammagรจne, comme le Nickel, pour stabiliser l’austรฉnite ร tempรฉrature ambiante. Lโaddition de Sรฉlรฉnium ou de Soufre, ร des teneurs dโenviron 0.15%, amรฉliore nettement lโusinabilitรฉ mais rรฉduit lรฉgรจrement la rรฉsistance ร la corrosion. La corrosion intergranulaire des aciers inoxydables austรฉnitiques est รฉvitรฉ soit en ajoutant des รฉlรฉments qui forment des carbures, comme le Titane et le Niobium, soit en utilisant une trรจs faible teneur en carbone (ยซ L ยป pour Low carbon). Les aciers, contenant, moins de 0,03% de carbone ne prรฉsentent pas de prรฉcipitation inter cristalline de carbures de chrome, qui est responsable d’une dรฉchromisation de l’austรฉnite aux joints de grains. De plus, lโaddition de 2 ร 4% de Molybdรจne augmente nettement la rรฉsistance ร la corrosion de ces aciers dans la plupart des milieux.
Cependant, la diminution de la teneur en carbone entraรฎne une rรฉduction des propriรฉtรฉs mรฉcaniques. Ce phรฉnomรจne peut รชtre compensรฉ par l’introduction d’azote qui, ร des teneurs infรฉrieures ร 0.2%, augmente notablement la limite dโรฉlasticitรฉ sans diminution de la ductilitรฉ, car comme le carbone, il occupe des sites interstitiels. Enfin, un apport de manganรจse permet d’augmenter la solubilitรฉ, initialement faible, de l’azote dans l’acier.
Les structures cristallographiquesย
Les aciers inoxydables austรฉnitiques prรฉsentent une phase austรฉnitique ยซ ฮณ ยป avec รฉventuellement, la prรฉsence dโune phase ferritique rรฉsiduelle ยซ ฮฑ ยป. L’austรฉnite est une solution solide d’insertion de carbone dans l’allotrope ฮณ du fer. Cet allotrope paramagnรฉtique est de structure cristallographique Cubique ร Faces Centrรฉes (CFC). Cette structure leur confรจre une excellente ductilitรฉ et tรฉnacitรฉ depuis des tempรฉratures trรจs basses, par absence de transition ductile-fragile, jusquโร plusieurs centaines de degrรฉs Celsius. Lโaustรฉnite mรฉtastable peut se transformer en martensite soit par un chargement mรฉcanique (contrainte ou dรฉformation plastique) dans un intervalle de tempรฉrature Ms < T < Md30 [Bolling 1970, Richman 1971], soit par refroidissement thermique ร basse tempรฉrature ร T < Ms [Lecroisey 1972] (La tempรฉrature Ms ยซ Martensite start ยป est la tempรฉrature ร laquelle la martensite apparaรฎt lors dโun refroidissement, la tempรฉrature Md30 quant ร elle, est dรฉfinie comme la tempรฉrature ร laquelle 50% de martensite sโest formรฉe aprรจs une dรฉformation plastique de 30% exercรฉe en traction). Deux types de martensite peuvent alors รชtre induites, une induite par la contrainte et une autre induite par la dรฉformation plastique. Ces deux phases martensitiques se retrouvent dans les aciers inoxydables austรฉnitiques sous les noms de martensite ฮฑโ et martensite ษ [Mangono 1970, Lecroisey 1972] :
– la martensite ฮฑโ est une phase mรฉtastable, ferromagnรฉtique, issue de la transformation sans diffusion de l’austรฉnite en dessous d’une tempรฉrature martensitique. La transformation de l’austรฉnite en martensite ฮฑโ consiste en un changement du rรฉseau cristallin qui รฉvolue d’une structure CFC ร une structure Quadratique. C’est la sursaturation en atomes de carbone qui provoque la distorsion du rรฉseau Cubique Centrรฉ du fer ฮฑ en un arrangement Quadratique. Cependant, l’acier AISI 304L est un cas particulier car sa faible teneur en carbone n’engendre aucune distorsion de maille [Brooks 1979]. La martensite produite est alors de mรชme structure C.C. que la ferrite ฮฑ [Pasco 2004]. Cette phase martensitique possรจde une grande duretรฉ et une fragilitรฉ notable contrairement ร sa phase mรจre, l’austรฉnite qui est plutรดt trรจs ductile.
– La martensite ฮต est une phase paramagnรฉtique, de structure Hexagonale Compacte (HC). Des observations au microscope รฉlectronique ร haute tension ont rรฉvรฉlรฉ que cette phase martensitique se forme ร partir dโun chevauchement des fautes dโempilements crรฉรฉs lors de la dรฉformation ร basse tempรฉrature [Lacombe 1990 ; Nagy 2004] et que sa stabilitรฉ dรฉpend de la composition chimique de l’alliage.
Rรฉponse cyclique
Le pilotage des essais de fatigue oligocyclique peut รชtre rรฉalisรฉ de trois maniรจres diffรฉrentes:
โข soit en imposant l’amplitude de dรฉformation totale (ฮฮตt),
โขย soit en imposant l’amplitude de dรฉformation plastique (ฮฮตp)
โข soit en imposant la contrainte (ฮฯ) (la contrainte, est le rapport entre la force appliquรฉe (F) et la surface vraie (Svraie) de lโรฉchantillon (ฯ=F/Svraie)).
La premiรจre faรงon est la plus usuellement rencontrรฉe dans la littรฉrature. Le contrรดle de la dรฉformation plastique nรฉcessite une boucle d’asservissement programmรฉe par logiciel, il est donc plus dรฉlicat ร mettre en ลuvre. Ceci explique qu’un certain nombre d’auteurs ont choisi d’asservir la machine d’essai ร la dรฉformation mesurรฉe, tout en contrรดlant l’amplitude de dรฉformation plastique [Polรกk 1983]. Le troisiรจme mode de pilotage, ร savoir le contrรดle de l’essai en contrainte, conduit ร l’observation du phรฉnomรจne de dรฉformation progressive ou rochet.
Rรฉponse cyclique avec un niveau de chargement
L’รฉtude du comportement en fatigue oligocyclique, consiste ร suivre, pour diffรฉrentes amplitude de dรฉformation totale imposรฉe, l’รฉvolution de l’amplitude de contrainte (ฮฯ) en fonction du nombre de cycles (N). Le premier phรฉnomรจne observable, sur une boucle d’hystรฉrรฉsis, est lโeffet Bauschinger. (Figure I.3). Cet effet se traduit notamment par une diminution de la limite dโรฉlasticitรฉ en compression aprรจs un chargement en traction et vice-versa [Choteau 1999].
Ensuite, avec lโensemble des boucles d’hystรฉrรฉsis, il est alors possible de tracer la courbe de la rรฉponse cyclique (ฮฯ = f(N)). Concernant les aciers austรฉnitiques, l’รฉvolution de l’amplitude de contrainte en fonction du nombre de cycles se fait en deux temps :
โข un stade d’รฉvolution rapide de l’amplitude de contrainte. En effet le matรฉriau peut prรฉsenter une phase de consolidation, ou durcissement cyclique, suivie d’une phase de dรฉconsolidation, ou adoucissement cyclique
โข et un stade de saturation pendant lequel l’amplitude de contrainte reste constante ou quasiconstante. Ce stade prรฉsente des cycles stabilisรฉs. Ces cycles peuvent รชtre soit รฉlastiques, cโest lโadaptation, soit plastiques, c’est lโaccommodation. Les aciers inoxydables austรฉnitiques exhibent un durcissement durant les premiers cycles. Il est d’autant plus important que l’amplitude de dรฉformation plastique est grande [Mughrabi 1979]. Le stade qui suit ce durcissement, l’adoucissement ou alors le rรฉgime stabilisรฉ, est fonction de lโamplitude de dรฉformation totale. En effet, pour un acier 304 [Jiang 1997], ou pour un 316L [Zong 1990, Mateo 1996, Moussavi 1997], ce durcissement peut รชtre suivi dโun adoucissement cyclique pour des amplitudes de dรฉformation totale infรฉrieures ou รฉgales ร 0,28% ou alors dโune stabilisation de lโamplitude de contrainte pour une amplitude de dรฉformation imposรฉe de 0,6% (Figure I.4). Jiang et Zhang [Jiang 2008], dans un retour dโexpรฉrience, ont conclu que le durcissement comme, lโadoucissement, dรฉpend non seulement du matรฉriau mais aussi de lโamplitude du chargement imposรฉe.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. INTRODUCTION A LA FATIGUE
I.2. COMPORTEMENT CYCLIQUE ET EVOLUTIONS MICROSTRUCTURALES DES ACIERS INOXYDABLES AUSTENITIQUES EN FATIGUE
I.2.1. Les aciers inoxydables austรฉnitiques
I.2.2. Rรฉponse cyclique
I.2.3. Mรฉcanismes de dรฉformation et รฉvolutions microstructurales en fatigue
I.3. ETUDE DE LโENDOMMAGEMENT EN FATIGUE
I.3.1. Mรฉcanismes dโendommagement prรฉcoce
I.3.2. Propagation des fissures de fatigue
I.4. FATIGUE SOUS CHARGEMENT A AMPLITUDE VARIABLE
I.4.1. Les mรฉthodes de comptage des cycles
I.4.2. Cumul de dommage en fatigue
I.5. SYNTHESE DU TAVAIL BIBLIOGRAPHIQUE
II. MATERIAU ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES
II.1. LโACIER INOXYDABLE AUSTENITIQUE 304L
II.1.1. Composition chimique
II.1.2. Microstructure
II.1.3. Taille des grains
II.2. GEOMETRIE ET PREPARATION DES EPROUVETTES
II. 3. DISPOSITIF EXPERIMENTAL ET ESSAIS MECANIQUES
II.3.1. Machine dโessai et instruments de mesures
II.3.2. Essai de traction
II.3.3. Essais de fatigue oligocyclique
II. 4. CARACTERISATION DE LโENDOMMAGEMENT
II.4.1. Microscopie optique
II.4.2. Microscopie รฉlectronique
II.4.3. Rรฉpliques plastique
II.4.4. Emission acoustique (EA)
II.5. SYNTHESE ET METHODOLOGIE DEVELOPPEE
III. FATIGUE A AMPLITUDE CONSTANTE A LโECHELLE DE LโEPROUVETTE
III.1. COMPORTEMENT CYCLIQUE DE LโACIER 304L
III.1.1. Rรฉponse cyclique
III.1.2. Courbes de contrainte-dรฉformation
III.2. EVALUATION DE LA DUREE DE VIE EN FATIGUE
III.2.1. Tenue en fatigue de lโacier 304L
III.2.2. Modรจles de prรฉdiction de la durรฉe de vie en fatigue
II.3. POINTS MARQUANTS DU CHAPITRE
IV. FATIGUE A AMPLITUDE CONSTANTE A UNE ECHELLE PLUS LOCALE
IV.1. EVOLUTION DU DOMMAGE EN FATIGUE A AMPLITUDES CONSTANTES DE LโACIER 304L
IV.1.1. Endommagement pour une amplitude de dรฉformation totale de ยฑ0,6%
IV.1.2. Endommagement pour une amplitude de dรฉformation totale de ยฑ0,45%
IV.1.3. Endommagement pour une amplitude de dรฉformation totale de ยฑ0,3%
IV.1.4. Endommagement pour une amplitude de dรฉformation totale de ยฑ0,2%
IV.1.5. Conclusions de lโanalyse qualitative
IV.2. EVOLUTION DE LA FISSURE PRINCIPALE AU COURS DU CYCLAGE
IV.2.1. Evolution de la longueur de la fissure principale
IV.2.2. Evolution de la fissure principale en profondeur
IV.2.3. Relation entre la profondeur et la longueur des fissures en fatigue
IV.3. IDENTIFICATION DES DIFFERENTS STADES DโEVOLUTION DES FISSURES EN FATIGUE
IV.4.1. Stade dโรฉvolution microstructurale des fissures courtes (MSC)
IV.4.2. Stade dโรฉvolution physique des fissures courtes (PSC)
IV.4.3. Stade dโรฉvolution des fissures longues (LC)
IV.4. MODELISATION DE LโENDOMMAGEMENT EN FATIGUE
IV.4.1. Loi dโรฉvolution par une approche de type Tomkins et Wareign
IV.4.2. Lois dโรฉvolution par stade dโendommagement
IV.4.3. Nouvelle loi dโendommagement en fatigue
IV.4.4.Quel paramรจtre pertinent pour bien dรฉcrire lโendommagement en fatigue ?
IV.4.5. Prรฉdiction de la durรฉe de vie par un critรจre dโendommagement
IV.5. SUIVI DES ESSAIS DE FATIGUE PAR EMISSION ACOUSTIQUE
IV.5.1. Analyse conventionnelle
IV.5.2. Analyse statistique multivariable
V.6. POINTS MARQUANTS DU CHAPITRE
CONCLUSION
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