Comportement au feu des bétons
Ecaillage des bétons face à l’incendie
Le béton peut écailler lorsque soumis à un incendie. Ce phénomène est le résultat de plusieurs mécanismes complexes qui se déclenchent avec la montée de la température. Son intensité dépend de plusieurs paramètres tels que, entre autres, la teneur en eau, le type de béton, la nature des granulats. [Khoury 2000; Robert et al. 2008], mais également la géométrie de l’élément de structure ou encore son chargement mécanique [Mohaine et al. 2021]. Après plus d’un siècle d’investigations, l’écaillage est de mieux en mieux appréhendé. Cependant, des avis controversés sur ses mécanismes et sur la définition des facteurs principaux de son déclenchement existent toujours [Jansson McNamee 2013a; Jansson McNamee 2013b]. En outre, la modélisation de ce phénomène est en amélioration continue mais elle ne permet toujours pas de prendre en compte l’influence de tous les paramètres et leur interdépendance. Par conséquent, l’évaluation expérimentale est nécessaire et est parfois le seul moyen pour appréhender le comportement d’un béton donné à l’écaillage.
Définition et différents types
L’écaillage est une forme d’instabilité des bétons exposés à haute température. Il est caractérisé par un détachement de morceaux de béton dits ‘écailles’ de façon progressive et/ou explosive. La classification la plus courante de l’écaillage selon [Khoury 2000] [Robert et al. 2008] cité dans [Phan 2012] [Mindeguia 2009] est la suivante, allant du moins violent au plus violent :
– détachement de granulats : dépend du type des granulats, non significatif sur le comportement global du matériau ;
– détachement à l’angle : ce développement à l’angle de structure quand l’endommagement du matériau est avancé en raison des contraintes de tractions. Non significatif également ;
– détachement de surface : plutôt violent, est caractérisé par un éclatement progressif et continu de morceaux de béton décrit parfois par le terme ‘pop-corn’ ;
– détachement explosif : très violent caractérisé par l’éclatement d’un grand morceau de béton en une seule fois.
Les 4 formes d’écaillage peuvent co-exister sous une même exposition thermique.
Mécanismes moteurs du phénomène
L’écaillage est un phénomène très complexe qui met en jeu plusieurs mécanismes. De nombreuses recherches menées pendant ces dernières années mettent en avant les mécanismes suivants :
– le mécanisme thermomécanique : sous l’effet du fort gradient thermique entre la surface et le cœur ;
– le mécanisme thermohydrique qui génère une pression de pores importante par rapport à la résistance en traction du matériau ;
– et le couplage des deux qui donne un mécanisme thermo-hydro-mécanique.
Cette théorie implique que l’écaillage dépend de plusieurs paramètres à la fois à savoir, entre autres, la teneur en eau, la composition du béton, la minéralogie des granulats, la sollicitation thermique et le chargement.
Mécanisme thermomécanique
L’augmentation de la température dans la surface du béton conduit à de forts gradients thermiques entre la surface chauffée et le cœur du matériau encore froid. D’une part, la zone proche de la surface exposée au feu subit une expansion continue qui sera empêchée par la zone du cœur encore froide. Cette dilatation empêchée va induire des contraintes de compression parallèles à la surface exposée dans la zone dilatée et des contraintes de traction dans le cœur de la structure. L’éclatement aura donc lieu quand la résistance en compression dans la zone de surface sera dépassée [Dougill 1972; Bazant et Thonguthai 1978; Ulm et al. 1999b; Msaad 2007]. D’autre part, l’augmentation de la température conduit à une dilatation importante dans le béton. L’incompatibilité des déformations entre la pâte de ciment et les granulats engendre des fissurations radiales et tangentielles à cause de la rétraction de la pâte et l’expansion du granulat. La décomposition de l’hydroxyde de calcium, des C-S-H et granulats calcaires à haute température affaiblit l’adhérence entre la pâte et le granulat, favorisant ainsi les fissurations et le décollement de granulats [Liu et al. 2018]. Ces fissurations peuvent avoir un rôle favorisant l’écaillage à travers les fissurations et le décollement des granulats mais aussi un rôle dans la réduction de la pression de pores, expliquée ci-après [Khoury 2006].
Mécanisme thermohydrique
L’exposition à des températures très élevées en surface provoque des cycles d’évaporation, de migration de la vapeur d’eau et de condensation. Le transfert d’une partie de l’eau vers les couches intérieures du béton loin de la surface exposée; ceci mène à l’accumulation de l’eau dans une zone localisée [Liu et al. 2018; Li et al. 2021]. L’avancement de l’eau dans les couches du béton est conditionné par le réseau poreux et la teneur en eau des couches intérieures (gradient hydrique). Si le béton est peu perméable, le front de chaleur va continuer à avancer et l’eau continue à s’accumuler dans cette zone jusqu’à la formation de ce qu’on appelle le « bouchon hydrique » ou le « moisture clog » . L’augmentation rapide de la température va conduire à l’évaporation de l’eau à l’interface . La vapeur d’eau sans issue d’évacuation exerce une pression élevée conduisant à des contraintes de traction très importantes dans les parois solides du béton et l’écaillage aura lieu quand la résistance à la traction du béton sera dépassée [Chan et al. 1999; Kalifa et al. 2000; Ichikawa et England 2004; Chen et al. 2009; Powierza et al. 2018; Choe et al. 2019].
|
Table des matières
Introduction générale
1 Comportement au feu des bétons
1.1 Ecaillage des bétons face à l’incendie
1.1.1 Définition et différents types
1.1.2 Mécanismes moteurs du phénomène
1.1.3 Quels sont les facteurs principaux ?
1.2 Rôle de la teneur en eau dans les mécanismes d’écaillage
1.2.1 Etat de l’art
1.2.2 Conditionnement normalisé pour les essais au feu
1.2.3 Modes de conditionnement alternatifs
1.3 Autres facteurs favorisant l’écaillage
1.3.1 Type des bétons
1.3.2 Chargement mécanique
1.3.3 Minéralogie et taille des granulats
1.3.4 Echelle et géométrie des corps d’épreuve
1.4 Mitigation de l’écaillage : utilisation de fibres polypropylène
1.5 Répétabilité des résultats d’écaillage
1.6 Synthèse
2 Séchage des bétons
2.1 L’eau dans les bétons
2.1.1 Mécanisme d’hydratation des ciments Portland
2.1.2 Structure poreuse
2.1.3 Distribution de l’eau
2.2 Séchage des bétons
2.2.1 Mécanismes du séchage
2.2.2 Rôle de la température
2.2.3 Qu’est-ce qui contrôle la cinétique du séchage à T donnée ?
2.2.4 Principaux impacts du séchage sur le matériau
2.3 Accélération du séchage : intérêt et applications
2.4 Synthèse
3 Démarche et matériaux étudiés
3.1 Démarche scientifique
3.2 Matériaux
3.2.1 Critères de choix
3.2.2 Bétons à hautes performances
3.2.3 Bétons ordinaires
3.3 Production des bétons et caractérisation à l’état frais
3.3.1 Protocole de la production
3.3.2 Résultats de la caractérisation à l’état frais
3.4 Caractérisations à l’état durci
3.4.1 Résistance en compression
3.4.2 Module de Young
3.4.3 Porosité accessible à l’eau
3.4.4 Perméabilité à l’eau liquide
3.5 Synthèse
4 Étude expérimentale de la cinétique de séchage des bétons
4.1 Programme expérimental et conditions de séchage
4.1.1 Présentation du programme
4.1.2 Conditions de séchage
4.2 Isotherme de désorption
4.2.1 Protocole expérimental
4.2.2 Critère de stabilisation
4.2.3 Discussion
4.3 Perte en masse
4.3.1 Programme et protocole
4.3.2 Résultats et discussion
4.3.3 Microfissuration et carbonatation
4.4 Teneur en eau des bétons
4.4.1 Mesure expérimentale
4.4.2 Teneur en eau initiale des bétons
4.4.3 Variabilité de la mesure
4.4.4 Estimation de la teneur en eau initiale à partir de la porosité et de la composition des bétons et comparaison avec le résultat expérimental
4.5 Synthèse
5 Prédiction du profil hydrique sous sollicitations thermiques et hydriques
5.1 Modélisation du séchage
5.1.1 Modèle biphasique
5.1.2 Résolution et lois constitutives
5.1.3 Conditions aux limites
5.1.4 Enjeux et modèle retenu
5.2 Extension du modèle aux effets de la température
5.2.1 Effet sur les propriétés physiques
5.2.2 Effet sur les propriétés de transport
5.2.3 Intégration des effets de la température dans le modèle hydrique
5.3 Identification des paramètres
5.3.1 Isotherme de désorption
5.3.2 Perméabilité effective
5.4 Prédiction du profil hydrique sous des sollicitations thermiques et hydriques dans un béton mature
5.4.1 Données du problème
5.4.2 1er cas d’étude : séchage en conditions normalisées
5.4.3 2ème cas d’étude : séchage accéléré à 40 °C
5.5 Synthèse
6 Sensibilité à l’écaillage et mode de conditionnement
6.1 Programme expérimental et protocole des essais au feu
6.1.1 Programme expérimental
6.1.2 Protocole expérimental des essais au feu
6.2 Impact de la durée du séchage en conditions normalisées sur l’écaillage
6.2.1 Mode de conditionnement
6.2.2 Résultats d’écaillage
6.2.3 Evolution de l’état hydrique
6.2.4 Evolution de la résistance en compression
6.2.5 Analyse paramétrique de la sensibilité à l’écaillage et influence de l’échéance du séchage en conditions normalisées
6.3 Sensibilité à l’écaillage dans le cas d’un SA représentatif de 90 jours SN183
6.3.1 Mode de conditionnement
6.3.2 Résultats d’écaillage
6.3.3 Evolution de l’état hydrique
6.3.4 Evolution de la résistance en compression
6.4 Sensibilité à l’écaillage dans le cas d’un SA représentatif de 700 jours en SN
6.4.1 Mode de conditionnement
6.4.2 Résultats d’écaillage
6.4.3 Evolution de l’état hydrique
6.4.4 Evolution de la résistance en compression
6.5 Synthèse
Conclusions générales
Annexes