L’objet de cette thèse est d’obtenir une loi de comportement anisotrope représentative de la cristallisation sous contrainte dans le caoutchouc, de l’intégrer dans un calcul macroscopique éléments finis, et de comprendre l’influence de ce phénomène sur la propagation de fissures dans ce matériau par un critère de taux de restitution d’énergie. Néanmoins, nous devons préciser que nous n’irons pas jusqu’à valider des résultats expérimentaux mais nous allons mettre en avant une modélisation de ce phénomène intégrable dans un cadre industriel et l’illustrer grâce à plusieurs expériences. Cette étude, réalisée en partenariat avec la Manufacture Française des Pneumatiques Michelin doit permettre de développer des méthodologies et des critères de durée de vie applicables à la conception et d’améliorer notre compréhension du phénomène de rupture dans les élastomères. On peut donc proposer le problème de la caractérisation de la propagation de fissure en fatigue en présence de cristallisation sous contrainte comme problématique cadre de cette étude. Dans ce cadre, les difficultés d’obtention de ces méthodologies et de ces critères sont liées au couplage de phénomènes variés en pointe de fissure. On fait d’abord état de quelques uns des enjeux de la modélisation du comportement du caoutchouc pour les problèmes industriels en se reposant sur l’étude faite pour l’ANR AMUFISE (Analyse MUlti-échelles de la FISsuration dans les Elastomères chargés). Ensuite, nous soulignons les propriétés intrinsèques au matériau et les caractéristiques du besoin exprimé qui rendent cette étude délicate. Enfin, on résume les contributions apportées par thème aussi indépendamment que possible comme cela a été fait dans ce mémoire.
Quelques enjeux de la modélisation du comportement à la rupture et de la caractérisation mécanique des caoutchoucs cristallisants sous contrainte
Caractérisation de la propagation de fissure dans le pneumatique par une grandeur mécanique
Dans le pneumatique, le caoutchouc doit répondre à un cahier des charges de plus en plus exigeant. Pour des raisons de sécurité et d’autonomie, la quantité de caoutchouc dans le pneumatique diminue ce qui représente un nouveau défi pour sa longévité et sa fiabilité. La connaissance et la caractérisation efficace et précise de la résistance à la propagation de fissure est donc essentielle. Alors que la fissuration commence à être bien connue et comprise dans un certain nombre de matériaux comme les alliages de métaux ou les polymères vitreux, nous ne disposons que de très peu d’outils et de comparaison théorie-expérience pour les élastomères. De plus, les grandes déformations et la présence systématique de dissipation non confinée en pointe de fissure rendent la modélisation de la rupture difficile. Il s’avère donc essentiel avant même de proposer un critère de rupture de pouvoir développer une grandeur caractéristique de la rupture qui pourra s’appliquer à ces problèmes.
Caoutchoucs cristallisants
Le second enjeu réside dans l’étude des différences entre le caoutchouc naturel (NR) et le caoutchouc synthétique (IR). Dans l’industrie du pneu, 60% des caoutchoucs utilisés sont des caoutchoucs synthétiques fabriqués à partir d’hydrocarbures d’origine pétrolière, le caoutchouc naturel restant cependant nécessaire pour les 40% restants. Le caoutchouc synthétique possède de bonnes propriétés viscoélastiques, ce qui en fait un matériau de grand intérêt pour la fabrication de pneus adhérents. Il apporte également d’autres propriétés spécifiques en particulier dans le domaine de l’usure et de la résistance au roulement. Quant au caoutchouc naturel, c’est un matériau dont les capacités de cristallisation sous tension n’ont jamais pu être égalées. Ces capacités améliorent généralement les propriétés mécaniques, en particulier la résistance à la fatigue ou à la déchirure. Pour améliorer les propriétés globales du pneumatique, l’étude comparative entre le NR et le IR est essentielle ainsi que l’étude des sollicitations particulières sous lesquelles le NR cristallise. De plus, dans le contexte de la conception industrielle, le comportement de l’élastomère utilisé est de première importance. En effet, certains dommages sont considérés comme dimensionnant pour le pneu et l’utilisation du NR et ses propriétés de cristallisation sont importantes pour la conception. Or, les tests de fatigue et a fortiori, ceux comportant de la cristallisation sous contrainte, demandent des moyens techniques et un temps considérables. La modélisation et le calcul s’avèrent donc indispensables durant la phase de conception pour modéliser ce comportement.
Contributions
Nous esquissons ici la démarche adoptée et présentons le contenu des parties en mettant en relief les contributions. De plus, puisque ce manuscrit a fait l’objet de plusieurs collaborations et qu’il contient de longues parties bibliographiques, nous indiquons pour chaque partie ce qui relève d’une contribution personnelle et originale de l’auteur. En préambule, la partie I rappelle quelques notions essentielles sur le cadre mécanique.
Calcul de taux de restitution d’énergie (Partie II)
Il est maintenant bien établi que lorsqu’on cherche une grandeur caractéristique associée à la propagation d’une fissure, on peut représenter cette propagation par une perturbation de la configuration de la structure. Ensuite, on peut construire la grandeur caractéristique grâce aux méthodes de dérivation par rapport au domaine [96]. L’objet de cette partie a donc été d’utiliser et d’étendre formellement ce type de méthode lorsque le solide a un comportement viscoplastique. Dans ce cadre de travail, la difficulté principale vient de la dépendance en temps du problème. Dans un premier temps, on s’est donc proposé d’introduire le temps physique dans la définition même de la perturbation et d’examiner plusieurs hypothèses nous permettant de découpler la perturbation et l’évolution inélastique (chapitre 4). Les deux hypothèses de découplage reviennent à fixer ou à convecter exactement la zone dissipative avec la perturbation de domaine. Ces hypothèses associées à la construction thermodynamique de grandeurs caractéristiques pour une fissure fragile dans un milieu dissipatif proposée par Dormieux [109, 110] nous ont permis de proposer une grandeur caractéristique de la rupture sous la forme d’une intégrale de volume calculée avec les informations du problème mécanique dans l’état non-perturbé.
Modélisation constitutive de la cristallisation sous contrainte dans le caoutchouc (Partie III)
Le comportement sous chargement cyclique du caoutchouc naturel reste difficile à cerner du fait de sa faculté à cristalliser sous contrainte. Cette évolution de la microstructure s’accompagne d’une importante amélioration de la durée de vie des pièces en fatigue. Même si le phénomène de cristallisation sous contrainte de ce matériau est encore mal connu, certains travaux ont apporté un éclairage sur ce phénomène ([68], [132], [12]). Ces travaux ont concerné aussi bien les sollicitations monotones (cristallisation sous chargement et sa disparition lors de la décharge, rôle de la relaxation moléculaire, influence sur les chaînes amorphes), que cycliques (cumul des cristaux au cours des cycles, influence du rapport de charge, dissipation). On note les propriétés suivantes :
– L’alignement des chaînes polymères lors de la déformation influe sur la température de fusion du caoutchouc et crée le phénomène de cristallisation sous contrainte [48].
– Il y a cumul des cristaux sous chargements cycliques et plus particulièrement pour un rapport de charge positif et élevé ([132], [12]).
– La cristallisation modifie fortement la propagation d’une fissure en fatigue [132]. L’objet de cette partie a donc été d’obtenir une loi de comportement constitutive de la cristallisation sous contrainte dans le cadre du modèle de micro-sphère [53] qui nous permet de caractériser :
– la relation contrainte-déformation (effet relaxant et durcissant, hystérèse),
– l’anisotropie des réponses locales en prenant en compte l’histoire locale des directions principales de déformation,
– les effets localement induits par la cristallisation en fond de fissure. Dans ce cadre de travail, la difficulté principale vient de l’absence de loi de comportement constitutive thermodynamiquement cohérente et pouvant s’appliquer à des simulations 3D comportants un grand nombre de degrés de liberté. On peut néanmoins citer deux tentatives de construction d’un modèle constitutif contemporaines de ce manuscrit ([74] qui se base sur une cinétique de nucléation appliquée à une chaine représentative dans chaque direction de l’espace et [119] qui cherche une représentation mésomécanique d’une cristallite dans un réseau chargé). De plus, les différents mécanismes constitutifs proposés dans la littérature diffèrent sur de nombreux points [68].
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Table des matières
Remerciements
Table des matières
1 Introduction
1.1 Quelques enjeux de la modélisation du comportement à la rupture et de
la caractérisation mécanique des caoutchoucs cristallisants sous contrainte
1.2 Contributions
Cadre mécanique
2 Formulation du problème mécanique
2.1 Cinématique
2.2 Lois de conservation
2.3 Entropie
2.4 Matériaux standards généralisés
3 Lois de comportement
3.1 Hyperélasticité
3.2 Loi de comportement élastoplastique en grandes déformations
3.3 Exemple d’une loi de comportement viscoélastique en grandes déformations
3.4 Cadre linéarisé
Calcul de taux de restitution d’énergie
4 Construction d’une grandeur caractéristique de la rupture par perturbation de domaine
4.1 Méthodologie de perturbation
4.2 Formulation de la grandeur caractéristique dans les cas indépendants du
temps
5 Extension de la construction d’une grandeur caractéristique de la rupture pour un problème couplé
5.1 Description du problème posé
5.2 Problème d’évolution couplé à une variation de domaine
5.3 Linéarisation du problème d’évolution contraint
5.4 Construction du problème adjoint
6 Comparaison des grandeurs explicites et couplées pour le problème de flexion trois points
6.1 Fissure en flexion trois points : Géométrie, loi de comportement et approximation
6.2 Problème d’évolution linéarisé
6.3 Grandeur caractéristique & problème adjoint
6.4 Discrétisation et premiers résultats de calcul d’une grandeur caractéristique
6.5 Conclusion
7 Calcul numérique du taux de restitution d’énergie
7.1 Représentation variationnelle du taux de restitution d’énergie
7.2 Mise en oeuvre de la formulation continue
7.3 Outils numériques
7.4 Description de la méthode de résolution
8 Cas de calculs explicites de la grandeur caractéristique
8.1 Cas explicites non-singuliers
8.2 Cas explicites singuliers
8.3 Conclusion
Modélisation constitutive de la cristallisation sous contrainte dans le caoutchouc
9 Observations expérimentales et mécanismes en cristallisation sous contrainte
9.1 Expériences fondamentales
9.2 Comportement du caoutchouc cristallisant sous contrainte (réseau semicristallin)
9.3 Analyse des mécanismes proposés – phénomènologie
10 Modèle constitutif du caoutchouc cristallisant sous contrainte
10.1 Loi 1D pour la cristallisation sous contrainte
10.2 Modèle simplifié
10.3 Effets visqueux
10.4 Construction d’un modèle à directions : la micro-sphère
11 Méthode numérique pour la loi de cristallisation sous contrainte anisotrope
11.1 Comportements 1D
11.2 Intégration à la micro-sphère
11.3 Intégration au code élément finis orienté objets
12 Conclusion
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