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Epidémiologie :
Selon les données de la dernière enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité OBEPI 2012, réalisée auprès d’un échantillon de 25 714 individus de plus de 18 ans, 32,3% des Français sont en surpoids et 15% présentent une obésité (Figure n°1). Il s’agit donc d’un véritable enjeu de santé publique (1).
Cette enquête évalue le nombre de personnes obèses à 6 922 000 en France. Il apparait que le nombre de personnes obèses est en augmentation de manière importante ces dernières années, en particulier les patients atteints d’obésité morbide. En effet, la prévalence de l’obésité classe III (IMC > 40 kg/m²) est passée de 0,3% (± 0,1%) de la population en 1997 à 1,2% (± 0,1%) en 2012. En 2012, comme depuis 2003, la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (respectivement 15,7% vs 14,3% ; p<0.01) mais on observe un ralentissement de sa progression chez les deux sexes ces dernières années.
La prévalence de l’obésité augmente avec l’âge chez les deux sexes et est inversement proportionnelle au niveau de revenus du foyer et à la taille de l’agglomération.
Il existe une variation de la prévalence selon les régions : plus élevée dans les régions Nord (21,3%), le Bassin Parisien (17,8%) et l’Est (17,1%) et plus faible dans les régions Midi- Pyrénées (11,6%) et PACA (11,7%). En Haute-Normandie la prévalence de l’obésité est de 19,6%.
Par ailleurs, le poids moyen de la population française a augmenté, en moyenne, de 3,6 kg en 15 ans alors que la taille moyenne a augmenté de 0,7 cm. L’IMC moyen a ainsi augmenté de 1,1 kg/m² entre 1997 et 2012 pour s’établir à 25,4 kg/m².
Le tour de taille moyen de la population est passé de 85,2 cm en 1997 à 90,5 cm en 2012, soit +5,3 cm au total en 15 ans. Chez les hommes il est passé de 91,3 cm en 1997 à 95,1 cm en 2012 et chez les femmes de 79,8 cm en 1997 à 86,5 cm en 2012.
La chirurgie de l’obésité qui concerne plus de 30442 patients en 2011 est actuellement en plein essor : le nombre d’interventions a ainsi doublé entre 2006 et 2011. Près de 4% des patients ayant une obésité morbide ont eu recours en 2011 à une chirurgie de l’obésité (2).
Physiopathologie :
La physiopathologie de l’obésité est complexe et relève de causes multifactorielles :
• les modifications rapides des habitudes alimentaires : augmentation des apports notamment lipidiques qui ont une faible capacité à promouvoir leur oxydation et un faible effet rassasiant (3) ;
• la diminution des dépenses énergétiques : le comportement sédentaire joue un rôle central dans le déséquilibre du bilan énergétique. Le développement de l’obésité est parallèle à la diminution de l’activité physique, au style de vie sédentaire (4) ;
• les facteurs génétiques : il existe une tendance familiale à l’obésité. Ainsi, un enfant dont les deux parents sont obèses a 70 % de risque de développer à son tour une obésité, contre seulement 20 % si ses parents ne sont pas obèses. Ce facteur génétique a été prouvé expérimentalement par la mise en évidence du gène ob chez la souris codant pour la leptine, dont le déficit conduit à l’hyperphagie et à l’obésité (5). Chez l’homme, les choses semblent beaucoup plus complexes et l’augmentation importante de la prévalence de l’obésité, alors que le patrimoine génétique humain reste globalement stable, rend compte de l’implication d’autres facteurs ;
• les facteurs ethniques : aux Etats-Unis par exemple, les populations d’origine africaine ou mexicaine sont plus exposées à l’obésité que les populations d’origine asiatique (6);
• les facteurs socioéconomiques : il existe, en particulier chez les femmes, une relation inverse entre le niveau socioéconomique et le risqué d’obésité (7). Dans les pays développés, on retrouve une incidence plus élevée chez les classes défavorisées alors que c’est l’inverse dans les pays en voie de développement ;
• les pathologies médicales : certaines maladies endocriniennes (Cushing, hypothyroïdie, etc.) ou thérapeutiques (corticoïdes, antidépresseurs, antihistaminiques, etc.) ;
• les troubles du comportement alimentaire de type boulimie, hyperphagie ;
• le rebond d’adiposité avant l’âge de 5-6 ans;
• la modification de la flore intestinale : le changement de flore microbienne intestinale modifierait nos capacités digestives et activerait l’inflammation postprandiale physiologique. Ainsi, tout changement alimentaire provoquerait un changement de flore qui favoriserait le développement de l’obésité (8).
Complications liées à l’obésité :
Mortalité :
La relation entre la mortalité et l’IMC suit une courbe ascendante lorsque celui-ci est supérieur à 25 et ce, de manière exponentielle (Figure n° 2).
L’obésité à l’âge de 40 ans réduit l’espérance de vie de 7,1 ans chez les femmes et de 5,8 ans chez les hommes non-fumeurs (10).
La mortalité liée à l’obésité est à mettre en relation directe avec les nombreuses comorbidités associées.
Morbidité:
Les conséquences de l’obésité sur la santé sont nombreuses et peuvent être regroupées en fonction des organes atteints (Tableau n° 1).
Troubles cardio-vasculaires :
La plupart des pathologies cardiaques liées à l’obésité résultent de l’adaptation cardio-vasculaire à l’excès de masse corporelle et à l’augmentation de la demande métabolique (11). Ces pathologies dominent le pronostic vital de l’obèse.
L’hypertension artérielle (HTA) : le risque d’être traité pour une HTA est multiplié par 3,6 chez les personnes obèses versus des sujets de corpulence normale (1). On observe en moyenne une augmentation de 3 mmHg par 10 kg de poids excédentaires, pouvant entraîner une hypertrophie ventriculaire et une insuffisance cardiaque gauches (12).
L’insuffisance coronarienne : l’obésité est retrouvée comme un facteur majeur et indépendant de risque coronarien et de mort subite (13,14).
Les troubles du rythme : il existe différents facteurs pouvant les expliquer comme, l’hypertrophie myocardique et l’hypoxémie, l’hypercatécholaminergie, le SAS qui associe une bradycardie sinusale durant l’apnée et une tachycardie sinusale à la reprise de la ventilation (15) ou encore l’infiltration graisseuse des nœuds de commande cardiaque et des voies de conduction (16). L’insuffisance cardiaque : malgré une augmentation de son débit cardiaque, le patient obèse présente une fonction systolique ventriculaire gauche altérée et sa fraction d’éjection augmente moins et plus lentement que chez les patients minces (17). La cardiomyopathie de l’obèse est due, dans un premier temps, à l’augmentation du volume sanguin circulant et du débit cardiaque, celui-ci augmentant de 20 à 30 ml/kg de graisse supplémentaire. Elle est ensuite aggravée par l’HTA, l’insuffisance coronarienne et la maladie respiratoire. La paroi du
cœur étant hypertrophiée, sa compliance est moins bonne, ce qui se traduit par une augmentation des pressions de remplissage du ventricule gauche et un risque d’œdème pulmonaire. L’adaptation à l’effort est donc mauvaise, le volume d’éjection ne pouvant plus s’adapter, l’augmentation du débit cardiaque ne peut se faire que par augmentation de la fréquence cardiaque (18).
Les maladies thrombo-emboliques : les patients obèses sont plus à risque de développer une thrombose veineuse profonde (TVP) ou une embolie pulmonaire (EP) (19). En effet, l’incidence de la survenue d’un évènement thrombo-embolique veineux, après une chirurgie bariatrique, avec prophylaxie thrombo-embolique, est supérieure à 2 %, avec 1,2% d’embolie pulmonaire, laissant supposer un risque important en l’absence de prophylaxie (20).
Troubles respiratoires :
Les maladies respiratoires les plus fréquemment retrouvées sont le syndrome d’apnée du sommeil (SAS) et le syndrome obésité hypoventilation. Anciennement appelé « syndrome de Pickwick », ce dernier associe une obésité à une hypercapnie diurne, en l’absence de toute autre cause d’hypoventilation alvéolaire. L’hypoventilation alvéolaire est probablement le fruit de l’action conjuguée de la diminution de la compliance du système respiratoire, d’une atteinte de la commande respiratoire et d’une augmentation des résistances des voies aériennes supérieures (21).
Chez l’obèse, la consommation en oxygène et la production de dioxyde de carbone sont augmentées. L’augmentation des pressions mécaniques intra-abdominales, les compliances pulmonaires basses et la majoration de la demande métabolique, sont responsables d’un surcroît du travail des muscles respiratoires. Les compliances pulmonaires et thoraciques diminuent à cause des dépôts adipeux qui infiltrent les côtes, le diaphragme et l’abdomen.
On retrouve également une augmentation des résistances bronchiques qui majore le travail respiratoire.
L’obésité est associée à une réduction de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), du volume de réserve expiratoire et de la capacité pulmonaire totale. La CRF diminue de façon exponentielle lorsque l’IMC augmente (Figure n° 3).
Troubles métaboliques :
Dyslipidémie : la prévalence des dyslipidémies traitées est multipliée par 2,7 en cas d’obésité (1). Diabète de type 2 : l’obésité est un facteur de risque de diabète non-insulino-dépendant. Sa prévalence est ainsi multipliée par 7 (1). Ceci peut être expliqué par le fait que l’excès de graisse au niveau des muscles et des tissus adipeux viscéraux entraîne une insulinorésistance.
Troubles gastro-intestinaux :
Les lithiases biliaires, la stéatose hépatique et le reflux gastroœsophagien (RGO) sont les atteintes du système digestif les plus fréquemment rencontrées.
Autres troubles :
Certains cancers ont une prévalence augmentée dans cette population, avec une distribution pouvant varier selon le sexe :
– homme et femme: œsophage, colon, rectum, foie, reins et vessie ;
– homme : estomac, prostate ;
– femme : sein, utérus, col et ovaires. (23)
L’excès de tissu adipeux viscéral, l’insulinorésistance, les anomalies hormonales, l’augmentation des valeurs de leptine, du PAI-1, du facteur nucléaire NF-KappaB, la diminution de la production d’adiponectine, l’augmentation du stress oxydatif, observés dans l’obésité sont associés au risque de cancer mais également à celui de progression tumorale et de mortalité (24).
Concernant les cancers gynécologiques, après la ménopause, alors que la fonction ovarienne est suspendue, le tissu adipeux devient une source majeure de production d’œstrogènes. Les patientes obèses ménopausées ont ainsi une production plus importante d’hormones sexuelles tandis que l’hyperinsulinisme accompagnant l’obésité diminue la production de leurs transporteurs (SHBG). L’ensemble concourt à une augmentation de la biodisponibilité des œstrogènes et de la progestérone et facilite la croissance cellulaire et l’inhibition de l’apoptose. L’anovulation avant la ménopause secondaire à une dysfonction ovarienne liée à l’obésité, explique en partie l’augmentation de l’incidence du cancer de l’endomètre (25).
Les conséquences musculo-squelettiques (gonarthrose, dorsalgies, …) sont à l’origine de difficultés socio-professionnelles pouvant être invalidantes.
L’obésité engendre également nombre de problèmes cutanés pouvant gêner la qualité de vie (hypersudation, mycoses des plis, lymphœdème,…)
Les dérèglements hormonaux sont à l’origine d’infertilité, notamment par dysovulation.
L’obésité peut être responsable de problèmes rénaux comme une protéinurie ou une glomérulosclérose.
Enfin, la modification du schéma corporel peut conduire à une perte d’estime de soi, voire à de véritables épisodes dépressifs.
Traitement de l’obésité :
Traitement médical :
Il repose sur la mise en place de mesures hygiéno-diététiques comportant :
– La pratique d’une activité physique régulière ;
– Des mesures diététiques visant à améliorer les habitudes alimentaires, la qualité des prises alimentaires et diminuer les apports énergétiques ;
– Un soutien psychologique avec plus ou moins une thérapie cognitivo-comportementale.
Il a également pour objectif de traiter les comorbidités.
Traitement chirurgical :
Les recommandations de prise en charge édictées par l’ANAES et l’HAS indiquent la chirurgie bariatrique pour les patients qui souffrent d’une obésité grave ayant des répercussions sur leur santé, après avoir reçu une information détaillée et qui présentent un risque chirurgical acceptable.
Cette indication ne peut être envisagée que chez des patients ayant eu au préalable une prise en charge médicale spécialisée bien conduite pendant au moins un an, comprenant des approches complémentaires (diététique, activité physique, prise en charge des difficultés psychologiques, traitement des complications).
Un parcours de soins précédant la chirurgie est nécessaire et dure en moyenne 6 à 12 mois. Il consiste en une prise en charge pluridisciplinaire qui se compose d’un chirurgien, d’un médecin spécialiste de l’obésité, d’un psychiatre ou d’un psychologue, d’un diététicien et d’un anesthésiste-réanimateur. Il comporte un bilan et une prise en charge des comorbidités (cardio-vasculaires, métaboliques, respiratoires…) ; une évaluation psychiatrique avec notamment la recherche et la prise en charge d’un trouble du comportement alimentaire ; un bilan nutritionnel et vitaminique ainsi qu’une endoscopie œsogastroduodénale à la recherche d’Helicobacter pylori. C’est à l’issue de ces différentes évaluations qu’est prise la décision d’une intervention chirurgicale (27).
Les indications au traitement chirurgical sont :
– soit une obésité morbide (IMC > 40 kg/m²) résistante au traitement médical et qui expose le patient à des complications graves qui ne peuvent pas être contrôlées par le traitement médical ;
– soit une obésité avec un IMC compris entre 35 et 40 kg/m², s’il existe des comorbidités associées menaçant la vie ou le pronostic fonctionnel (affection cardio-vasculaire, maladie ostéo-articulaire instable, désordres métaboliques sévères non contrôlés par un traitement intensif…).
Les contre-indications au traitement chirurgical sont : (28)
– absence de prise en charge médicale préalable identifiable ;
– incapacité du patient à participer à un suivi médical prolongé ;
– désordres psychotiques non stabilisés, syndromes dépressifs sévères, tendance au suicide ;
– dépendance à l’alcool et aux drogues ;
– troubles sévères du comportement alimentaire (du type boulimique) ;
– fonctions masticatoires insuffisantes ;
– contre-indications documentées à l’anesthésie générale ;
– maladies mettant en jeu le pronostic vital à court terme.
Les différentes techniques chirurgicales :
Elles regroupent un ensemble de techniques qui peuvent être classées en deux types principaux d’interventions :
• Les techniques RESTRICTIVES : elles visent à diminuer l’ingestion alimentaire en diminuant le volume gastrique et elles ralentissent le passage des aliments sans perturber leur digestion.
Elles comportent :
– la gastroplastie par pose d’anneau ajustable couramment appelée anneau gastrique ajustable. Le recours à cette technique diminue cependant ces dernières années ;
– la gastrectomie longitudinale le plus souvent nommée sleeve gastrectomy.
• Les techniques MIXTES (RESTRICTIVES et MALABSORBTIVES) : elles associent la restriction gastrique et le principe d’une malabsorption intestinale par la création d’un système de court-circuit ou de dérivation.
Ce sont :
– le court-circuit gastrique ou bypass gastrique ;
– la dérivation biliopancréatique.
• Les techniques purement MALABSORPTIVES de type dérivation jéjuno-iléale, sont actuellement abandonnées du fait de leurs complications élevées (29).
Anneau gastrique ajustable :
Cette technique consiste à placer un anneau, dont le diamètre est modifiable, autour de la partie supérieure de l’estomac, délimitant alors une petite poche. Ainsi, peu d’aliments sont nécessaires pour remplir cette poche et la sensation de satiété apparaît rapidement.
C’est une technique ajustable puisque l’anneau (relié par un tube à un boîtier de contrôle placé sous la peau) peut être serré ou desserré en injectant un liquide dans le boîtier, à travers la peau. Cette technique n’est théoriquement pas définitive car l’anneau peut être retiré au cours d’une nouvelle intervention.
La perte de poids moyenne espérée est 40 à 60% de l’excès de poids soit 20 à 30 kg (pour une personne de taille moyenne et d’IMC = 40 kg/m²).
La durée moyenne de l’hospitalisation postopératoire est de 2-3 jours en l’absence de survenue de complications.
Les complications spécifiques liées à la pose d’un anneau gastrique ajustable sont :
– les problèmes liés au boîtier : infections, déplacement du boîtier sous la peau, douleurs au niveau de l’emplacement du boîtier, rupture du tube reliant le boîtier et l’anneau ;
– un glissement de l’anneau et une dilatation de la poche au-dessus de l’anneau pouvant entraîner des vomissements importants, voire l’impossibilité de s’alimenter ;
– des troubles de l’œsophage (reflux, œsophagite, troubles moteurs…) ;
– des lésions de l’estomac provoquées par l’anneau (érosion, migration de l’anneau).
La mortalité, de l’ordre de 0,1%, est la plus basse parmi toutes les techniques de chirurgie bariatrique.
Gastrectomie longitudinale ou sleeve gastrectomy ou gastrectomie en manchon :
Cette technique a pour principe de réséquer les 2/3 de l’estomac dont la grande courbure, partie qui contient les cellules sécrétant la ghréline (hormone stimulant l’appétit). L’estomac est réduit à un tube vertical et les aliments passent rapidement dans l’intestin grêle.
La perte de poids moyenne est de 45 à 65 % de l’excès de poids après deux ans, correspondant à environ 25 à 35 kg (pour un individu de taille moyenne et d’IMC= 40 kg/m²).
La durée moyenne d’hospitalisation postopératoire est de 3 à 8 jours en l’absence de survenue de complications. Cependant, la durée d’hospitalisation tend à se réduire, certains centres proposant même une prise en charge ambulatoire lorsque le patient répond à des critères stricts de sélection (30).
Les complications spécifiques liées à cette technique sont :
– des fistules à partir de la ligne d’agrafage (1,3%), des hémorragies de la tranche de section gastrique (0,95%) (31) ;
– des ulcères, des fuites ou un rétrécissement au niveau de l’estomac restant ;
– des hémorragies postopératoires précoces ;
– des carences nutritionnelles ;
– un reflux gastro-œsophagien.
La mortalité est de 0,2%.
Bypass Gastrique
Le bypass gastrique permet de diminuer à la fois la quantité d’aliments ingérés (la taille de l’estomac est réduite à une petite poche) et l’assimilation de ces aliments par l’organisme, grâce à un court-circuit d’une partie de l’estomac et de l’intestin. Les aliments vont directement dans la partie moyenne de l’intestin grêle et sont donc assimilés en moindre quantité.
La perte de poids moyenne est de 70 à 75 % de l’excès de poids, correspondant à une perte de poids d’environ 35 à 40 kg (pour un individu de taille moyenne et d’IMC= 40 kg/m²).
La durée moyenne d’hospitalisation postopératoire est de 4 à 8 jours en l’absence de survenue de complications.
Le taux moyen de complications survenant dans les trente premiers jours postopératoires varie entre 0,3 et 2,7 % (32).
La morbidité précoce est représentée par les fistules digestives avec un taux moyen de 0,3 à 2,2 % (33,34) et les hémorragies. La fréquence moyenne des complications hémorragiques varie de 1,7 à 2 % (35). Elles sont soit intra-digestives (saignement sur les lignes d’agrafes) soit intra-abdominales (lésions hépatiques ou spléniques, voire sur les orifices des trocarts). A plus long terme le bypass peut se compliquer de carences nutritionnelles ou de complications fonctionnelles (hypoglycémie après le repas, dumping syndrome, constipation).
La mortalité est d’environ 0,5%.
Dérivation biliopancréatique
Cette technique permet de limiter la quantité d’aliments ingérés et l’assimilation de ces aliments par l’intestin.
La taille de l’estomac (1) est réduite par gastrectomie et l’intestin grêle divisé en deux parties (2) et (3). L’estomac est anastomosé à une anse jéjunale ou iléale (2) servant à véhiculer les aliments jusqu’au colon. La partie (3), qui sert à transporter les sécrétions digestives du foie et du pancréas, est anastomosée à la fin de l’iléon (4). Ainsi, les aliments ne sont digérés par les sucs digestifs et assimilés que sur une courte portion de l’intestin grêle (4) ; l’essentiel des aliments passant directement dans le colon sans avoir été absorbés.
La perte de poids espérée est en moyenne de 75 à 80 % de l’excès de poids, ce qui correspond à une perte de poids d’environ 60 à 65 kg (pour un individu de taille moyenne et d’IMC= 40 kg/m²). La durée moyenne d’hospitalisation postopératoire est de 8 à 10 jours en l’absence de survenue de complications.
Les complications spécifiques sont :
– un risque important de carences nutritionnelles (en protéines et en vitamines) ;
– un risque important de malabsorption de médicaments ;
– des complications fonctionnelles : diarrhée, selles malodorantes ;
– des complications chirurgicales : ulcère, fuites ou rétrécissement au niveau de la jonction entre l’estomac et l’intestin, hémorragies, occlusion de l’intestin.
La mortalité moyenne est de 1%.
Les particularités anesthésiques liées à l’obésité :
Retentissement des modifications physiopathologiques liées à l’obésité :
Il a été précédemment décrit les nombreuses comorbidités associées à l’obésité, en particulier dans le cas de l’obésité morbide. Celles-ci sont à l’origine des particularités et des risques de l’anesthésie chez cette population de patients.
Troubles cardio-vasculaires :
Chez le patient obèse, l’augmentation de la masse corporelle, des tissus adipeux et musculaires, entraîne une élévation de la volémie (36).
La demande métabolique et le débit cardiaque sont augmentés, proportionnellement à la surcharge graisseuse (12).
Une décompensation cardiaque peut survenir en période peropératoire pour de multiples raisons : a) remplissage trop abondant ou trop rapide ; b) effet inotrope négatif des agents anesthésiques ; c) augmentation de la pression artérielle pulmonaire par l’hypoxie ou l’hypercapnie.
La cœlioscopie, couramment utilisée lors de la chirurgie bariatrique, entraîne une augmentation de la pression artérielle moyenne d’environ 20 % (par augmentation des résistances vasculaires systémiques) et une diminution du débit cardiaque (la compression abdominale fait diminuer le retour veineux au cœur et donc de la pré-charge).
Il est donc licite d’apprécier au mieux la capacité d’adaptation à l’effort par un interrogatoire approfondi. Toutefois, les signes cliniques d’insuffisance cardiaque sont souvent difficiles à apprécier chez cette population et des examens complémentaires peuvent parfois être nécessaires. Un électrocardiogramme est conseillé afin de rechercher des troubles de rythme ou des signes d’ischémie myocardique avant la chirurgie. Une échocardiographie trans-thoracique pourra compléter l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche.
Troubles respiratoires :
La CRF diminue chez le patient obèse morbide et peut devenir inférieure au volume de fermeture, aboutissant à des modifications des rapports ventilation/perfusion, une augmentation des shunts, une hypoxémie et des atélectasies (Figures n° 4 et 6) (37).
L’anesthésie majore ce phénomène avec une réduction de 50 % de la CRF chez l’obèse contre seulement 20 % chez le patient non obèse (Figure n° 5) (38).
La voie d’abord par cœlioscopie (la plus utilisée actuellement) amplifie également la diminution de la CRF via l’augmentation des pressions abdominales et donc thoraciques.
Chez les patients obèses anesthésiés, le shunt intrapulmonaire est de 10 à 25 % contre seulement 2 à 5 % chez les patients minces.
Par ailleurs, l’obésité abdominale diminue le volume pulmonaire par une surélévation du diaphragme lorsque les patients sont en décubitus dorsal. La diminution du volume pulmonaire entraine une désaturation beaucoup plus rapide pendant la phase d’apnée qui précède l’intubation. De plus, la diminution de la traction longitudinale du médiastin sur la trachée (due à la surélévation du diaphragme) augmente le risque de collapsus pharyngé (39).
La diminution de la CRF et l’augmentation de la consommation d’oxygène réduisent la tolérance des périodes d’apnée. Une bonne préoxygénation est donc un prérequis indispensable avant toute anesthésie générale chez l’obèse.
L’introduction d’une pression positive de fin d’expiration (PEP) permet d’augmenter à la fois la capacité résiduelle fonctionnelle et l’oxygénation artérielle.
La ventilation en pression positive continue (PPC) est une technique de thérapie respiratoire, chez les patients respirant spontanément ou ventilés mécaniquement, pour lesquels la pression des voies aériennes est maintenue au-dessus de la pression atmosphérique durant tout le cycle respiratoire par pressurisation du circuit ventilatoire. Elle permet de maintenir ouvertes les voies aériennes supérieures à tous les stades du cycle respiratoire, limitant ainsi les atélectasies et les périodes d’hypoventilation alvéolaire.
Troubles gastro-intestinaux et métaboliques :
Il a été démontré que le résidu gastrique des patients obèses n’est pas plus important ni plus acide que celui des patients minces (40).
En cas d’existence de reflux gastro-œsophagien (RGO) très symptomatique, d’antécédent de chirurgie bariatrique ou de dysautonomie avec une gastroparésie importante chez le diabétique, une induction en séquence rapide avec la prise d’un anti-H2 au préalable est recommandée afin de limiter le risque d’inhalation.
Concernant l’équilibre glycémique, la réponse catabolique à l’agression chirurgicale peut entraîner une hyperglycémie et nécessiter l’utilisation d’insuline dans la période postopératoire.
Les voies aériennes supérieures :
Les patients obèses présentent des modifications anatomiques de leurs voies aériennes supérieures (VAS) : macroglossie, réduction du calibre pharyngé, infiltration graisseuse des parois latérales du pharynx (visible en IRM) (Figure n° 7), apparition de troubles dynamiques de la compliance pharyngée augmentant le risque de collapsus. Toutes ces particularités anatomiques rendent la ventilation au masque (41) et l’intubation orotrachéale plus difficiles.
Certaines études ont démontré que le risque d’intubation difficile est associé au score de Mallampati et à la circonférence du cou. Selon Brodsky et coll., la probabilité d’une intubation difficile est de 5% avec un tour de cou de 40 cm et de 35% avec une circonférence de 60 cm (42,43). De même, l’extubation est une phase à risque puisqu’à ces particularités anesthésiques s’ajoutent l’effet résiduel des agents anesthésiques.
Les modifications pharmacologiques :
Les modifications pharmacologiques liées à l’obésité sont surtout d’ordre pharmacocinétique. Les médicaments très liposolubles ont un volume de distribution augmenté. Sans adaptation des posologies, les patients sont exposés à des effets secondaires par surdosage (hypotension artérielle) et à une prolongation des effets (réveil retardé).
En fin d’anesthésie, compte tenu des risques d’obstruction des voies aériennes supérieures, les indications de la décurarisation sont larges et l’extubation s’effectue lorsque le patient est parfaitement réveillé.
Prémédication :
Compte tenu de la fréquence importante du RGO chez l’obèse (environ 45%), il est justifié de donner un antiacide en préopératoire.
En cas de prescription d’anxiolytique, il est préférable de prescrire des médicaments peu dépresseurs respiratoires de type hydroxyzine (Atarax®).
Induction anesthésique :
Une induction à séquence rapide doit être discutée en cas de symptomatologie de RGO. Cette induction utilise du propofol ou du thiopental en association avec de la succinylcholine ou du rocuronium.
En absence de RGO, le choix de l’induction doit tenir compte du risque d’intubation difficile.
Entretien de l’anesthésie :
Les agents anesthésiques de choix chez le patient obèse sont, pour les halogénés, le desflurane
et le sévoflurane. L’utilisation du desflurane est préférable à celle du propofol, car il a un délai et une durée d’action courts et permet d’obtenir un réveil rapide et de bonne qualité en fin d’anesthésie.
Pour les morphiniques, le rémifentanil est conseillé avec une administration en mode AIVOC.
Si une curarisation peropératoire est indispensable, préférer l’atracurium ou le cisatracurium car leur cinétique est peu modifiée chez l’obèse lorsqu’ils sont administrés en fonction du
poids idéal.
Ventilation peropératoire :
Les avancées récentes dans la compréhension des lésions pulmonaires induites ou associées à la ventilation mécanique (Ventilator Induced Lung Injury – VILI, Ventilator Associated Lung Injury-VALI) placent la ventilation des patients obèses en première ligne « des ventilations à risque » (44,45).
La succession d’atélectasies et de distensions alvéolaires lors de la ventilation mécanique produit une réaction inflammatoire pulmonaire et systémique pouvant précipiter une dysfonction respiratoire postopératoire.
La stratégie ventilatoire péri-opératoire, le choix du mode de ventilation et les modalités de réglage du ventilateur doivent être particulièrement réfléchis.
L’objectif principal de la ventilation peropératoire chez l’obèse est, en plus d’oxygéner le patient, de maintenir le poumon « ouvert » au cours du cycle respiratoire, à l’aide d’une PEP au moins égale à 10 cmH2O associée à la réalisation de manœuvres de recrutement alvéolaire permettant ainsi de lutter contre l’apparition d’atélectasies. Un tel niveau de PEP peut néanmoins entraîner une diminution du débit cardiaque et doit être adapté selon la tolérance hémodynamique du patient.
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Table des matières
I) INTRODUCTION
II) RAPPELS
A° Définition de l’obésité
B° Epidémiologie
C° Physiopathologie
D° Complications liées à l’obésité
1) Mortalité
2) Morbidité
a) Troubles cardio-vasculaires
b) Troubles respiratoires
c) Troubles métaboliques
d) Troubles gastro-intestinaux
e) Autres troubles
E° Traitement de l’obésité
1) Traitement médical
2) Traitement chirurgical
3) Les différentes techniques chirurgicales
a) Anneau gastrique ajustable
b) Sleeve gastrectomy
c) Bypass gastrique
d) Dérivation biliopancréatique
F° Les particularités anesthésiques liées à l’obésité
1) Retentissement des modifications physiopathologiques liées à l’obésité
a) Troubles cardio-vasculaires
b) Troubles respiratoires
c) Troubles gastro-intestinaux et métaboliques
2) Les voies aériennes supérieures
3) Les modifications pharmacologiques
a) Prémédication
b) Induction anesthésique
c) Entretien de l’anesthésie
d) Ventilation peropératoire
4) Le syndrome d’apnée du sommeil (SAS)
G° Les complications postopératoires précoces (≤30 jours)
1) Les complications médicales
2) Les complications chirurgicales
H° Les complications postopératoires tardives
1) Les déficits nutritionnels et vitaminiques
2) Les complications fonctionnelles
3) Echec de perte de poids à long terme
III) MATERIEL ET METHODES
A° Matériel
1) Le type d’étude
2) Les critères d’inclusion
3) Les critères d’exclusion
B° Méthodes
1) Recueil des données
2) But de l’étude
3) Critère de jugement principal
4) Critères de jugements secondaires
5) Analyse statistique
IV) RESULTATS
A° Population
B° Complications précoces en USCPO
1) Analyse univariée
2) Analyse multivariée
C° Complications tardives des patients ayant bénéficié d’une surveillance initiale en USCPO
1) Analyse univariée
2) Analyse multivariée
D° Evolution du taux de complications au cours du temps chez les patients admis en USCPO
E° Survenue de complications chez les patients opérés de chirurgie bariatrique et non admis en USCPO
1) Les complications précoces
2) Les complications tardives
F° Comparaison des taux de complications précoces et tardives entre les patients admis en USCPO et les patients non admis en USCPO
1) Complications précoces
V) DISCUSSION
A° La population étudiée
B° La mortalité et la morbidité post chirurgie bariatrique
1) La mortalité
2) La morbidité
C° Les facteurs de risque de complications
1) SAS
2) Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
3) Antiagrégant plaquettaire (AAP) et antivitamine K (AVK)
4) Sleeve gastrectomy
5) Bypass gastrique
6) Laparotomie
7) Diabète
8) Tabagisme actif
9) Autres facteurs de risque
D° Comparaison des taux de complications entre les patients admis en USCPO et les patients non admis en USCPO
E° La chirurgie bariatrique est-elle si bénéfique ?
F° Validité de l’étude et discussion des biais
VI) CONCLUSION
VII) BIBLIOGRAPHIE
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