Le titane, élément peu onéreux et peu toxique, figure parmi les métaux de transition les plus utilisés en catalyse organométallique. Notamment les complexes chiraux de titane sont employés couramment en catalyse asymétrique, dans les versions énantiosélectives de réactions telles que l’alkylation d’aldéhydes, la cycloaddition [4+2], l’époxydation de Sharpless, etc.
En 1989, Kulinkovich a découvert que les esters pouvaient être convertis en cyclopropanols par réaction avec un complexe oléfinique de titane. Cette transformation a été intensément étudiée, et son application à la conversion des amides en cyclopropylamines tertiaires puis des nitriles en cyclopropylamines primaires ont été développées respectivement par de Meijere à partir de 1996 et par Szymoniak et Bertus à partir de 2001. La description des mécanismes et du potentiel synthétique de ces réactions est l’objet de la première partie de cette thèse.
De façon surprenante, leurs versions asymétriques ont été assez peu étudiées. En effet, au début de cette thèse seule une étude effectuée par l’équipe de Corey décrit l’emploi de complexes chiraux de titane pour la synthèse de cyclopropanols énantioenrichis. Nous nous sommes basés sur ce travail fondateur ainsi que sur le savoir-faire de notre équipe pour explorer la possibilité de rendre la cyclopropanation des nitriles énantiosélective en utilisant des complexes chiraux de titane. Ce travail sera exposé dans la deuxième partie de ce manuscrit. Le développement d’une version asymétrique de la cyclopropanation des nitriles permettrait de synthétiser des analogues contraints d’acides aminés sous forme d’un seul stéréoisomère. Dans ce contexte, nous avons cherché à développer une nouvelle stratégie de synthèse d’acides aminés comportant un motif cyclopropane via la cyclopropanation de cyanhydrines acylées. Nous verrons dans une troisième partie que cette tentative a abouti à la découverte d’une méthode originale de formation de 1,4-dicétones.
L’utilisation des complexes de titane II pour la cyclopropanation des dérivés d’acides carboxyliques
En 1989, Kulinkovich et son équipe ont rapporté une méthode de synthèse de cyclopropanols à partir d’esters en présence de Ti(Oi-Pr)4 et de bromure d’éthylmagnésium. Ils ont alors postulé que cette réactivité inhabituelle était due à une combinaison de Ti(Oi-Pr)4 et du réactif de Grignard pour former un complexe oléfinique de titane, équivalent synthétique d’un 1,2-dicarbanion. Depuis, ces complexes ont été mis en jeu dans diverses stratégies de couplage, d’alkylation, de cyclopropanation, etc., qui ont fait l’objet de plusieurs revues au cours des ces vingt dernières années.
Dans le cadre de cette thèse, nous allons à présent décrire les méthodes de cyclopropanation des dérivés d’acides carboxyliques par les complexes issus de XTi(Oi-Pr)3 (X = Oi-Pr, Me, Cl) et d’un réactif de Grignard. Ainsi, après un rappel sur la structure, les méthodes de formation et la réactivité des complexes oléfiniques de titane, leurs utilisations pour la synthèse de cyclopropanols ainsi que de cyclopropylamines tertiaires et primaires à partir des dérivés d’acides carboxyliques correspondants seront présentées.
Présentation des complexes oléfiniques de titane
Monographie du titane
Découvert en 1791 par William Gregor, le titane est un métal présent dans les minerais d’ilménite (FeTiO3), de rutile (TiO2) et de fer et représente environ 0,5% de la croûte terrestre. Il est produit en chauffant l’oxyde de titane avec du carbone et du dichlore pour obtenir du TiCl4, qui est ensuite mis en réaction sous argon avec du magnésium gazeux pour donner le métal pur sous forme de mousse coûtant aux environs de 203€/kg.
Le titane est un élément du groupe IV et de la période quatre de la classification périodique des éléments et est qualifié, comme la plupart des métaux des groupes III, IV et V, de pauvre en électrons. Il a pour configuration électronique [Ar] 3d2 4s2 et possède trois degrés d’oxydation stables : les degrés (II), (III) et (IV).
Structure et formation
Les interactions électroniques permettant de former un complexe oléfinique entre un alcène et un métal de transition sont décrites par le modèle de Dewar-Chatt Ducanson .
La liaison métal-alcène consiste en deux transferts d’électrons : des orbitales π de l’alcène vers une orbitale d vide du métal (π-donation), et d’une orbitale d occupée haute en énergie du métal vers les orbitales antiliantes π* de l’alcène (liaison en retour ou rétro-donation). La rétro-donation permet de stabiliser le complexe, et implique un allongement de la liaison C=C ainsi qu’une modification des angles de liaison autour des carbones de l’éthylène. Dans le cas des métaux de transition situés à gauche du tableau périodique, dont fait partie le titane, la rétro-donation du métal vers l’alcène est très importante. Ceci a plusieurs conséquences sur la structure des complexes oléfiniques correspondants : des liaisons σ apparaissent entre le métal et les carbones de l’alcène, et la liaison C=C s’allonge au point d’avoir un caractère de liaison σ. C’est pourquoi les complexes oléfiniques de titane peuvent être décrits à la fois comme des complexes π-alcènes A et comme des métallacycles B .Le degré d’oxydation formel du titane est deux dans la forme A et quatre dans la forme B.
L’équipe de Bercaw a déterminé que la distance entre les atomes de carbone de l’éthylène est égale à 1,44 Å, ce qui coïncide avec la moyenne des longueurs d’une liaison double (1,34 Å) et d’une liaison simple (1,54 Å). Ce résultat implique que la géométrie du complexe (η 5- C5Me5)2Ti(C2H4) est située entre un titanacyclopropane et un complexe π-alcène avec l’éthylène, et confirment qu’il existe une forte rétro-donation des électrons du titane vers les orbitales π* de l’éthylène.
Dans le cas des réactions de cyclopropanation des dérivés d’acides, les complexes oléfiniques de titane utilisés comportent des groupements alkoxy, qui ne stabilisent pas suffisamment le complexe pour permettre de l’isoler et de l’analyser. Ainsi, une analogie est faite entre (η 5 -C5Me5)2Ti(C2H4) et les complexes oléfiniques de type (RO)2Ti(C2H4) : il est communément accepté, mais pas encore formellement prouvé, qu’ils peuvent également être représentés par deux formes limites titanacyclopropane et complexe π-alcène.
La réaction de β-fragmentation de A se produit à des températures supérieures à -78°C et nécessite la présence d’un hydrogène en β du titane sur un des groupements alkyles. Deux hypothèses ont été avancées pour décrire son mécanisme, la première est une β-fragmentation directe par un mécanisme concerté, la seconde implique une étape de βélimination .
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie I : L’utilisation des complexes de titane II pour la cyclopropanation des dérivés d’acides carboxyliques
I – Présentation des complexes oléfiniques de titane
I.1 – Monographie du titane
I.2 – Structure et formation
I.3 – Réactivité
II – Synthèse de cyclopropanols
II.1 – Cyclopropanation des esters directe
II.2 – Etude du mécanisme de la réaction
II.2.a – Premier cycle catalytique
II.2.b – Mécanisme impliquant des complexes de titane «ate»
II.3 – Cyclopropanation des esters avec échange de ligands
II.3.a – Réactions impliquant un ester et un alcène (intermoléculaires)
II.3.b – Réactions impliquant un ester insaturé (intramoléculaires)
II.4 – Réactions de cyclopropanation mettant en jeu d’autres dérivés d’acides
III – Synthèse de cyclopropylamines tertiaires
III.1 – Cyclopropanation des amides directe
III.2 – Etude du mécanisme de la réaction
III.3 – Cyclopropanation des amides avec échange de ligands
II.3.a – Réactions impliquant un amide et un alcène (intermoléculaires)
II.3.b – Réactions impliquant un amide insaturé (intramoléculaires)
III.4 – Réactivité des imides
IV – Synthèse de cyclopropylamines primaires
IV.1 – Développement d’une méthode de cyclopropanation des nitriles
IV.2 – Cyclopropanation des nitriles α-hétérosubstitués
IV.2.a – Principe
IV.2.b – Applications
IV.3 – Etude de la chimiosélectivité des complexes de titane pour la fonction nitrile
IV.3.a – Réactivité comparée des nitriles
IV.3.b – Cas des cyanoesters
IV.3.c – Cas des cyanocarbonates
IV.4 – Utilisation d’un réactif de Grignard homoallylique pour la cyclopropanation des nitriles
IV.5 – Application de la réaction d’échange de ligands aux nitriles
IV.5.a – Réactions impliquant un nitrile et un alcène (intermoléculaires)
IV.5.b – Réaction impliquant un nitrile insaturé (intramoléculaires)
V – Conclusion et objectifs de la thèse
BIBLIOGRAPHIE
Partie II : Etude de la cyclopropanation asymétrique d’un cyanoester par une méthode de formation rapide de complexes chiraux de titane
I – Synthèse asymétrique de cyclopropanes
I.1 – Le motif cyclopropane
I.2 – La cyclopropanation asymétrique
I.2.a – Réaction de Simmons-Smith
I.2.b – Réactions utilisant les diazoalcanes
I.2.c – Additions nucléophiles sur des cyclopropènes
I.2.d – Formation de cyclopropanes par addition de Michael / cyclisation
I.2.e – Réaction utilisant les titanacyclopropanes
I.3 – Bilan
II – Développement d’une méthode de formation de complexes chiraux de titane
II.1 – Stratégies de formation des complexes entre un diol et Ti(Oi-Pr)4.
II.2 – Evaluation de l’induction asymétrique des complexes [titane-TADDOL] via une réaction modèle
II.3 – Mise au point de la méthode : variation des paramètres réactionnels
II.3.a – Variation du solvant
II.3.b – Variation des quantités de titane et de ligand
III – Evaluation de diols chiraux pour la cyclopropanation asymétrique du 2- cyanopropanoate d’éthyle
III.1 – Préparation des ligands de type TADDOL
III.2 – Variation de la partie acétonide
III.3 – Variation des groupements en α des hydroxydes
III.4 – Utilisation de dérivés du BINOL
IV – Conclusion
Partie expérimentale
Conditions générales d’analyses
BIBLIOGRAPHIE
Partie III – Etude de la formation de 1,4-dicétones via l’utilisation d’un complexe oléfinique de titane
I – Objectif initial : accès aux dérivés de l’ACC
I.1 – Nouvelle méthode de formation d’aminocyclopropane
I.2 – Mise en œuvre
II – Méthodes de synthèse des 1,4-dicétones
II.1 – Réaction d’un équivalent d’anion homoénolate avec un dérivé d’acide
II.2 – Réaction d’un équivalent d’anion acyle avec une énone
II.3 – Réaction d’un énolate avec un équivalent de cation α-carbonyle
III – Optimisation de la réaction : variation des conditions opératoires
III.1 – Origine des produits obtenus
III.2 – Variation des quantités de titane et de réactif de Grignard
III.3 – Variation du solvant
III.4 – Variation de la concentration et de la température
III.5 – Bilan
IV – Exploration de la réaction : variation des substrats
IV.1 – Variation des acides carboxyliques
IV.1.a – Substituants aryles
IV.1.b – Substituants alkyles
IV.1.c – Substituants hétérocycliques
IV.2 – Variation de la substitution en α de la fonction nitrile
IV.3 – Variation du réactif de Grignard
V – Elaboration d’une proposition de mécanisme réactionnel
V.1 – Discussion des étapes du mécanisme
V.2 – Le mécanisme a-t-il un caractère intermoléculaire ?
VI – Cyclisation des 1,4-dicétones
VI.1 – Formation de furanes, thiophènes et pyrroles
VI.1.a – Méthodes couramment employées dans la littérature
VI.1.b – Résultats obtenus
VI.2 – Formation de cyclopenténones
VII – Conclusions et perspectives
Partie expérimentale
BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION
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