Le bégaiement et le bredouillement sont des troubles de la fluence de la parole qui se manifestent par différentes formes et par des symptômes ouverts et des symptômes couverts variables. Ils comprennent beaucoup de critères communs et leur association est fréquente. Dans 40% des cas, le bégaiement est associé au bredouillement, ce qui peut porter à confusion. La recherche scientifique internationale a beaucoup étudié le bégaiement ces dernières années, tant sur le plan des neurosciences que d’un point de vue linguistique et pragmatique. La littérature montre que de nombreux auteurs spécialisés dans le domaine se sont penchés sur le sujet, mais malgré tout, la recherche sur le bredouillement est plus récente et ce trouble est encore mal connu en France. Je propose d’observer les différences et les similitudes entre le bégaiement et le bredouillement. L’objectif de ce mémoire consiste à faire une revue de littérature qui permettra de comparer les signes cliniques observables les plus communément admis, la qualité de vie des sujets concernés et les programmes les plus préconisés pour les personnes qui bégaient et les personnes qui bredouillent.
La qualité de vie des personnes qui bredouillent et des personnes qui bégaient
Le bégaiement et le bredouillement sont des troubles multidimensionnels impliquant de nombreux aspects de la communication et ils retentissent sur la vie de relation et l’estime que le sujet peut avoir de lui-même. La qualité de vie fait maintenant partie des critères de l’OMS pour déterminer la sévérité d’un trouble, ce qui montre que les cliniciens doivent avoir conscience que ces troubles de la fluence ont un impact sur tout le développement scolaire, professionnel et interpersonnel (Meyers) [22]. Tenter de mieux comprendre le quotidien des personnes qui bégaient, en prenant en considération leurs expériences vécues à la fois dans et hors le traitement, permet d’aboutir à de meilleurs résultats thérapeutiques (Chun et coll.) [13]. Des études ont montré que les adultes qui bégaient éprouvent une qualité de vie réduite dans les domaines du fonctionnement social et émotionnel et de la santé mentale, par rapport aux homologues courants (Carter et coll.) [12]. La recherche qualitative dans ce domaine suggère que les adultes qui bégaient éprouvent des sentiments de souffrance, d’impuissance, de peur, d’anxiété sociale, d’évitement, d’embarras et de frustration (Beilby et coll.) [6]. Des études se sont penchées sur ce sujet, observons les de plus près. L’étude de Langevin et coll. [21] a observé les attitudes de 77 parents quant à l’impact du bégaiement sur leurs enfants d’âge préscolaire (3-6 ans) et eux-mêmes. Elle suggère que beaucoup de jeunes enfants prennent conscience de leur bégaiement et y réagissent négativement. La conscience du trouble augmente avec l’âge, c’est-à-dire de de 56,7% chez les 2 ans à 89,7% chez les 7 ans (Langevin et coll.) [21]. Les 77 parents ont rempli une enquête The Impact of Stuttering on Preschool Children and Parents (ISPP) permettant la collecte de données qualitatives et quantitatives reflétant leurs perceptions de du bégaiement sur leurs enfants et sur eux-mêmes. Parmi eux, 71,4% se sentent affectés par le bégaiement de leur enfant et 53,2% affirment que le bégaiement impacte sur leur communication avec leur enfant.
Selon une étude récente, l’auto-évaluation est apparue comme un prédicteur positif fort de la qualité de vie des personnes qui bégaient (Carter et coll.) [12] et les recherches dans la littérature montrent que l’OASES (Overall Assessment of the Speaker’s Experience of Stuttering) est l’échelle la plus utilisée pour évaluer l’impact du bégaiement sur la qualité de vie des personnes qui bégaient. Une étude (Adriaensens et coll.) [1] portant sur 55 adolescents montre que la sévérité du bégaiement influence négativement les évaluations des adolescents sur l’acceptation sociale, la compétence scolaire, la capacité de vivre une amitié proche et l’estime de soi globale, en comparaison avec 76 adolescents qui ne bégaient pas. Les attitudes de communication négatives aggravent le bégaiement et réduisent l’estime de soi. Une autre étude menée sur une cohorte d’adolescents plus importante (102) rapporte qu’une sévérité de bégaiement plus élevée prédit une anxiété plus élevée et des problèmes d’internalisation. Selon Yaruss [34], le score moyen de la section qualité de vie de l’OASES adultes (173 adultes ayant participé à l’essai de validation finale) a montré que pour 28% leur qualité de vie a été « beaucoup » ou «complètement » affectée, seulement 14% ont indiqué que le bégaiement affectait «beaucoup » ou « complètement » les relations, 21% ont rapporté que le bégaiement interférait « beaucoup » ou « complètement » avec leur travail et 22% ont indiqué que le bégaiement interférait « beaucoup » ou « complètement » sur leur qualité de vie. Le bégaiement impacte différemment la qualité de vie des patients en fonction de leur âge.
Les thérapies actuelles les plus préconisées
Le bégaiement
La prise en charge de l’enfant d’âge préscolaire
Les publications de ces dernières années ont souligné l’importance d’une intervention précoce et rapide auprès d’un jeune enfant qui se met à bégayer (Simon) [29]. Sans action thérapeutique, 75% des bégaiements de l’enfant d’âge préscolaire apparus depuis moins d’un an disparaissent spontanément (Oksenberg) [27]. Cependant, étant donné que nous ne savons pas quels seront les 25% d’enfants pour qui le bégaiement persistera, la thérapie est recommandée pour tous les enfants d’âge préscolaire qui bégaient (Neumann et coll.) [26]. D’un point de vue international, les programmes les plus utilisés dans le monde pour l’enfant d’âge préscolaire sont le programme des demandes et capacités (Etats-Unis), le PCI programme (Angleterre) et le Lidcombe programme (Australie). Ces trois programmes ont donné des preuves scientifiques de leur efficacité. Le conseil parental est la première approche à avoir été développée pour le bégaiement du jeune enfant (Simon) [30]. La thérapie interactive Parents-Enfants du centre Michael Palin à Londres (PCI) et le programme des « demandes et capacités » (DCM) sont des programmes qui comportent une section de conseils parentaux. D’après Kelman et coll. [19], des essais de thérapie individuelle en clinique ont été reproduits afin d’analyser l’efficacité de la Palin PCI et les données montrent que l’approche peut être efficace dans la réduction de la fréquence du bégaiement à court terme, à moyen terme et à long terme. Une étude (Millard et coll.) [23] montre que le PCI diminue la sévérité du bégaiement, mais aussi l’impact du bégaiement sur les enfants. Les parents étaient moins inquiets pour le bégaiement de leurs enfants et plus confiants concernant leur capacité de gérer la thérapie du bégaiement (Kelman et coll.) [19]. Le programme des « demandes et capacités » (DCM) a été développé aux ÉtatsUnis par Starkweather et son équipe. Il a fait l’objet de nouvelles guidelines présentées par M-C Franken et son équipe au colloque à Oxford (2017) dans une recherche menée aux pays bas, la recherche a donné lieu à des EBP. Le programme Lidcombe est le premier programme ayant donné lieu à des preuves scientifiques mais les autres programmes plus anciens ont mené après coup leur propre recherche. Une méta-analyse, réalisée en 2012 par Onslow et coll. [28], montre que les enfants traités par le programme Lidcombe ont 7,5 fois plus de chances de ne plus ou presque plus bégayer que les enfants n’ayant pas reçu le traitement. Une étude (Miller et coll.) [24] a suivi 15 enfants d’âge préscolaire et les résultats montrent que 12 mois après le traitement, la majorité des enfants a maintenu leur fluence, ce qui prouve l’efficacité du programme sur le long-terme.
La prise en charge de l’enfant d’âge scolaire
L’étude d’Andrews et coll. [3] explique qu’il existe peu de preuves cliniques pour guider les orthophonistes dans la façon de traiter le bégaiement chez les enfants d’âge scolaire. Cette situation a été soulignée dans un éditorial récent paru dans la revue Language, Speech and Hearing Services in Schools, où il était dit qu’au cours des dix dernières années, aucune des études fondées sur des données qui se concentraient sur la restructuration de la parole à l’école des enfants n’a été publiée dans les revues de l’American Speech-Language-Hearing Association et seulement une étude de ce genre (Koushik et coll.) [20] a été publié dans le Journal of Fluency Disorders. Après une vérification récente des études publiées depuis cette date, les résultats sont malheureusement similaires. Une étude a été réalisée en 2009 par Koushik et coll. [20] afin de tester l’efficacité du programme Lidcombe chez les enfants d’âge scolaire. Le programme a été testé chez 11 enfants ayant entre 6 et 10 ans. Les résultats montrent que le pourcentage de syllabes bégayées a considérablement diminué et est passé de 9,2 à 1,9% en l’espace d’en moyenne 8 séances. Cela montre que le programme Lidcombe, initialement prévu pour les enfants d’âge préscolaire, est également efficace pour les enfants d’âge scolaire. Cependant, 4 enfants seulement maintiennent un pourcentage de syllabes bégayées inférieur à 1% en phase II et les autres ne maintiennent pas ce pourcentage. Les résultats sont donc plus variables pour les enfants d’âge scolaire en phase II que pour les enfants d’âge préscolaire. Un essai clinique récent mené par Andrews et coll. [3] a montré l’utilité du programme STS (Syllable Timed Speech) chez les enfants d’âge scolaire. L’étude a été réalisée chez 22 enfants qui bégaient âgés de 6 à 11 ans. Les résultats ont été rapportés pour les 19 enfants ayant terminé l’étape 1 du programme et le pourcentage moyen de réduction du bégaiement était de 77% entre la phase de prétraitement et à 12 mois posttraitement. 11 enfants ont montré une baisse de l’évitement des situations parlées et 18 étaient plus satisfaits par l’aisance de leur parole. Le programme GILCU n’a quant à lui pas donné lieu à des recherches depuis sa création, étant peu utilisé. En se basant sur les résultats de son programme Think Smart, Feel Smart, J. Agius (Malte) spécialiste de l’usage de l’humour dans ses thérapies du bégaiement, a développé le programme d’intervention SIS Fluency (Smart Intervention Strategy), qui encourage la créativité et l’humour chez les enfants de 8 à 12 ans. L’application de ce programme est disponible sur smartphone et est utilisée dans au moins 15 pays différents. En 2013, elle a remporté le prix national de Malte du meilleur contenu pour les enfants (Agius) [2].
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME
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