Le paludisme est un problème majeur de santé publique. En Afrique subsaharienne, il reste encore la première cause de décès chez les enfants. Environ 207 millions de cas et 627 000 décès dus au paludisme ont été recensés en 2012 à travers le monde [1]. Plasmodium falciparum est la principale espèce responsable des décès parmi les cinq espèces plasmodiales pouvant infecter l’homme.
La symptomatologie palustre est variable et elle résulte d’interactions multiples et complexes entre des facteurs de l’hôte, du parasite et de l’environnement [2]. Parmi ces interactions figurent les éléments de la réponse immunitaire de l’hôte dont l’objectif principal est de permettre la clairance parasitaire. Cette réponse protectrice repose sur un phénomène d’activation des cellules appartenant aux branches innée et/ou adaptative de l’immunité. Des avancées significatives ont été notées dans la compréhension du fonctionnement de ces cellules et de leur rôle protecteur ou physiopathologique. Comme la plupart des maladies infectieuses, le paludisme est marqué, durant sa phase clinique par une activation lymphocytaire encore mal élucidée et devant être exploré davantage dans le cadre de la mise en évidence de biomarqueurs diagnostiques ou pronostiques du paludisme hospitalier.
CARACTERISTIQUES GENERALES DU PALUDISME
DEFINITION ET HISTORIQUE
Le paludisme est une maladie infectieuse causée par un parasite eucaryote intracellulaire du genre Plasmodium et transmise par les moustiques femelles du genre Anophèles. La première description de la maladie se retrouve dans les écrits très anciens en Chine et en Egypte. L’agent pathogène a été découvert en 1880 par Alphonse Laveran (Laveran, 1880) et c’est en 1897 que les moustiques Anophèles furent reconnus comme étant les vecteurs de la maladie. En 1922, quatre Plasmodiums infectant l’homme ont été décrits : Plasmodium falciparum, P. malariae, P. vivax et P. ovale. Une cinquième espèce P. knowlesi a été récemment retrouvée chez l’homme [3]. L’étude des hépatocytes a permis d’établir l’existence d’une phase du cycle parasitaire au niveau du foie, cette découverte faite avec P. vivax a été rapidement suivie par la mise en évidence du stade hépatique de l’espèce P. falciparum, stade pour lequel les connaissances restent encore très partielles [4]. En 1944, deux antipaludiques de synthèse la chloroquine et l’amodiaquine sont commercialisés et seront fortement utilisés. C’est en 1960, que les premières souches de P. falciparum résistantes à la chloroquine ont été découvertes en Asie et en Amérique latine. Cette chimiorésistance apparait de manière concomitante avec les résistances des anophèles à la dichlorodiphényl-trichloréthane ou DDT, utilisé depuis 1948. L’apparition sur le marché des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine a apporté un regain d’espoir dans le cadre de la chimiothérapie antipaludique. Actuellement, un volet important dans la lutte antipaludique est l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticides. Elles permettent de réduire le taux d’inoculation, donc l’incidence des fièvres, et diminuent ainsi la mortalité et la morbidité [5].
EPIDEMIOLOGIE DU PALUDISME
Selon l’OMS, 3,4 milliards de personnes ont été exposées au paludisme à travers le monde, en 2012. Parmi elles, 1,2 milliard de personnes vivaient dans des zones à haut risque principalement en Afrique et en Asie du Sud-Est. Entre 2000 et 2012, les taux de mortalité liée au paludisme ont chuté de 45 % dans toutes les tranches d’âge et de 51 % chez les enfants de moins de cinq ans [1].
Ainsi, le paludisme prédomine en zone intertropicale et reste une menace pour la santé et le développement socio-économique dans un grand nombre de pays tropicaux, particulièrement en Afrique Noire [6]. La distribution des différentes espèces plasmodiales dépend étroitement des conditions climatiques et de facteurs génétiques parasitaires et humains. En effet, P. falciparum est surtout retrouvée en Afrique sub-saharienne, tandis que P. vivax se rencontre principalement dans le subcontinent indien, en Amérique centrale et du Sud, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. P. ovale est retrouvée presque exclusivement en Afrique occidentale, et relativement peu de cas d’infection à P. malariae se produisent en Afrique [7]. P. knowlesi est maintenant reconnue comme une cause du paludisme humain potentiellement mortelle dans les zones forestières de l’Asie du Sud-Est [8]. La transmission palustre dépend également de la population vectorielle. Seule une soixantaine d’espèces vectorielles, appartenant au genre Anophèles, peuvent transmettre des Plasmodiums à l’homme. En Afrique, les vecteurs du paludisme appartiennent essentiellement à des complexes regroupant des espèces morphologiquement identiques mais ayant une biologie et des caractères génétiques variés. Ces différentes espèces ont des rôles vectoriels extrêmement différents [9]. Au Sénégal, le paludisme est un problème de santé publique en raison de sa fréquence et de sa létalité encore élevée. Dans ce pays au climat soudano-sahélien, la transmission palustre est intermittente, plus fréquente pendant l’hivernage, faible pour le reste de l’année avec une baisse des niveaux de transmission lorsqu’on passe du Nord au Sud [10]. Chez les enfants divers tableaux sont notés dont des formes graves, neurologiques ou une anémie, qui surviennent principalement pendant et après la saison des pluies qui durent environ trois mois [11] .
BIOLOGIE DES PLASMODIUMS
Agents pathogènes
Cinq espèces plasmodiales peuvent être responsables de l’infection chez l’homme qui est le seul hôte réservoir: Plasmodium falciparum, P. vivax, P. ovale, P. malariae et P. knowlesi [3].
– P. falciparum est l’espèce la plus répandue dans la zone intertropicale. Son incubation est de 7 à 12 jours et elle est responsable de la fièvre tierce maligne, de l’accès pernicieux. Elle évolue d’une seule tenue, sans rechutes.
– P. vivax a une répartition large mais elle est absente en Afrique noire. Responsable d’une fièvre tierce bénigne, sa durée d’incubation est variable de 15 jours à plusieurs mois, elle évolue avec des rechutes (accès de reviviscence).
– P. ovale est essentiellement retrouvée en Afrique noire, sa durée d’incubation est variable (15 jours à plusieurs années). Elle est très proche de P. vivax.
– P. malariae présente une répartition superposable à celle de P. falciparum. Elle est responsable d’une fièvre quarte et d’accès de reviviscence même après un très long délai.
– P. knowlesi a été identifiée en Asie du Sud-Est en particulier dans les zones boisées. Ce parasite est transmis par la piqûre de moustiques Anopheles [12].
Vecteurs
Sur plus de 3000 espèces de moustiques décrites dans le monde, seule une soixantaine, appartenant au genre Anophèles, peuvent transmettre les Plasmodium à l’homme. En Afrique, les vecteurs de Plasmodium appartiennent essentiellement à des complexes, regroupant des espèces morphologiquement identiques mais ayant une biologie et des caractères génétiques variés. Ces différentes espèces ont des rôles vectoriels extrêmement différents, dont notamment A. arabiensis, A. gambiae, A. funestus, A. nili et A. moucheti [9]. Seule la femelle est hématophage et pique préférentiellement le soir et la nuit. Il est à noter que seul moins de 20% des piqûres de moustiques contenant des sporozoïtes dans leurs glandes salivaires sont responsables d’infections en zone d’endémie.
PATHOLOGIE DE L’INFECTION PAR P. FALCIPARUM
Elle est très complexe, car la symptomatologie du paludisme est liée au cycle de vie du parasite. En effet, pour toutes les espèces plasmodiales, le cycle exo érythrocytaire, hépatique est sans conséquence apparente et les seules manifestations cliniques s’observent au cours de la multiplication érythrocytaire. Les symptômes et les signes cliniques de la malaria sont provoqués par les formes asexuées des parasites, qui envahissent et détruisent les RBCs, localisés dans les tissus et les organes en liant aux cellules endothéliales (cytoadherence), et induisent le dégagement de beaucoup de cytokines pro-inflammatoires (par exemple facteur de nécrose de tumeur α, TNF α) [7].
Accès Palustre simple
Paludisme asymptomatique sans signes de gravite ni éléments d’appréciation (cliniques ou biologiques) permettant d’affirmer un dysfonctionnement des organes vitaux. Sur le plan clinique, la suspicion de paludisme repose donc principalement sur la présence d’un état fébrile ou d’antécédents de fièvre [15] .
On distingue les accès de primo-invasion et les accès de la phase d’état à fièvre périodique. Le tableau clinique des accès de primo-invasion est celui d’un embarras gastrique fébrile associé à des céphalées et des myalgies. Une hépatomégalie peut parfois être retrouvée. Puis va succéder la phase d’état avec une périodicité des accès thermiques. Ces accès palustres sont caractérisés par la succession de 3 phases à rythme régulier : frissons, chaleur et sueur. Dans la réalité, les accès sont souvent moins typiques. Ces derniers sont extrêmement divers et vont du simple portage asymptomatique aux manifestations graves telles que le coma.
Paludisme grave
L’accès pernicieux palustre a été initialement défini par Alphonse Laveran comme une « forme suraiguë de paludisme à P.falciparum susceptible de tuer rapidement le malade en 36 à 72h lorsqu’un traitement spécifique n’est pas rapidement et correctement institué »[16]. Il regroupe en particulier les formes cliniques du paludisme ayant un risque d’évolution fatale. Il existe plusieurs formes d’accès palustre grave et des critères de gravité ont été définis en 1990 par l’OMS, puis révisés en 2000 . Une cause majeure de décès chez les patients atteints de paludisme à P. falciparum est le neuropaludisme. C’est une forme résultant d’une occlusion des microvaisseaux cérébraux par les globules rouges infectés [18].
Le neuropaludisme se caractérise par des troubles de la conscience (coma calme), des convulsions et des troubles neurologiques (troubles du tonus, troubles cérébelleux…). Des manifestations viscérales peuvent être associées : splénomégalie, hépatomégalie, hypoglycémie, ictère, anémie, œdème aigu du poumon, collapsus, insuffisance rénale fonctionnelle et troubles de la coagulation. Ces accès graves non traités sont mortels, mais correctement traités la mortalité reste cependant élevée. [13]. Dans le paludisme à P. falciparum, des facteurs parasitaires comme le PfGPI (glycolipide faisant partie des toxines parasitaires) facilitent le recrutement des macrophages et la libération par ces cellules de nombreuses cytokines pro-inflammatoires comme IFN-γ, TNF-α, IL-1, IL-6 etc. Le TNF-α est un acteur important, qui injecté aux souris reproduit la plupart des manifestations cliniques et biologiques du paludisme grave de l’homme [20],[21]. Il a été démontré que le taux élevé de TNF-α était corrélé au degré de sévérité du paludisme humain, à la parasitémie et à la mortalité [20],[22]. Cette cytokine induit également la surexpression de molécules d’adhésion par les cellules endothéliales ce qui facilite le phénomène de cytoadhérence précédemment décrit.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: CARACTERISTIQUES GENERALES DU PALUDISME
I. DEFINITION ET HISTORIQUE
II. EPIDEMIOLOGIE DU PALUDISME : LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE
III. BIOLOGIE DES PLASMODIUMS
III.1. Agents pathogènes
III.2. Les vecteurs
III.3. LE cycle de p. falciparum
IV. PATHOLOGIE DE L’INFECTION PAR P. FALCIPARUM
IV.1. Accès Palustre simple
IV.2. Paludisme grave
V. L’IMMUNITE ANTI PALUSTRE
V.1.Immunité innée anti palustre
V.2.Immunité spécifique dans le paludisme
VI. HYPOTHESE DE TRAVAIL ET APPROCHE METHODOLOGIQUE
DEUXIEME PARTIE : TRAVAUX PERSONNELS
I. CADRE D’ETUDE
II. MATERIELS ET METHODES
II.1.Matériels
II.1.1.Matériel du laboratoire
II.1.2.Réactifs
II.1.3.Population d’étude et Matériel biologique
II.2. Méthodologie
II.2.1. La séparation cellulaire par gradient de Ficoll
II.2.1.1. Principe
II.2.1.2. Mode opératoire
II.2.2. Marquage cellulaire
II.2.3. Technique de cytométrie en flux
II.2.4. Acquisition et Analyse des données
III. RESULTATS
III.1. Caractéristiques clinico-biologiques de la population d’étude
III.2.Variations des niveaux d’activation lymphocytaire T
III.2.1. Comparaison des proportions de cellules T activées entre les malades et les temoins
III.2.2.Comparaison des proportions de cellules T activées suivant l’issue du paludisme sévère
III.3. Interrelations entre les niveaux d’activation cellulaire dans la population d’étude
III.4. Variations suivant les données hématoparasitologiques
III.4.1.Comparaison suivant les densités parasitaires
IV. DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUE
ANNEXES