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Le gonflement osmotique
Le gonflement osmotique, ou gonflement intercristallin (Parker et al., 1982) est dû à la répulsion des doubles couches électriques diffuses adjacentes (Figure I-23). Le gonflement osmotique intervient lorsqu’il y a une différence de concentration en ions entre l’espace interfoliaire et la solution exté-rieure à cet espace (Yariv, 1992; Benchabane, 2006; Maddi et al., 2007; Karpinski and Szkodo, 2015; Moslemizadeh et al., 2017). Le gonflement osmotique peut conduire à une augmentation de la distance basale jusque 130 Å (K Norrish, 1954; Moslemizadeh et al., 2017). Il intervient à haute teneur en eau (Keren and Shainberg, 1975). Contrairement au gonflement cristallin qui est un gonflement dit « discret », le gonflement osmotique est dit « continu » ou macroscopique, ou encore « libre » (Cadene, 2005; Benchabane, 2006; Maddi et al., 2007; Moslemizadeh et al., 2017). Si le gonflement osmotique est trop important, c’est-à-dire si le nombre de molécules d’eau présentes entre les feuil-lets est trop important, tous les cations sont solvatés et les feuillets chargés négativement ne sont plus liés à ces cations. Des forces répulsives entre les feuillets se forment, les particules argileuses ne sont plus reliées (Cadene, 2005; Karpinski and Szkodo, 2015; Bourgès and Simon, 2018) permettant à l’argile de changer d’état, passant du solide à la suspension argileuse. En présence d’eau sous forme vapeur, Bish, (1988) a montré dans son étude sur l’hydratation de la smectite, qu’une smectite so-dique commence son gonflement osmotique à partir de 2 couches d’eau adsorbée, soit pour une humidité relative supérieure à 90%. La Figure I-23 représente schématiquement le gonflement osmo-tique.
La condensation capillaire
Les facteurs contrôlant la condensation capillaire des minéraux argileux sont la taille des pores, leur distribution ainsi que leur connectivité (Akin and Likos, 2017). Elle est dépendante de la taille des pores selon l’équation de Kelvin (Équation I-8) : ln( PP0)=2γVl,molRmRT
Avec :
P est la pression de vapeur et P0 la pression de vapeur saturante ;
la tension de surface du gaz condensé ;
Vl,mol, le volume molaire du gaz condensé adsorbé ;
Rm le rayon de courbure moyen ;
R la constante des gaz parfaits ;
T la température.
Ainsi, plus les pores sont de petite taille et plus l’eau initialement sous forme vapeur va se condenser à une humidité relative faible, les saturant et formant des ménisques d’eau dans les pores de plus grande taille. Dans les minéraux argileux, la condensation capillaire apparaît le plus souvent à partir de 80% HR (Prost et al., 1998). Cette donnée est disponible à partir des isothermes de sorption d’eau sur les minéraux argileux à partir du moment où la prise en eau devient très importante par rapport à l’augmentation de l’humidité relative environnante. La condensation capillaire en elle-même n’est pas responsable du gonflement des minéraux argileux, au contraire, les forces de con-densation capillaire sont opposées à celle de l’adsorption d’eau (Prost et al., 1998).
Les inhibiteurs de gonflement des argiles
La problématique du gonflement des argiles est connue depuis plusieurs décennies. Que ce soit dans le domaine du forage pétrolier (Suter et al., 2011), dans les matériaux de type pierre (Wangler and Scherer, 2009) ou plus récemment dans la terre crue (Bourgès and Simon, 2018). Afin de limiter les dommages causés par les phénomènes de gonflement/retrait des minéraux argileux gonflants pré-sents dans ces milieux, des inhibiteurs de gonflements sont utilisés.
Les minéraux argileux présentent des caractéristiques électrostatiques de surface telles que des charges négatives ou positives, permanentes ou non. La propriété des molécules permettant d’inhiber le gonflement qui va nous intéresser est donc sa charge. Inorganiques ou organiques, les études sur la réduction du gonflement des minéraux argileux par voie chimique sont nombreuses. Ahmed et al., (2019) et Muhammed et al., (2021a, 2021b) ont proposé des synthèses bibliogra-phiques sur l’inhibition du gonflement des argiles utilisées dans les boues de forage notamment et Gonzalez and Scherer, (2004), Wangler and Scherer, (2009), Caruso et al., (2012) et Bourgès and Si-mon, (2018) ont collecté des données sur des inhibiteurs de gonflement pour des utilisations sur la pierre monumentale et la terre crue.
Les composés inorganiques utilisées comme inhibiteurs de gonflement
Depuis plusieurs décennies, le gonflement des argiles est stabilisé à l’aide de composés inorganiques, notamment dans les domaines du forage pétrolier et en conservation de la pierre. Des traitements au ciment et à la chaux (Gomes et al., 2016), des traitements thermiques (Wang et al., 1990) ou des échanges chimiques avec des cations issus de sels tels que KCl, CaCl2 ou NaCl sont réalisés dans ce cas. Des silicates à base de SiO2, d’alcalin (Na2O/K2O) et d’eau avec différentes structures molécu-laires montrent des propriétés d’inhibition du gonflement par formation de gels de silice et de phé-nomènes de précipitation (Gomez and Patel, 2013).
Mais la demande énergétique pour le traitement thermique et ceux à base de chaux et de ciment doit être importante pour être efficace (Thomas et al., 2012). Malgré des avantages financiers (le ciment et la chaux sont des produits largement répandus donc peu chers) et de stabilité du trai-tement au cours du temps même sous des conditions environnementales difficiles (Gomez and Patel, 2013), les sels inorganiques ne présentent pas que des avantages. En premier, d’un point de vue en-vironnemental, ils ne sont efficaces qu’à partir d’une concentration supérieure au seuil d’acceptabilité de l’environnement (Suter et al., 2011; Gomez and Patel, 2013). Deuxièmement, une fois que la solution saline n’est plus en contact avec l’argile (après un lessivage lié à des pluies mé-téoriques par exemple), celle-ci se remet à gonfler en présence d’eau, montrant un traitement faci-lement réversible. Et troisièmement, les composés inorganiques sont la plupart du temps sous forme de sels. Lors de cycles de solubilisation/cristallisation en fonction des conditions d’humidité, ils peu-vent créer des contraintes mécaniques importantes sur le matériau, le fragilisant.
Pour pallier les problèmes liés à l’utilisation des sels, de nouvelles méthodes de stabilisation des argiles sont mises en place, et notamment par l’utilisation de molécules organiques à base d’amines, mais également par le développement d’inhibiteurs du gonflement à base de molécules bio-sourcées. Ces molécules sont présentées dans la partie suivante (I – 5 – 2. ).
Les molécules organiques
Les molécules organiques sont réparties en quatre grandes familles décrites via leur charge : les non-ioniques, les anioniques, les amphotères et les cationiques. Des exemples de molécules utilisées dans le traitement des argiles sont donnés dans les paragraphes suivants pour chaque famille énoncée, cette liste n’est pas exhaustive. La plupart des molécules organiques sont considérées comme am-phiphiles, c’est-à-dire qu’elles possèdent deux parties avec des affinités pour l’eau différentes : une partie polaire et hydrophile qui est appelée « tête » de la molécule, et une partie apolaire et hydro-phobe (ou lipophile), qui est appelé « queue » de la molécule. Pour toutes les molécules, la partie lipophile peut être soit aliphatique linéaire, ramifiée ou insaturée, soit aromatique, soit alkylaroma-tique (Larpent, 1995).
Les molécules organiques non-ioniques
Les molécules non-ioniques ne présentent pas de charge en solution. Dans les molécules non-ioniques utilisées pour inhiber le gonflement des argiles, la saponine (Moslemizadeh et al., 2017), le triton X100 (Ahmed Muherai et al., 2009) ou encore des polypropylène glycols (PPG) (Ouellet-Plamondon et al., 2014) et des amines éthoxylées (Silva et al., 2014) sont utilisées. Les représenta-tions de ces molécules sont proposées en Figure I-24.
Les molécules organiques cationiques
Les molécules cationiques présentes une charge positive en solution. Cette famille de molécule est la plus répandue dans le traitement des argiles gonflantes. En effet, leur charge positive leur permet la plupart du temps de se comporter en tant qu’échangeur cationique avec les cations compensateurs de charge des minéraux argileux gonflants (Favre and Lagaly, 1991; Laird and Shang, 1997; Mosle-mizadeh et al., 2016). Cet échange confère à l’espace interfoliaire des propriétés hydrophobes et limite l’accès des molécules d’eau. De plus, comme les cations compensateurs de charge facilement hydratables sont échangés avec des molécules possédant des groupements plus hydrophobes avec des énergies d’hydratation plus importante (il est plus difficile d’hydrater les cations organiques que les cations inorganiques), l’espace interfoliaire est plus difficilement hydratable (Suter et al., 2011). Le mécanisme de gonflement des minéraux argileux démarrant par l’hydratation des cations com-pensateurs de charge (voir partie I – 4 – 1. sur le gonflement cristallin), il est important de limiter cette hydratation pour limiter le gonflement des argiles gonflantes.
Les molécules organiques cationiques les plus utilisées dans la réduction du gonflement sont celles à base d’ammoniums quaternaires comme le bromure de cétyltriméthylammonium (CTAB) (Emerson, 1963; Moslemizadeh et al., 2016) (Figure I-27). Le CTAB est un sel d’alkylammonium. Il en existe beaucoup dont la différence réside dans la longueur de la chaîne carbonée et ont été très utili-sés dans l’inhibition du gonflement (Theng et al., 1967; Lagaly and Beneke, 1991). Les études sur ces composés ont montré que l’espace interfoliaire des argiles gonflantes augmente après leur adsorp-tion de façon d’autant plus importante que la longueur de la chaîne carbonée (Heinz et al., 2007) ou que la concentration augmente (Nuntiya et al., 2008). Une fois mises en place, les molécules permet-tent de limiter le gonflement des argiles. Ceci montre que les molécules s’intercalent dans l’espace interfoliaire par échange cationique avec les cations compensateurs de charge car l’espace interfo-liaire devient moins sensible à l’eau (Laird et al., 1989) et que l’espace interfoliaire augmente en taille après le traitement (Vaia et al., 1994).
Influence de l’adsorption des molécules organiques sur la taille de l’espace interfoliaire
Le fait de pouvoir insérer des molécules organiques dans l’espace interfoliaire des minéraux argileux gonflants permet parfois de limiter le gonflement au contact de l’eau (Wangler and Scherer, 2009; Suter et al., 2011; Xie et al., 2017; Mao et al., 2021). L’impact des molécules cationiques et non-ioniques sur l’espace interfoliaire est décrit ci-dessous. Celui des molécules anioniques n’est pas dé-crit plus précisément car les substitutions isomorphiques de la montmorillonite impliquent que l’espace interfoliaire est chargé négativement. Cette propriété rend difficile l’interaction des molé-cules anioniques avec l’espace interfoliaire.
Les molécules cationiques sont connues pour effectuer des échanges cationiques avec les ca-tions compensateurs de charge des minéraux argileux gonflants. Lors de l’adsorption de molécules organiques de type alkylammonium (molécule positive, linéaire possédant un groupement azoté) de longueur de chaîne carbonée variable, augmente la distance basale de la montmorillonite de 12.4 Å pour la montmorillonite traitée au NH4+ (alkylammonium à 0 carbones) à 17.7 Å pour la montmoril-lonite traitée à l’alkylammonium à la plus longue chaîne (12 carbones) (Jouany and Chassin, 1987). La configuration de ce type de molécules varie en fonction de leur concentration et/ou de leur longueur (Figure I-28) (Lagaly, 1986; Jouany and Chassin, 1987; Vaia et al., 1994; Ipek Nakas and Kaynak, 2009). La dopamine, molécule avec une amine primaire et un cycle aromatique (Xuan et al., 2013), aug-mente la distance basale de 11.7 Å à 15.4 Å après intercalation.
Impact des molécules organiques sur l’interaction eau – montmorillonite
Adsorption de l’eau
A ce jour, il n’existe que peu d’études sur l’influence de l’utilisation de molécules organiques sur la sorption d’eau sous forme vapeur sur des minéraux argileux. Cependant, Chen et al., (2018) ont utili-sé des molécules organiques telles que le CTAB (bromure de cétyltriméthylammonium) ou l’acide stéarique et ont montré un effet sur l’isotherme de sorption d’eau, notamment dans la zone de con-densation capillaire (Figure I-29).
L’ajout de ces molécules implique une diminution de l’interaction entre l’eau et la montmoril-lonite par une diminution de la quantité totale d’eau adsorbée. De plus, l’hystérésis entre la branche d’adsorption et de désorption est plus faible, indiquant une modification dans l’énergie nécessaire pour hydrater l’espace interfoliaire, initialement rempli de cations compensateurs de charge facile-ment hydratables. L’énergie demandée pour hydrater/déshydrater les cations compensateurs de charge est responsable de l’hystérésis de sorption (Chen et al., 2018). Barati et al., (2017) ont égale-ment montré une diminution de la prise en eau vapeur maximale de 14% entre l’argile non traitée et celle traitée avec une molécule dérivée d’amines.
Mouillabilité après le traitement avec des molécules organiques
Certaines molécules utilisées pour diminuer le gonflement des argiles vont agir directement sur leurs surfaces par adsorption et modification de leur mouillabilité. C’est le cas notamment de la saponine (Moslemizadeh et al., 2017; Aghdam et al., 2021), de l’extrait de henné (Moslemizadeh et al., 2015), de l’extrait de racine de gingembre rouge coréen (Ghasemi et al., 2019) ou encore de la gélatine (Li et al., 2018). Cette propriété est vérifiée par la mesure des angles de contact entre le minéral argileux sans et avec le traitement et une goutte d’eau déposée en surface (Figure I-30). L’angle de contact augmente, ce qui montre une diminution du caractère hydrophile de l’argile et donc une diminution de sa mouillabilité. Une augmentation de 60° pour la montmorillonite traitée à la saponine et à la gélatine est observée par Aghdam et al., (2021) et X. Li et al., (2018) respective-ment, tandis que Moslemizadeh et al., (2015) observent une augmentation de 25° avec l’extrait de henné. La mouillabilité de l’argile est ainsi diminuée avec ces inhibiteurs de gonflement. La majorité du temps, les inhibiteurs de gonflement non-ioniques font augmenter l’angle de contact entre la goutte d’eau et l’argile (Moslemizadeh et al., 2015, 2017; Barati et al., 2017; X. Li et al., 2018; Zhang et al., 2019; Lazorenko et al., 2020) par la formation d’un film hydrophobe à la surface de l’argile, ce qui est considéré comme le mécanisme principal dans la réduction de la mouillabilité de l’argile par les inhibiteurs de gonflement non-ioniques. La diminution de la mouillabilité avec les molécules non-ioniques n’est cependant pas systématique, une diminution de l’angle de contact a été mesurée par Akbulut et al., (2012) montrant une augmentation de l’affinité de la surface pour l’eau.
Avec les inhibiteurs de gonflement cationiques qui agissent par échange cationique et ne for-ment pas obligatoirement un bouclier comme les inhibiteurs non-ioniques, l’augmentation de l’angle de contact entre une goutte d’eau et la surface de l’argile n’est pas systématique. Pour Shah et al., (2013) et Zhong et al., (2015), l’utilisation de molécules cationiques possédant un cycle, aromatique ou non, permet d’augmenter l’angle de contact après le traitement. Même si les molécules sont ad-sorbées dans l’espace interfoliaire, les cycles permettent une augmentation du recouvrement de la surface, ce qui limite l’accès de la surface à l’eau. Ainsi, les molécules cationiques permettent égale-ment de former des films hydrophobes à la surface des minéraux argileux et donc d’augmenter l’angle de contact entre l’eau et la surface (Quainoo et al., 2020). Ainsi, la mouillabilité globale de l’argile est modifiée (Malm et al., 2018), sans pour autant modifier les angles de contact qui est une mesure très locale de la mouillabilité de l’argile (Chen et al., 2018).
Influence des molécules organiques sur l’énergie de surface des minéraux argileux
Certaines molécules utilisées en tant qu’inhibiteur de gonflement influent sur la mouillabilité de la surface des minéraux argileux (Moslemizadeh et al., 2015, 2017; X. Li et al., 2018) en augmentant l’angle de contact entre une goutte d’eau et la surface du matériau. Les molécules organiques peu- vent ainsi avoir un impact sur l’énergie de surface des argiles. Jouany, (1991) a montré que l’énergie de surface globale de la montmorillonite diminue de 110 mN/m à 45 mN/m après ajout d’un poly-mère avec un effet plus important sur la composante polaire de l’énergie de surface. Cette diminu-tion d’énergie de surface indique une augmentation du caractère hydrophobe de l’argile.
L’inhibition du gonflement avec des molécules organiques
Afin de limiter le gonflement sous sollicitation hygrique et hydrique, des molécules organiques peu-vent donc être utilisées. Elles peuvent agir non seulement sur le gonflement cristallin mais également sur le gonflement macroscopique.
Inhibition du gonflement cristallin
Comme indiqué précédemment, les molécules organiques interagissent avec l’espace interfoliaire (lieu du gonflement cristallin), influençant sa taille. Le gonflement cristallin est également modifié. En effet, que ce soit pour des molécules non-ioniques comme la gélatine (X. Li et al., 2018), ou pour des molécules cationiques telles que la dopamine (Xuan et al., 2013), des mono- (Theng et al., 1967) ou polyamines (Wangler and Scherer, 2009; Bourgès and Simon, 2018; Parvizi Ghaleh et al., 2020; Xie et al., 2020), le gonflement cristallin de l’argile traitée est réduit par rapport à celui de l’argile non trai-tée. D’une distance basale de 19.1 Å pour la montmorillonite non traitée, elle est de 18.6 Å avec la gélatine (X. Li et al., 2018). Cette réduction est encore plus importante dans le cas des polyamines avec un gonflement pouvant être nul pour les alkyl--diamines (Wangler and Scherer, 2009; Mas-son et al., 2020a), que ce soit sous sollicitation hydrique ou hygrique. Cet effet est visible notamment pour les molécules avec une chaîne carbonée de plus de 3 carbones.
Inhibition du gonflement macroscopique
Pour le traitement des argiles gonflantes dans le domaine du forage pétrolier, l’inhibition du gonfle-ment est observée sur une argile gonflante mise dans une solution contenant la molécule traitante. Ainsi, des solutions aqueuses à base de molécules non-ioniques telles que l’extrait de henné (Mosle-mizadeh et al., 2015), la saponine (Moslemizadeh et al., 2017) ou encore la gélatine (X. Li et al., 2018) font en sorte que l’argile gonflante gonfle moins à l’échelle macroscopique sous sollicitation hy-drique. Pour les molécules de type cationique mono- ou polyamines (Wangler and Scherer, 2009; Xuan et al., 2013; Guancheng et al., 2016; Bourgès and Simon, 2018), le gonflement macroscopique est également réduit. Que ce soit pour les molécules non-ioniques ou cationiques, la réduction du gonflement est d’autant plus importante que la concentration en traitement est importante. Une réduction de 83% est observée pour le polyéthylènimine (An and Yu, 2018), la gélatine (X. Li et al., 2018) contre environ 50% pour l’extrait de henné (Moslemizadeh et al., 2015) et entre 25 et 45% pour les polyamines de type alkyl--diamine (Wangler and Scherer, 2009) en fonction de la lon-gueur de la chaîne carbonée.
Facteurs limitant le gonflement cristallin et macroscopique
Que ce soit à l’échelle du feuillet ou à l’échelle macroscopique, le gonflement des argiles est réduit lorsque des molécules organiques sont utilisées. Le pH et la température du système peuvent influer sur la réduction du gonflement (Moslemizadeh et al., 2015). Le pH influe car les sites de surface ainsi que la structure des molécules peuvent être modifiés, la température a un impact car les constantes thermodynamiques de réactions sont dépendantes de la température.
Pour qu’il y ait une influence des molécules sur le gonflement de l’argile, il faut que celles-ci s’adsorbent sur l’argile. Dans le cas des molécules non-ioniques, les interactions entre les molécules et la surface se font principalement par des liaisons hydrogènes entre les groupements –OH des mo-lécules lorsqu’elles possèdent ces groupements et les oxygènes libres des groupements silanols (Si-O) des couches tétraédriques des minéraux (Rodriguez-Cruz et al., 2005; Ahmed Muherai et al., 2009; Amirianshoja et al., 2013; Moslemizadeh et al., 2015, 2017; X. Li et al., 2018). Dans le cas des molé-cules cationiques, en plus des liaisons hydrogènes qui peuvent se former entre les molécules et les surfaces des argiles (Xuan et al., 2013), l’effet d’échange cationique rentre en considération : les mo-lécules organiques vont chasser les cations compensateurs de charge facilement hydratables. Avec des énergies d’hydratation plus élevées, ces molécules ne se solvatent pas facilement, limitant donc l’accès à l’eau dans l’espace interfoliaire, limitant le gonflement. De plus, pour les molécules polyca-tioniques (Wangler and Scherer, 2009; Guancheng et al., 2016; Xie et al., 2020), l’effet de la poly-charge permet de créer des ponts entre les feuillets, ce qui limite leur expansion.
L’adsorption de ces molécules permet de réduire l’énergie de surface et donc la mouillabilité des minéraux argileux. Cette diminution de la mouillabilité implique donc moins d’adsorption d’eau et donc moins de gonflement.
Cas des tensioactifs en tant qu’inhibiteur de gonflement
Parmi les molécules organiques, il existe une catégorie de molécules appelées les « tensioactifs » qui ont les mêmes caractéristiques que les molécules organiques classiques : elles sont classées dans les 4 grandes familles citées précédemment et sont dotées d’un corps apolaire hydrophobe et d’une tête polaire hydrophile. Ce qui les différencie des autres molécules organiques est leur pouvoir de diminuer la tension superficielle des solutions aqueuses et donc de modifier les interactions entre l’eau et l’environnement extérieur. Nous allons définir ce qu’est réellement un tensioactif et ses im-pacts sur l’inhibition du gonflement des argiles.
Les minéraux argileux et le sable : présentation et caractéristiques
Dans cette étude, trois minéraux argileux présents en majorité dans les sols français sont utilisés. Ils sont représentatifs d’un sol français naturel potentiellement utilisable dans la construction en terre crue et sont :
Une kaolinite française fournie par la Société Kaolinière Armoricaine (SOKA) ;
Une illite verte française de la compagnie « Argile du Velay » (Arvel) ;
Une montmorillonite de Sardaigne fournie par la société ABM (Argile du Bassin Méditerra-néen).
Chacun de ces matériaux argileux ont été extraits de carrières puis préparés industriellement avec un séchage flash (haute température sur un laps de temps court) et un broyage industriel. Ces matériaux sont donc différents d’un matériau naturel directement prélevé depuis la carrière. Le trai-tement industriel pouvant avoir une influence sur la taille des particules, leur réactivité et les espèces chimiques en présence. La courbe de sédimentométrie de la montmorillonite, de l’illite et de la kao-linite sont présentées en Fig. Annexes 14, Fig. Annexes 16 et Fig. Annexes 17, respectivement (Norme NF P94 057, 1992; Norme XP P 94 041, 1995). Les diffractogrammes sur lames de ces trois matériaux argileux sont présentés en Fig. Annexes 18 (montmorillonite), Fig. Annexes 19 (illite) et Fig. Annexes 20 (kaolinite). Chaque matériau argileux est quasiment pur : des traces d’illite et de kaolinite et du quartz se trouvent dans la montmorillonite. Dans l’illite se trouve une fraction de kaolinite et inver-sement. La montmorillonite est le minéral argileux le plus représenté dans ce manuscrit, l’illite et la kaolinite le seront à moindre mesure. Ceci parce que la montmorillonite est le minéral présentant la plus forte réactivité et gonflement vis-à-vis de l’eau, il est alors plus aisé d’observer des comporte-ments de gonflement avec lui. La montmorillonite est dite calcique car le cation le plus présent est le calcium parmi les quatre principaux mesurés (mesure en ICP-MS) (Tableau II-1).
Les molécules organiques testés sur les minéraux argileux
Les différentes molécules organiques utilisées et testées pour réduire le gonflement de la montmoril-lonite sont fournies par Sigma Aldrich (Tableau II-5). Chaque molécule utilisée est choisie car citée dans la littérature en tant qu’inhibiteur de gonflement des argiles, notamment dans le domaine de la prospection pétrolière et de la conservation du patrimoine bâti en pierres (Ahmed Muherai et al., 2009; Wangler and Scherer, 2009; Xuan et al., 2013; Carillo and Gibon, 2014; Moslemizadeh et al., 2015, 2017; An and Zu, 2018; Bourgès and Simon, 2018; X. Li et al., 2018). La tension superficielle LG des solutions aqueuses des molécules organiques testées à une concentration de 19.60 g/L est mesurée par la méthode de la goutte pendante avec une incertitude de 0.01 mN/m (voir section II – 3 – 7. ) (Tableau II-4). Cette concentration est utilisée pour comparer les performances des molécules dans leur capacité à réduire le gonflement lorsqu’elles sont mises en contact avec la montmorillonite (voir le Chapitre III). La mesure de la tension superficielle de la solu-tion de gélatine a été réalisée sur une solution chaude (60°C), la gélatine durcissant à froid. La ten-sion superficielle des solutions aqueuses est dépendante de la température (Claussen, 1967) : γLG(mNm⁄)=−0.167∗T+75.8, avec T la température (°C) et γLG la tensions superficielle de l’eau (mN/m). La valeur obtenue sur la solution de gélatine prend donc également ce paramètre en considération. L’agitation des molécules augmentant avec la température, elles quittent plus facile-ment l’interface entre la solution et l’air, migrant vers le coeur de la solution. La tension superficielle étant la force attirant les molécules vers l’intérieur d’une solution, elle diminue avec la température (Le Neindre, 1993). Ainsi, la tension superficielle de l’eau à 60°C est de 65.8 mN/m. Le pH de chaque solution est également mesuré. Les fiches de données de sécurité des 10 molécules sont en Annexes.
Préparation des échantillons – étude discriminante
Les analyses en diffraction des rayons X sont réalisées sur des poudres d’argiles traitées à partir de suspensions d’argile – solution aqueuse de molécules organique. Pour les tests de gonflement lors de l’étude comparative des effets des différentes molécules organiques, la même concentration mas-sique en molécule organique est utilisée : 8 g de molécule organique est mélangé à 400 mL d’eau distillée (15 M, puis 12 g de montmorillonite sont ajoutés à cette solution aqueuse. Dans le cas particulier de la gélatine, la solution est préalablement chauffée à 60°C avant d’être incorporée à l’argile. Le ratio solide/liquide utilisé lors de cette étape est le même pour toutes les expérimenta-tions impliquant une mise en suspension de l’argile. Les suspensions sont ensuite mises en agitation pendant 24 heures avant d’être centrifugées pendant 20 minutes à 10000 tr/min, 20°C. L’étape de centrifugation permet de séparer l’argile de la solution aqueuse. L’argile est récupérée et mise à sé-cher à température et humidité relative ambiante avant d’être broyée et tamisée manuellement à 63 μm. Les poudres obtenues sont ensuite conditionnées aux humidités relatives retenues, dont les valeurs sont contrôlées par du silicagel et des solutions salines sursaturées, en milieu fermé, dans des contions isothermes. Ce conditionnement pendant une durée de 7 jours, permet de mesurer le gon-flement cristallin pour une différence d’humidité relative prédéfinie.
Préparation des échantillons – étude des interactions argile/alkyl--diamines
Suite à l’étape discriminante sur le gonflement, les alkyl--diamines en tant qu’inhibiteur de gon-flement sont gardés. Ils sont utilisés pour mieux comprendre leurs mécanismes d’interactions avec les surfaces de l’argile ainsi que sur l’inhibition du gonflement. Pour cela, la montmorillonite est trai-tée à trois concentrations choisies correspondant à un taux d’échange des cations échangeables de la montmorillonite de 20, 50 et 90% de la CEC, car les molécules d’alkyl--diamines sont cationiques. La montmorillonite a une CEC de 102.1 ± 6.1 meq/100g. Ainsi, pour échanger 50% de la CEC, il faut 51.05 meq/100g de molécule. Or, les alkyl--diamines possèdent deux charges en solution. En considérant la relation suivante : 1 meq = 1 mmol*charge, pour échanger 50% de la charge de l’argile, soit 51.05 meq/100g, il faut ajouter l’équivalent de 25.53 mmol d’alkyl--diamines pour 100 g de montmorillonite. Avec le rapport solide (g)/liquide (L) égal à 30, les concentrations utilisées pour la préparation de la montmorillonite traitée sont indiquées dans le Tableau II-10.
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Table des matières
Introduction générale
Contexte général de la construction en terre crue
La problématique des argiles gonflantes
Contexte et objectifs de la thèse
Plan détaillé de la thèse
Chapitre I. Etat de l’art
I – 1. Les enduits
I – 2. Les argiles et minéraux argileux
I – 3. Les phénomènes d’adsorption sur l’argile
I – 4. Conséquences de l’adsorption d’eau sur les argiles dites gonflantes
I – 5. Les inhibiteurs de gonflement des argiles
I – 6. Synthèse et questions ouvertes : choix des molécules organiques
Chapitre II. Matériaux et méthodes
II – 1. Les minéraux argileux et le sable : présentation et caractéristiques
II – 2. Les molécules organiques testés sur les minéraux argileux
II – 3. Techniques expérimentales
II – 4. Tableaux récapitulatifs des essais
Chapitre III. Comparaison des performances de différentes molécules organiques sur l’inhibition du gonflement de la montmorillonite
III – 1. Impact des molécules sur la distance basale et le gonflement de la montmorillonite
III – 2. Impact des molécules organiques sur le gonflement macroscopique de la montmorillonite
III – 3. Corrélations entre le gonflement de la montmorillonite aux échelles macroscopiques et cristallines et les propriétés des molécules organiques
III – 4. Impact des molécules organiques sur la résistance à la compression
Chapitre IV. Etude du phénomène de sorption des alkyl--diamines sur la montmorillonite, l’illite et la kaolinite.
IV – 1. Utilisation de la sorption d’eau ou d’azote sur les minéraux argileux non traités pour caractériser leur surface
IV – 2. Etude de la sorption des alkyl--diamines sur la montmorillonite
IV – 3. Etude de la sorption de l’eau sur la montmorillonite traitée aux alkyl--diamines et son impact sur le gonflement de l’argile
IV – 4. L’octan-1,8-diamine (DC8) sur l’illite et la kaolinite
IV – 5. Configuration des molécules adsorbées sur la montmorillonite
Chapitre V. Caractérisation de la mouillabilité de la surface de la montmorillonite et évolution après traitement
V – 1. Vérification des paramètres d’analyse et répétabilité de la mesure
V – 2. Résultats sur les films argileux
V – 3. Résultats sur les pastilles d’argiles
V – 4. Lien entre tension superficielle des solutions, modification de la surface et réduction du gonflement de la montmorillonite ?
Conclusion générale
Perspectives
Tables des figures, tableaux et équations
Tableaux
Figures
Équations
Bibliographie
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