Comparaison des outils optique et radar en polarimétrie bistatique

La polarimétrie, étude de la polarisation des ondes électromagnétiques, permet d’enrichir la connaissance d’un objet, matériau ou surface, en observant son interaction avec une onde électromagnétique polarisée. Suivant les longueurs d’onde utilisées, les théories liées à la polarimétrie se sont développées depuis la fin des années 40 en suivant des voies différentes. Pour la polarimétrie radar, il s’agit du formalisme des matrices de Sinclair 2×2 adaptée au cas de la rétrodiffusion (cas dit  » monostatique « ). Pour la polarimétrie optique dite de « Mueller », on mesure les éléments d’une matrice 4×4 de densité de puissance moyennée, pour toute configuration géométrique des antennes d’émission et de réception. Polarimétrie optique et radar diffèrent sous les aspects suivants :
– Les moyens de mesure (cohérente ou incohérente) et donc les grandeurs mesurées et estimées
– Les théories polarimétriques utilisées (décomposition matricielles)
– Les configurations géométriques de la mesure (monostatiques à l’heure actuelle en radar, bistatiques en optique)
– Les échelles des longueurs d’onde et donc les cibles envisagées. Cette thèse porte sur le croisement des techniques et théories employées dans les applications de la polarimétrie radar et celles de la polarimétrie optique de Mueller. Le bénéfice attendu de ces croisements est multiple :
– A partir de mesures réalisées dans le domaine optique (mesure de la matrice de Mueller d’un élément), nous sommes en mesure de déduire tous les paramètres habituellement utilisés en radar dans le cadre des cibles dites  » aléatoires  » (milieux dépolarisants tels que la forêt) et vice-versa. Nous pouvons donc espérer mieux comprendre la nature physique des phénomènes de dépolarisation, en comparant les différents moyens de mesure de celle-ci.
– Aujourd’hui, l’un des enjeux de la polarimétrie radar concerne la généralisation des outils théoriques existants à la configuration  » bistatique « , notamment pour l’étude des milieux aléatoires. Cette configuration se rencontre par exemple lorsque les antennes d’émission et de réception ne se trouvent pas au même endroit, ou bien dans le cas des milieux dits  » non réciproques  » (rotation de Faraday par exemple). Si cette configuration est « nouvelle » pour les radaristes en polarimétrie, elle est totalement classique en radar. Aussi cette thèse est donc une des rares à notre connaissance qui tente d’apporter des réponses au problème de la polarimétrie radar bistatique en s’inspirant des interprétations traditionnellement réservées au domaine de l’optique, et en comparant les phénomènes physiques aux deux échelles. En optique comme en radar, nous cherchons à exhiber des scénarios où l’information polarimétrique est suffisamment pertinente par rapport à l’information énergétique ou fréquentielle pour justifier son utilisation. L’emploi de la polarimétrie entraîne en effet un coût matériel et dans le cas du radar, une perte de résolution pour l’analyse des propriétés de dépolarisation. La problématique générale est donc l’extraction de l’information utile à partir d’une mesure polarimétrique. Cette mesure peut, comme toute mesure, être affectée d’une erreur d’étalonnage, d’effets induits par la géométrie, de bruit (bruit thermique, bruit de speckle, etc.). L’information polarimétrique est fondamentalement semblable pour les micro-ondes (radar), l’infrarouge et le visible (optique). Cependant les moyens de mesure varient très fortement et le contexte fait donc que l’ensemble des outils développés alors (étalonnage, configuration géométrique, filtrage du bruit) divergent entre les différentes communautés.

Ces divergences ont fait que, jusqu’à aujourd’hui, relativement peu de liens ont été tissés entre les deux mondes. Elles s’illustrent notamment par les points suivants :
– La géométrie d’acquisition est classiquement bistatique en optique et encore majoritairement (voire exclusivement) monostatique en radar. De ce fait, l’optique possède des outils très nettement en avance pour traiter les problèmes liés aux géométries particulières. Cette particularité s’illustre sur certains protocoles expérimentaux comme ceux d’étalonnage, ainsi que sur les traitements polarimétriques qui sont déjà adaptés au bistatisme.
– La mesure radar est une mesure cohérente (intensité et phase) alors que la mesure optique est une mesure d’énergie, fréquemment obtenue à l’aide d’un éclairage incohérent. Le niveau et la nature du bruit sont donc complètement différents, ainsi que les grandeurs physiques mesurées : quand l’optique mesure directement des grandeurs quadratiques du champ électrique, le radar doit, lui, effectuer des estimations statistiques de ces mêmes grandeurs. Il s’agit d’une problématique exclusive au radar qui a des conséquences très importantes.
– Les traitements faits a posteriori sur les données suivent aussi des approches sensiblement différentes. En radar ce sont les décompositions polarimétriques en sommes qui sont les plus populaires (Cloude Pottier, Freeman Durden et équivalents, Touzi). Par contre en optique les traitements sont le plus souvent multiplicatifs (Lu et Chipman, Ossikovski symétrique).

Paramètres polarimétriques d’une cible, en optique et en radar

La polarimétrie s’intéresse à la réponse de cibles vis à vis de la polarisation d’une onde incidente. L’onde émise sera toujours CP, par contre l’onde réfléchie peut être CP (nous parlons de cible cohérente ou déterministe) ou bien PP (nous parlons alors de cible incohérente ou non-déterministe). Nous avons vu qu’il existait plusieurs façons de décrire une onde polarisée ; il existera donc plusieurs façons de décrire la réponse d’une cible. De manière générale le vecteur servant à la description de l’onde incidente et celui décrivant l’onde réfléchie sont reliés par une matrice dont les dimensions varient en fonction des vecteurs utilisés pour décrire les ondes (Jones, Stokes …).

Matrice de Kennaugh / Mueller 

Si nous voulons relier le vecteur de Stokes (exprimé dans la base de Pauli) de l’onde incidente et de l’onde diffusée, la matrice qui intervient est appelée matrice de Kennaugh (radar) ou de Mueller (optique). Les vecteurs de Stokes ayant déjà été obtenus après une moyenne statistique, les matrices de Kennaugh et de Mueller peuvent donc s’obtenir sans faire de moyenne supplémentaire. La matrice de Mueller est la matrice la plus utilisée en optique car c’est la seule mesure possible (les vecteurs de Jones étant complexes, leur mesure nécessiterait la connaissance de la phase) et c’est donc essentiellement autour de la matrice de Mueller que la théorie optique a été construite. La matrice de Kennaugh peut être obtenue sans passer par la mesure des vecteurs de Stokes, comme cela sera souvent le cas en radar ou seules les matrices de Sinclair sont mesurées (La mesure des vecteurs de Stokes n’est pas impossible mais plus coûteuse en nombre).

Les propriétés d’une cible

Lorsqu’une onde électromagnétique interagit avec une cible, son état de polarisation peut changer. Dans une mesure polarimétrique où l’état initial de l’onde est totalement polarisé, on distingue alors les cibles pour lesquelles l’onde diffusée restera totalement polarisée -autrement dit l’objet est non dépolarisant- des cas où l’état de l’onde diffusée n’est plus totalement polarisé. Dans ce dernier cas, on parle de cible dépolarisante. Toutefois, on parle parfois en radar de cibles « non déterministes », ou bien cibles naturelles ; tandis que les cibles non dépolarisantes seront qualifiées de cibles déterministes, et parfois par abus de langage, de cibles humaines ou manufacturées. Aux échelles de longueur d’onde radar, ce sont en effet en général ces types de cibles (véhicules, bâtiments) qui ne dépolarisent que peu ou pas les ondes.

Les matrices de mesure d’une cible

Matrice de diffusion 

La matrice de diffusion est une matrice complexe 2×2 qui décrit la transformation de la polarisation d’une onde avant et après diffusion. La matrice de Jones et la matrice de Sinclair sont deux formes de la matrice de diffusion. Elles sont utilisées dans les conventions d’alignement de diffusion avant (FSA) et d’alignement de rétrodiffusion (BSA) respectivement, donc typiquement en optique et en radar. Les conventions d’alignement seront decrites plus en détail dans la première partie du document. Il faut toutefois prendre garde au fait que la transformation du vecteur de Jones ne peut être utilisée que si les états initial et final sont tous deux totalement polarisés, autrement dit si l’objet est non dépolarisant. En revanche, la transformation du vecteur de Stokes est utilisable dans tous les cas.

Matrice de Stokes 

La matrice de Stokes est une matrice réelle 4×4. Elle transforme le vecteur de Stokes de l’onde incidente en vecteur de Stokes de l’onde diffusée, pour un diffuseur particulier illuminé par un radar polarimétrique. La définition du vecteur de Stokes de l’onde diffusée dépend là encore de la convention utilisée relativement au système de coordonnées. Compte tenu de la confusion possible, deux formes spécialisées de la matrice de Stokes sont en usage, à savoir la matrice de Mueller utilisée avec la convention FSA et la matrice de Kennaugh utilisée avec la convention BSA. On parle parfois de matrice de Stokes modifiée, ou de matrice de Mueller modifiée. Dans ce cas, la matrice relie une forme modifiée de l’opérateur de diffusion de Stokes : celuici utilise les intensités individuelles des composantes horizontale et verticale du champ électrique, plutôt que leur somme et leur différence.

Les conditions géométriques de mesure

Dans la plupart des cas, l’émetteur et le récepteur du radar partagent une électronique et une antenne commune. On parle alors de radar monostatique. Rien n’empêche cependant de considérer un système radar où l’émetteur et le récepteur sont séparés ; on parle alors de radar bistatique, ou même de configuration multistatique, si l’on a un émetteur et plusieurs récepteurs distincts. Lorsque l’on parle de radar bistatique, on suppose implicitement que l’émetteur et le récepteur sont réellement séparés (soit du point de vue de la distance, soit d’un point de vue angulaire). Dans le cas d’un radar monostatique, les cibles sont donc implicitement étudiées dans le cadre de la rétrodiffusion.

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Table des matières

Introduction
1 Paramètres de polarisation d’une onde plane
1.1 Vecteur de Jones
1.2 Vecteur de Stokes
2 Paramètres polarimétriques d’une cible, en optique et en radar
2.1 Matrice de Sinclair, ou matrice de Jones
2.2 Vecteur de diffusion
2.3 Matrice de cohérence et de covariance
2.4 Matrice de Kennaugh / Mueller
3 Vocabulaire radar et optique
3.1 Les propriétés d’une cible
3.2 Les matrices de mesure d’une cible
3.3 Les conditions géométriques de mesure
3.4 Tableau récapitulatif
I Influence de la géométrie bistatique sur la mesure
1 Le choix du plan d’analyse d’une cible
1.1 Introduction sur la géométrie de mesure polarimétrique
1.1.1 Pourquoi travailler en configuration bistatique ?
1.1.2 Conventions
1.2 Ensemble des paramètres géométriques imposés et choisis
1.2.1 Monostatisme et géométrie
1.2.2 Monostatisme et réciprocité
1.2.3 Bistatisme et problèmes principaux
1.2.4 Définition des bases polarimétriques bistatiques : méthode classique
1.2.5 Définition des bases polarimétriques bistatiques : méthode du plan de diffusion
1.2.6 Relations de passage entre les deux conventions
1.2.7 Pourquoi choisir la convention du plan de diffusion, et quelles conséquences ?
2 Les cibles élémentaires déterministes
2.1 Analyse théorique d’une sphère à basse fréquence
2.1.1 Définition de quelques paramètres polarimétriques
2.1.2 Une sphère diélectrique à basse fréquence dans le plan de diffusion
2.1.3 Une sphère diélectrique étudiée à basse fréquence dans la convention classique de mesure
2.1.4 La sphère métallique à basse fréquence
2.2 Etude théorique du cylindre vertical à basse fréquence
2.2.1 Modélisation simplifiée, inspirée de la sphère diélectrique à basse fréquence
2.2.2 Modélisation du cylindre infini par résolution des Equations de Maxwell
2.3 Analyse et mesure d’une à quatre sphères à basse fréquence
2.3.1 La chambre anéchoïque BaBi
2.3.2 Théorie
2.3.3 Résultats
2.4 Conclusion
3 Vers les cibles dépolarisantes
3.1 Mesure d’un nuage de sphères dans la zone de résonance
3.1.1 Objectif et nouveaux paramètres
3.1.2 La cible
3.1.3 Résultats et analyse
3.2 Analyse et mesure d’un nuage de diffuseurs cylindriques proches de la verticale
3.2.1 Choix et réalisation de la cible
3.2.2 Mesures effectuées en chambre anéchoïque
3.2.3 Analyse des résultats obtenus
II Estimation statistique en radar
1 Modèles statistiques et distances pour une mesure polarimétrique
1.1 Modélisation du signal polarimétrique : généralités
1.2 Modèle Gaussien
1.2.1 Vecteur de diffusion
1.2.2 Matrice de covariance ou cohérence
1.3 Modèle Non Gaussien
1.3.1 Modèle Multiplicatif
1.3.2 Modèle à lois connues
1.3.3 Modèle à lois inconnues : les SIRV
1.3.4 Caractérisation des distributions non gaussiennes : Méthode des Log cumulants
1.3.5 Exemple sur des images SAR à haute résolution
1.4 Application aux tests statistiques en polarimétrie
1.4.1 Rapport de Vraisemblance
1.4.2 Effets liés aux nombres d’observations
1.4.3 Distances issues du monde de la théorie de l’information
1.4.4 Comparaison des performances sur données simulées
2 La segmentation
2.1 Application des outils statistiques pour la segmentation d’images polarimétriques
2.1.1 La segmentation d’image
2.1.2 Principe
2.1.3 Processus détaillé
2.1.4 Utilisation des distances statistiques polarimétriques
2.2 Critères images
2.2.1 Principe
2.2.2 Définition des sous-ensembles flous, et fonction d’appartenance
2.2.3 Règles d’inférence
2.2.4 Lignes et bords
2.2.5 Fusion des différentes règles et décision
2.2.6 Gestion des grands volumes de données
2.3 Résultats et synthèse
2.4 Perspectives
3 La détection
3.1 Détecteurs Gaussiens et amplitude inconnue
3.2 Les détecteurs hybrides
3.3 Performances
3.3.1 Performances théoriques
3.3.2 Performances sur une image SAR synthétique
3.3.3 Utilisation de la segmentation d’image pour l’amélioration des processus de détection
3.3.4 Conclusion
3.3.5 Perspectives
III Les décompositions polarimétriques
1 État de l’art sur les décompositions polarimétriques
1.1 Valeurs propres et vecteurs propres de cibles dépolarisantes
1.1.1 Cloude Pottier
1.1.2 Alternative
1.1.3 Touzi
1.2 Décompositions appuyées sur des modèles
1.2.1 Freeman Durden
1.2.2 Yamaguchi
1.2.3 Limitations
1.3 Lu Chipman et Décomposition Symétrique d’Ossikovski
1.3.1 La décomposition polaire des milieux non dépolarisants
1.3.2 Lu Chipman
1.3.3 Décomposition « reverse »
1.3.4 Décomposition symétrique d’Ossikovski
1.4 Visualisation et compositions colorée
2 Etude des milieux dépolarisants
2.1 Forêts et Agriculture
2.1.1 Objectifs
2.1.2 Exemple : Banlieue de Brétigny, image monostatique en bande X
2.1.3 Exemple de forêt en monostatique : Nezer, image monostatique de forêt en bande P
2.2 Tissus cancéreux
2.3 Apport de la configuration bistatique et perspectives
2.3.1 Une forêt de clous
2.3.2 Une forêt de nanotubes
3 Exploitation du contraste entre milieux déterministes et milieux naturels
3.1 Milieux urbains
3.2 PolinSAR
3.2.1 Combinaison d’une segmentation polarimétrique avec une méthode d’optimisation de cohérence
3.2.2 De la compression des données en segmentation vers la restitution 3D
Conclusion Générale
Bibliographie

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