Comparaison des différents traceurs utilisables dans une méthode ASDI
La méthode ASDI étant bien adaptée aux contraintes fixées par notre cahier des charges, nous allons à présent comparer différents traceurs utilisables dans ce protocole afin de déterminer la solution la plus efficace pour notre dispositif. Nous allons montrer dans un premier temps les limites des méthodes utilisant des traceurs non fluorescents (magnétiques, radioactifs, enzymes, …) principalement en termes de non spécificité de réponse. Nous présenterons ensuite le phénomène de fluorescence et détaillerons pourquoi les fluorophores sont les candidats les plus adaptés à notre problématique.
Techniques utilisant des traceurs non fluorescents
Il existe différents types de traceurs non fluorescents utilisés comme moyen de transduction du signal. On peut citer les traceurs magnétiques, électrochimiques, chimio ou bioluminescents ou encore les traceurs radioactifs.
Traceurs magnétiques
Les méthodes de transduction utilisant des traceurs magnétiques sont généralement très sensibles (Sheehan 2005) et permettent la détection de cibles dans des échantillons pouvant être complexes (sang, urines, salive) (Lu 2006, Meyer 2007). En effet, les propriétés magnétiques de ces microparticules sont très peu influencées par la composition de l’échantillon et les signaux magnétiques naturels des échantillons testés sont négligeables : seules les microparticules magnétiques peuvent être détectées par les bobines constituant les détecteurs. Cependant, la surface importante de ces particules fait qu’elles peuvent être facilement adsorbées sur le support de la réaction créant des signaux non spécifiques limitant la sensibilité du système. En effet, il devient impossible de discriminer les particules magnétiques adsorbées non spécifiquement sur la surface des particules magnétiques correspondant à un événement de reconnaissance moléculaire.
Autres traceurs non fluorescents
Cette remarque de non spécificité de détection due à l’adsorption non contrôlée de traceurs sur la surface de réaction peut être appliquée à d’autres types de traceurs comme les enzymes. De plus, les enzymes nécessitent une étape de révélation ce qui est incompatible avec une mesure en continu. Certaines équipes ont, par ailleurs, cherché à combiner les avantages des méthodes de transduction sans traceur (par plasmon de surface, par onde acoustique de surface) avec un dosage « en sandwich » afin d’améliorer la sensibilité de détection de leur système (Naimushin 2002). Ces méthodes permettent alors d’obtenir des limites de détection très basses mais ne permettent pas de s’affranchir des adsorptions non spécifiques des traceurs et sondes de marquages sur le support de la réaction limitant ainsi leur spécificité et leur sensibilité de détection. De plus, elles ne sont pas compatibles avec une mesure en continu.
La fluorescence
Nous avons montré que l’utilisation de traceurs permettait, dans la plupart des cas, d’améliorer la spécificité de détection et qu’une méthode sans marqueurs permettait en plus de suivre la réaction en continu. Par contre, l’adsorption non spécifique des traceurs non fluorescents limite les performances de la réaction biologique en termes de sensibilité de détection. Des traceurs plus spécifiques sont donc nécessaires afin de minimiser ces signaux parasites. Nous allons à présent nous attacher à démontrer que la fluorescence est la solution la mieux adaptée pour répondre à l’ensemble des contraintes que nous nous sommes fixées pour la réalisation de notre système d’analyse. Dans un premier temps, un rappel des principes généraux de la fluorescence sera effectué. Puis nous montrerons que l’utilisation de la fluorescence avec le protocole de réaction ASDI permet de satisfaire à l’ensemble des contraintes que nous nous sommes fixées. Enfin, la méthode SPIT-FRI qui doit permettre d’atteindre un niveau de spécificité du signal optique encore plus grand et une sensibilité de détection meilleure sera introduite.
Généralités sur la fluorescence
La luminescence
La fluorescence fait partie des phénomènes de luminescence qui regroupent l’ensemble des phénomènes d’émission de lumière par une molécule située dans son état excité. Les différents types de luminescence sont définis à partir du moyen utilisé pour exciter la molécule. En effet, il existe plusieurs façons d’exciter une molécule luminescente :
− par électroluminescence : l’énergie portée par un champ électrique permet d’exciter la molécule luminescente qui ensuite est capable d’émettre un photon. Ce phénomène sera décrit ultérieurement lors de la présentation des sources de type OLED (Organic Luminescent Electrical Device) car il constitue la base de leur fonctionnement,
− par photoluminescence : l’énergie portée par un champ électromagnétique est absorbée par la molécule luminescente provoquant son passage dans un état excité. Sa relaxation vers son état fondamental se fait ensuite par l’émission d’un photon. Ce phénomène regroupe la fluorescence et la phosphorescence qui se distinguent par les temps caractéristiques d’émission du photon,
− par chimiluminescence : le passage de l’état fondamental à un niveau excité se fait grâce à une réaction chimique, et le retour à l’état fondamental entraîne l’émission d’un photon,
− par bioluminescence : qui correspond à l’émission de lumière par un organisme vivant résultant d’une réaction chimique au cours de laquelle l’énergie chimique est convertie en énergie lumineuse.
Dans la suite de la thèse, nous nous intéresserons uniquement aux phénomènes de photoluminescence et d’électroluminescence.
Les propriétés des fluorophores varient également en fonction de l’environnement. Elles sont notamment dépendantes de la température, du solvant (polarité, pH, …), de la concentration en fluorophores. Par ailleurs, différents phénomènes moléculaires peuvent interférer avec le processus d’absorption et d’émission de photons et conduire à une extinction de la fluorescence.
Les phénomènes d’extinction de la fluorescence
L’extinction de fluorescence comprend au sens large tout phénomène diminuant l’intensité de fluorescence. Mis à part les effets optiques (ex : réabsorption, turbidité de la solution) qui ne sont pas des phénomènes à l’échelle moléculaire, cette diminution de l’intensité de fluorescence peut avoir diverses origines donnant lieu à une extinction irréversible ou réversible de la fluorescence. Dans ce dernier cas, nous parlerons de « quenching » de la fluorescence. Le photoblanchiment est un phénomène irréversible de photodestruction des molécules qui a lieu à l’état excité, conduisant à une modification de la structure chimique et électronique du fluorophore. Les molécules photoblanchies ne peuvent plus être excitées et donc ne peuvent plus émettre de photon.
Ce phénomène résulte d’une réaction chimique mettant en jeu le marqueur fluorescent dans son état excité. Pour une excitation en continu, il est possible de considérer que ce phénomène résulte du fait que le nombre de cycles d’excitation et de relaxation pour un fluorophore est limité : à partir d’un certain nombre de cycles, la molécule peut se dénaturer et perdre ses propriétés de fluorescence. Ce blanchiment dépend des conditions d’éclairement (longueur d’onde et puissance) et de l’environnement du fluorophore (présence de molécules d’oxygène par exemple), et chaque fluorophore présente une sensibilité propre au photoblanchiment selon sa structure et son environnement. Ce phénomène peut être une contrainte importante pour les systèmes de détection basés sur la fluorescence car le flux de photons pouvant être émis par les fluorophores est limité. Il peut cependant être utilisé pour des mesures de caractérisation comme la technique de Fluorescence Recovery After Photobleaching (FRAP) qui consiste à détruire la fluorescence d’une zone de l’échantillon et à mesurer la régénération du signal fluorescent dans cette zone. Cette technique permet par exemple d’étudier la diffusion des molécules fluorescentes dans le milieu sondé (Axelrod 1976, Reits 2001) car la régénération du signal fluorescent dans la zone photoblanchie provient de la diffusion de molécules fluorescentes dans cette zone.
Il existe d’autre part des phénomènes d’extinction de la fluorescence réversibles que nous appellerons « quenching ». Le quenching peut avoir diverses origines (Lakowicz 1983) :
− le « quenching statique » : il résulte de la formation d’un complexe entre la molécule fluorescente et une autre molécule que l’on nommera « quencher ». La présence du quencher modifie alors les propriétés électroniques de la molécule fluorescente, ce qui implique un changement des propriétés de fluorescence de cette dernière,
− le « quenching dynamique » : il résulte d’un transfert d’énergie entre le fluorophore et le quencher ou le milieu suite à une collision entre ces deux particules. Ce type de quenching dépend donc fortement de la mobilité des molécules mise en jeu (diffusion, température, …). Il est cependant très difficile à estimer et à contrôler et constitue généralement une limitation pour nos mesures,
− le FRET (pour Förster ou Fluorescence Resonance Energy Transfer) : il correspond à un phénomène de transfert d’énergie de fluorescence impliquant le fluorophore appelé Donneur (D), et une autre molécule appelée Accepteur (A) pouvant aussi être un fluorophore . Ce phénomène se produit lorsque plusieurs conditions particulières sont réunies, à savoir lorsque (i) les spectres d’émission du donneur et d’absorption de l’accepteur se recouvrent, (ii) les deux molécules D et A se trouvent proches l’une de l’autre (pour une distance inférieure à 100 Å), et (iii) leurs dipôles de transition électronique sont alignés. On observe alors une diminution de la fluorescence du donneur qui, dans le cas d’un accepteur fluorescent, peut s’accompagner d’une augmentation de la fluorescence de l’accepteur. Ce transfert d’énergie entre le donneur et l’accepteur ne se fait pas par l’intermédiaire d’un photon mais sous la forme d’une interaction dipôle-dipôle (car les fluorophores sont apparentés à des dipôles. Cependant, il existe des transferts du même type entre molécules multipolaires), c’est-à-dire lorsque les dipôles électroniques du donneur et de l’accepteur rentrent en résonance. Ce transfert d’énergie décroit en 1/r6 , r étant la distance entre le donneur et l’accepteur. Ce phénomène est donc très intéressant pour l’étude de processus à l’échelle moléculaire car c’est une interaction en champ proche très fortement dépendante de la distance r d’interaction entre le donneur et l’accepteur,
− enfin, il peut aussi y avoir un transfert radiatif entre deux fluorophores, le deuxième absorbant un photon émis par le premier. Cependant, au vu des densités de fluorophores utilisées et des distances entre ces derniers, ce phénomène est marginal dans les biocapteurs à fluorescence.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1. CONTEXTE DU TRAVAIL DE THESE
1.1. Introduction
1.2. Cahier des charges
1.2.1. Définition
1.2.2. Applications envisagées
1.2.3. Contraintes imposées pour une application hors laboratoire
1.3. Description d’un système d’analyse
1.4. Les étapes de l’analyse
1.4.2. La reconnaissance moléculaire
1.4.3. Transformation du signal biologique en un signal physique mesurable
1.4.4. La mesure
1.5. La transduction du signal
1.5.1. Méthodes sans traceurs
1.5.2. Méthodes avec traceurs
1.5.2.1. Méthodes avec marqueurs
1.5.2.2. Méthodes sans marqueurs
1.6. Comparaison des différents traceurs utilisables dans une méthode ASDI
1.6.1. Techniques utilisant des traceurs non fluorescents
1.6.2. La fluorescence
1.6.2.1. Généralités sur la fluorescence
1.6.2.2. Intérêts de la fluorescence comme méthode de transduction du signal pour les analyses biologiques
1.6.2.3. Principe du protocole SPIT-FRI
1.7. Problèmes intrinsèques des systèmes existants
1.7.1. Les systèmes fortement intégrés
1.7.2. Principaux concurrents identifiés
1.8. Description de notre dispositif instrumental
1.8.1. Principe instrumental
1.8.2. Avantages et limitations de cet instrument
1.8.3. Performances actuelles de l’instrument
1.8.4. Systèmes similaires
1.9. Objectifs et travail réalisé au cours de la thèse
1.9.1. Objectifs de la thèse
1.9.2. Problèmes identifiés
1.9.2.1. Propriétés d’émission de sources organiques de type OLED
1.9.2.2. Collection et confinement du signal de fluorescence dans une couche mince de fort indice de réfraction
1.9.2.3. Problèmes identifiés – conclusion
1.9.3. Travail réalisé au cours de la thèse
CHAPITRE 2. PROPRIETES D’EMISSION D’UN DIPOLE DANS UNE CAVITE FERMEE ASYMETRIQUE
2.1. Introduction
2.1.1. Structure d’une OLED
2.1.2. Collecte de la fluorescence dans un substrat stratifié
2.1.3. Cavité fermée asymétrique (définition)
2.2. Le modèle dipolaire
2.2.1. Présentation du modèle dipolaire
2.2.2. Effets du milieu extérieur
2.2.2.2. Lors de l’excitation
2.2.2.3. Lors de l’émission
2.3. Effets et méthodes de modification des propriétés spectrale et spatiale d’émission d’une OLED
2.3.1. Qu’est qu’une OLED ?
2.3.1.1. Principe de fonctionnement
2.3.1.2. Structure d’une OLED
2.3.1.3. Performances
2.3.2. Analyse de l’influence de la directivité et du spectre d’émission des OLED sur les performances de détection
2.3.2.1. Influence de la directivité des OLED sur le phénomène de diaphotie
2.3.2.2. Etude de la chaine photométrique du système
2.3.2.3. Effet du filtrage
2.3.2.4. Effet de l’éclairage direct du détecteur
2.3.2.5. Influence de la directivité et du spectre des OLED – Conclusions
2.3.3. Solutions présentées dans la littérature
2.3.4. Justification de la solution choisie
2.4. Présentation du modèle utilisé
2.4.1. Notations et conventions
2.4.1.2. Systèmes de coordonnées et repères utilisés
2.4.1.3. Cavités asymétriques (notations)
2.4.1.4. Approche classique basée sur une décomposition en ondes planes
2.4.2. Calcul des coefficients de Fresnel
2.5. Mise en place des modèles théoriques
2.5.1. Puissance d’excitation
2.5.2. Calcul du diagramme d’émission
2.5.2.1. Définition des termes sources et présentation de la méthode de calcul
2.5.2.2. Calcul des champs dans les milieux 1 et 5
2.5.2.3. Diagramme d’émission dans les milieux 1 et 5
2.5.2.4. Premières simulations et limitations du modèle
2.5.3. Spectre de puissance émise par un dipôle
2.5.3.1. Mise en place du modèle
2.5.3.2. Premières simulations
2.5.3.3. Collecte de la fluorescence dans le substrat
2.5.3.4. Limitation du modèle
2.5.4. Energie couplée dans les modes guidés
2.5.4.1. Mise en place du modèle
2.5.4.2. Premières simulations
2.5.5. Mise en place des modèles théoriques – Conclusion
2.6. Conclusion
CHAPITRE 3. ETUDE EXPERIMENTALE DE L’INSTRUMENT ET MODELISATION
3.1. Introduction
3.2. Mise au point de bancs de mesures
3.2.1. Etude des différentes mesures à réaliser
3.2.2. Banc microscope
3.2.3. Banc en champ proche
3.2.4. Spectrogoniomètre
3.3. Collecte du signal de fluorescence dans le composant
3.3.1. Influence de l’orientation du dipôle
3.3.2. Influence de l’altitude du dipôle
3.3.2.1. Simulations
3.3.2.2. Caractérisations expérimentales
3.3.3. Influence de l’indice de réfraction de la lame de verre
3.3.4. Effet d’une couche mince de fort indice de réfraction
3.3.4.1. Description des composants testés
3.3.4.2. Collecte du signal de fluorescence dans le composant – analyse théorique
3.3.4.3. Collecte du signal de fluorescence dans le composant – caractérisation expérimentale
3.3.4.4. Confinement du signal dans la couche mince
3.3.5. Effets d’une couche mince – Conclusion
3.4. Effet d’une cavité Fabry Pérot sur les propriétés d’émission d’une OLED
3.4.1. Description des composants testés
3.4.1.1. OLED réalisées par le DIHS
3.4.1.2. Sources réalisées par le LPCML et le LPMCN
3.4.2. Augmentation du signal émis dans les modes de la cavité
3.4.3. Filtrage spectral
3.4.3.2. Influence de la finesse de la cavité
3.4.3.3. Influence de l’épaisseur de la cavité
3.4.3.4. Influence de l’angle d’émission
3.4.4. Amélioration de la directivité
3.4.4.1. Influence de l’épaisseur de la cavité
3.4.4.2. Influence de la finesse de la cavité
3.4.4.3. Dispersion angulaire des modes de la cavité
3.4.5. Effet d’une cavité Fabry Pérot sur les propriétés d’émission d’une OLED – Conclusions
3.4.5.1. Analyse des propriétés des cavités réalisées sur les performances de l’instrument
CONCLUSIONS GENERALES