Comparaison de l’efficacite therapeutique de deux traitements antipaludiques

Malgré les efforts entrepris par les structures sanitaires nationales et internationales, le paludisme reste actuellement la pathologie parasitaire la plus répandue dans le monde. Les dernières estimations en 2002 démontraient que le paludisme était endémique dans 88 pays et qu’environ 3 milliards de sujets étaient exposés à ce fléau (1). La même année, le nombre d’infection palustre était estimé à 515 millions avec plus de la moitié des cas en Afrique Sub-Saharienne (364 millions). On dénombrait environ 3 millions de décès, la plupart chez les enfants âgés de moins de 5 ans (2, 3). Une nette aggravation de la situation a été constatée depuis environ les deux dernières décennies (4). Cette aggravation est expliquée en partie par deux causes majeures. Tout d’abord, une cause non spécifique liée à une faible croissance économique rendant les structures sanitaires nationales impuissantes en regard du besoin lié à la croissance démographique ; ensuite une cause spécifique à P. falciparum avec la résistance des parasites en particulier à la chloroquine (CQ), rendant le schéma thérapeutique inefficace et aboutissant à une augmentation de la morbi-mortalité palustre (5). Cette constatation est à la base de la mise en place de grands projets internationaux de lutte contre les grandes pandémies et la pauvreté (Roll Back Malaria, Global Fund).

GENERALITES SUR LE PALUDISME 

DONNEES GENERALES SUR LE PALUDISME 

Le Paludisme : un fléau mondial

Malgré les difficultés pour estimer le véritable poids du paludisme dans le monde, en raison, notamment, du manque de données fiables lié à la défaillance des systèmes de surveillance des maladies infectieuses dans les pays concernés et de l’utilisation des méthodologies différentes, il est incontestable que le plus grand fardeau de la maladie est supporté par le continent Africain . Les dernières estimations, globalement 50% supérieurs aux estimations classiquement annoncées par l’OMS, montrent également que les 2 principaux groupes à risques sont les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes surtout les primigrades.

Le cycle de développement de Plasmodium

L’agent pathogène du paludisme est un hématozoaire du genre Plasmodium, appartenant à l’embranchement des Sporozoa et à l’ordre des Hæmosporidae. Cent vingt trois espèces du genre Plasmodium ont été répertoriées et possèdent des cycles biologiques similaires. Ce sont des parasites intracellulaires obligatoires des vertébrés transmis par des moustiques femelles. Afin que le cycle complet puisse s’accomplir, il doit y avoir adéquation entre le parasite et son hôte vertébré, ainsi qu’entre le parasite et le moustique vecteur. Le cycle de Plasmodium est un cycle complexe qui comprend un hôte intermédiaire (l’homme pour ce qui nous concerne), où il se trouve sous une forme haploïde et se multiplie de manière asexuée, et un hôte définitif, l’Anophèle femelle, où a lieu la reproduction sexuée.

Cycle chez l’Anophèle
Lors d’un repas sanguin sur un individu infecté, l’Anophèle femelle ingère des gamétocytes, à potentiel sexuel mâle ou femelle. Ceux-ci parviennent dans l’estomac du moustique et se transforment en gamètes. Le gamète mâle subit un processus d’exflagellation à la suite duquel les gamètes femelles sont fécondés. Il en résulte un zygote appelé ookinète ; celui-ci s’implante sous la paroi stomacale en formant l’oocyste. Cette brève phase diploïde s’achève par une division meïotique et est suivie par plusieurs milliers de mitoses qui conduisent au développement de sporozoïtes. L’éclatement de l’oocyste libère ces éléments mobiles et haploïdes dans l’hémolymphe. Les sporozoïtes gagnent préférentiellement les glandes salivaires du moustique d’où ils pourront être injectés avec la salive lors d’une piqûre infestante. Chez le moustique, l’ensemble de ce cycle se déroule en 10 à 40 jours, suivant la température extérieure et les espèces en cause.

Cycle chez l’homme
Cycle exo-érythrocytaire
Au cours de la piqûre, l’anophèle femelle infecté injecte dans un capillaire des sporozoïtes. Il est à noter que moins de 20% des piqûres de moustiques contenant des sporozoïtes dans leurs glandes salivaires sont responsables d’infections en zone d’endémie. Les sporozoïtes transitent dans la circulation générale et, en quelques minutes, ils envahissent les hépatocytes grâce à une interaction spécifique entre la protéine majeure de surface du sporozoïtes (CSP) et un récepteur spécifique situé sur la membrane plasmique de l’hépatocyte du côté de l’espace de Disse, espace directement en contact avec le sang circulant.

Le sporozoïte entre alors dans une phase de réplication, au sein de la vacuole parasitophore, et de prolifération intracellulaire qui repousse en périphérie le noyau de la cellule et finit par constituer une masse multinucléée appelée schizonte qui conduit à la libération de plusieurs dizaines de milliers de mérozoïtes dans la circulation . Cette phase de multiplication est asymptomatique et dure de 8 à 15 jours, selon les espèces. Contrairement à P. vivax ou ovale, P. falciparum ne possède pas de formes de persistance hépatique ou hypnozoïtes.

Cycle intra-érythrocytaire
Seule cette phase sanguine est responsable des symptômes qui peuvent être d’intensité variable. Les mérozoïtes libérés lors de la rupture de l’hépatocyte vont débuter le cycle sanguin asexué de prolifération de P. falciparum en infectant les érythrocytes. Le mérozoïte pénètre grâce à un processus parasitaire actif et se différencie au sein de la vacuole parasitophore en anneau, puis en trophozoïtes, stade à partir duquel une intense phase réplicative commence. Il donne alors naissance au schizonte, celui-ci après segmentation montre une forme caractéristique de rosace, puis libère 8 à 32 mérozoïtes qui rapidement réinfectent des érythrocytes sains. L’ensemble de ce cycle dure 48 heures chez P. falciparum. L’apparition des gamétocytes a lieu en général la deuxième semaine qui suit l’infection et ces formes peuvent persister plusieurs semaines après la guérison. A la suite d’une nouvelle piqûre par une Anophèle, les gamétocytes mâles et femelles (au dimorphisme sexuel marqué) sont ingérés avec le repas sanguin. Il est important de noter que l’érythrocyte, ne possédant pas de système de synthèse et de transport des protéines et n’exprimant pas de molécules du MHC de classe I ou II à sa surface, est un refuge idéal pour un parasite qui doit perdurer de longues périodes chez son hôte, afin d’être transmis au moustique.

Manifestations cliniques et pathologie 

Après une piqûre infectante, il existe une période asymptomatique qui correspond au cycle hépatique appelée période prépatente, elle dure de 6 à 15 jours. La période d’incubation correspond à la période qui sépare l’apparition des premiers parasites sanguins de celle des premiers symptômes. L’accès palustre est généralement précédé de légers symptômes tels que céphalée, fatigue, courbatures, anorexie, vomissements et diarrhées chez les enfants. La durée du cycle de P. falciparum étant de 48 heures, on observe, dans les cas typiques, des pointes de fièvre, tous les 2 jours, contemporaines de la rupture des schizontes, on parle de fièvre tierce ; plus généralement, quand les parasites ne sont pas synchronisés, on observe des poussées de fièvre quotidiennes. L’accès palustre dure de 6 à 10 heures et se décompose, le plus souvent, en trois phases. Tout d’abord une sensation de froid intense qui dure une quinzaine de minutes et qui est suivie par une montée de la température audessus de 40°C, hyperpyréxie qui peut durer plusieurs heures et qui est, éventuellement, accompagnée, dans les cas graves, de vomissements, de convulsions et de chutes de tension artérielle. Enfin le malade entre dans une phase de sudation quand la température redescend. L’accès palustre simple ne possède aucune manifestation clinique spécifique, d’où, parfois, la difficulté à établir un diagnostic. Si l’accès palustre présente des complications, on parle d’accès pernicieux. Ces complications sont: neuropaludisme avec ou sans coma, anémie normocytaire profonde, insuffisance rénale aiguë, œdème pulmonaire, hypoglycémie, collapsus circulatoire, hémorragie spontanée avec trouble de la coagulation, convulsions généralisées et répétées, acidose métabolique et hémoglobinurie.

Les antipaludiques

On distingue deux grands groupes de médicaments antipaludiques selon leur point d’impact : les schizontocides actifs contre les formes asexuées endoérythrocytaires et les gamétocytocides qui ont une action sur les formes à potentiel sexué et dans une moindre mesure sur les formes exo-érythrocytaires intra-hépatiques.

Actuellement les antipaludiques majeurs schizontocides peuvent être classés en trois groupes suivant leur mécanisme d’action :
• Les lysosomotropes, agissant sur le processus ou les produits de digestion de l’hémoglobine par le parasite intra-érythrocytaire, comprend la quinine, les amino4-quinoléines (chloroquine et amodiaquine), les amino-alcools (méfloquine et halofantrine) et les sesquiterpènes lactone (artémisinine, artémether, artésunate et artéether).
• Les antimétabolites, inhibant, dans différents stades du parasites, la synthèse des pyrimidines comprend les antifoliques (sulfones et sulfamides) et les antifoliniques (pyriméthamine et proguanil) et l’atovaquone.
• Quelques antibiotiques agissant sur les ribosomes mitochondriaux.

CHIMIORÉSISTANCE DE P. falciparum 

La chimiorésistance est un des obstacles majeurs qui entravent les programmes nationaux de lutte contre le paludisme depuis des décennies. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la « chimiorésistance » comme « l’aptitude d’une souche de parasites du paludisme à survivre ou à se reproduire malgré l’administration et l’absorption d’un médicament employé à des doses égales ou supérieures aux doses ordinairement recommandées mais comprises dans les limites de tolérance du sujet» (12). Cette définition a été formulée en 1973, à l’époque où ni la technique de mise en culture in vitro de Plasmodium falciparum ni la chromatographie liquide de haute performance n’étaient au point et que la biologie moléculaire était encore un domaine naissant réservé à quelques généticiens initiés. Il n’est donc pas étonnant que la définition de la chimiorésistance citée ci-dessus, toujours considérée comme officielle, soit entièrement fondée sur une observation clinique.

Mécanismes et dynamiques des chimiorésistances

La résistance aux principaux antipaludiques 

La chloroquine 

La résistance des plasmodies à cette molécule est liée à une diminution de sa concentration au sein de la vacuole digestive du parasite induisant la présence d’une concentration en principe actif beaucoup trop faible pour empêcher une détoxification correcte des produits de dégradation de l’hème (toxique pour le parasite) en hémozoïne. Cette résistance à la chloroquine a été décrite pour P.falciparum dans toutes les zones où ce parasite est présent de façon endémique à l’exception de l’Amérique centrale et des caraïbes. Les premiers cas sont apparus dès les années 50 en Asie du Sud-Est (Thaïlande, Cambodge) et Amérique du sud (Colombie). En Afrique, les premiers cas ont été décrits dans l’est du continent (Kenya, Tanzanie) vers 1978 puis à Madagascar (14). La dissémination des ces isolats résistants a été assez rapide vers l’Afrique centrale, du sud puis de l’ouest (cas recensés dès 1983). A la fin des années 80, l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne était atteint. Les données recensées entre 1993 et 1999 démontrent une situation extrêmement préoccupante, quoique non uniforme, sur ce continent. Les conséquences en termes de morbidité et mortalité ont été dramatiques (surtout chez les enfants de moins de 5 ans) puisque cette drogue était la principale molécule employée contre P. falciparum.

L’association sulfadoxine-pyriméthamine (SP) 

Ces antifolates sont associés du fait de leur action synergique sur l’inhibition de la croissance parasitaire par blocage (inhibition compétitive) de 2 enzymes clés de la synthèse de l’acide folique : la dihydrofolate réductase ou DHFR (pour la pyriméthamine) et la dihydroptéroate synthase ou DHPS (pour le sulfadoxine).

Les premiers cas de résistance à cette association sont apparus quasi simultanément à la mise en place de ce traitement (1967) en Asie du sud-est. Actuellement, de hauts niveaux de résistance sont rencontrés dans cette région ainsi que dans le sud de la Chine et le bassin de l’Amazonie. Cette résistance est également présente à un degré moindre sur la côte pacifique d’Amérique du sud, le sud de l’Asie, l’est de l’Iran et l’ouest océanien. Du fait des taux d’insensibilité très élevés (notamment en Asie du sud-est), ces molécules ne sont plus utilisées dans de nombreuses régions. En Afrique, la diminution de sensibilité à cette association est apparue à la fin des années 80 pour gagner rapidement l’ensemble du continent suite à l’emploi de plus en plus massif des antifolates afin de compenser le manque croissant d’efficacité de la chloroquine. Cette résistance, plus marquée à l’Est, a été favorisée également par une importante pression médicamenteuse liée à l’utilisation à but préventif des antifolates contre le paludisme (pyriméthamine-dapsone) ou d’autres infections (ex : prévention des infections respiratoires opportunistes au cours du SIDA). Des études in vitro, menées au cours des années 90, faisaient état d’une résistance se situant au-delà de 15 à 30% en Afrique sub-saharienne rendant l’utilisation de cette association de moins en moins intéressante (15). L’évolution de la résistance concernant cette classe d’antipaludiques pose actuellement de gros problèmes de gestion du risque palustre dans ces régions qui perdent ici l’une des seules solutions de substitution à la chloroquine encore économiquement abordable. L’ensemble de ces arguments laisse planer un doute sérieux sur l’efficacité à long terme des antifolates dans la prise en charge efficace des infections palustres non compliquées .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. GENERALITES SUR LE PALUDISME
I.1. DONNEES GENERALES SUR LE PALUDISME
I.1.1. LE PALUDISME : UN FLEAU MONDIAL
I.1.2. LE CYCLE DE DEVELOPPEMENT DE PLASMODIUM
I.1.3. MANIFESTATIONS CLINIQUES ET PATHOLOGIE
I.1.4. LES ANTIPALUDIQUES
I.2. CHIMIORESISTANCE DE P. falciparum
I.2.1. MECANISMES ET DYNAMIQUES DES CHIMIORESISTANCES
I.2.2. PROBLEMES DE LA DEFINITION ET DE L’APPROCHE TECHNIQUE
II. MADAGASCAR ET LE PALUDISME
I.1. MADAGASCAR EN QUELQUES LIGNES
II.1.1. LA POPULATION MALGACHE
II.1.2. GEOGRAPHIE
II.1.3. TEMPERATURES
II.1.4. PLUVIOMETRIE
II.2. LE PALUDISME A MADAGASCAR
II.2.1. HISTOIRE ET ACTUALITES
II.2.2. ESPECES PLASMODIALES PRESENTES
II.2.3. LES VECTEURS DU PALUDISME A MADAGASCAR
II.2.4. LES DIFFERENTS FACIES EPIDEMIOLOGIQUES
DEUXIEME PARTIE : ETUDE PROPREMENT DITE
I. JUSTIFICATIF
II. PRESENTATION DES SITES DE L’ETUDE
II.1. MORAMANGA
II.2. SAHAREVO
III. MATERIELS ET METHODE
III.1. PERIODE D’ETUDE
III.2. ZONES ET POPULATIONS D’ETUDES
III.3. METHODE
IV. RESULTATS
IV.1. INCLUSION DES PATIENTS
IV.2. CARACTERISTIQUES DES PATIENTS
IV.3. REPONSES AUX TRAITEMENTS
IV.4. FREQUENCE DES EFFETS INDESIRABLES
IV.5. DELAI MOYEN DE CLAIRANCE DE LA FIEVRE
IV.6. DELAI MOYEN DE CLAIRANCE DE LA PARASITEMIE
IV.7. DELAI MOYEN DE CLAIRANCE DES GAMETOCYTES
IV.8. IMPACT DES TRAITEMENTS SUR LE TAUX D’HEMOGLOBINE
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES – DISCUSSIONS – SUGGESTIONS
I. COMMENTAIRES – DISCUSSIONS
II. SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXES

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