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Contexte géographique et hydrologique
Le fleuve Rhône prend sa source dans le massif Alpin de Saint-Gothard en Suisse, plus précisément au Glacier de Furka à 1753 mètres d’altitude. Son linéaire total est de 812 kilomètres, dont 512 kilomètres en France, avec bassin versant total de 98 500 km² et 90 500 km² en France. Ainsi, ce fleuve draine 1/5ème du territoire français et il est le 2ème plus long fleuve Français (Bravard, 2008).
Son régime hydrologique est complexe en raison de l’étendue de son bassin versant dont le climat est océanique sur la partie amont et méditerranéen à l’aval. De plus, le Rhône a de très nombreux affluents dont 4 qui à eux seuls drainent 60% du bassin Rhodanien : l’Ain, la Saône, l’Isère, et la Durance. Le fleuve a ainsi un régime hydrologique glaciaire, nival et pluvial. Le Rhône connait aussi quatre types de crues : les crues océaniques, cévenoles, méditerranéennes extensives et les crues extrêmes du Rhône, suite à la succession de phénomènes de pluie dont au moins une est une méditerranéenne extensive (Graner, 2017). Le débit moyen du fleuve est de l’ordre de 1700 mètres cubes par seconde, pour seulement 520 mètres cubes par seconde à l’étiage, tandis qu’il peut atteindre jusqu’à 11 300 mètres cubes par seconde lors d’une crue centennale, comme ce fut le cas en 2003 à Beaucaire (IRD, Institut de Recherche pour le Développement, 2015).
Contexte géologique
Le bassin versant du Rhône a une géologie très diversifiée, avec plusieurs grands ensembles caractéristiques (Agence de l’Eau rhône-méditerranée, 2017) :
– Des alluvions fluviatiles et fluvio-glaciaires quaternaires récentes, constituées de sables, graviers et galets, formant des nappes d’accompagnement. Ces formations se situent sur le couloir médian Saône-Rhône, mais aussi le Massif du Jura, les plateaux de Haute-Saône, les côtes Bourguignonnes, les Alpes, les massifs de la Sainte Victoire, de la Sainte Baume, des Maures et de l’Estérel, les Cévennes, sud de la Montagne noire, plateaux languedociens et Pyrénées audoises, et enfin les Pyrénées Orientales.
– Des formations détritiques sédimentaires de type sables, grès, molasses, cailloutis et poudingues d’âge tertiaire, situées en Franche-Comté (grès vosgiens), en Rhône-Alpes (molasses miocènes du Bas-Dauphiné), en Languedoc-Roussillon (sables pliocènes et grès astiens), ainsi qu’en Provence-Alpes-Côte-d’Azur (sables et molasses du miocène).
– Des formations carbonatées représentant à l’affleurement environ 40% du territoire. Ce sont des bandes de calcaires et de dolomies du Paléozoïque dans les Pyrénées, Corbières, Montagne Noire et Cévennes, des calcaires du Trias dans le Var, des calcaires de dolomies du Lias, du Jurassique et du Crétacé inférieur en Haute-Saône, dans les massifs jurassiens, les pré Alpes du Nord, en Provence, sur les plateaux Ardéchois et dans le Languedoc méditerranéen, ou encore des formations calcaires du Crétacé supérieur et du Tertiaire dans les Minervois, Fenouillèdes, Confluent, et Corbières occidentales.
– Des formations de socle des massifs anciens constitués de roches siliceuses cristallines de type granites, gneiss et schistes, ainsi que de terrains sédimentaires de type grès, calcaires et marnes. Ces formations sont localisées au sud des Vosges, sur la bordure Est et Sud-Est du massif Central, au sud du Languedoc-Roussillon, sur le pourtour méditerranéen et au niveau de la chaîne Alpine.
Peuplements et populations piscicoles du Rhône
Le peuplement du Haut-Rhône est caractérisé par une faune rhéophile, c’est-à-dire qu’elle affectionne les courants rapides et les substrats grossiers. On y trouve donc la truite et l’ombre commun en faible effectif, ainsi que des cyprinidés : vandoise, hotu, spirlin, barbeau fluviatile, vairon, blageon et goujon. Le peuplement du Bas-Rhône est différent en raison de l’arrivée de la Saône et de ces eaux plus chaudes, mais aussi suite à l’influence du couloir de la chimie et des différents aménagements réalisés sur le fleuve. On y trouve une dominance d’espèces lénitophiles c’est-à-dire qui affectionnent les milieux lents et thermophiles, qui sont donc capables de vivre à des températures plus élevées : gardon, ablette, brème bordelière, perche-soleil, poisson-chat, brème commune, rotengle, tanche et anguille (Bravard, 2008).
Parmi les espèces citées ci-dessus, on peut aussi distinguer les espèces natives : le gardon, l’ablette, le chevesne, le spirlin, la vandoise, le goujon, le barbeau fluviatile, la brème bordelière, le vairon, la perche commune et le blageon, par rapport aux espèces introduites par l’homme : le hotu, le poisson-chat, la perche-soleil, le silure, le carassin argenté, et le pseudorasbora.
Les poissons migrateurs que l’on retrouve dans le Rhône sont la grande alose et l’alose feinte, la lamproie marine et la lamproie fluviatile, l’anguille, ainsi que l’esturgeon commun, espèce protégée en France mais disparue sur le fleuve Rhône. Ces espèces piscicoles sont des migrateurs amphihalins, ils ont donc la nécessité de se déplacer entre la mer et les eaux douces lors de leur cycle biologique. Cela rend donc particulièrement sensible aux modifications de leurs habitats et aux divers obstacles rendant difficile leur migration (Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée, 2017). La construction des aménagements Girardon et hydroélectriques ont modifié les conditions d’écoulements, la morphologie du fleuve, et fragmenté les espaces aquatiques. La diversité des habitats lothiques a diminué, ainsi sur le Haut-Rhône, les espèces rhéophiles sont quasiment absentes dans les secteurs court-circuités, plutôt préférés par des espèces d’eaux calmes. Sur le Bas-Rhône, les mêmes espèces rhéophiles que sur le Haut-Rhône étaient représentées de la Saône jusqu’à la confluence avec l’Eyrieux avant les aménagements. Aujourd’hui, ces espèces sont quasiment absentes de ce secteur, et ont été remplacé par des espèces moins exigeantes en termes d’habitats. De plus, la présence des poissons migrateurs a diminué en raison des ruptures de continuité écologique générées par les différents barrages (Bravard, 2008).
Cependant, les changements en termes de morphologie et de diversité d’habitats ne sont pas les seuls facteurs expliquant ces changements de peuplements piscicoles, il est important de prendre en compte le taux de pollution du fleuve qui affecte tout autant la faune et la flore aquatique.
Historique des usages et enjeux du fleuve
La vallée du Rhône est historiquement un couloir de circulation des individus ainsi que des marchandises. La navigation sur le fleuve Rhône a débuté dès l’Antiquité avec le commerce du peuple Grec, puis par la suite lors de la conquête de la Gaulle par les Romains. Au Moyen-âge, le fleuve est utilisé pour le transport de marchandises tels que des matériaux de construction, des aliments ou encore des tonneaux de vin.
Au 18ème siècle, se développe un système économique et manufacturier autour du fleuve (viticulture, textile, chimie…). Cela se poursuit au 19ème siècle avec le développement du commerce et de l’industrie, ainsi que l’essor des bateaux à vapeur. Il devient nécessaire d’aménager le Rhône, afin de permettre aux bateaux de disposer d’un tirant d’eau suffisant pour la navigation, tout en étant dans un contexte de concurrence avec le chemin de fer. Ainsi, le fleuve fut « rectifié » afin de permettre la navigation entre Lyon (le point kilométrique 0 ou PK 0) et la mer Méditerranéenne.
Lors de la 1ère guerre mondiale, des industries chimiques se développent autour du fleuve, formant le couloir de la chimie. Par la suite, lors de la 2ème guerre mondiale et le déclin économique associé, il fallut trouver une autre manière d’exploiter les ressources du Rhône, c’est ainsi que commença la production d’hydroélectricité et la construction des premiers barrages (Parrot, 2015).
Aujourd’hui, les notions de préservation écologique du Rhône, ainsi que des paysages naturels et loisirs associés devient une question majeure à prendre en compte dans l’aménagement de ce fleuve.
Ainsi, le Rhône est un fleuve qui a connu de grandes phases d’aménagement afin de permettre la navigation, mais aussi dans le but d’éviter le risque d’inondation pour la population alentour (Parrot, 2015) et enfin dans un but de production d’énergie.
On peut ainsi noter l’aménagement :
– Des digues « insubmersibles » suite à la crue de 1840.
– Des digues basses de resserrement et premiers épis, au milieu du 19ème siècle.
– Des casiers Girardon à la fin du 19ème siècle.
– Des grands travaux d’aménagements hydroélectriques, dans la deuxième moitié du 20ème siècle.
Les ouvrages de navigation et les digues
Les premiers aménagements visant à augmenter le nombre de jours permettant aisément la navigation sur le Rhône ont débuté vers 1845. Des digues longitudinales rectilignes ont été mises en place, cependant cette technique fut rapidement abandonnée car peu efficace pour resserrer le lit principal du fleuve. C’est pourquoi l’ingénieur O’Brien propose d’installer des digues submersibles dans les concavités et de barrer les bras secondaires. Cependant, les hauts fonds du fleuve continuent de se déplacer durant les épisodes de crues. Afin de les stabiliser, l’ingénieur Jacquet créé les épis noyés et les épis plongeants, ayant pour effet de combler les zones de mouilles et abaisser les zones de seuils (Bravard, 2008).
Par la suite, il fut lancé un grand programme visant à étendre et unifier le réseau de navigation Français, affirmé par la loi du 5 août 1879. Le but est de mettre en place un gabarit minimum assez grand pour recevoir les bateaux flamands, soit un gabarit de 38,5 mètres sur 5,20 avec un mouillage de 2,20 mètres, un tirant d’eau de 1,80 mètres et une hauteur libre de 3,50 mètres (Delahaye, 2009).
Dans les années 1878-1884, c’est donc l’ingénieur en chef de la navigation du Rhône (M.Girardon) qui inventa les digues Girardon, le système définitif d’amélioration des « mauvais passages » pour la navigation et permettant de stabiliser le lit mineur du Rhône. Ce système permit d’accroitre le tirant d’eau pour la navigation de 1 mètre 20 supplémentaire durant l’étiage (Commune de Sablons, 2017).
Ainsi, ces aménagements ont modifié l’espace fluvial et sa morphologie, mais aussi la temporalité des activités fluviales en diminuant les contraintes imposées par le fleuve et en diminuant les périodes de chômage pour les navires (Delahaye, 2009). La figure 2 ci-dessous, représente cette évolution du Rhône sur le secteur de péage de Roussillon (Gaydou, 2013). Sur ce secteur de Péage-de-Roussillon, nous pouvons voir que les ouvrages de navigation ont fixé le Rhône en un chenal unique, en déconnectant les lônes.
Les extractions de sédiments dans le lit mineur
Autrefois, le lit mineur était une ressource importante en granulats car les apports provenant de l’amont semblaient inépuisables (SOGREAH, 2000). L’extraction des granulats est aujourd’hui interdite dans le lit mineur des cours d’eau, cela a donc été reporté dans le lit majeur et au-delà. De plus, le fleuve Rhône avait un lit principalement constitué de graviers, dont le déficit des sédiments extraits a causé le remplacement du substrat par des sédiments plus fins.
Depuis, les mouvements de matériaux sur le Rhône résultent de la gestion sédimentaire mise en oeuvre sur le fleuve et ses affluents. Aujourd’hui, les sédiments fins sont remobilisés pour être déplacés dans un objectif d’entretien du lit et des usages qui lui sont associés, c’est-à-dire :
– Maintien d’un chenal navigable pour un gabarit donné.
– Entretien des ouvrages et exploitation hydroélectrique.
– Non aggravation du niveau des crues.
Pollutions par les polychloro biphényls (PCB)
Fortement urbanisé et industrialisé, le bassin versant du Rhône est touché par une forte pression polluante. Bien que des efforts aient été consentis et que les rejets polluants aient diminué, les substances toxiques sont toujours stockées dans les sédiments du fleuve et de ses affluents. La principale inquiétude est portée sur la présence des polychloro biphényls ou PCB (Richard-Schott, 2011). Cependant, le fleuve Rhône se situe dans la moyenne par rapport aux autres fleuves nationaux, et les concentrations restent 10 fois inférieur à la Seine (Reynaud, 2017).
Dans ce cadre, des recommandations ont été émises pour toute manipulation de sédiments. La zone d’intervention devra être analysée afin de déterminer la qualité du matériau déplacé ou extrait, et les conséquences éventuelles devront être évaluées. De plus, la concentration admissible des PCB dans les sédiments a été défini de la façon suivante (Gouisset, 2008):
– si inférieure à 10μg/kg, il n’est pas nécessaire de prendre des précautions spécifiques .
– si inférieure à 60μg/kg, l’extraction ou déplacement de sédiments ne doit pas dégrader la qualité du fond du lit .
– si supérieure à 60μg/kg, les sédiments ne doivent pas être restitués au fleuve .
– dans tous les cas, le nouveau fond du site d’extraction doit présenter une concentration en PCB inférieure ou égale à celle d’origine.
Ces recommandations visent à éviter d’aggraver la contamination du fleuve Rhône par les PCB. De plus, les travaux ayant pour effet la remobilisation ou extraction de sédiments font généralement l’objet de dossier de déclaration ou d’autorisation.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. PROBLEMATIQUE/ENJEUX
3. ETUDE DE CAS DU RHONE
3.1. LE BASSIN VERSANT ET SON COMPLEXE
3.1.1. Contexte géographique et hydrologique
3.1.2. Contexte géologique
3.1.3. Peuplements et populations piscicoles du Rhône
3.2. LES GRANDS AMENAGEMENTS DU RHONE ET LEURS IMPACTS
3.2.1. Historique des usages et enjeux du fleuve
3.2.2. Les ouvrages de navigation et les digues
3.2.3. Les barrages hydroélectriques
3.2.4. Les extractions de sédiments dans le lit mineur
3.2.5. Pollutions par les polychloro biphényls (PCB)
3.3. OBJECTIFS ET MOYENS DE GESTION SEDIMENTAIRE ACTUELS
3.3.1. Les chasses
3.3.2. Le curage/dragage d’entretien
3.4. ACTIONS DE RESTAURATION ET RENATURATION SUR LE RHONE
4. COMPARAISON AVEC D’AUTRES GRANDS FLEUVES EUROPEENS
4.1. LE RHIN
4.1.1. Contexte du fleuve et de son bassin versant
4.1.2. Problématiques rencontrées
4.1.3. Plan de gestion des sédiments pollués par les PCB
4.1.4. Test de réinjection de sédiments et érosion latérale
4.2. LE DANUBE
4.2.1. Contexte du fleuve et de son bassin versant
4.2.2. Problématiques rencontrées
4.2.3. Le projet HABSTURSED
4.2.4. Programme de gestion des sédiments du Danube
5. PRECONISATIONS POUR L’EVOLUTION DE LA GESTION SEDIMENTAIRE DU RHONE
6. CONCLUSION
ANNEXE 1 – LISTE DES ESPECES PISCICOLES REPERTORIEES SUR LE RHONE, LE RHONE EN 100 QUESTIONS, BRAVARD ET CLEMENS 2008
ANNEXE 2 – SYNTHESE DES APPORTS SEDIMENTAIRES DES AFFLUENTS AU RHONE, ETUDE SOGREAH, 2000
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