Communiquer et transmettre par la musique

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Introduction

La maladie est un facteur d’appréhension et de crainte, c’est d’autant plus vrai lorsque celle-ci vise la dépersonnalisation de l’individu en le privant de ses souvenirs. La pathologie neurodégénérative qu’est la maladie d’Alzheimer effraie par ses détériorations des fonctions cognitives, mais surtout par la dépendance qu’elle créée Aujourd’hui, « les représentations de la maladie sont souvent négatives : images de déchéance, de dépossession de soi, de renoncement à la vie… La maladie d’Alzheimer semble cristalliser toutes les peurs liées au vieillissement et à la démence » (Représentations de la maladie d’Alzheimer, 2009, para. 1).
Ce sont ces mêmes représentations qui influencent le comportement des soignants et des aidants, ce qui provoque parfois la non-reconnaissance de l’individu malade.

Il est alors peu à peu exclu socialement et mis de côté dans les institutions. Bien qu’elles tentent de créer des pôles d’accompagnements adaptés à leurs troubles et à leurs besoins, une pluralité de facteurs, dont les représentations sociales et les stéréotypes influencent la prise en charge de ses malades.
Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer déambulent, parlent, crient, s’agitent, s’agrippent et de par leurs comportements, se retrouvent à errer dans les couloirs, seules avec leurs angoisses. De cette manière, comment accompagner ces résidents qui sont isolés par leurs pairs ? L’accompagnement non-médicamenteux aurait-il un effet sur leur identité qui finissent par s’étioler ? Sur leur sentiment de solitude ? Par ce principe, est-ce qu’une simple présence pourrait créer une relation suffisamment stable ? Cette relation serait alors en interaction avec le concept « d’environnement suffisamment bon » (Winnicott, 1958).
Comment réagir aux « appels incessants de la personne âgée1 » (Thomas, 2016) et comment y répondre ? Aussi, comment faire face à ce sentiment d’angoisse ? Cette peur de la solitude ne serait-elle pas en lien avec un besoin de se sentir en sécurité ? Comment rassurer cet individu qui a besoin de sécurité ? Un sentiment universel qui peut être mis à mal lorsque l’individu rentre en institution, mais alors, est-ce que l’environnement de certaines institutions ne tendrait pas vers la dépersonnalisation du sujet ? Mettent-elles en place des techniques afin de conserver le lien avec un tiers ? Aussi, comment l’individu atteint de la maladie d’Alzheimer peut-il, sous l’emprise « d’une pathologie du lien » (Le Gouès, 2000), encore se lier aux autres ? Se lier est-il encore possible ? Ainsi, l’attachement se manifesterait de quelle manière ?

 La maladie d’Alzheimer et ses apparentés

La démence est un terme qui regroupe un grand nombre de pathologies cérébrales telles que la démence à corps de Lewy, la maladie de Parkinson et encore bien d’autres. Toutefois cette catégorisation n’a pas toujours été aussi bien délimitée. La démence, qui vient du latin demens, fut pendant très longtemps confondue avec le concept de la folie. C’est au XIXe siècle qu’elle s’émancipe de sa première représentation et qu’elle est associée à des déficits organiques (Bayle, 1822, cité par Dubois, 2015). Aujourd’hui, sous l’impulsion de nombreux auteurs, la démence est caractérisée par une détérioration progressive et permanente des fonctions supérieures.

La maladie d’Alzheimer est une pathologie qui est aujourd’hui très médiatisée, si bien qu’elle est symbolisée à travers le sens commun chez le sujet âgé. Elle est à ce jour figure de « peur » et de « crainte » chez une grande majorité d’individus. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 60 à 70 % des démences sont de type Alzheimer (OMS, 2016).

Elle est devenue un véritable enjeu de santé publique, préoccupant puisqu’elle atteint de plus en plus d’individus, ce qui est essentiellement dû à l’allongement de l’espérance de vie.

 Démence de type Alzheimer

Données épistémologiques

Actuellement en France, plus de 850 000 personnes seraient atteintes par cette maladie (Helmer, Berr & Dartigues, 2015). Selon Lemaire et Bherer (2005), l’incidence annuelle est de 1,4 sur 100 femmes et 0,8 pour 100 hommes, les femmes sont ainsi plus exposées que les hommes.

En outre, il s’avérerait que 15% des plus de 80 ans développent cette pathologie. Cette forme de démence débute rarement avant l’âge de 65 ans (seulement 2%). Cependant, les prévisions pour les années à suivre sont inquiétantes, dû au vieillissement de la population actuelle, le nombre de personnes atteintes de cette maladie triplerait.

Les inégalités de la maladie

C’est au XXe siècle qu’Aloïs Alzheimer présente pour la première fois le cas d’Auguste D., elle sera ainsi, la représentante de cette maladie. Ses troubles sont nombreux, mais ceux qui vont davantage marquer Alzheimer seront ses déficits mnésiques et ses difficultés à s’orienter dans le temps et l’espace. C’est notamment grâce à sa découverte et à son travail que la démence se distingue véritablement des maladies psychiatriques et elle devient ainsi une maladie organique à part entière. Toutefois, c’est en 1910 – avec les recherches de Kraepelin – qu’elle est perçue comme étant une démence dite pré-sénile (Dubois, 2015). L’adulte vieillissant préoccupe de plus en plus les professionnels de la santé puisque le vieillissement constitue un changement démocratique et social très important.

Manifestations d’angoisses

L’angoisse est un terme qui a connu de réels bouleversements conceptuels, évoluant à travers différentes définitions et de nombreux sens. Elle est, au départ, définie par des philosophes qui la lient aux questionnements sur l’origine de l’être humain, mais ce n’est que plus tard qu’elle sera expliquée par d’autres courants. C’est en 1866, de par les travaux de Morel, que l’angoisse sera associée à des « manifestations affectives et émotionnelles qui accompagnent des ‘délires’ » (Kapsambelis, 2017, p.15). C’est petit à petit que l’angoisse se dissocie des différents concepts qui lui étaient autrefois apparentée, notamment avec celui de la peur. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui elle est définie comme étant « une peur sans objet » (Tribolet, 1997,), ce qui est contredit par Andrée (2003), puisque selon lui, l’individu peut être anxieux ou angoissé à l’idée de la mort, par exemple. Ce n’est qu’au XXe siècle que l’angoisse – qui vient du latin angor – sera différenciée du concept de l’anxiété, dérivé du mot latin anxietas. Et pourtant, encore aujourd’hui, l’anxiété et l’angoisse ont tendance à être associées, devenant presque des synonymes.

 Être étayé par un autre

Il est de fait connu que l’avancée en âge provoque des angoisses chez l’individu, celui-ci peut parfois solidifier celles qui ont marqué son existence. Cette solidification implique une angoisse présente tout au long du développement. Aussi, la sénescence peut réveiller d’anciennes angoisses et de ce fait, ranimer « des positions de dépendance et de son corollaire l’angoisse d’abandon dans l’angoisse de la maladie d’Alzheimer et dans celle de ‘finir ses jours en institution’, et ce qui relève de l’angoisse de mort » (Assoun, cité par Talpin, 2011).
Talpin (2011) fait ainsi référence au concept de « dépendance absolue » décrit par Winnicott en 1969, c’est une situation où l’enfant ne pouvait vivre sans l’aide d’un autre. Il ajoute à cette notion que cette dépendance pourrait déclencher une angoisse d’abandon, puisque l’être vieillissant, tout comme l’enfant, est dépendant (affectivement et physiquement) de son environnement et donc de ces soignants/aidants. Plus tard, l’angoisse d’abandon est parfois associée – de manière paradoxale – à celle de « l’intrusion » (Jeammet, 2009, cité par Bordato,), puisque l’avancée en âge provoquerait un sentiment d’insécurité constant et c’est pour cela qu’il aurait besoin d’un autre pour se réassurer. Il évoque ainsi la notion de « sécuritéinterne » (art.cit, 2009).

En résumé

Au-delà des conséquences engendrées par cette pathologie, elle laisse une empreinte indélébile sur l’individu, mais aussi sur son entourage. Ce dernier assiste aux nombreux bouleversements qu’elle provoque sur le proche malade, impuissant. Plus la maladie prend de l’ampleur sur l’individu, plus il s’inscrit dans la perte et « les régressions » (Coudreuse, 1997, p.160). Son identité se perd dans ses remaniements, dans ses pertes qui deviennent conséquentes et cela rend l’individu dépendant des autres. Il a besoin d’un autre étayant, contenant, pour calmer ses angoisses et tout simplement pour survivre. Cela serait ainsi le recommencement d’une « dépendance absolue à son environnement », mais malgré ce besoin de l’autre, le lien intersubjectif est mis à mal et il serait mis en place. Cependant, malgré la maladie, le dément garde tout de même sa capacité de mémorisation, elle est amoindrie mais belle et bien là (Quadéri, 2013). En outre, cet environnement si important pour l’individu peut devenir le représentant de la vie, mais aussi celui de la mort. Ce paradoxe peut s’expliquer par la non reconnaissance de l’individu, ainsi l’environnement peut s’avérer être maltraitant précipitant une rupture du lien (Vinay, Gérard, Bonnet, Rexand-Galais & Fromage, 2016).

Présentation de la population choisie

Pour la réalisation de ce mémoire, nous allons présenter des vignettes cliniques qui seront composées de quatre résidents. Tous les quatre sont atteints de la maladie d’Alzheimer. Ils ont été choisis pour une caractéristique commune qui sont les manifestations vocales. À entendre ici : des bruitages vocaux, des cris… Cependant, une seule d’entre-elles ne correspond pas à notre population ciblée, en effet, les troubles de Sœur Aubépine se manifestent davantage sur l’agitation physique. En dépit de cela, nous avons tout de même décidé de garder la vignette clinique de Sœur Aubépine, puisque les observations récoltées nous paraissaient intéressantes à exploiter.

Conclusion
La démence de type Alzheimer est une pathologie qui effraie non seulement les porteurs de la maladie, mais aussi leur entourage. C’est notamment dû à ses effets délétères et ses diverses séquelles, qu’un grand nombre d’individus la perçoit négativement. De par son caractère – pour le moment – définitif, elle éloigne l’individu de sa famille, mais aussi de lui-même.
Plusieurs auteurs mettent ainsi en avant l’étiolement progressif des « contenus psychiques et des contenants », ainsi que des « limites intérieur-extérieur » (Péruchon, 2011, p.18). De cette manière, la « pathologie des liens », décrite par Le Gouès (2000), Péruchon (2012), Frankard, Leuven et Hauss (2015) provoquerait, non pas une rupture totale, mais un obstacle aux relations interpersonnelles. Ce lien, si important pour l’être social pourrait être associé à la « pulsion d’attachement » (Golse, 2004; Anzieu, 1990). Lorsque l’individu est atteint de la démence d’Alzheimer, cet attachement serait alors la « condition d’une « survie psychique » » (Bonnet, 2012), une manière de lutter contre « les trous de la pensée » (Le Gouès, 2000,), mais aussi d’une dépersonnalisation certaine. Cette perte progressive du sentiment d’existence provoque ainsi de l’angoisse, mais également un environnement perçu comme menaçant (Quadéri, 2013)
Dès lors, nous avons émis le postulat suivant : les manifestations des angoisses mortifères, provoquées par les effets délétères de la maladie d’Alzheimer, seraient influencées par le langage archaïque utilisé dans le « bain de langage maternel ». Selon notre hypothèse, le chant archaïque aurait aidé à créer un espace sécurisant et ainsi, aurait influencé les comportements d’angoisse.
Aux vues de nos observations, de nos ressentis contre-transférentiels et sous l’impulsion du chant, nous pensons avoir rencontré Sœur Aubépine, Madame Camélia et Monsieur Saule. Toutefois, malgré nos efforts, nous n’avons pas réussi, au niveau transférentiel, à créer une véritable relation avec Madame Hamamélis. L’investissement du lien intersubjectif s’établissait non seulement par notre présence vocale, mais également par une présence physique en créant un « environnement suffisamment bon » (Winnicott, 1958).
Le chant archaïque peut aussi ouvrir à d’autres médiations, telles que l’imitation et au-delà d’avoir un aspect sécurisant, il permet la stimulation fonction cognitive.
Les approches non-médicamenteuses sont, selon notre point de vue, une véritable évolution dans la prise en charge du sujet dément. Nous nous demandions alors si la relaxation, encore peu étudiée dans la situation de l’individu dépendant tant psychiquement que physiquement, aurait des effets bénéfiques sur le comportement d’anxiété et de ce fait, améliorerait la condition de vie de cette personne.

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Table des matières

Introduction
PARTIE I : La maladie d’Alzheimer et ses apparentés
I. Démence de type Alzheimer
1. Données épistémologiques
2. Les inégalités de la maladie
II. Manifestations d’angoisses
1. Différenciation entre l’angoisse et l’anxiété
2. Concepts de Kapsambelis
3. Être étayé par un autre
III. Liens intersubjectifs
En résumé
PARTIE II : Attachement
I. Concept
II. Besoin de sécurité
III. Démence et Attachement
En résumé
PARTIE III : Accompagnement non-médicamenteux
I. Le bien fait de la médiation musicale sur l’individu
II. Communiquer et transmettre par la musique
1. La mélodie
2. La voix
En résumé
PARTIE IV : Problématisation et hypothèses
PARTIE V : Présentation du matériel clinique
I. Présentation de la population choisie
II. Hypothèses opérationnelles 
III. Procédure
1. Procédure à Mimosa
2. Procédure à l’Acacia
IV. Outils
V. Vignettes cliniques
1. Sœur Aubépine 
2. Madame Hamamélis
3. Monsieur Saule
4. Madame Camélia
En résumé
PARTIE VI: Discussion théorico-clinique
Conclusion

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