SITUATION DE HANDICAP
La notion de handicap a รฉnormรฉment รฉvoluรฉ au fil des siรจcles. Dans les annรฉes 1800, la classification dโEsquirol proposait une catรฉgorie de la folie regroupant cinq genres. Les trois premiers incarnaient la ยซ manie ยป, cโest-ร -dire que, accompagnรฉ dโexcitation ou de dรฉpression, le dรฉlire se portait sur un ou plusieurs objets. Puis, venaient la dรฉmence et lโidiotie, deux genres diffรฉrents car, comme le disait Stiker : ยซ la dรฉmence est acquise, lโidiotie est innรฉe ยป (Stiker, 2009 : 465). Lโidiotie, mot associรฉ au handicap, รฉtait alors considรฉrรฉe comme incurable. Au dรฉbut des annรฉes 1950, la notion de handicap est apparue. Elle dรฉcoulait de la volontรฉ sociale ร รฉgaliser les performances de chacun. Les personnes dรฉficientes รฉtaient, ร prรฉsent, vues comme des citoyenยทneยทs ร ยซ per-former ยป (Stiker, 2009). Dans une perspective environnementaliste et รฉpidรฉmiologique, des classifications ร prรฉtention systรฉmatique dโinteraction personne/ environnement ont vu le jour (Ravaud & Fougeyrollas, 2005) : de nouvelles dรฉfinitions du mot ยซ handicap ยป ont รฉtรฉ proposรฉes.
Elles mettent en avant le fait quโune incapacitรฉ ou une dรฉficience constitue un handicap selon un contexte donnรฉ. Autrement dit, cette mรชme incapacitรฉ ou dรฉficience peut ne pas constituer un handicap dans une autre situation. Cโest dans ce contexte que lโOMS, en 1980, publie la premiรจre version de la Classification Internationale des Dรฉficiences, des Incapacitรฉs et des Handicaps (CIDIH ou CIH) qui marque le passage dโun modรจle curatif ร un modรจle rรฉadaptatif. รtablie par Philip Wood, elle met en รฉvidence le volet non mรฉdical du handicap en รฉtablissant une relation entre la dรฉficience, lโincapacitรฉ et le dรฉsavantage social. Cette relation peut introduire la notion du Processus de Production du Handicap (PPH). Ce modรจle, crรฉรฉ par Patrick Fougeyrollas, dรฉcrit le handicap comme suit : ยซ il convient dโapprรฉhender le handicap non pas comme une caractรฉristique de la personne mais comme le rรฉsultat situationnel de lโinteraction entre une personne diffรฉrente sur le plan corporel ou fonctionnel et un environnement physique et social spรฉcifique ยป (Ravaud & Fougeyrollas, 2005 : 13). Ainsi, le PPH met en รฉvidence lโinteraction de la personne avec son environnement et ce qui en dรฉcoule, par exemple pour รฉvaluer sโil y a une situation de handicap ou non. Cette dรฉfinition nous dรฉmontre quโil est possible de diminuer le handicap dโune personne en modifiant lโenvironnement dans lequel elle รฉvolue.
Rรฉalisation partielle des habitudes de vie, cโest-ร -dire des activitรฉs courantes ou du rรดle social valorisรฉ par la personne ou son contexte socioculturel et qui assurent sa survie et son รฉpanouissement ยป . En rรฉsumรฉ, lโenvironnement de la personne peut devenir un obstacle ou un facilitateur ร sa participation sociale dans un contexte dรฉfini : un environnement adaptรฉ ร la personne en situation de handicap peut รชtre un facilitateur pour lโaider ร la participation sociale. Le PPH sera cependant souvent liรฉ ร une image de militantisme mais aura inspirรฉ la ยซ Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santรฉ ยป (CIF), publiรฉe en 2001 par lโOMS. Considรฉrรฉe comme un ยซ label ยป international, elle associe les potentialitรฉs de lโindividu et une variรฉtรฉ de facteurs environnementaux comme รฉtant le rรฉsultat de lโinvalidation. Autrement dit, lโexpression ยซ personne en situation de handicap ยป (Hamonet, 2010) fait principalement rรฉfรฉrence aux divers situations et environnements qui rรฉsultent des conditions handicapantes et non sur lโรฉtat mรชme de la personne (Nader-Grobois, 2015).
La CIF sโinscrit dans le champ de la santรฉ. ยซ Elle est fondรฉe sur une perspective fonctionnaliste axรฉe sur la performance de lโindividu et la conformitรฉ ร la norme conรงue comme donnรฉe, externe, vers laquelle on doit tendre pour participer ยป (Fougeyrollas, 2005 : 10).
Ci-dessous se trouve la reprรฉsentation du schรฉma. Les dรฉfinitions et schรฉmas du PPH et de la CIF permettent de comprendre la situation de handicap dans son ensemble. Elles peuvent donc illustrer les troubles du spectre autistique. En effet, cette pathologie nโest pas un handicap reconnu comme tel en Suisse1, contrairement ร la France oรน la loi Chossy a permis ร lโautisme dโรชtre reconnu comme un handicap spรฉcifique (Bournat et al., 2014). Pourtant, le fait de vivre au sein notre sociรฉtรฉ conduit ร des situations handicapantes. Pour finir, autisme et stigmatisation vont, bien souvent, de pair. La stigmatisation se dรฉfinit par ยซ la situation de lโindividu que quelque chose disqualifie et empรชche dโรชtre pleinement acceptรฉ par la sociรฉtรฉ ยป (Goffman, 1975 : 7). Comme lโautisme ne se voit pas physiquement, il arrive que ces personnes soient jugรฉes malhonnรชtes, car leurs comportements ne sont pas conformes ร ce qui est attendu dโeux. ร lโinverse, le fait dโรฉtiqueter une personne ยซ dโautiste ยป va lโamputer de certaines capacitรฉs quโelles prรฉsenteraient et donc la rรฉduire ร ses ยซ seules capacitรฉs dโautiste ยป : elle ne sait pas communiquer, cโest normal, cโest parce quโelle est autiste (Goffman, 1975).
รtiologie
Il reste encore une part dโinconnu sur les causes prรฉcises de lโautisme, cependant, quelques facteurs sont citรฉs dans la littรฉrature comme :
โข Les facteurs gรฉnรฉtiques sont les premiers ร รชtre reconnus. Plusieurs observations ont รฉtรฉ identifiรฉes : des variations gรฉnรฉtiques de plusieurs centaines de gรจnes, dont les gรจnes transporteurs de la sรฉrotonine, des anomalies chromosomiques, des transmissions gรฉnรฉtiques de traits, de profils cognitifs et dโaspects de personnalitรฉ associรฉs aux TSA, des syndromes gรฉnรฉtiques prรฉsentant des troubles associรฉs aux TSA tels que le syndrome de Rett, le X-Fragile, le Prader-Willi et lโAngelman et des doubles diagnostiques observรฉs chez certains enfants ร syndrome de Down prรฉsentant des TSA (Nader-Grobois, 2015). La prรฉsence dโun TSA dans la fratrie est รฉgalement un facteur de risque, en particulier chez les jumeaux monozygotes ; le risque รฉtant de 60% (Dumas, 2007).
โข Les facteurs neurobiologiques : plusieurs รฉtudes montrent que les enfants avec autisme ont, en moyenne, plus dโanomalies neurologiques que la plupart des autres enfants. Par exemple, la taille du cerveau est supรฉrieure ร la moyenne mais le nombre de connexions ร lโintรฉrieur y est infรฉrieur. Le cervelet, lโamygdale et lโhippocampe prรฉsentent รฉgalement des dรฉficits, qui entraรฎnent des perturbations au niveau du contrรดle moteur, de lโattention, des รฉmotions et de la mรฉmoire (Dumas, 2007).
โข Les facteurs environnementaux, cโest-ร -dire, les facteurs prรฉnataux (รขge avancรฉ des parents, perturbations du dรฉveloppement cรฉrรฉbral du foetus, grossesse multiple, traitement dโhormones sexuelles de fertilitรฉ), pรฉrinataux (complications ร lโaccouchement, prรฉmaturitรฉ, faible poids ร la naissance) et postnataux (exposition ร des toxines environnementales dues ร la pollution), combinรฉs ร une susceptibilitรฉ dโorigine gรฉnรฉtique, augmentent le risque de dรฉvelopper un TSA (Nader-Grosbois, 2015).
โข Les facteurs psychologiques et familiaux : les premiers chercheurs supposaient que les enfants avaient des troubles du spectre autistique en raison de la froideur de leurs parents qui ne pouvaient avoir une relation affective profonde avec eux. Heureusement, aujourdโhui, cette thรฉorie nโest plus acceptรฉe. Bien que les facteurs psychologiques et familiaux ne semblent pas รชtre une cause de lโautisme, ils ont une influence inรฉvitable sur la vie de famille et la maniรจre dont le trouble se dรฉveloppe, รฉvolue et sโaggrave parfois. Par exemple, la probabilitรฉ que les parents dโenfants autistes prรฉsentent des traits autistiques ou une autre psychopathologie est plus รฉlevรฉe que chez des parents dโenfants se dรฉveloppant normalement (Dumas, 2007).
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Table des matiรจres
1. INTRODUCTION
1.1 CHOIX DE LA THรMATIQUE
1.2 QUESTION DE RECHERCHE
1.3 LIEN AVEC LE TRAVAIL SOCIAL
1.4 OBJECTIFS
1.5 PREMIรRES HYPOTHรSES
2. CADRE THรORIQUE
2.1 SITUATION DE HANDICAP
2.2 TROUBLES DU SPECTRE AUTISTIQUE
2.2.1 Historique
2.2.2 Dรฉfinitions
2.2.3 Triade autistique
2.2.4 รpidรฉmiologie
2.2.5 รtiologie
2.2.6 Troubles associรฉs
2.2.7 Caractรฉristiques
2.2.8 Trajectoire dรฉveloppementale
2.3 COMMUNICATION
2.3.1 Prรฉrequis ร la communication
2.3.2 Composantes de la communication
2.3.3 Fonctions de la communication
2.3.4 Communication et troubles du spectre autistique
2.4 INTERACTIONS SOCIALES
2.4.1 Dรฉfinition
2.4.2 Influences de lโinteraction
2.4.3 Fonctions
2.4.4 Comment favoriser les interactions sociales
2.4.5 Groupe hรฉtรฉrogรจne et interactions sociales
2.4.6 Interactions et troubles du spectre autistique
2.5 STRATรGIES ET MรTHODES POUR LโINTERVENTION
2.5.1 Formation des professionnelles
2.5.2 TEACCH
2.5.3 La mรฉthode A.B.A.
2.5.4 Modรจle SCERTS
2.5.5 Mรฉdiation animale
2.5.6 Soutien ร la communication
2.6 SYNTHรSE DU CADRE THรORIQUE
3. PARTIE EMPIRIQUE
3.1 POPULATION
3.2 TECHNIQUE DE COLLECTE DE DONNรES
3.2.1 Limites de lโรฉchantillon
4. ANALYSE DES DONNรES
4.1 LES PROFESSIONNELLES
4.1.1 Le rรดle dans la classe
4.1.2 Rapport ร leur pratique
4.2 LA COMMUNICATION
4.2.1 Caractรฉristiques de la personne avec autisme
4.2.2 Difficultรฉs rencontrรฉes
4.3 LES MOYENS DE COMMUNICATION
4.3.1 Buts et effets des moyens utilisรฉs
4.4 LES INTERACTIONS
4.4.1 Difficultรฉs rencontrรฉes
4.4.2 Lien รฉlรจves
4.5 APPRENTISSAGE DโUNE INTERACTION SOCIALE
4.5.1 Buts et effets des moyens utilisรฉs
4.5.2 Le groupe hรฉtรฉrogรจne
5. SYNTHรSES
5.1 RรPONSE ร LโHYPOTHรSE 1
5.2 RรPONSE ร LโHYPOTHรSE 2
5.3 RรPONSE ร LโHYPOTHรSE 3
6. CONCLUSION
6.1 NOUVELLE VISION DE LA PROBLรMATIQUE
6.1.1 Nouveaux questionnements
6.1.2 Pistes dโaction
6.2 BILAN
6.2.1 Bilan personnel
6.2.2 Bilan professionnel
6.2.3 Bilan mรฉthodologique
6.3 CONCLUSION FINALE
7. BIBLIOGRAPHIE
8. CYBEROGRAPHIE
9. ANNEXES
9.1 SCรNARIO SOCIAL
9.2 SOUTIEN GESTUEL
9.3 TALK TABLET
9.4 GUIDE DโENTRETIEN
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