RFI savoirs-phonétique
Dans ce site nous observons une démarche inductive. L’utilisateur peut trouver une page d’accueil où il est indiqué de quelle manière sont agencées les activités. Les exercices sont organisés comme suit : compréhension orale d’une émission de radio (document authentique). Ensuite, il y a une section pour travailler le vocabulaire et la phonétique se travaille en dernier. Il nous semble intéressant de relever l’indication des auteurs d ans la page d’accueil : « commencez par tester votre compréhension et enrichir votre vocabulaire, avant de passer à la partie phonétique. »
La phonétique est travaillée en trois sections : phonétique, quand les indécis hésitent ; phonétique, buter sur les mots… ; phonétique : les form es de l’hésitation. Nous pouvons observer tout au long d es exercices qu’il n’y a pas d ’explications métalinguistiques, les objectifs ne sont pas explicités. Dans ces trois sections, les apprenants sont amenés à être sensibles aux changements de tons lorsque les locuteurs expriment leur opinion à propos des candidats aux élections présidentielles.
Les types d’activités dans les trois sections sont variés : vrai/faux, compléter les trous, trouver le mot, répéter les phrases du document. L’exercice que nous avons choisi pour l’analyse travaillent uniquement les éléments suprasegmentaux (rythme, intonation, accent). Nous citons les questions qui nous permettent de démontrer que la démarche est inductive : « Comment hésite-t-on en français ? -réponses possibles – on allonge la dernière syllabe du mot ; on dit « euh » à la fi n du mot ; on répète les mots grammaticaux ; Quand on hésite, le débit est plus – réponses possibles – lent ou rapide. »
Sur ce site nous trouvons des éléments didactiques et ergonomiques facilitant la navigation des apprenants débutants : indication d u niveau à travailler B2/B1 (affiché avant le menu d’exercices) ; d ictionnaire monolingue et bilingue (à droite en haut), ceci est très utile, grâce à la barre glissante qui permet de voir les résultats du mot cherché, l’apprenant ne doit pas ouvrir une deuxième fenêtre pour consulter le dictionnaire.
En plus d’un menu d’exercices de compréhension orale, à l’intérieur de la section de « phonétique », il y a un sommaire qui s’affiche (à gauche de l’activité) tout le temps permettant ainsi de savoir dans quelle activité on est. Même s’il y a un ordre proposé pour la réalisation des activités, celles-ci ne sont pas verrouillées. De plus, il est affiché dès le départ le nombre de questions dans cette section (25). Au fur et à mesure que l’apprenant réalise les activités, le score s’affiche par type d’activité (3 / 5), le score aussi est visible tout le temps. Enfin, à chaque réponse il y a un feedback qui sert comme indicateur pour comprendre pourquoi la réponse choisie est fausse.
Ce site nous semble un exemple d’une utilisation raisonnée aussi bien d ’un point de vue didactique et pédagogique que d’un point de vue ergonomique. Cependant, il faut rappeler que ce site travaille seulement la phonétique et que le sujet de ce travail est l’acquisition du lien phonie-graphie en FLE.
L’évolution de l’orthoépie dans la didactique du FLE
Avant de commencer à définir la compétence orthoépique, il est important de signaler que dans le domaine du Français Langue Étrangère (FLE), actuellement, il est plus courant de parler de l’acquisition des correspondances phonèmes -graphèmes que de la compétence orthoépique. Bien que dans d’autres langues t elles que le japonais, l’ukrainien, le polonais, pour citer quelques exemples, il existe des recherches récentes qui font preuve de l’intérêt pour cette compétence, en FLE, non seulement l’expression ‘compétence orthoépique’ est moins utilisée, mais aussi il est moins fréquent de trouver des études autour de la définition première de l’orthoépie. Plus précisément, la définition traditionnelle de l’orthoépie présente l’enseignement de la prononciation à travers l’enseignement de la phonétique d’un point de vue très normatif. Le Trésor de la Langue Française, dans sa deuxième entrée, la définit comme la « grammaire des sons d’une langue ». Une définition qui s’avère, de nos jours, assez rigide de l’orthoépie ne recouvrant pas les différents aspects à considérer d ans l’apprentissage des langues étrangères. C’est pourquoi, dans les sections suivantes nous tenterons d’ébaucher l’évolution que le terme a connu en didactique des langues.
De la compétence orthoépique au lien phonie -graphie
À la lumière des réflexions récentes sur la prononciation et des notions qui sont devenues clés pour son acquisition, la définition de la compétence orthoépique n’est plus en accord avec une vision renouvelée de l’enseignement de la prononciation. Ce n’est pas pour autant que cet te compétence langagière a cessé de susciter de l’intérêt . Bien au contraire, la compétence orthoépique, du fait qu’elle est concernée par la prononciation, est un domaine qui suscite des questionnements et des tensions.
Néanmoins, nous avons pu constater que les spécialistes préfèrent parler de correspondances phonèmes-graphèmes ou lien phonie-graphie, du fait que l’orthoépie est un domaine exigeant destiné plus aux professionnels de la parole qu’aux étudiant.es des langues étrangères. Nous essayerons de démontrer comment les notions de variation, ainsi que d’intelligibilité ont transformé profondément la didactique de la prononciation, en déplaçant la compétence orthoépique dans un terrain plus spécialisé de la parole.
Commençons par examiner la définition proposée par le document pivot de la didactique des langues, le CECR. La compétence y orthoépique est présentée à la suite de compétences phonologique et orthographique et définie brièvement : « Réciproquement, les utilisateurs amenés à lire un texte préparé à haute voix, ou à utiliser dans un discours des mots rencontrés pour la première fois sous leur forme écrite, devront être capables de produire une prononciation correcte à partir de la forme écrite (…). » (Conseil d e l’Europe, 2001 : 92).
Autrement dit, il s’agit d e la capacité à lire à haute voix afin d e réaliser non seulement les graphies représentant le système de la langue, mais aussi à donner une interprétation orale aux signes de ponctuation à travers l’intonation et le rythme : « la connaissance des implications des formes écrites, en particulier d es signes de ponctuation, pour le rythme et l’intonation. » (idem). C’est -à-dire, la compétence orthoépique vise le développement de la phonétique (les sons), de la phonologie segmentale (phonèmes) et de la prosodie (niveau suprasegmental : rythme, accentuation, intonation) (Durand & Eychenne. D ans Detey et al, 2016 : 12). Tout ceci, en plus de la connaissance des conventions orthographiques (Conseil de l’Europe, 2001 : 92).
De plus, la compétence orthoépique est l’habileté à distinguer, selon la signification dans un contexte donné, la graphie correspondante d’un mot avec une seule prononciation (homonymes) : « la capacité de résoudre les équivoques (homonymes, ambiguïtés syntaxiques, etc.) à la lumière du contexte. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 92). Autrement dit, l’élève doit être capable d’identifier que la rédaction d’une phrase peut être comprise de différentes manières selon la lecture que l’on fait (ambiguïté syntaxique). Selon Bédard et al., l’ambiguïté syntaxique est un exemple d’une phrase ambiguë comme « Sophie sent la rose », où nous ne savons pas si Sophie sent une fleur ou si elle a l’odeur de la rose. Il existe différents types de phrases ambiguës, l’ambiguïté syntaxique est un cas. Comme l’écrit Bédard (2011 : SP), celle-ci : « (…) apparaît lorsqu’un syntagme a la possibilité d’avoir plusieurs points d’attache, ce qui peut conséquemment donner plusieurs sens à la phrase (Tellier, 2003). »
Cette compétence est, en conséquence, plus liée à la lecture qu’à l’écriture car dans la définition du CECR, on demande à l’élève la capacité ou les connaissances pour reconnaître et réaliser les signes graphiques, mais sa capacité à les reproduire à l’écrit n’est pas demandée. Cependant, cela ne veut pas dire que l’écriture ne fait pas partie du processus d ’apprentissage de celle-ci.
Comme nous pouvons observer dans le tableau (voir annexe 1), la compétence orthoépique peut se différencier de la phonologie et de l’orthographe car elle implique l’application à la fois d es connaissances phonétiques et orthographiques. De plus, nous pensons que l’utilisation d’une ressource didactique tel que le dictionnaire est un trait particulier de l’orthoépie car cela suppose non seulement le stockage des connaissances, mais leur application directe et active pour s’impliquer dans le développement de son propre apprentissage : « la capacité de consulter un dictionnaire et la connaissance desconventions qui y sont mises en œuvre pour représenter la prononciation. » (Conseil del’Europe, 2001 : 92).
À notre sens, cela fait une nuance entre les trois compétences, car un exercice de phonétique présente un corpus où un phonème a été ciblé, donc, la pratique d’un tel exercice est contrôlée, d e même que les exercices pour s’entraîner à l’écriture. En revanche, dans la lecture d’un texte, nous trouvons toutes sortes de phonèmes et de règles de prononciation. Alors, c’est là où l’apprenant peut se poser la question de comment se prononce tel ou t el mot et, de ce fait, aller consulter un dictionnaire.
Or, à quel moment cette définition de la compétence orthoépique commence-t -elle à être dépassée ? Selon Hansen Edwards & Marie, L. Zampani, dans la théorie de l’acquisition d e la phonologie des langues étrangères, la question sur l’âge pour apprendre une langue afin d’atteindre le modèle de prod uction du natif a eu un déclin. Le motif de cette perte d’intérêt sur la question est dû au fait qu’il n’y avait pas un consensus sur la réponse. Les chercheurs sont enfin arrivés à l’idée en commun que très peu d’apprenants en L2 atteignent la prod uction orale du natif. (Edwards, H. & Zampani, 2008 : 5). À partir de là, l’attention des études se tourne plus vers l’intelligibilité et la compréhensibilité. La définition de l’orthoépie s’avère donc encore sous une perspective traditionnelle où la suppression de l’accent étranger était mise en avant. Dans la section suivante, nousaborderons ce point.
Par ailleurs, la définition du CECR met l’accent sur une prononciation correcte de la part de l’apprenant. Nous nous questionnons sur quels sont les paramètres pour considérer qu’elle soit correcte. La notion de variation dans ce cas joue aussi un rôle important pour la définition de la compéte nce orthoépique. Si le code écrit est un code relativement fixe et partagé par les francophones, en revanche, les réalisations phonétiques (code oral) sur un même extrait peuvent différer d’une variation à l’autre. Le CECR ne mentionne pas les tensions que cette notion soulève pour l’enseignement de la prononciation. Les auteurs placent les questions concernant la variation plutôt dans la compétence sociolinguistique.
Une vision différente à partir de l’avènement de deux notions
Étant donné que les notions d’intelligibilité et d e variation sont importantes pour la réflexion d ans ce travail, elles seront mentionnées d ans d’autres sections. Néanmoins, nous considérons qu’une courte introduction était nécessaire pour faire le passage entre la compétence orthoépique et l’acquisition des correspondances phonèmes-graphèmes (désormais CPG).
L’orthoépie, telle qu’elle a été pratiquée, demande une précision dans la lecture et la prononciation nécessaire pour les acteurs, les journalistes ou d’autres professions où l a maîtrise langagière est exigée. En revanche, l’apprenant d’une L2 a besoin de connaît re les graphies et leurs respectives réalisations phonétiques pour des situations concrètes de son quotidien et pour produire des réalisations intelligibles.
L’intelligibilité
Dans le texte de 2001, contrairement aux compétences phonologique et orthographique, la compétence orthoépique n’a pas d’échelle de descripteurs ni une note expliquant cette omission. De plus, dans la récente publication du Volume complémentaire (2020), la définition d e cette compétence a été supprimée. Nous n’avons pas trouvé d’arguments explicitant cette suppression. Ce n’est qu’en faisant le lien avec la compétence phonologique que nous trouvons une explication : en 2020, les auteurs affirment que concernant la définition de la compétence phonologique elle est toujours valable : « (…) claire, approfondie et suffisamment large pour englober des réflexions plus récentes sur les aspects de la phonologie dans l’enseignement des langues secondes / étrangères (…) », (Council of Europe, 2020 : 133). Cepend ant, concernant l’échelle des descripteurs les auteurs déclarent (idem) qu’elle a été complètement remplacée car : « (…) l’échelle de la phonologie a été la moins réussie de celles calibrées dans la recherche originale derrière les descripteurs publiés en 2001. »
De manière générale, les auteurs avouent qu’il y avait une vision de l’enseignement de la prononciation qui ne correspondait plus à ce que proposait le CECR dans son ensemble. C’est -à-dire, une situation de communication où l’apprenant est vu comme un acteur social face à la diversité culturelle et toutes les implications que cette dernière entraîne dans l’apprentissage d’une langue-culture. La citation suivante sur la compétence phonologique d ans Le Volume com plémentaire, nous semble éclairer en quoi la définit ion de la compétence orthoépique est contradictoire ou incomplète avec les approches mises en avant dans les deux textes (2001, 2020).
Quels effets ont ces tâches sur la production des apprenants ?
La lecture à haute voix nous semble une solution à long terme dans le processus d’apprentissage de l’élève, car apprendre les CPG lui permettra de devenir autonome dans l’amélioration de sa prononciation. L’imitation est un bon exercice pour la réception, mais il nous semble limitatif, alors que la lecture nous semble une tâche plus complète car celle ci lui permettra de découvrir de nouveaux mots qui l’amèneront à se questionner sur leur prononciation. L’imitation est un exercice contrôlé car il est forcément lié à un corpus fermé. En revanche, la lecture motive la nécessité d’aller consulter le dictionnaire non seulement pour découvrir le sens d’un mot dans un contexte, mais aussi, les conventions pour représenter la prononciation de ce mot à l’aide d’un dictionnaire. En définitive, il nous semble que la lecture est une activité plus utile car cela requiert à la fois le développement de plusieurs compétences et en même temps promeut l’autonomie.
Selon les conclusions de Dherbey et Berthelé, les correspondances phonèmes graphèmes ne s’apprennent pas avec la simple lecture en espérant que les apprenants fassent des inférences. La preuve en est que Fabian Santiago dans son expérience a constaté que les apprenants font plus d’erreurs de prononciation avec la lecture à voix haute (mais sans objectif s explicités de correspondance phonie-graphie) que dans la répétition des mots sans support visuel. Ceci réaffirme la proposition de Dherbey et Berthelé (2020 : 14-15) : « l’acquisition des CPG est difficile et demande des actions pédagogiques ciblées malgré un niveau d’input maximal. »
Ce que nous pouvons en déduire de l’article de Fabian Santiago est que l’absence des objectifs dans la compétence orthoépique amène à croire que l’orthographe et la phonologie doivent se travailler de manière indépendante. Ceci nous semble une erreur car nous pouvons les intégrer et améliorer, à la fois, l’écriture et la lecture des apprenants.
Surtout, envisager un répertoire de difficultés telles que les graphies opaques en français (au, eau, aux, ot, etc.) ou bien des int erférences entre la L1 et la L2 comme objectifs pédagogiques afin d e faciliter l’acquisition des CPG en FLE.
Enfin, l’étude de Bassetti et Atkinson (2015) porte sur les effets de l’orthographe dans la compétence phonologique. Leur étude analyse 4 cas de prononciation chez des adolescents italophones apprenant l’anglais au lycée : le premier cas, c’est la prononciation d’une syllabe muette en anglais, par exemple, dans le mot <lamb>, le b n’est pas prononcé [laem] ; dans le deuxième cas, ils analysent la p rononciation des mots tels que (scene et seen) où les apprenants veulent prononcer un / i: / prolongé dans (seen), du fait qu’ils croient qu’il y a une différence entre la prononciation du double <ee> et de <e> seul, alors que dans les deux cas la prononciat ion est la même. Le troisième cas, sur la prono nciation du passé <ed > et la prononciation de / t / , /d / ; Le quatrième cas, la prononciation des homophones en anglais, tels que <son> et <sun> et la tendance des apprenants à vouloir prononcer différemment les deux mots.
Brève comparaison des deux systèmes linguistiques
Dans cette section nous allons présenter les deux systèmes linguistiques en contrastant notamment les aspects différents dans les deux systèmes sonores, ainsi que leur écriture. Avant d’aborder la description des deux systèmes linguistiques, nous voulons préciser certains points : (1) nous sommes consciente que lorsqu’on entame la conception d’activités à part ir des études contrastives on peut aboutir à une impasse. C’est-à-dire, nous pouvons anticiper des erreurs types et élaborer des activités en fonction de ces erreurs attestées. Néanmoins, chaque apprenant est différent et peu t faire d’autres erreurs non attendues.
À ce propos, Charlotte Alazard -Guiu (2021), lors du séminaire « L’apport de la multimodalité en correction phonétique : l’exemple de la MVT », explique que dans le dispositif numérique de son projet, en cours de développement, une des difficultés rencontrées a été que les apprenants ont réalisé des e rreurs inattendues. Plus précisément , son projet a pour objectif la réalisation d’un dispositif numérique qui vise à développer la maitrise d es éléments suprasegmentaux et segment aux, ainsi que la gestualité chez des apprenants de différentes L1.
Le groupe des apprenants japonophones devait faire l’erreur type [vanan] à la place de la prononciation [banan]. Ensuite, le d ispositif devait déclencher un feedback où l’apprenant avait une correction pour augmenter la tension et ainsi corriger l’erreur.
Cependant, certains apprenants réalisent [panan] et dans ce cas, la machine ne reconnaît pas l’enregistrement de l’apprenant et ne déclenche pas le score. De plus, la correction anticipée n’est plus adaptée à la situation car, Alazard -Guiu explique que dans la réalisation de [panan], il faut proposer un exercice pour relâcher.
Cet exemple nous permet de prendre du recul et d’être consciente des limites de nos propositions. Ainsi, la description que nous allons présenter est basée sur les erreurs types attestées chez des hispanophones. Nous considérons que notre dispositif peut être vu comme une sorte de guidage, mais qu’en définit ive l’accompagnement d’un tuteur est souhaitable afin d’adapter les feedbacks.
(2) Nous essayons de concevoir des activités pour l’acquisition phonie-graphie, c’est pourquoi nous sommes obligée de présenter les caractéristiques sonores, n éanmoins, nous ne prétendons pas faire des exercices de phonétique corrective. De ce fait, les descriptions ne concernent que l’essentiel du code oral et écrit pour l’acquisition des CPG. (3) Pour sélectionner les objectifs pédagogiques du système vocaliqu e, ainsi que du système consonantique, nous nous sommes appuyée sur la définition proposée par Detey et Racine (Dans Detey et al, 2016b : 86) sur les notions d’intelligibilité (se faire comprendre) et compréhensibilité (se faire comprendre sans trop d’effo rt de la part de l’auditeur).
Objectifs pour un hispanophone
Wauquier & Shoemaker (Dans Detey et al, 2016b : 249) affirment que des études récentes démontrent que : « ce qu’on observe chez les apprenants de L2 est la réorganisation partielle de la L1, fortement contrainte par la proximité des contrastes existant (…) ». Les auteurs déclarent que dans le processus d’acquisition de la L2, les apprenants réorganisent le nouveau système sonore selon trois types de situations : (1) les catégories identiques, (2) les catégories inexistantes dans la L1, (3) les catégories proches à celles de la L1. Dans le premier cas, il s’agit de catégories existant d ans presque toutes les langues et, de ce fait, la transposition d’un système à l’autre est directe. Dans le deuxième cas, les catégories sont facilement différenciées car elles sont très éloignées des catégories d e la L1 et, en conséquence, plus facile à apprendre. Dans le troisième cas, ce sont les catégories qui partagent un ou plusieurs traits avec les catégories de la L1. Cette proximité entraîne des difficultés pour la reconnaissance et la production car elles sont assimilées comme des catégories de la L1. Pour cette dernière catégorie, les auteurs concluent (Dans Detey et al, 2016b : 250) : « De fait, ces sons de L2 correspondant partiellement aux catégories de L1 sont les plus difficiles et longs à produire. Ils nécessitent plus que les autres un apprentissage explicite et sont plus susceptibles d’être l’objet d’un ‘accent étranger’ résiduel. »
Nous sommes partiellement d’accord avec l’affirmation de Wauquier & Shoemaker car, il a été déjà constaté que chez les hispanophones l’inexistence des voyelles antérieures arrondies entraînent des difficultés dans leur acquisition , alors que selon les affirmations des auteurs, ces voyelles appartiendraient à leur deuxième catégorie et , en conséquence, seraient plus facile à réaliser. En effet, Racine mentionne que (Dans Detey et al, 2016b : 146) : « La grande richesse du système vocalique du français constitue une source de difficult é majeure pour les apprenants hispanophones, (…) L’absence de la série de voyelles antérieures arrondies, de degrés d’aperture différents pour les voyelles moyennes ainsi que de voyelles nasales crée de nombreuses difficultés. »
Pour Emmanuel Companys (1966 : 14) la première règle de la phonétique française est la grande tension articulatoire car, en français, les voyelles jouent un rôle beaucoup plus important qu’en espagnol dans la compréhension. De fait, le français a un nombre beaucoup plus important de voyelles et pour les distinguer clairement la précision dans l’articulation est nécessaire. En revanche, l’auteur poursuit : « L’espagnol (…) peut se permettre, au contraire, un certain relâchement articulatoire » (idem). Du fait que les voyelles, en espagnol, n’amènent pas à conf usion. En outre, Companys explique que la labialisation joue un rôle aussi important en français pour la compréhension. Plus de la moitié des voyelles sont prononcées avec arrondissement labial, alors qu’en espagnol, il n’y a que deux voyelles qui sont arrondies /o/ et /u/.
Revenant à l’affirmation de Wauquier & Shoemaker selon laquelle, les catégories inexistantes dans la L1 sont plus facilement apprises, nous ne sommes pas complètement d’accord concernant le système vocalique. D’une part, dans les descriptions des erreurs types, nous avons trouvé des observations semblables à celles de Racine et Companys. D’autre part, notre propre expérience nous permet de dire aussi que ce n’est pas parce que ces catégories n’existent pas qu’elles sont plus faciles à reconnaître et à réaliser.
De plus, concernant les voyelles nasales, Miras (2021 : 43) commente qu’entre les difficultés du système vocalique français, les voyelles nasales en font partie. Il affirme que des études ont montré que seulement 20 % des langues de tout le monde en possèdent. Eneffet, les voyelles nasales constituent aussi une difficulté pour les hispanophones.
Les deux systèmes d’écriture
Pour rendre compte de la complexité entre le lien phonie-graphie de la langue française, Pierre et Monique Léon (2009) utilisent une ironie en écrivant : « Demandez autour de vous combien il y a de voyelles en français. (…) ‘Il y en a cinq. Six en comptant y’. Réponse juste si l’on s’en tient à la langue écrite. Mais celle-ci date, à peu d’exceptions près, de l’époque de Philippe Auguste ! » (Léon P. & M. , 2011 : 9). Ce qu’ils veulent dire, c’est que si l’on se base sur le code graphique du français, en effet, il existe les cinq graphies héritées du latin pour représenter les voyelles. Le problème se trouve dans le fait qu’en latin il n’y avait que 5 voyelles (les mêmes que l’espagnol a conservé en graphie et en phonie), mais le système sonore du français à travers le temps a intégré d’autres phonèmes (11 voyelles de plus) en les représentant uniquement avec les cinq graphies à disposition. Voici un exemple illustrant ce qui précède pour la graphie <e> (idem) : « dé [de], être [ɛtʀ], le [lə]. »
Français – équivocité et opacité
Le système graphique du français n’a pas ajouté des graphèmes traduisant l’évolution du système sonore. Pierre et Monique Léon (2011 :10) expliquent que les graphèmes sont les unités plus petites et isolables représentant un phonème : <i>, <a>, <e>, etc. Il y a également des groupes de lettres, nommés, digrammes et trigrammes. En français ces groupes de lettres, les digrammes comme <eu>, <ou>, <ph> et les trigrammes comme <ain> <eau> sont les restes d’anciennes prononciations. Actuellement, elles fonctionnent comme symboles graphiques de sons que l’ortho graphe de la langue française n’a pas voulu ou pu adapter.
Cette dissociation entre les deux codes, oral et écrit, amène à considérer le français comme une langue opaque car son orthographe n’est pas une orthographe phonétique ; autrement dit, en français, un phonème peut correspondre à plusieurs graphèmes. Quand on observe la langue à partir de l’écrit elle est qualifiée d’opaque, mais, quand on se positionne à partir de la sonorité, elle est considérée aussi comme équivoque. En effet, en comparaison avec d’autres langues comme l’espagnol, le français a plus d’homophones.
Les mots tels que (fête, faites), (scène, Seine, Cène), (dense, danse) o nt une seule représentation phonétique [fɛt], [sɛn], [d ɑ̃ s], ayant comme résultat qu’un seul phone possède différent es graphies.
Nous devons remonter un peu dans l’histoire de la langue française pour comprendre pourquoi elle est considérée à présent une langue opaque. Selon Annick Englebert (2009), les copistes du Moyen Âge, lorsqu’ils ont commencé à écrire les textes, traditionnellement oralisés et en langue romane, écrivaient ce qu’ils entendaient avec le système graphique du latin. De ce fait, il existait une correspondance entre le son et la graphie. Ainsi, le texte était une image fidèle du texte oralisé.
Cepend ant, comme il est facile d’imaginer, l’écriture d’un mot n’était pas toujours la même, ayant comme résultat que dans un même texte plusieurs gr aphies coexistent. D’après Englebert (2009), l’écriture des textes médiévaux témoignent des diverses formes de parler et de prononcer, c’est pourquoi dans un seul texte nous trouvons des alternances graphiques entre <je> et <ge>.
Lorsqu’il a fallu unifier l’écriture, le français a adopté à l’évidence le systè me orthographique du latin. Cependant, le parler des locuteurs ne pouvant pas être fixé, tout comme à présent, a commencé à intégrer des mots d’autres origines. Ainsi, le système phonologique français a adopté des phonèmes étrangers au système graphique du latin, ayant comme conséquence que le système d’écriture : « (…) ne d isposa plus des graphèmes distinctifs équivalents au nombre de phonèmes du système phonétique. Le système graphique français a donc dû adapter l’alphabet latin à son propre phonétisme (…).
L’alphabet français cessait d’être un alphabet phonétique. » (Englebert, 2009 : 29).
L’auteure explique (idem) que les évolutions de l’écriture de la langue montrent qu’il a fallu accepter des transcriptions phonétiques interchangeables ; par exemple, la graphie de <ai> prononcée au XIVe comme /ai/ a évolué au fil du t emps pour devenir /e/. Mais, le phonème /e/ existait déjà dans le système du français où il était transcrit comme <e>. De ce fait, les deux graphies vont exister de manière écrite avec un seul son. Il en va de même pour l’écriture <en> et <an>, pour citer quelques exemples.
Englebert affirme que cette évolution du système phonologique du français explique la dissociation avec son syst ème graphique. De plus, elle ajoute que les sons qui étaient différents au départ sont devenus un seul son. Au XVI ème siècle, le concept d’orthographe viendra unifier le système graphique, donnant comme résultat un code orthographique consensuel. À ce moment-là, l’écriture du français témoignera de moins en moins de l’évolution du parler.
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Table des matières
Introduction
Etat de l’art : analyse de cinq sites web pour travailler la phonétique
Partie 1 – Quels aspects prendre en compte pour aborder la compétence orthoépique en L2 ?
CHAPITRE 1. L’EVOLUTION DE L’ORTHOEPIE DANS LA DIDACTIQUE DU FLE
1. DE LA COMPETENCE ORTHOEPIQUE AU LIEN PHONIE -GRAPHIE
2. LE CODE ECRIT ET LE CODE ORAL, QUELLE DEMARCHE POUR ENSEIGNER LEUR LIEN ?
3. UNE ECHELLE DE NIVEAUX POUR LA C. ORTHOEPIQUE, UNE QUESTION POUR LA RECHERCHE
CHAPITRE 2. BREVE COMPARAISON DES DEUX SYSTEMES LINGUISTIQUES
1. LES DEUX SYSTEMES VOCALIQUES
2. LES DEUX SYSTEMES CONSONANTIQUES
3. LES ELEMENTS SUPRASEGMENTAUX DES DEUX SYSTEMES
CHAPITRE 3. LES DEUX SYSTEMES D’ECRITURE
1. FRANÇAIS – EQUIVOCITE ET OPACITE
2. ESPAGNOL – UNIVOCITE ET TRANSPARENCE
Partie 2 – Quels emprunts est-il possible de faire aux méthodes travaillant la prononciation pour les appliquer dans la conception des activités afin de développer la compétence orthoépique ?
CHAPITRE 4. COMPLEMENTARITE DE DEUX METHODES POUR TRAVAILLER LA PRONONCIATION
1. METHODE ARTICULATOIRE, ATOUTS ET LIMITES
2. METHODE VERBO TONALE, ATOUTS ET LIMITES
3. COMPLEMENTARITE DES DEUX METHODES DANS UN DISPOSITIF NUMERIQUE
CHAPITRE 5. QUELLE DEMARCHE PRENDRE EN COMPTE POUR TRAVAILLER LA PRONONCIATION ?
1. LA MEDIATION DE LA PRONONCIATION
2. QU’ENTENDONS-NOUS PAR ACTIVITE LUDO-EDUCATIVE ?
3. TRANSPOSITION DES ELEMENTS LUDIQUES AUX ACTIVITES LUDOEDUCATIVES
CHAPITRE 6. ANALYSE DE TROIS MANUELS DE PHONETIQUE
1. LES 500 EXERCICES DE PHONETIQUE
2. EXERCICES SYSTEMATIQUES DE PRONONCIATION FRANÇAISE
3. PHONETIQUE FRANÇAISE POUR HISPANOPHONES
Partie 3 – Comment scénariser des activités pour l’acquisition des CPG dans un dispositif numérique ?
CHAPITRE 7. ACTIVITE DE LECTURE A HAUTE VOIX
1. DESCRIPTION DE L’ACTIVITE DE LECTURE
2. ANALYSE DE PRODUCTIONS ORALES
3. PERCEPTION DES PARTICIPANTS
CHAPITRE 8. DEROULEMENT D’UN PARCOURS TRAVAILLANT LES CPG
1.QUELS OBJECTIFS GENERAUX DANS UN PARCOURS ENVISAGEANT LA PRONONCIATION ?
2. AGENCEMENT DES UNITES
CHAPITRE 9. CONSTRUCTION D’UNE UNITE
1. SUPPORTS
2. LES MICRO-ACTIVITES DEGAGEES D’UNE ACTIVITE DE LECTURE
3. QUELLE (S) VARIANTE (S) ENSEIGNER, POURQUOI ET COMMENT ?
Conclusions
Bibliographie
Sitographie
Table des illustrations
Table des annexes
Table des matières
Résumé
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