Comment saisir la performance en situation ?

ยซ Que se joue-t-il vraiment ici ? ยป Une invitation ร  ralentir [prรฉlude]

Revenons ร  la soirรฉe dรฉcrite en introduction . Que se passe-t-il ici ? Ou plus exactement, quโ€™est-ce qui sโ€™y joue ? Puisque cโ€™est bien รงa dont il sโ€™agit : comment faire de la musique dans une telle situation ? Cette question mรฉrite quโ€™on sโ€™y arrรชte un instant. Bientรดt, nous verrons quels chemins les personnes prรฉsentes ont empruntรฉs pour venir jusquโ€™ici . Jโ€™aurai lโ€™occasion de dรฉcrire dans le dรฉtail les modalitรฉs de sรฉlection des groupes programmรฉsย  ย ou encore les mises en place nรฉcessaires pour quโ€™un bureau comme celui-ci puisse accueillir une soirรฉe Sofar Sounds . Je mโ€™inteฬresserai รฉgalement au modรจle dโ€™affaires de ces soirรฉes , aux camรฉras qui filment la scรจneย  et au montant des cachets perรงus par les artistes . Toutes ces questions dรฉbordent toujours aussitรดt que lโ€™on รฉvoque Sofar Sounds et dรฉplacent le regard au-delร  de ce que nous avons directement sous les yeux. Si cette curiositรฉ est un formidable moteur pour lโ€™enqueฬ‚te, elle comporte un piรจge : faire complรจtement passer lโ€™enqueฬ‚teur ร  cรดtรฉ de ce qui sโ€™y joue. Ce premier chapitre est, dโ€™une certaine maniรจre, une invitation ร  ralentir et ร  prendre la mesure de la maniรจre de faire musique qui se dรฉploie dans les soirรฉes Sofar Sounds.

La tรขche est moins รฉvidente quโ€™il nโ€™y paraรฎt. Comment dรฉcrire cette situation ? De quels outils se doter pour รฉcrire la maniรจre de faire musique dans cette piรจce ? Depuis bientรดt une cinquantaine dโ€™anneฬes, la sociologie de la musique a cherchรฉ ร  prendre ses distances avec une approche ยซ devoted to the production of ยซย readingsย ยป of art works or styles in order to uncover (decode) the ways that they reflect or run parallel to ยซย Societyย ยป (to, that is, ideology or relations of production) ยป (DeNora, 1995, p. 296, voir รฉgalement ; Zolberg, 1990 ; Hennion, 1993, 1997 ; McCormick, 2006). Au contraire, elle sโ€™est attachรฉe ร  montrer la dimension sociale de la production, de la diffusion et de la rรฉception des ล“uvres : les formes dโ€™emploi des musiciens et des musiciennes , les techniques dโ€™enregistrement , les pratiques dโ€™eฬcoute , les stratรฉgies de construction de la notoriรฉtรฉ et de canonisation des artistes ou encore lโ€™organisation de lโ€™industrie musicale . Ce faisant, les sociologues ont pris leur distance non seulement vis-ร -vis du ยซ sens ยป ou de la ยซ signification ยป de la musique, mais รฉgalement de la question de ce que cโ€™est que dโ€™en jouer. Comme le souligne Antoine Hennion (1997, p. 416) : ยซ while the sociological agenda of the past is quasi-unanimous about revealing the social construction of the aesthetic subject and object, it provides little analysis of the results of artistic production ยป. Autrement dit, sโ€™inteฬresser ร  ce qui se joue lors dโ€™une soirรฉe Sofar Sounds nรฉcessite de faire un pas de cรดtรฉ par rapport ร  la faรงon dont les sociologues traitent gรฉnรฉralement de la musique : soit comme prise dans un rapport dialectique avec la sociรฉtรฉ , soit, par souci de neutralitรฉ esthรฉtique, comme quelque chose dโ€™exteฬrieur ou de pรฉriphรฉrique quโ€™il nโ€™est pas question de considรฉrer dans une analyse ร  proprement parler sociologique . Ce nโ€™est peut-รชtre pas pour rien que les interrogations qui portent sur lโ€™organisation des soirรฉes, le profil des personnes qui les frรฉquentent ou sur leur mise en marchรฉ dรฉbordent aussitรดt quโ€™on รฉvoque Sofar Sounds. Dโ€™une certaine maniรจre, ces questions paraissent aussi plus sociologiques.

Comment saisir la performance en situation ?

En se distanรงant peu ร  peu de la question du sens de la musique pour sโ€™attacher ร  sa production ou ร  sa rรฉception, la sociologie a laissรฉ le champ de lโ€™analyse musicale ร  lโ€™estheฬtique et ร  la musicologie. Cette derniรจre, aprรจs avoir eu beaucoup de peine ร  vรฉritablement considรฉrer les musiques populaires ou actuelles comme des objets de recherche lรฉgitimes, a fini par sโ€™y intรฉresser . Toutefois, ce qui est frappant dans nombre de ces travaux est que la musique y est gรฉnรฉralement envisagรฉe comme un texte que lโ€™analyste dรฉchiffre. Pour ce faire, les musicologues transcrivent les ล“uvres quโ€™ils analysent, soit en partition , soit en considรฉrant lโ€™album comme une forme de transcription sonore de cellesci. Ils utilisent alors diffรฉrents programmes qui rendent compte visuellement des caractรฉristiques de lโ€™enregistrement pour construire et appuyer leurs analyses, un peu comme ils le feraient avec une partition. Que ce soit du cรดtรฉ de la musicologie ou de la philosophie esthรฉtique, ces auteurs partent du postulat que lโ€™enregistrement est lโ€™ยซontologie ยป premiรจre de la pop (Gayraud, 2018) ou du rock (Pouivet, 2015). Ils considรจrent, par consรฉquent, quโ€™il est le matรฉriau le plus appropriรฉ pour analyser la musique. ร€ ce titre, Agnรจs Gayraud (2018, p. 46) dรฉfend : Tout se passe comme si lโ€™enregistrement lui-mรชme faisait ici lโ€™ล“uvre : sans lui, sans rรฉfรฉrence ร  lui, lโ€™ล“uvre pop nโ€™existe pas. On admettra que lโ€™on peut pourtant jouer et chanter le morceau [โ€ฆ] hors du contexte dโ€™enregistrement [โ€ฆ], mais quโ€™il sโ€™agisse de ยซ Wish You Were Hereยป ou de ยซ Let It Be ยป, lโ€™ล“uvre musicale ici ne tient pas, de toute รฉvidence, uniquement dโ€™une suite dโ€™accords et dโ€™une mรฉlodie entonnรฉe sur quelques phrases.

Comme le souligne Gayraud (2018, p. 47), dans cette perspective, le concert ne constitue pas lโ€™ล“uvre ยซ sur le plan ontologique ยป, mais uniquement une ยซ exรฉcution nouvelle ยป de lโ€™ล“uvre. Que faire alors de cette exรฉcution ? Faut-il abandonner tout projet de dire quelque chose de la musique ร  partir du concert ? Dans ce cas, on pourrait tranquillement retourner ร  nos questions plus sociologiques. Mais le risque nโ€™est-il pas de se retrouver avec, dโ€™une part, une lecture esthรฉtique ou musicologique complรจtement extraite de la situation du concert, et, dโ€™autre part, une analyse sociologique du concert, mais sanstraces de musique ? Cette piste me paraรฎt sans issue et surtout nous force ร  abandonner bien trop rapidement le pari de se donner la performance comme guide. De quelle maniรจre alors faire une รฉtude de la musique ร  partir de sa performance ? Cโ€™est bien lร  que se situe une partie du problรจme : dรฉcrire la musique sans pour autant en faire une ล“uvre inscrite sur un support. Comme le relรจve Nicholas Cook (2003, p. 204) : ยซ because they think of performance as in essence the reproduction of a text, musicologists donโ€™t understand music as a performing art ยป . Comment tenir la piste de la performance au-delร  de lโ€™introduction du premier chapitre de cette thรจse ? De quelle faรงon analyser la musique sans pour autant en revenir soit ร  lโ€™enregistrement, soit ร  la partition (en admettant quโ€™elle existe) ? Sofar Sounds fournit peutรชtre une maniรจre dโ€™approcher cette question. En effet, si au moins dans un premier temps (je reviens sur ce point p. 120 et suivantes), la prรฉpondรฉrance de lโ€™enregistrement peut รชtre admise lorsquโ€™on parle de stars de la pop comme Madonna ou Michael Jackson โ€” celles auxquelles sโ€™inteฬresse Gayraud โ€”, elle paraรฎt beaucoup moins รฉvidente pour ce qui se joue dans une soirรฉe Sofar Sounds.

Rarement, lโ€™auditoire connaรฎt la version enregistrรฉe du morceau et parfois celle-ci nโ€™est mรชme pas disponible ร  lโ€™eฬcoute ou nโ€™existe tout simplement pas. Au contraire, de lโ€™avis de mes informateurs โ€” quโ€™ils soient musiciens, spectateurs, ou organisateurs โ€”, le plaisir de se rendre ร  une soirรฉe Sofar Sounds rรฉside dans le fait dโ€™assister ร  une performance singuliรจre, et non pas lโ€™exeฬcution dโ€™une ล“uvre dรฉjร  connue. De plus, mes interlocuteurs sโ€™accordent รฉgalement pour insister sur le fait quโ€™aborder une soirรฉe Sofar Sounds comme nโ€™importe quel autre concert, cโ€™est risquer dโ€™aller ร  lโ€™encontre dโ€™une profonde dรฉconvenue. Dโ€™une certaine maniรจre, le piรจge que les artistes doivent dรฉjouer nโ€™est pas si รฉloignรฉ du problรจme auquel nous faisons face. Impossible de simplement revenir ร  lโ€™enregistrement, il faut prendre en charge la question de la performance et interroger ร  nouveaux frais ce que cโ€™est que de jouer de la musique. Par oรน commencer alors ? Si la musique est performance, celle-ci peut alors tout aussisi bien รฉchouer, dรฉjouer, ne passe rรฉaliser tout ร  fait comme prรฉvu. Cet รฉchec laisse entrevoir des dรฉcalages qui permettent de commencer ร  caractรฉriser ce qui (se) joue lors dโ€™une soirรฉe Sofar Sounds. Le parti est bien alors de ne pas sโ€™inteฬresser aux ล“uvres comme des textes, mais ร  ce que les gens font (Finnegan, 2007, p. 8). Revenons ร  cette soirรฉe de mai 2018.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION Gร‰Nร‰RALE
Atmosphรจre 1 : ยซ On est tous lร  pour la musique ยป (Paris, mai 2018)
1. Des concerts ยซ secrets ยป dans des espaces ยซ improbables ยป [Prologue]
2. Une interrogation sur les futurs de la musique [problรฉmatique]
2.1. La revanche du live : se situer au bon niveau
2.2. ยซ Something is rotten with live music ยป : une autre industrie de la musique est-elle possible ?
2.3. ยซ Bring Back the magic to Live Music ยป : enchantement, massification et emprise
3. Les performances et leurs mondes [approche]
3.1. Performare : les sciences sociales et le performative turn
3.2. De la construction aฬ€ lโ€™instauration : la performance comme modeฬ€le dโ€™enqueฬ‚te
4. ยซ Suis-je lร  pour de vrai ? ยป Rรฉcit dโ€™un embarquement [mรฉthodes]
4.1. Se laisser prendre : comment jโ€™ai fait la connaissance de Sofar Sounds
4.2. Paris, Londres, Genรจve et ailleurs : suivre Sofar Sounds et rassembler les pieฬ€ces dโ€™un terrain
disloquรฉ
5. Prรฉsentation des chapitres
CHAPITRE 1 : JOUER, Dร‰JOUER, REJOUER LA MUSIQUE. EXERCICES Dโ€™ETHNO (Mร‰THODO) MUSICOLOGIE
1. ยซ Que se joue-t-il vraiment ici ? ยป Une invitation ร  ralentir [prรฉlude]
2. Comment saisir la performance en situation ?
Atmosphรจre 2 : Ontelap, quand la performance dรฉjoue (Paris, mai 2018)
2.1. Action collective et conventions
2.2. Live, authenticitรฉ et systรจme mรฉdiatique
2.3. Musiquer, la musique comme expรฉrience partagรฉe
2.4. Les maniรจres de ยซ faire musique ยป de Sofar Sounds : vers une ethno(mรฉthodo)musicologie ?
3. Ellis Battle et Lizard : du folk comme au salon
Atmosphรจre 3 : Deux jeunes storytellers, une guitare et un diabolo (Genรจve, octobre 2016)
3.1. Une musique taillรฉe sur mesure ?
3.2. La voix et le texte
4. The Catfishs : comment faire du hard rock sans distorsion ?
Atmosphรจre 4 : Transposer du high-energy rock and roll dans un espace de coworking (Genรจve,
novembre 2017)
4.1. Trouver dโ€™autres subterfuges
4.2. ยซ Fait pour รชtre jouรฉ dans un club ยป
5. Robots Variations : faire voyager lโ€™รฉlectro dโ€™un club ร  un appartement
Atmosphรจre 5 : Les pads et le saxophone (Genรจve, avril 2018)
5.1. Faire voir de lโ€™ambient
5.2. รŠtre ยซ dรฉpendant du systรจme son ยป
6. Transphorme : mettre le rap en chanson
Atmosphรจre 6 : Aux limites de la (t)rap (Paris, dรฉcembre 2018)
6.1. Rรฉagencer un art vocal
6.2. Changer le ยซ style ยป de performance
7. La vie des morceaux : de lโ€™enregistrement ร  Sofar Sounds, et retour
7.1. Quโ€™est-ce quโ€™une song ?
7.2. Rรฉvรฉler des qualitรฉs insoupรงonnรฉes
7.3. Composer pour et avec Sofar Sounds : une certaine idรฉe de la musique
8. Does stripped back count as a genre? [conclusion]
CHAPITRE 2 : ยซ GET CLOSER ยป. COMMENT SOFAR SOUNDS MET-IL LA MUSIQUE EN PUBLIC ?
1. ยซ There had to be a better way to enjoy live music ! ยป Sofar Sounds en anti-sociologue des
publics ? [Prรฉlude]
2. Mettre la musique en public. Quelques รฉlรฉments pour une sociologie de la production de
concert
2.1. Comment heฬriter de lโ€™ethnologie du concert ? Repeupler lโ€™expeฬrience du concert.
2.2. Dโ€™une sociologie des producteurs de concerts aฬ€ une sociologie de la production de concert
2.3. Le renfort de la sociologie du travail marchand
3. Le secret : une invitation ร  la curiositรฉ
3.1. Une plateforme avec des informations (ร  premiรจre vue) trรจs lacunaires
3.2. Choisir aฬ€ lโ€™aveugle pour mieux eฬveiller la curiositeฬ
3.3. Que se passe-t-il lorsque le nom des artistes disparaรฎt ?
4. La guestlist : faire de la spectatrice une invitรฉe
4.1. ยซ Good luck ยป : creฬer lโ€™incertitude
4.2. Lโ€™algorithme et lโ€™inviteฬe : reprรฉsentation et sรฉlection
4.3. Une sรฉlection qui se fait รฉgalement par la disposition ร  passer par le dispositif
5. Composer une ambiance intime
5.1. Un espace unique et intime
5.2. Des techniques du corps
5.3. Un cadrage collectivement exercรฉ
6. La captation continue (et ajustรฉe) de lโ€™attention des spectateurs
6.1. Prรฉparer le public : le MC en facteur de prise
6.2. ยซ Be prepared for the attentiveness ยป : le travail relationnel des musiciens
Atmosphรจre 7 : Portrait dโ€™artiste en animateur (Lausanne, mai 2018)
6.3. Temporalitรฉ, respiration, relรขchement : les rythmes de la soirรฉe
7. Ce que Sofar Sounds fait ร  lโ€™รฉcoute
7.1. Un art de se laisser surprendre : rendre justice ร  la musique elle-mรชme
7.2. Lโ€™ouverture dโ€™esprit comme pratique : mettre aฬ€ lโ€™eฬpreuve son goรปt
8. Une vraie dรฉcouverte ? Sofar Sounds ร  lโ€™รฉpreuve de la relation fans-artistes
8.1. Follow me, follow me : comment faire circuler lโ€™attention au-delร  du concert ?
Atmosphรจre 8 : Rencontres rรฉpรฉtรฉes avec une mรฉlodie (Londres, septembre 2018)
Atmosphรจre 9 : Petit exercice ordinaire de travail relationnel (Lausanne, mai 2018)
8.2. Crรฉer ยซ a more meaningful connections ยป entre artistes et spectateurs
9. Faire aimer [conclusion]
CHAPITRE 3 : ยซ GUIDE TO MAGIC MAKING ยป : ASSEMBLER UNE COMMUNAUTร‰ GLOBALE
1. ยซ On remplit les cases ยป : une soirรฉe dans un tableau Excel [prรฉlude]
2. Disposer dโ€™un lieu
2.1. Repรฉrer : explorer les possibiliteฬs dโ€™accueil
2.2. Intรฉresser : construire une adhรฉsion mutuelle
Portrait 1 : Les Riverains, un partenaire de longue date
Portait 2 : Records, une collaboration avortรฉe
2.3. Disposer : sโ€™assurer des qualiteฬs du lieu
3. Programmer des artistes
3.1. Collecter des suggestions : ยซ Sofar is for everyone ยป
3.2. ร‰valuer : รฉcouter comme Sofar Sounds
3.2.1. Cโ€™est la voix qui compte !
3.2.2. รŠtre engageant : ยซ nice vocal but nothing new ยป
3.2.3. Projeter la performance : ยซ she would be perfect for a gig in a flat ยป
3.3. Crรฉer une line-up, offrir une expรฉrience
3.4. ยซ Sofar ainโ€™t your average gig ยป. La fiche technique comme outil de dimensionnement de la performance
4. Activer une รฉquipe locale
4.1. ร‰manciper ou exploiter ? Plutรดt activer
4.2. ยซ Bring Sofar to your city ยป: activation intermittente et neฬgocieฬe dโ€™un chapter
Portrait 3 : Les dรฉbuts de Sofar Genรจve
4.3. ยซ Turn your passion into your own small buisiness ยป : solidifier une รฉcologie adossรฉe
Portrait 4 : James en entrepreneur
5. Une communautรฉ globale : systรจme dโ€™articulations et mise ร  lโ€™รฉchelle globale
5.1. La pensรฉe par scรจnes : exploiter le potentiel de chaque ville
5.2. La force dโ€™une plateforme globale
6. Les locals et le global de Sofar Sounds [conclusion]
CONCLUSION Gร‰Nร‰RALE

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