L’escarre, lésion cutanée d’origine ischémique, est une pathologie surtout présente chez les personnes alitées. Cette plaie, née de la pression sur la peau, constitue un véritable problème de santé publique. En France, la prévalence est estimée à 300 000 escarres, avec un âge moyen des patients porteurs d’escarre de 74 ans. Cette prévalence va être amenée à augmenter avec la volonté des pouvoirs publiques de développer le maintien à domicile. C’est pourquoi médecins, pharmaciens et infirmiers de ville vont être de plus en plus concernés par la prévention et la prise en charge des escarres. Le rôle du pharmacien est non seulement la délivrance du matériel médical, des médicaments et des pansements nécessaires à la prise en charge du patient. Mais également informer et conseiller les patients et/ou plus généralement leur entourage afin d’éviter l’apparition d’escarre ou favoriser sa cicatrisation. Il est donc nécessaire de connaître la physiopathologie, les facteurs favorisants, mais également l’impact sur le patient et sur le système de soins. La survenue d’une escarre altère considérablement la qualité de vie du patient (souffrances physiques et morales entre autres) et génère d’importants surcoûts avec notamment un allongement des durées de séjours, une morbidité accrue et un alourdissement de la charge en soins. La prévention des escarres est primordiale, elle nécessite un intérêt important de la part de l’ensemble du corps médical. Cela passe par l’évaluation du risque de développer une escarre puis par la mise au point d’une démarche de prévention intégrant le risque cutané (surveillance, installation du patient, changements de position, équilibre nutritionnel, soins, effleurage, utilisation de supports…). Le défaut d’application de bonnes pratiques de prévention est responsable de l’apparition d’escarre(s). Le traitement des escarres doit prendre en compte la plaie mais également la personne. Conjointement, les mesures de prévention sur les autres localisations à risques sont à intensifier. Pour le traitement des escarres de première intention, les soignants adhèrent à un protocole de soins en fonction du stade de l’escarre. Puis la plaie est recouverte d’un pansement. De nombreux pansements existent, il est donc important pour les soignants de connaître les caractéristiques de chacun de ces pansements afin de choisir celui étant le plus adapté à l’escarre à soigner. D’autres moyens de prise en charge des escarres existent avec notamment la chirurgie, la TPN, la larvothérapie,….
Généralités
Définition et épidémiologie
Définition
L’escarre (nom féminin) est une « plaie de pression ». C’est une lésion cutanée d’origine ischémique liée à la compression des tissus mous entre un plan dur sur lequel repose le sujet et les saillies osseuses.
Une escarre survient chez des malades à sensibilité et/ou à mobilité réduite, lorsque la pression exercée sur une zone est supérieure à la pression capillaire des tissus, l’ischémie commence. Si l’ischémie n’est pas levée par un changement de position, une mort tissulaire (nécrose) apparaît, c’est une escarre .
L’escarre est également décrite comme une « plaie » de dedans en dehors, de forme conique à base profonde, d’origine multifactorielle. Ce qui la différencie des abrasions cutanées. (3) Contrairement aux idées reçues, l’escarre peut survenir en quelques heures (3 heures suffisent) chez des patients temporairement immobilisés, au lit ou au fauteuil.
Épidémiologie
L’escarre est une maladie fréquente dans certaines populations de patients, mais les données épidémiologiques actuelles sont insuffisantes pour évaluer précisément sa prévalence et son incidence en France. Certaines extrapolations proposent une prévalence de 300 000 escarres pour l’ensemble de la population française. L’âge moyen des porteurs d’escarres est de 74 ans. La survenue d’escarres dans la population âgée est fréquente notamment en milieu institutionnel ou hospitalier où la prévalence varie, selon les études et les services, de 6 à 25%. En ambulatoire, elle est de l’ordre de 3 à 5% et va probablement augmenter du fait du maintien à domicile de patients de plus en plus dépendants et polypathologiques. Néanmoins, c’est une pathologie que l’on peut prévenir dans une grande majorité des cas par des mesures de prévention simples.
Physiopathologie
Les mécanismes de formation
L’escarre est due à l’accumulation des produits du métabolisme et à un manque d’oxygène, liés à une pression excessive et continue sur les vaisseaux sanguins entraînant une diminution du débit circulatoire puis une hypoxie cellulaire puis une nécrose.
Selon la situation, la cause d’apparition de l’escarre sera différente :
• L’escarre «accidentelle» liée à un trouble temporaire de la mobilité et/ou de la conscience.
• L’escarre «neurologique», conséquence d’une pathologie chronique motrice et/ou sensitive.
• L’escarre «plurifactorielle» du sujet polypathologique, confiné au lit et/ou au fauteuil.
La pression
La pression est un facteur de risque de développer une escarre. Pour qu’une escarre se développe il faut une pression trop forte et prolongée. C’est cette pression qui va entraîner la fermeture des vaisseaux sanguins cutanés, voire sous-cutanés, provoquant une hypoxie tissulaire. Il est difficile de définir la valeur de la pression limite qui provoque cette fermeture. Elle varie certainement selon les individus, voire selon les parties du corps. Par contre, on peut aisément identifier quels sont les points du corps où s’exercent les plus fortes pressions, ce qui permet de déterminer les localisations à risque, où l’on pourra exercer une surveillance accrue. La pression excessive va supprimer la circulation sanguine, créant progressivement une hypoxie des tissus, mais l’escarre ne se formera que si cette fermeture se prolonge.
L’hypoxie tissulaire
L’hypoxie tissulaire se définit comme une carence en apport d’oxygène à des tissus. Tout tissu corporel ayant besoin d’oxygène pour vivre, l’hypoxie entraîne le dépérissement irrémédiable des tissus. Ceci peut toucher non seulement les tissus superficiels comme la peau, mais aussi des tissus profonds comme les muscles. L’hypoxie tissulaire ne se voit pas directement, on en constate les conséquences lorsque l’escarre apparaît. L’hypoxie est due à une pression excessive qui écrase les vaisseaux sanguins, elle est favorisée par :
• Des vaisseaux sanguins en « mauvais état », notamment à cause d’un diabète, une hypertension, ou un tabagisme anciens, ou simplement du fait de leur vieillissement.
• Une faiblesse de la teneur en oxygène du sang (anémie, infection pulmonaire, nicotine, …).
Apparition de la plaie
L’escarre est une plaie qui se développe en profondeur avant de s’ouvrir vers l’extérieur. C’est pourquoi sa gravité est souvent importante dès son apparition. Ceci renforce la nécessité de prévenir l’escarre. Une fois les tissus en état d’hypoxie, ils vont se dégrader très rapidement.
Le passage du stade d’érythème (rougeur cutanée) à celui d’ulcère (plaie ouverte) peut prendre quelques heures. La surveillance doit donc être fréquente afin de détecter tout érythème signe d’une escarre en formation. La participation du patient, et/ou de son entourage, à cette surveillance peut s’avérer une aide précieuse.
La peau
La peau est l’organe le plus important en poids et en surface, elle constitue l’enveloppe du corps humain. La structure de la peau est complexe et se subdivise en trois couches superposées avec de l’extérieur vers l’intérieur : l’épiderme, le derme et l’hypoderme .
Les phanères (poils et ongles) et de nombreuses glandes exocrines lui sont annexés.
L’épiderme
L’épiderme est une fine couche superficielle non vascularisée, dont l’épaisseur est en moyenne de 100µm. Cette couche, constituée principalement de kératinocytes, assure plusieurs fonctions indispensables :
• Protection contre les agressions de notre environnement (substances chimiques, agents microbiens ou allergènes).
• Fonction de barrière et d’échanges entre milieu extérieur et intérieur.
• Protection contre le soleil grâce aux mélanocytes.
• Protection immunologique grâce aux cellules de Langerhans.
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Table des matières
I. Introduction
II. Généralités
A) Définition et épidémiologie
1. Définition
2. Épidémiologie
B) Physiopathologie
1. Les mécanismes de formation
a) La pression
b) L’hypoxie tissulaire
c) Apparition de la plaie
2. La peau
a) L’épiderme
b) Le derme
c) L’hypoderme
3. Les types d’escarres
a) Erythème (=Rougeur cutanée)
b) Désépidermisation
c) Phlyctène
d) Nécrose
e) Ulcère
4. Description et évaluation de l’escarre
a) Description et évaluation initiale de l’escarre
i. Stade 1
ii. Stade 2
iii. Stade 3
iv. Stade 4
b) L’évaluation de suivi
i. L’échelle colorielle
ii. Les autres moyens de suivre l’évolution des plaies
5. Localisation des escarres chez une personne alitée
C) Les facteurs favorisants
1. Facteurs explicatifs
a) Facteurs extrinsèques (ou mécaniques)
i. La pression
ii. Le frottement
iii. Le cisaillement
iv. La macération
b) Facteurs intrinsèques (ou cliniques)
2. Facteurs prédictifs de risque
D) Conséquences de la survenue d’escarres
1. La douleur
a) La douleur chronique
b) Les douleurs provoquées (ou douleurs iatrogènes liées aux soins)
c) Enquête : Perception de la douleur iatrogène des patients par les
soignants
2. Souffrance psychologique
3. Complications
4. Impact économique
III. Prévention
A) Évaluation des risques d’escarre
1. Les Échelles d’évaluation
a) L’échelle de Norton (échelle anglo-saxonne)
b) L’échelle de Waterlow (échelle anglo-saxonne)
c) L’échelle de Braden (échelle anglo-saxonne)
d) L’échelle de Gonesse (échelle francophone)
e) L’échelle de FRAGMMENT
2. Le jugement clinique
a) Patients à risque d’escarre
i. Troubles de la sensibilité
ii. Troubles de la mobilité
iii. Troubles conjugués
iv. Responsabilité de certains médicaments
v. Problèmes cardiaques ou vasculaires
vi. La dénutrition
vii. Les autres causes d’escarre
viii. Patient âgé
b) Situations à risques
i. L’immobilité
ii. Les mauvaises positions assises
iii. Les mauvaises positions couchées
iv. Les supports inadaptés(supports statiques)
v. Incontinence et macération
B) Interventions
1. La surveillance
2. Installation du patient
a) Diminuer la pression
b) Accessoires de positionnement
i. Talonnière enveloppante
ii. Dispositif de fond de lit
iii. Dispositif anti-équin
iv. Bloc de rétraction semi-fowler
v. Cale de positionnement semi-latéral à 30°
vi. Coussin d’abduction de hanches
vii. Cales de positionnement au lit desmembres supérieurs
viii. Dispositif de positionnement occipital
ix. Dispositif de positionnement universel
x. Gamme de dispositifs d’aide à la posture en
microbilles/microfibres
xi. Dosseret
xii. Cale de positionnement des membres supérieurs au fauteuil
3. Rythmicité des changements de position
4. Assurer un équilibre nutritionnel
5. Maintenir l’hygiène de la peau et éviter la macération
6. L’effleurage
a) Sanyrène
7. Assurer la continuité des soins
8. Favoriser la participation du patient et de son entourage
9. Les supports
IV. Conclusion