Comment peut-on favoriser les apprentissages et la réussite des élèves ?

Représentations sur la motricité féminine et masculine

                  Bien qu’officiellement les élèves soient considérés comme des « apprenants asexués » , le quotidien des classes est la mise en scène d’un ancrage profond des représentations sociales du masculin et du féminin. En ce qui concerne l’EPS, il nous a été possible d’observer, dans cette classe mixte, que le contenu d’enseignement, proposé par le professeur est intimement lié à la connotation masculine de la discipline, aux inégalités « genrées» de réussite, aux attraits « genrés » à l’égard des pratiques physiques. En effet, ce contenu est fortement influencé par l’expérience même du professeur. Cogérino (2007) a montré que l’âge, l’ancienneté professionnelle et le sexe de l’enseignant ont un impact sur l’enseignement qu’il produit : les femmes et les professeurs les plus expérimentés ont un intérêt plus marqué à l’égard de la mixité ; les hommes et les plus jeunes sont plus bavards sur les valeurs et enjeux de société, la parité homme-femme : « la coéducation est l’angle d’attaque de la mixité ». Les femmes et les plus anciens affirment davantage que les difficultés liées aux mises en œuvre de la mixité concernent « la gestion des modalités de groupement, le choix des activités, les relations entre garçons et filles induisant une baisse du niveau moteur en contexte mixte ».De nombreuses études ont mis en évidence que la réussite des élèves dans une discipline est différente selon leur sexe. Cela est a fortiori le cas en EPS, discipline à connotation masculine. Les contenus d’enseignement sont en effet liés aux pratiques sportives qui sont elles-mêmes porteuses de valeurs masculines (défi, compétition engagement physique intense, etc). Cogérino, in Propos d’enseignants d’éducation physique face à la mixité, 2000, utilise ce néologisme qui est la traduction française du mot anglais « gendered ». Elle reprend alors la notion de Wright, in The construction of gendered contexts in single sex and coeducational lessons, 1997, in Sport, education and society, vol. 2(1), p. 55-72. Nous retiendrons donc que « genré » est relatif à quelque-chose soumis à des dynamiques de genre. Cogérino (2000) a également montré que les APSA proposées aux élèves durant leur n« curriculum en EPS »sont majoritairement à connotation masculine (sports collectifs, combat, etc) ; les activités « appropriées aux deux sexes » (ou dites neutres) comme la course d’orientation, le badminton, sont plus faiblement présentes ; les activités à connotation féminine (danse, gymnastique, etc) sont très minoritaires. « Les élèves sont conscients de ces connotations sexuées des pratiques » (Famose et al, 2001). Elles conditionnent en grande partie leur envie de s’investir, leur motivation vis à vis des contenus d’enseignement et leur participation en EPS. Au final, Artus (1999) conclut que les enseignants, en ce qui concerne l’EPS, sont davantage sensibles « aux résistances des garçons à entrer dans le registre expressif et esthétique (à forte connotation féminine) qu’aux résistances des filles à entrer dans le registre de la virilité et de la compétition (à connotation masculine) ».

La conséquence des pratiques personnelles

                La plupart des APSA sont à vocation compétitive. Culturellement les filles ne sont pas toujours centrées sur ces valeurs. Or, la pratique en club, encadrée et compétitive, semble avoir des conséquences sur le niveau de réussite en EPS. Le temps consacré à la pratique et le niveau atteint sont largement corrélés aux résultats. Les résultats, croissants pour les garçons et décroissants pour les filles, reflètent sans doute les effets de la socialisation qui invite les jeunes filles à se restreindre dans leur motricité pour « aspirer à davantage de séduction quand l’expression de l’identité masculine passe à cet âge par la puissance ou la force ». Vigneron (2006) a montré que les explications de l’infériorité des résultats des filles portent sur une modestie présumée de leurs ressources physiques. Les enseignants estiment qu’elles ont des « qualités physiques et un vécu sportif limités, qu’elles ne maîtrisent pas les techniques sportives et n’apprécient pas la compétition », ce qui expliquerait ainsi leurs performances. Inversement, ils interprètent les difficultés de quelques garçons par un fort potentiel insuffisamment mobilisé dû « exclusivement à un manque de travail, d’attention ou de sérieux », qualités par ailleurs toujours mises en avant chez les filles qui restent volontaires, appliquées, sérieuses. Cette comparaison accentue le faible niveau estimé des ressources des filles. Elle est d’autant plus renforcée par l’application de barèmes différenciés notamment dans le secondaire. Au sein de leurs projets pédagogiques en EPS, les professeurs organisent leur enseignement, généralement, en privilégiant certaines activités comme les sports collectifs (77,1 % d’élèves ont pratiqué des sports collectifs en EPS), les jeux de raquettes (79,6 % d’élèves) ou l’athlétisme (56,2 % d’élèves), en réduisant la danse (17,6 % d’élèves) ou la gymnastique (20,9 % d’élèves). Même si les résultats obtenus par les filles dans les activités de raquettes comme le badminton soient inférieures à ceux des garçons, ils les considèrent néanmoins comme neutres en termes de genre (étude menée par Vigneron). Les représentations des enseignants en EPS vis-à-vis de leurs élèves, des APSA, influencent sans doute leur enseignement, et influent peut-être sur le sentiment de compétence des filles, produisant alors des inégalités légitimées par des explications physiologiques ou sociales.

L’observation

             Il est question de mettre en exergue les comportements et attitudes des élèves en séance d’EPS : les élèves ont-ils des attentes différentes lorsqu’ils sont en EPS ? Malinowski fut l’un des premiers à étudier des faits via l’observation : « L’enquêteur doit effacer ses propres conceptions et ses propres jugements et observer des faits ». Dans notre cas, il s’agit d’avoir conscience que la posture « d’observateur complet », observateur visible par les observés mais en retrait (non participant), risque d’influencer les comportements, d’autant plus que pour l’une des classes observées, les élèves me connaissent. Les observations retenues (cf. annexe 2) vont également être guidées par les représentations de l’observateur même. En effet, sa position d’observateur est partie prenante de l’interaction. Il faudra alors faire preuve d’un certain recul en ce qui concerne les données obtenues. L’observation fait appel aux sens : il s’agit de relever tous les comportements liés à ce qui peut être perçu visuellement (position générale des élèves, contacts entre eux, posture de l’enseignant et des élèves), auditivement (niveau sonore, agitations et qualité des échanges). Le statut d’observateur complet a été choisi afin de pouvoir relever un maximum d’informations par écrit, le plus précisément possible. En effet, la posture de participant complet paraissait complexe dans ce cadre puisqu’elle induit une participation totale en tant qu’acteur de la situation, ce qui, au regard de la précision des informations à prélever, n’aurait pas permis d’obtenir la même rigueur de travail. Ces observations ont été mises en place dans deux classes de cycle 3, avec un facteur variant : le contexte d’observation. Il n’est pas ici question de déduire de grands principes généralisables mais d’étudier les comportements des élèves dans un contexte et dans un moment précis. C’est pourquoi il faudra faire preuve d’une certaine humilité quant aux résultats des observations : celles-ci ne sont pas représentatives car non exhaustives.

L’EPS, une discipline cognitive pour les filles

                   La relation entre l’EPS et les filles de la classe semble tout autre que celle des garçons. Bien qu’elles soient volontaires, nous avons pu constater un enthousiasme bien moins marqué. Est-ce qu’on peut dire que les filles sont contrariées à l’idée d’aller en EPS ? En sontelles pour autant indifférentes ? Nous ne croyons pas. Le poids des représentations qu’elles doivent supporter tout au long de leur vie, est d’autant plus présent en séance d’EPS. En effet, face à une société régie par le « masculin », les filles, consciemment ou non, « semblent vouloir exprimer leur sentiment d’existence au travers notamment de comportements d’excellence scolaire ou au contraire de rébellion (nonchalance, refus de participer) » . C’est pourquoi nous avons pu observer certaines attitudes comme un désintérêt de la pratique, pour peu qu’elle soit rébarbative (exemple de la course de durée qui est considérée comme de la course brute donc inintéressante et inutile). Chez les filles, on ne distingue pas, en général, de rivalité, de précipitation dans l’action du fait de la « peur de mal faire, d’être vue, de se blesser » ce qui inhibe la plupart de leurs actions et entretient également les diverses représentations auxquelles elles sont sujettes. De plus, la mise en jeu du corps, visible des autres, peut être également source de mal être expressément accentué par les autres. Certaines filles iront plutôt vers un comportement attentiste (caractérisé par un rejet de l’EPS car pour certaines, tout comme les garçons, faire de l’EPS c’est faire du sport) alors qu’une majorité cherchera à « compenser » par une attitude irréprochable et un travail davantage centré sur la maitrise (l’EPS est une discipline comme les autres, davantage cognitive). Cependant, au même titre que les garçons, l’objectif principal reste de faire plaisir au professeur et espérer qu’elles soient en retour bien notées. Certaines recherches (comme celle de Younger et al, 2002) montrent que les enseignants consacrent, en EPS, moins de temps aux filles, environ 44% de leur temps, contre 56% aux garçons. Cette différence peut paraître minime, mais devient vite considérable si l’on comptabilise le temps qu’un élève passe en EPS10. Les garçons sembleraient alors recevoir un enseignement plus personnalisé, alors que les filles seraient davantage perçues et traitées comme un groupe. Pour chacun de ses élèves, l’enseignant attend un comportement et des performances précis. En conséquence, il adopte lui-même une « conduite qui indique à l’élève les résultats et exigences attendues, qui modifie sa perception de lui-même et qui l’invite à se conformer aux espérances du professeur ». Les filles renvoient une image positive à l’enseignant de son travail : appliquées, persévérantes, discrètes, attentives. Au final, une certaine « préférence » entoure les garçons : félicités pour leurs résultats mais davantage rappelés à l’ordre pour leur comportement, ils renforcent leur estime d’eux-mêmes quand, implicitement, les filles associent leurs réussites à l’intensité de leur travail et doutent de leurs compétences physiques. Les réussites des filles paraissent d’ailleurs, encore aujourd’hui, bien moins reconnues, sans doute fragilisées par les influences tant sociales que scolaires, même si la politique actuelle cherche à inverser la tendance.

Le corps comme support de l’identité en EPS

                 Les grandes théories en psychologie de l’enfant et de l’adolescent nous font observer qu’à cette période, l’élève a besoin de communiquer avec autrui : la relation qu’il va entretenir avec les autres élèves va avoir une importance considérable et une influence notable sur son comportement. L’enfant, préadolescent, entre dans un mouvement d’éloignement avec la famille. Il va d’autant plus s’investir dans les relations avec les pairs. Il va alors chercher à construire des relations fortes qui joueront un rôle important dans le développement de sa personnalité. Dans les relations interindividuelles, bien souvent, il va rechercher dans l’autre un double de lui-même. En effet, il va projeter sur l’autre le « MOI idéalisé », c’est-àdire qu’il va y voir le « moi » qu’il aimerait être. Cette quête de modèles (modèles identificatoires) n’aura qu’un objectif : se sentir exister pour et au travers des autres. Pour cela, il va tenter de se conformer à leur image afin de construire sa propre identité. Il va donc ressentir une nécessité de s’affirmer auprès des autres, de montrer une partie de lui-même (une chose puissante) pour se mettre en valeur : c’est ce que nous avons appelé le « moi idéalisé ». Il va également chercher à répondre aux attentes des autres pour pouvoir obtenir en retour des gratifications : c’est « l’idéal du moi ». Dans la construction de l’identité chez un élève, ce système est prédominant : le but est d’être apprécié, reconnu, respecté par les autres pour se sentir exister. Ce système va donc influer directement sur l’estime que portent les élèves sur eux-mêmes. Ces différentes notions vont être d’autant plus sollicitées en séance d’EPS, lieu de la mise en jeu du corps par excellence. En effet, l’image de son propre corps va participer en grande partie à cette recherche de reconnaissance. L’élève va être attaché à l’image et l’estime de son propre corps. Il va tenter de la façonner pour la rendre de plus en plus positive : les filles par l’apparence de celui-ci, les garçons par la puissance de celui-ci. S’il éprouve un sentiment de défaut, il va tenter de le corriger, s’il éprouve un sentiment positif il va tenter de le mettre en valeur. L’image que l’on expose va donc avoir une grande importance sur le plan physique (« beauté physique » : corpulence, musculature, …) mais également sur le plan social (« beauté sociale » : comportements vis à vis des autres). Ce sont ces signaux envoyés qui vont être interprétés par l’autre et renvoyés par des gratifications positives ou négatives. Avoir le culte de la « beauté physique et sociale » peut apparaître égocentrique mais avoir une image de soi dévalorisée peut être néfaste (si l’estime de soi est négative cela risque de dériver vers des épisodes dépressifs avec une forte perte de confiance en soi). On observe également, dans une classe, que l’influence d’un sexe a des effets sur l’investissement et les performances de l’autre : un sexe a besoin de l’autre pour se construire. Duru Bellat (2010) a montré que les classes non mixtes seraient plutôt à l’avantage des filles « dans les disciplines habituellement connotées comme masculines, où elles se sentent plus en confiance car elles jugent l’ambiance de la classe plus propice au travail dès lors que les garçons ne sont plus là pour monopoliser l’espace et qu’elles ne craignent plus leurs remarques. Toutefois, elles ne réussiraient en général pas mieux ». Par contre, il apparaît clairement que la non-mixité n’est pas une voie pour permettre aux garçons de combler leurs difficultés. Les filles en seraient satisfaites et les garçons quant à eux auraient un jugement plus mitigé. L’ambiance, entre garçons, serait plus compétitive, plus brutale, plus agitée. Il s’avère donc que la mixité ou la non-mixité module sensiblement le quotidien des classes et les attitudes des élèves. Le facteur « groupe » est un élément de socialisation pour l’élève, il cherche à s’identifier au groupe afin de retrouver un sentiment de sécurité. Le groupe de pairs est un lieu d’expérimentation sociale qui contribue à la construction de l’identité personnelle. En effet, a fortiori en EPS, le corps participe activement à cette construction puisqu’il est le support identitaire : les élèves vont soigner leur image physique et sociale afin de ne pas être rejetés par les autres.

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Table des matières

PREMIÈRE PARTIE : Les représentations générales « fille-garçon » en EPS
Chapitre 1. L’EPS, une discipline à connotation masculine
Représentations sur la motricité féminine et masculine
Une fabrication scolaire des différences
Chapitre 2. Des élèves fondamentalement différents
Physiologiquement
Socialement
Chapitre 3. Expérimentation proposée : établir des situations « démixées »
Conclusion de la première partie
DEUXIÈME PARTIE Les perceptions des élèves quant à l’activité « EPS »
Chapitre 4. Méthodologie de recueil de données
L’observation
L’entretien
Chapitre 5. L’EPS : un objectif, deux visions
L’EPS, un exutoire physique pour les garçons
L’EPS, une discipline cognitive pour les filles
Chapitre 6. Expérimentation proposée : obtenir l’adhésion de tous
Conclusion de la deuxième partie
TROISIÈME PARTIE L’estime de soi, plus forte que les représentations
Chapitre 7. Le corps comme support de l’identité en EPS
Chapitre 8. Expérimentation proposée : valoriser l’estime de soi
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Bilan Global
Limites
Bibliographie

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