Atouts de la géométrie des nanofils
Les semiconducteurs iii–v sont malheureusement très chers, et difficiles à faire croître en hétéroépitaxie sur des substrats à coût modéré (notamment sur Si ou sur saphir), et ce en raison de leurs grands écarts de paramètre de maille et de coefficient d’expansion thermique avec ces derniers. Ces différences conduisent à des défauts structuraux très préjudiciables aux semiconducteurs et donc aux dispositifs les utilisant (dislocations, nano-vides, joints de grains, etc.). En particulier, les dislocations (relaxations plastiques dues aux différences de paramètres de maille) apparaissent au delà d’une épaisseur critique plus bien faible que les épaisseurs couramment utilisées dans les dispositifs. Les défauts structuraux listés ci-avant peuvent être évités en ne mettant plus en forme les matériaux selon une géométrie 2D (couches) mais selon une géométrie de nano-objets 0D comme dans le cas des boîtes quantiques (îlots de matériaux de faible dimension), ou 1D comme dans le cas de nano-colonnes ou de nanofils. En particulier, J. W. Matthews6 et E. A. Fitzgerald7 ont démontré que l’épaisseur critique d’apparition de dislocations est plus grande dans le cas d’une boîte quantique que d’une couche uniformément épaisse. La relaxation des contraintes qui sont dues au désaccord de paramètres de mailles est d’abord préférentiellement réalisée par les surfaces latérales de la boite quantique qui sont libres de se déformer élastiquement. Pour des épaisseurs supérieures, des relaxations plastiques ont lieu par apparition de dislocations à l’interface avec le substrat. Les nanofils sont des nanostructures quasi-unidimensionnelles, avec un diamètre typique de moins de 100 nm, et une longueur de plus d’un micromètre, en général. Leur géométrie unique leur confère un avantage significatif sur les structures planaires du point de vue de leur qualité structurale : leurs surfaces libres latérales sont en mesure de relaxer la contrainte liée au désaccord de paramètre de maille avec le substrat, contraignant le fil à sa base. F. Glas a montré que l’apparition de dislocations est dépendante des dimensions du nanofil et de l’intensité de son désaccord de maille avec le substrat ou dans le cas d’un nanofil à hétérostructure. Ses calculs, en accord avec des résultats expérimentaux antérieurs,9–12 établissent une relation rayon– hauteur critique du nanofil dépendant du désaccord de maille (Fig. 1.1 1) : lorsque le rayon des nanofils est trop important, des dislocations sont possibles (on retrouve l’épaiseur critique des couches 2D). En revanche, pour des rayons suffisamment petits, la hauteur critique tend vers l’infini : le nanofil entier est exempt de dislocations, même pour des désaccord de paramètres de maille importants (calculé jusqu’à 7%). À épaisseur égale et à substrat désaccordé identique, un nanofil de semiconducteur iii–v peut donc présenter une qualité structurale bien supérieure à celle d’une couche mince du même matériau. En outre, un même nanofil peut être composé de différents matériaux, et ainsi former des hétérostructures (Fig. 1.1 2). Celles-ci peuvent être axiales ou radiales, en fonction des conditions utilisées lors de la croissance. De nombreux matériaux ont pu être associés et il est ainsi possible de concevoir des dispositifs optoélectroniques à l’échelle même d’un unique nanofil. À titre d’exemple, des cellules photovoltaïques à base d’un unique nanofil ont été fabriquées et étudiées par certaines équipes.Les contraintes qui s’établissent au sein des hétérostructures à désaccord de maille sont d’importance dans l’élaboration des dispositifs. Elles ont été étudiées, autant pour les hétérostructures axiales que radiales. Leur qualité structurale n’est pas le seul atout géométrique des nanofils. En effet, en raison de leur très faible diamètre (typiquement de l’ordre de la centaine de nanomètres), leur interaction avec la lumière ne peut pas être décrite en terme d’optique géométrique : c’est un matériau photonique. Il est en outre possible de fabriquer de vastes ensembles de nanofils avec des densités très élevées (de l’ordre de plusieurs unités à plusieurs dizaines par micromètres carrés). Ces ensembles peuvent être organisés ou aléatoirement disposés ; et ils présentent un grand avantage en comparaison des couches minces pour l’élaboration de dispositifs récepteurs de lumière. En effet, une couche mince, en raison de la différence de son indice optique avec le milieu environnant, réfléchit une partie importante de la lumière incidente, qui est alors perdue pour le dispositif. Dans le cas d’un ensemble de nanofils, la structure présente un indice effectif intermédiaire, et la quasi totalité de la lumière peut alors être piégée par la forêt de nanofils. Macroscopiquement, un ensemble de nanofils peut avoir un aspect très noir et mate. L’interaction entre un ensemble de nanofils et une lumière incidente a été dernièrement étudiée (Fig. 1.1 3).23 En fonction des objectifs du dispositif (longueur d’onde, coefficient d’absorption), on choisit la densité surfacique, le diamètre et la hauteur des nanofils pour optimiser l’absorption optique.
Épitaxie de nanofils sur des substrats non conventionnels
Un substrat monocristallin de nature et d’orientation bien choisies permet d’obtenir des ensembles de nanofils homogènes et convenablement orientés, notamment en positionnant les nanofils par une méthode de lithographie. En revanche, les monocristaux ne sont pas nécessairement les substrats les plus avantageux pour de nombreux dispositifs : ils peuvent être chers ; ils sont inutilement épais, en effet, seules quelques monocouches à leur surface sont utiles à la croissance des nanofils ; et ils sont nombreux à être opaques (Si, GaAs, etc.). Des recherches sont donc menées afin de pouvoir se passer de ces monocristaux épais pour l’intégration des nanofils dans les dispositifs. Ces recherches s’orientent vers deux types de substrats :
– les feuillets organisés : comme le graphène et le mica ;
– les films minces polycristallins, obtenus par des méthodes usuelles de dépôt avec ou sans traitement thermique.
Utilisation des couches cristallisées par AIC
L’AIC permet la cristallisation du Si à une très basse température (à partir de 150 °C), en comparaison aux autres méthodes de fabrication de Si cristallin. Les cristaux obtenus ont un très grand rapport d’aspect : quelques centaines de nanomètres d’épaisseur pour plusieurs dizaines de micromètres de large. Et si les conditions sont réunies, ils peuvent être dotés d’une texture de fibre [100] ou [111]. Néanmoins, le Si cristallisé par cette méthode n’est pas d’une qualité électronique exceptionnelle. De par son mécanisme, l’AIC introduit un fort dopage en Al dans la couche de Si (de l’ordre de 1019 cm–3),144 ainsi que de nombreux défauts : la faible température de cristallisation ne permet pas de les faire disparaître. Ce Si cristallin n’est donc pas apte à s’intégrer directement en tant que semiconducteur dans des dispositifs de haute performance. Actuellement, le cœur de la recherche sur l’AIC vise l’élaboration de cellules solaires photovoltaïques,145 ou celle de composants électroniques minces. Dans ce cadre, l’AIC permet de fabriquer une couche très mince de Si à des températures très basses, pouvant servir de base à l’épitaxie de matériaux actifs. La présence de cette couche cristallisée permet notamment de limiter la température des procédés ultérieurs (aucun besoin de nouvelles nucléations). Son meilleur atout reste la très grande taille de ses grains orientés, obtenus sur des substrats peu onéreux tels que le verre. La fabrication de cellules solaires photovoltaïques est possible par l’homoépitaxie du Si sur une couche mince orientée de Si obtenue par AIC. L’épitaxie du Si permet le dépôt de couches dotées des dopages nécessaires. Elle est actuellement réalisée de différentes manières : épitaxie en phase solide (SPC),été attribués à la présence de grande quantité de défauts (dislocations notamment), qui sont probablement dus aux défauts propres aux couches obtenues par AIC. L’hétéroépitaxie d’autres matériaux a également été réalisée sur des couches de Si obtenues par AIC. Nous pouvons citer :
– l’épitaxie de larges bandes de Ge (plus de 400 µm de long) sur un grain de Si obtenu par AIC.Le Ge présente un très grand intérêt en électronique ;
– l’épitaxie de BaSi2, qui est très intéressant en photovoltaïque, en raison de la coïncidence entre son gap et le spectre solaire.
Cahier des charges
Nombreux sont les paramètres physiques qui peuvent influencer la croissance épitaxiale d’un matériau sur un autre (Fig. 2.1 3). En particulier, la qualité de l’orientation cristalline du substrat est un paramètre primordial, de même que la rugosité de sa surface, qui peuvent être sources de dislocations ou encore de domaines d’antiphase. Cependant, puisque les nanofils de semiconducteurs croissent en épitaxie à partir d’un germe de très petite dimension (quelques nm2),156 la rugosité pourrait n’avoir qu’une influence limitée, si elle est absente à l’échelle du germe. Le cahier des charges de l’élaboration de nos substrats considère quatre grandeurs que nous jugeons critiques, que nous allons étudier, et si possible, contrôler :
i. Orientation des grains : l’axe de croissance des nanofils de semiconducteurs iii–v étant l’axe [111],35–38 les grains composant la couche mince doivent être orientés avec cet axe perpendiculaire au substrat ; et donc que la couche soit dotée d’une texture de fibre [111].
ii. Rugosité de la surface : puisque les nanofils nucléent sur quelques nm2, la rugosité de la surface n’est a priori pas critique. En revanche, si l’inclinaison locale de la surface est telle que des pentes proches de facettes (111) obliques sont présentes, les nanofils pourraient croître de manière oblique selon cette autre direction [111]. Ils ne seraient dont pas nécessairement verticaux.
iii. Taille des domaines monocristallins : la surface minimale des grains à obtenir doit être plus large que l’aire occupée par la base d’un nanofil (soit un diamètre de 100 nm environ). Plus généralement, plus les grains seront étendus, moins les joints de grains seront nombreux par unité de surface sur l’échantillon, et moins les nanofils auront la possibilité de nucléer à cheval sur ces derniers, ce qui conduirait inévitablement à propager le joint de grain dans les nanofils.
iv. Épaisseur de la couche : pour être en mesure de tirer profit de la transparence d’un substrat, ou encore d’une couche inférieure conductrice, les couches minces servant de substrat à l’épitaxie des fils devra être la plus fine possible. La cristallisation du a-Si induite par un métal permettrait a priori de répondre à ces différents objectifs. Nous savons qu’elle permet d’obtenir, sous certaines conditions expérimentales, des couches dotées d’une orientation dominante [111],130, 139, 157–159 pour des épaisseurs minimales étudiées de 50 nm. En revanche, la rugosité des couches n’est pas systématiquement étudiée dans la littérature, en effet, elle n’est pas un critère déterminant pour les applications généralement visées (principalement les cellules photovoltaïques en Si polycristallin). Les quatre grandeurs de ce cahier des charges, orientation cristalline, rugosité, taille latérale des cristaux, et épaisseur des couches, seront donc soigneusement analysées dans les chapitres qui suivent.
|
Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 État de l’art
1.1 Nanofils de semiconducteurs : de la croissance à l’intégration
1.1.1 Atouts de la géométrie des nanofils
1.1.2 Mécanisme VLS de la croissance des nanofils
1.1.3 Épitaxie de nanofils sur des substrats non conventionnels
1.2 Cristallisation du silicium amorphe induite par un métal
1.2.1 Cristallisation du a-Si induite par l’aluminium : mécanisme
1.2.2 Orientation préférentielle des grains
1.2.3 Extension latérale des cristaux de Si
1.2.4 Utilisation des couches cristallisées par AIC
1.2.5 Conclusion
CHAPITRE 2 Croissance verticale de nanofils III–V sur couches minces de Si
2.1 Introduction, objectifs, et cahier des charges
2.1.1 Introduction
2.1.2 Résultats préliminaires
2.2 Élaboration de couches minces de Si à texture de fibre [111]
2.2.1 Procédé de fabrication par préparation oxydante de la cible de Si
2.2.2 Influence de l’oxyde à l’interface Al/a-Si sur l’orientation du Si
2.2.3 Qualité cristalline du Si et défauts
2.2.4 Conclusion sur l’orientation [111] des cristaux de Si et leur qualité
2.3 Cristallisation du a-Si : cinétique, thermodynamique, et mécanisme
2.3.1 Cinétique de cristallisation de couches infinies
2.3.2 Observation in-situ au TEM de l’homoépitaxie latérale du Si
2.3.3 Conclusion
2.4 Caractéristiques des cristaux de Si et conformité au cahier des charges
2.4.1 Taux de couverture à la surface du substrat
2.4.2 Rugosité de la surface du Si : rôle des caractéristique des dépôts
2.4.3 Conclusions sur la conformité au cahier des charges et recettes
2.5 Utilisation du substrat couche-mince pour la croissance épitaxiale
2.5.1 Croissance de nanofils de GaAs sur les couches minces orientées de Si
2.5.2 Mise en évidence de la relation d’épitaxie
2.5.3 Qualité des nanofils : orientation et matériau
2.5.4 Conclusion, limites, analyse critique, et perspectives
2.6 Fabrication et caractérisation de substrats conducteurs minces
2.6.1 Élaboration des couches métalliques adéquates
2.6.2 Utilisation d’une couche barrière de diffusion conductrice
2.6.3 Conclusion
CHAPITRE 3 Croissance de nanofils sur des nano-substrats de Si (111)
3.1 Concept de micro- et nano-substrat pour l’épitaxie
3.2 Cristallisation par le procédé AIC de micro- et nano-substrats
3.2.1 Influence de la taille des motifs sur la densité surfacique […]
3.2.2 Caractérisations de la morphologie et de l’orientation […]
3.2.3 Conclusion
3.3 Cinétique de cristallisation des micro- et nano-substrats […]
3.3.1 Dénombrement des motifs cristallisés et comparaison […]
3.3.2 Évolution de la fraction de motifs cristallisés […]
3.3.3 Conclusion
3.4 Croissance de nanofils uniques et verticaux sur des nano-substrats
3.4.1 Fabrication de nano-substrats et localisation du catalyseur […]
3.4.2 Croissance de nanofils de GaAs sur des nano-substrats de Si
3.4.3 Conclusion et perspectives
3.5 Stratégie d’obtention de grands grains organisés de Si […]
3.5.1 Stratégie et micro-fabrication
3.5.2 Résultats et discussion
3.5.3 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
Télécharger le rapport complet