Comment l’explicitation des états mentaux des personnages peut-elle être une clé pour mieux comprendre les textes entendus en GS-CP ?

À l’origine du choix de la thématique de ce mémoire, il y a des constats alarmants partagés par les enseignants et les chercheurs : le manque de maîtrise de la lecture, et notamment en termes de compréhension, handicape de trop nombreux élèves à leur entrée au collège… et pour la suite de leur parcours de vie. L’enquête CEDRE 2015, tel que le rappelle le CNESCO , indique que « En 2015, 40 % des élèves sont en difficulté à la sortie de l’école primaire : ils ne sont pas en capacité d’identifier le sujet principal d’un texte, de comprendre des informations implicites et de lier deux informations explicitées séparées dans le texte. » À ces données générales s’ajoutent les résultats d’une étude récente évaluant la compréhension de textes entendus dès le début de CP. Dirigée par Roland Goigoux, l’étude Lire-Écrire (2016) indique dans sa partie « compréhension de l’écrit », page 48 : « Les données que nous avons recueillies font apparaître que, si la très grande majorité des élèves a une bonne connaissance du vocabulaire testé et comprend bien les phrases courtes (…), il en va tout autrement pour la compréhension de textes entendus. L’analyse des résultats à cette épreuve fait apparaître un score moyen de 48,6 % de réussite. Elle montre aussi que les 10 % d’élèves les plus faibles n’atteignent pas 15 % de réussite. » Non seulement une grande part d’élèves n’accèdent pas à la compréhension, mais les inégalités entre les lecteurs performants et les lecteurs en difficulté se creusent. L’extrait suivant, toujours issu de la Synthèse du rapport de recherche Lire-Écrire, p49 (2016, Roland Goigoux) nous conforte dans l’idée que mieux les élèves comprennent les textes entendus, mieux ils comprendront les textes qu’ils liront seuls par la suite : « Si l’importance de l’influence du décodage sur la compréhension en lecture autonome est connue depuis longtemps, celle des compétences en compréhension de textes entendus est rarement prise en compte. Son poids très élevé (les trois quarts de celui imputable à l’influence du décodage) justifierait pourtant que l’on apprenne aux élèves à comprendre les textes que l’adulte lit à haute voix. En maternelle bien sûr, mais aussi au cours préparatoire et au cours élémentaire. » Ces différentes données m’ont confortée dans l’idée de me former, par la recherche, à une pédagogie de la compréhension. J’ai souhaité réfléchir à une pratique utile et efficace que je pourrais mener dans le cadre de mon année de stage, auprès des élèves de Grande-Section et CP.

Les enjeux d’une pédagogie de la compréhension en Grande Section et en CP 

Lire pour grandir : l’essentielle quête du sens

Le préalable essentiel à toute réflexion sur la thématique de la compréhension est lié à la façon d’aborder la lecture avec les élèves : il faut faire en sorte que la lecture ne soit pas qu’une activité scolaire qui ne serve qu’à l’école. Lire, c’est un moyen d’émancipation, un espace de plaisir, un moyen de se confronter à des questions nouvelles, c’est un espace pour construire son intelligence et sa relation aux autres. Bruno Bettelheim évoque même l’idée que la lecture de contes permet à l’enfant de construire un sens à sa vie. En s’identifiant aux personnages des histoires qu’il entend puis qu’il lit, l’enfant peut projeter, nourrir ses questions et parfois trouver des clés aux inquiétudes fondamentales qui l’animent. Pour les psychologues de l’enfance, la littérature de jeunesse aiderait à mettre à distance les questions essentielles, formulées ou pas. Catherine Tauveron insiste sur le fait qu’il faut aider les élèves à dire quelles « leçons de vie » le texte leur permet de tirer, ou de dire ce qu’ils pensent de la réaction de tel personnage. Dans le cas contraire, « lire n’est qu’une activité scolaire qui ne sert qu’à l’école ». L’enjeu sera donc, dès les premières classes de maternelle, et de façon continue, d’aborder avec les élèves la littérature comme un levier pour grandir… dans la vie, pas seulement à l’école.

Les obstacles à la compréhension des textes entendus

Pour que la lecture soit un réel facteur d’émancipation, les élèves doivent réellement comprendre les textes qu’ils lisent. Mais il faut être précis quant au sens qu’on donne à « comprendre » : une véritable compréhension, c’est une compréhension inférentielle et non une seule compréhension littérale. Les chercheurs sont unanimes: comprendre un texte n’est pas un « jeu d’enfant » . Jocelyne Giasson explique dans son ouvrage La compréhension en lecture qu’il s’agit de processus de hautniveau : comprendre finement un texte nécessite des opérations mentales complexes. Comprendre, ce n’est donc pas seulement l’addition de la compréhension orale et du décodage. Roland Goigoux, Sylvie Cèbe et Serge Thomazet définissent la compréhension comme « la capacité à construire, à partir des données d’un texte et des connaissances antérieures, une représentation mentale cohérente de la situation évoquée par le texte. » Nous nous appuierons sur cette définition pour la suite de ce travail.

Les obstacles à la compréhension des textes sont de divers ordres. On peut se situer dans le modèle de compréhension détaillé par Jocelyne Giasson dans La compréhension en lecture : la compréhension nécessite l’inter-relation entre les trois variables que sont le lecteur, le texte et le contexte. Les compétences du lecteur n’expliquent donc pas à elles-seules sa capacité à comprendre ou pas : « à partir de ce modèle, on ne dira plus « cet élève a des problèmes de compréhension », mais « cet élève, devant tel type de texte et dans tel contexte comprend de telle façon » .

Les écueils d’une « fausse » pédagogie de la compréhension

Les études évaluant la capacité des élèves à comprendre les textes montrent que l’origine des difficultés des élèves vient des premières années où ils sont confrontés aux textes, autrement dit la maternelle. Ces études remettent en cause la façon dont l’enseignement de la compréhension est le plus souvent mené. Catherine Tauveron synthétise ainsi les mécanismes qui font que l’apprentissage de la compréhension, tel qu’il est réalisé actuellement, est un échec : « C’est essentiellement parce qu’on les a habitués à répondre à des questions qui demandent seulement de prélever des indices dans le texte, et trop rarement à produire par écrit un jugement critique ». Elle le détaille de la façon suivante dans un de ses ouvrages, Comprendre et interpréter les textes littéraires à l’école et au-delà : « On apprend essentiellement aux enfants à lire sur les lignes et les séances de lecture, sous couvert d’apprendre à comprendre, se bornent à vérifier que les lignes ont été exhaustivement parcourues et que le sens de chaque mot « difficile » est connu. Dès lors, l’école faillit à sa mission qu’elle s’est elle-même donnée, « apprendre à comprendre » et « initier au plaisir de lire » parce que sa définition réductrice de la compréhension, univoque et hiérarchisée est inapte à engendrer le plaisir et parce que sa conception hédoniste, intimiste et a-culturelle du plaisir de lire est inapte à engendrer une quelconque action didactique sur la compréhension. Les petits enfants, ainsi formés à se soumettre aux données du texte, courent le risque de ne jamais venir à la littérature parce qu’ils commencent leur vie de lecteur comme des lecteurs inactifs ou mécaniquement actifs […], et parce que, lorsqu’ils la rencontrent enfin (au cours moyen), un dispositif concerté de mise à distance s’acharne à rendre l’échange improbable : les filtres interposés, filtre du lexique à élucider d’abord, filtre des questions orientées du maître ou du manuel ensuite, disent tous que le jeune lecteur a moins son mot à dire qu’à (re)dire les mots du textes. » .

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE A : Enseigner des stratégies de compréhension pour apprendre à comprendre l’implicite
1. Les enjeux d’une pédagogie de la compréhension en Grande Section et en CP
1.1.Lire pour grandir : l’essentielle quête du sens
1.2.Les obstacles à la compréhension des textes entendus
1.3.Les écueils d’une « fausse » pédagogie de la compréhension
1.4.L’étude Lire- Écrire 2016 – quelques éléments d’analyse concernant la pédagogie de la compréhension
1.5.Les consensus d’une pédagogie de la compréhension… dès la maternelle
1.6.Place de la compréhension dans les programmes 2015 et 2016 : à la rencontre entre oral et écrit
2.Comprendre un texte entendu : compétences sous-jacentes
2.1.Les compétences stratégiques
a) Qu’entendent les chercheurs par « stratégies de compréhension » ?
b) Un consensus : l’enseignement explicite des stratégies de compréhension
2.2.Les compétences inférentielles
3.Apprendre à comprendre la dimension implicite des personnages
3.1.Qu’est-ce qu’un « personnage » pour un enfant de 5-6 ans ?
3.2.Les difficultés relatives à la compréhension des personnages
3.3.Qu’entend-on par « états mentaux » ?
3.4.Quelles stratégies de compréhension des états mentaux enseigner ?
PARTIE B : Une démarche pédagogique en classe
4. Hypothèses et méthodologie de travail
4.1.Six hypothèses pour guider la démarche pédagogique
4.2.Méthodologie de l’expérimentation
5. La mise en œuvre de séquences de compréhension des personnages des histoires
5.1.Le choix des textes
5.2.L’analyse des difficultés des textes concernant l’implicite des états mentaux
5.3.Les outils / rituels de référence mis en place
5.4.La mise en œuvre des séquences en classe
6.Analyse de l’expérimentation
6.1.Les difficultés des élèves face aux textes
6.2.Résultats de l’évaluation : attribuer des émotions aux personnages sur des images séquentielles
6.3.Résultats de l’évaluation : production orale sur la grenouille à grande bouche – enregistrements des élèves
6.4.Des automatismes se sont-ils mis en place ?
6.5.La nécessité de travailler en simultanéité d’autres compétences stratégiques complémentaires
CONCLUSION
TABLE DES ANNEXES et ANNEXES 
BIBLIOGRAPHIE

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