Dans un contexte de maîtrise budgétaire des coûts de la santé et d’amélioration de la qualité des soins primaires, l’Assurance Maladie a mis en place le Paiement à la Performance, qui reprend l’anglicisme « Pay For Performance » (P4P). Le P4P a été signé lors de la nouvelle convention du 26 juillet 2011 pour 5 ans, en accord avec les trois principaux syndicats représentatifs des médecins (CSMF, SML et MG France). Le P4P, nouvellement désigné sous le nom de Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) depuis 2012, a 3 objectifs principaux :
– renforcer l’accès aux soins,
– mieux reconnaître la qualité des soins,
– moderniser et simplifier les conditions d’exercice.
Le médecin généraliste voit son rôle de médecin « curatif » évoluer vers une prise en charge globale de ses patients en tenant compte des contraintes économiques. Le paiement à l’acte n’étant pas perçu comme « incitatif » pour cette mission, des rémunérations complémentaires visant à valoriser ces actes de santé publique ont été proposées, notamment sous la forme d’un Contrat d’Amélioration des Pratiques Individuelles (CAPI) en 2009.
Abrogé depuis le 21 novembre 2011, le CAPI se voit remplacé et amplifié par la ROSP. Elle s’applique à tous les médecins qui ne l’ont pas refusée par lettre recommandée à leur Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) avant le 26 décembre 2011 ou dans les trois mois suivant l’installation pour les nouveaux installés, c’est-à-dire à l’immense majorité d’entre eux. Une fois acceptée, il n’est pas permis de sortir du dispositif.
La ROSP
De quoi s’agit-il ?
Le paiement sur objectifs de santé publique est une option conventionnelle à choix individuel. Le contenu de cette option est défini nationalement par les partenaires conventionnels et laissé au libre choix de chacun des médecins, quel que soit le secteur d’exercice. Contrairement au CAPI, aucun module n’est obligatoire, le médecin sera rémunéré pour les indicateurs qu’il a choisis. Un ensemble d’indicateurs est proposé avec des objectifs déterminés à partir des chiffres atteints par un tiers des médecins, afin qu’ils restent cohérents avec la pratique et accessibles à tous. Le médecin choisi librement le ou les indicateurs qui l’intéressent et perçoit une rémunération supplémentaire calculée en fonction de son degré d’atteinte de l’objectif. Pour déclencher la rémunération, il lui suffit de retourner le formulaire déclaratif adressé par la caisse chaque année.
Pour qui ?
Le paiement à la performance se déroule en deux temps. Dans un premier temps, il concerne les médecins traitants (rémunération moyenne jusqu’à 9 100 €). Dans un second temps, le volet “organisation du cabinet” (1 750 €) s’adresse maintenant à toutes les spécialités. Le dispositif doit être adapté à toutes les spécialités. Dans une première étape, il concernera les cardiologues, puis les endocrinologues, pédiatres et gastro-entérologues, puis progressivement les autres spécialités.
Comment ça marche ?
Le système proposé est une rémunération par points et par objectifs. Les médecins choisissent librement parmi 4 types d’indicateurs celui ou ceux qui les intéressent. Chacun de ces objectifs correspond à un total de points et chaque point correspond à un montant de 7 €. La rémunération correspondra au nombre de points totalisés sur les indicateurs retenus et sera payée au début de l’année n+1. La base de la rémunération est basée sur une patientèle de 800 patients (en fait la moyenne actuelle est de 1000 patients par médecin traitant). Pour les nouveaux installés, la valeur du point est majorée de 15% la 1ère année d’installation (8,05 €), de 10% la 2ème (7,70 €), et de 5% la 3ème (7,35 €).
La formule de calcul de la rémunération est la suivante :
Nombre de points X 7 € X nombre de patients/800 = Rémunération annuelle
La rémunération est également perçue si les objectifs ne sont atteints que partiellement. La rémunération n’est pas seulement liée à l’atteinte totale ou partielle des objectifs, la progressivité est également prise en compte. Ainsi, si le médecin parvient à améliorer ses résultats même s’il n’a pas atteint ses objectifs, il percevra une rémunération. Dans ce cas, le médecin recevra une partie de la rémunération prévue calculée sur la base de sa progression constatée par rapport à un objectif intermédiaire déterminé conventionnellement.
Quels indicateurs ?
Le contenu des indicateurs a été négocié nationalement pour l’ensemble des médecins entre les syndicats et les caisses. Les indicateurs sont collectifs, c’est-à dire identiques pour tous les médecins. Ce système ne comporte aucune sanction, la non atteinte des objectifs sur un ou plusieurs indicateurs ne bloque pas le paiement acquis sur les autres indicateurs choisis. Chaque module d’indicateur est indépendant des autres.
Quatre types d’indicateurs sont proposés :
1) 9 indicateurs cliniques (250 points) pour 2 pathologies : le diabète de type 2 et l’hypertension artérielle (HTA) :
– 6 indicateurs de suivi : 4 dosages de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) par an, fond d’œil tous les 2 ans, traitement des patients diabétiques à haut risque vasculaire (anti hypertenseurs, statines et aspirine à faible dose)
– 3 indicateurs de résultats (déclaratifs) : normalisation des chiffres tensionnels, normalisation des chiffres d’HbA1c avec 2 niveaux (<8,5% et <7,5%), normalisation du LDL cholestérol chez les diabétiques avec 2 niveaux (<1,5 et < 1,3).
2) 8 indicateurs de prévention et de santé publique (250 points) : dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein, vaccination antigrippale, prescription de vasodilatateurs et de benzodiazépines chez les personnes âgées, volume de prescription des antibiotiques (hors ALD et âges extrêmes), …
3) 5 indicateurs d’organisation du cabinet (400 points) avec :
– tenue d’un dossier médical informatisé (75 points)
– information des patients sur les plages horaires de consultation (50 points),
– utilisation de logiciels d’aides à la prescription certifiés par la HAS (50 points),
– informatisation permettant de télétransmettre et d’utiliser les téléservices (75 points),
– élaboration à partir du dossier informatisé d’une synthèse annuelle par le médecin traitant (150 points) .
4) 7 indicateurs d’efficience (400 points) : Ils concernent la prescription dans le répertoire générique pour les antibiotiques, les IPP, les statines, les antihypertenseurs et les antidépresseurs, mais aussi la prescription des IEC et Sartans, de même que l’aspirine à faible dose en qualité d’anti-agrégant plaquettaire.
En pratique
Les médecins sont contactés par la CPAM de leur lieu d’exercice à la fin de l’année n ou au début de l’année n+1. Ils doivent remplir un formulaire déclaratif des indicateurs «organisation du cabinet». Il est rempli en ligne, dans l’espace professionnel personnalisé du médecin, sur le site ameli.fr. Les indicateurs chiffrés sont récupérés directement par la caisse grâce aux données de remboursement auxquelles elle a directement accès pour chaque patient. Ainsi, elle comptabilise les boîtes de médicaments achetés en pharmacie, les actes de radiologie, d’ophtalmologie et de laboratoire pour tous les patients d’un même médecin traitant (hors patients MSA, RSI…).
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Table des matières
INTRODUCTION
CONTEXTE
I. La ROSP
1. De quoi s’agit-il ?
2. Pour qui ?
3. Comment ça marche ?
4. Quels indicateurs ?
5. En pratique
6. Par rapport au CAPI
II. La rémunération des médecins
1. Le paiement à l’acte
2. Vers un autre mode de rémunération
3. Les exemples étrangers
III. Le paiement à la performance à l’étranger
1. Le Royaume-Uni
2. Les États-Unis
IV. Résultats en France
V. Les avis face à la ROSP
1. Les syndicats
2. Le Conseil de l’Ordre
3. Et les patients ?
PROBLÉMATIQUE
MATÉRIELS ET MÉTHODES
I. Le choix de la méthode
1. Une méthode qualitative
2. Des entretiens individuels semi-dirigés
3. Le guide d’entretien
II. La population étudiée
1. Critères d’inclusion
2. Critères d’exclusion
3. Recrutement
4. Déroulement des entretiens
III. L’analyse des données
1. La retranscription
2. L’analyse thématique
RÉSULTATS
I. Les médecins participants
II. L’analyse qualitative des entretiens
1. Une appréciation variée du dispositif
1.1 Un système contraignant et infantilisant
1.2 Un système apprécié revalorisant les pratiques
1.3 Un système non contraignant
1.4 Une tutelle syndicale
1.5 Une adhésion passive
2. La ROSP et l’argent
2.1 Une bonne alternative au paiement à l’acte
2.2 L’importance de préserver le paiement à l’acte
2.3 Une revalorisation déguisée du « C »
2.4 L’argent comme élément de motivation ?
2.5 Utilisation des revenus générés
2.6 Des ressources épuisables
2.6.1 Inhérentes au coût financier
2.6.2 Inhérentes à la nouvelle génération de médecins
3. Nature et contenu des indicateurs
3.1 La pertinence des indicateurs retenus ?
3.1.1 Le diabète
3.1.2 L’hypertension artérielle
3.1.3 La vaccination antigrippale
3.1.4 Les antibiotiques
3.2 L’émergence des génériques
3.3 Une modalité critiquable
3.4 Une stratégie pharmaceutique
3.5 Des barrières à la réalisation des objectifs
3.5.1 Inhérentes à la pratique médicale
3.5.2 Inhérentes à la patientèle
3.6 Vers d’autres indicateurs
4. La problématique éthique du dispositif
4.1 Un conflit d’intérêt financier sur la santé du patient
4.2 Une adaptation de la pratique médicale aux indicateurs « rémunérateurs » ?
4.3 Une rémunération non méritée sur des objectifs déontologiquement évidents
5. Les rapports à l’Assurance Maladie
5.1 Un partenariat légitime et nécessaire
5.2 Une redéfinition de la place du médecin traitant
5.3 Le rôle informatif de l’AM
5.4 La crainte d’une relation servile
5.5 La méfiance de la fiabilité des résultats
6. La relation médecin-malade
6.1 Faut-il en informer le patient ?
6.2 Une relation inchangée
6.3 Un risque de sélection de la patientèle
6.4 L’ordinateur : vers une relation triangulaire
7. Vers une autre médecine ?
7.1 Une revalorisation de la médecine préventive
7.2 Une évolution de la médecine libérale
7.3 Une standardisation et homogénéisation de la médecine
7.4 Vers un système britannique/américain
7.5 Une démarche politico-économique
DISCUSSION
I. La méthode
1. Le choix de la méthode
2. Les médecins rencontrés
3. Le guide d’entretien
4. Le déroulement des entretiens
5. La retranscription et l’analyse des données
II. Les principaux résultats
1. Une adhésion étonnante au dispositif
2. Les indicateurs de la ROSP
2.1 Un certain consensus en leur faveur
2.2 L’émergence des génériques
3. L’Assurance Maladie fin stratège
3.1 Des images explicites
3.2 Unique juge et décideur
3.3 Un but économique caché
4. La ROSP au sein de la pratique
4.1 Une coquille vide ?
4.2 La ROSP comme atteinte aux libertés
5. L’argent de la ROSP
5.1 Efficacité des mesures incitatives
5.2 Un manquement à l’éthique professionnelle
6. L’avenir
6.1 Une étatisation de la médecine
6.2 Des perspectives d’évolution de la ROSP
7. Des pistes de recherche envisageables
CONCLUSION