L’importance de l’innovation dans le secteur touristique se révèle être essentielle sur plusieurs points. D’un point de vue économique d’abord, selon Suisse Tourisme, la Suisse est confrontée à une augmentation accrue de la mondialisation qui a pour effet l’ouverture sur de nouveaux concurrents pour le pays helvétique, mais aussi un accroissement massif de l’arrivée de nouveaux marchés étrangers en Suisse comme par exemple le marché chinois, qui a augmenté de 521 % entre 2000 et 2013 (cité dans Bonding with Switzerland, 2016, p.9). D’un point de vue environnemental, une saisonnalité trop variable génère principalement des hivers trop chauds entrainant ainsi une nette diminution des visiteurs durant cette période. Et enfin, d’un point de vue psychosocial, il faut également noter l’importante progression des nouveaux outils technologiques comme les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) qui ont pour principal impact d’accélérer le processus d’échange d’informations. Ainsi, elles entrainent obligatoirement, pour les entreprises, des mises à jours plus rapides « En effet, celles-ci leur offrent de plus grandes possibilités à innover afin de diversifier leur offre et de personnaliser les prestations aux touristes. » (Aldebert, 2004, p.6) Il faut également noter que le client arrive bien mieux informé qu’il y a quelques années. En effet, ce dernier a la possibilité de s’informer de manière précise via internet sur le produit recherché, bien avant de le consommer.
Les acteurs du domaine touristique sentent leur emploi menacé et on peut alors observer diverses réactions telles que l’augmentation de la concurrence, la recherche de subventions en tant que « victimes » d’une situation non maîtrisable ou la recherche de solutions créatives. Dans cette étude, l’innovation est considérée comme une opportunité pour développer de nouveaux marchés ou de nouveaux modèles d’affaire et donc comme une solution stratégique essentielle. Innover sous entend sortir de sa zone de confort afin d’essayer quelque chose de différent, quelque chose d’incertain alors que pour Sarvathy, « L’incertitude est d’ailleurs considérée comme une ressource dans le processus de création » (L’incertitude entrepreneuriale et la théorie de l’effectuation, 2015, p.71). Peu d’entreprise en sont conscientes et c’est souvent par là que débute le problème.
« BONDING » WITH CUSTOMERS
Le terme anglophone bonding vient du terme bond qui signifie le fait de créer des liens forts et durables. Il est important de noter que l’accent se porte particulièrement sur la qualité du lien qui se doit résistant.
LIENS FAIBLES/ LIENS FORTS – LA THEORIE DE GRANOVETTER
Le concept expliqué par Granovetter en 1973 était que, bien que les liens forts soient utiles dans bien des domaines, les liens faibles entre individus sont tout aussi importants. L’individu établit des liens forts avec les membres de sa famille, ses amis etc…, mais a aussi développé des liens faibles avec des personnes de son entourage. Ces liens faibles ne sont pas à négliger, car il constitue un réseautage important pour l’individu, d’autant plus de nos jours, où les liens faibles sont plus faciles à créer et entretenir. De plus, Granovetter démontre que grâce à ces liens faibles, les individus du réseautage, ne se connaissant pas de base, peuvent établir des connexions avec d’autres personnes. Sans le lien faible de base, cela n’aurait pas été possible (voir figure 1) « […] the signifiance of weak ties is that they are far more likely to be bridges than are strong ties » (Granovetter, 1981, p.208). Il relève également que les individus issus de liens faibles auraient une meilleure capacité à diffuser de l’information que ceux ayant des liens forts. Une étude a également démontré que les personnes utilisant leurs liens faibles pour trouver un travail avaient plus de chance de le dénicher que celles utilisant uniquement leurs liens forts. (Granovetter, 1981, p.205) Dans sa théorie revisitée de 1981, Granovetter (p.216) a également relevé l’importance des liens faibles pour l’innovation au sein d’une communauté, mettant en avant l’esprit marginal de certains individus pouvant ainsi apporter les nouvelles idées.
Chubin point out that marginals, in science, can better affort to innovate ; […] adoption is sure to affect the innovator’s position in the speciality as well. Weak ties are transformed ; the former marginal may become the nucleus of a cluster. (Granovetter, 1981, p.216)
Il faut également souligner une différence d’utilité entre liens forts et faibles, expliquant ainsi que les liens faibles sont présents pour créer des connexions, mais que les décisions finales restent de l’ordre des liens forts. « Weak ties provide the bridges over which innovations cross the boundaries of social groups ; the decision making, however, is influenced mainly by stronger-ties network in each group » (Granovetter, 1981, p.219)
En conclusion, la théorie de Granovetter illustre parfaitement la raison pour laquelle les liens, quels qu’ils soient, ne sont pas à négliger, d’autant plus avec la société actuelle. Cette théorie permet d’agrandir fortement le réseau d’un individu en utilisant les liens faibles pour établir des liens forts, mais aussi « d’utiliser » ces liens faibles afin de parvenir à des fins personnelles. La notion de communauté étant construite avec une majorité de liens faibles, il est d’autant plus rassurant de constater que ces liens sont maniables et fortifiables, permettant ainsi la création de liens forts par la suite.
L’UTILITE DES LIENS FORTS
Comme évoqué précédemment, créer des liens avec ses clients est important, mais réussir à établir un lien fort et durable est vital. Comme les relations entre les être humains, plus le lien entre la compagnie et le client est fort, plus ce dernier sera enclin à rester fidèle à l’entreprise. Les entreprises ont plutôt tendance à chercher de nouveaux clients plutôt que de tisser un lien durable avec leur clientèle déjà présente. Les relations fortes auront tendance à influencer la valeur perçue qu’aura le client lors de l’achat d’un produit. « It is evident that strong relational bonds and innovative marketing form an important link. » (Wu & Lin, 2014, p.55) mais c’est également un moyen de fidéliser le client à l’entreprise « Le véritable enjeu consiste à créer un lien affectif fort entre les clients et l’entreprise, pour susciter une fidélité « irrationnelle ». » (Kalfon, 2009, p.114) .
Par ailleurs, plus les liens tissés sur la relation entre l’entreprise et le client seront forts, plus la confiance entre les deux partis sera importante. Il est essentiel, au préalable, de construire une relation basée sur des liens solides pour pouvoir ensuite établir un sentiment de confiance et d’engagement via des interactions fréquentes. (Wu & Lin, 2014, p.56-57). Au travers de leur étude, Wu & Lin (2014, p.64) sont arrivés à la conclusion qu’établir des liens forts avec les clients et élaborer un marketing basé sur l’innovation augmentaient la valeur perçue, la satisfaction, la loyauté et la confiance. Selon l’étude, les visiteurs, qui avaient développés une relation plus forte avec l’entreprise, revenaient automatiquement visiter le site.
INNOVATION
QU’EST-CE QUE L’INNOVATION ?
Qui dit innovation, dit prise de risque. Mais alors, pourquoi innover ? D’après Ottenbacher et Gnoth, « Innovation can improve the quality of products or services, enhance corporate image, strengthen customer loyalty and attract potential customers » (cité dans Journal of managment and strategy, 2014, p.55) Cependant, si innover était si simple, aucune entreprise n’aurait de problème dans le domaine. Innover implique une rupture dans la manière de faire, une prise de risque considérable, sans savoir si le produit lancé aura le succès escompté. Et, bien souvent, l’entreprise estime que l’enjeu est trop incertain et opte pour un statu quo plutôt que de s’efforcer à innover.
Au contraire, un des risques majeurs pour la survie d’entreprise, c’est celui ne [sic] pas innover ou de ne pas être capable d’innover efficacement. En fait, c’est en maîtrisant la tension nécessaire entre prise de risque et innovation que l’entreprise va utiliser un formidable levier capable de lui donner un avantage concurrentiel. (Lacoste-Bourgeacq & Morin, 2009, p.3).
Il est cependant intéressant de développer ici le terme « maîtrise de risque », car on ne peut maîtriser que ce qui est déjà connu. En effet, pour innover il faut pouvoir déborder sur l’inconnu tout en ayant une bonne maitrise, non pas du risque, mais de soi. Un autre terme à envisager serait alors la « gestion du risque » plutôt que « maitrise du risque ». Comme l’explique Dionne en 2013 (p.8) « La gestion des risques a pour but de créer un cadre de référence aux entreprises afin d’affronter efficacement le risque et l’incertitude. » Gérer le risque, c’est être conscient des problèmes qui peuvent surgir, et réussir à les manager au fur et à mesure, tout en se maîtrisant soi-même. Néanmoins « Il ne faut donc pas chercher à opposer risques et innovation. Maîtriser les risques n’est pas suffisant, il faut savoir les associer à une innovation pour démultiplier son succès » (Lacoste-Bourgeacq & Morin, 2009, p.175) On peut définir deux sortes de stratégies d’innovation. Tout d’abord, la stratégie de rupture, consistant à innover à partir d’une base totalement nouvelle en imaginant ce que serait le produit final. L’innovation de rupture est l’élaboration d’un produit qui va totalement sortir des habitudes. Cette vision stratégique aura un effet final bien plus important, mais comporte également un plus grand risque. Ensuite, la stratégie incrémentale, qui implique une base déjà construite ainsi qu’un marché déjà existant. La prise de risque est minime, car au final on sait dans quoi on va se lancer, le chemin est plus rassurant. On peut parler ici d’amélioration innovante plutôt que d’innovation. Cependant, privilégier une des deux stratégies n’apparaît pas comme la meilleure des solutions. L’idéal serait un parfait mélange entre ces deux visions. La stratégie de rupture se mesure plutôt comme un succès à long terme, où le développement se construit entièrement de A à Z. Alors que la stratégie incrémentale peut offrir un succès rapide, mais uniquement sur du court terme (LacosteBourgeacq & Morin, 2009, p.30). On peut également associer la stratégie incrémentale avec le terme d’excellence opérationnelle, qui se définit par l’optimisation d’un produit déjà élaboré.
|
Table des matières
Introduction
Problématique
1. « Bonding » with customers
1.1 Liens faibles/ Liens forts – La théorie de Granovetter
1.2 L’utilité des liens forts
2. Innovation
2.1 Qu’est-ce que l’innovation ?
2.2 La théorie en U
2.3 L’innovateur
2.4 Désapprendre pour mieux apprendre
2.5 La flexibilité stratégique
2.6 L’innovation dans le tourisme
2.7 L’innovation dite « ouverte »
3. Return On Community
3.1 L’aspect de communauté
3.2 La communauté de marque
3.3 La notion de marketing participatif
3.4 La co-création
3.5 L’intelligence collective
3.6 Le leader d’opinion
3.7 La récompense
3.8 La typologie du client
4. Customer experience
4.1 Les besoins du consommateur
4.2 Les émotions du consommateur
4.3 La création de valeur ajoutée
5. La collecte de données
5.1 Entretiens semi-directifs
5.2 Analyse des entretiens semi-directifs
5.3 Discussion des entretiens semi-directifs
5.4 Sondage
5.5 Analyse du sondage
5.6 Discussion du sondage
Conclusion
Références
Annexe I Entretien semi-directif avec l’entreprise Dahu Concept
Annexe II Entretien semi-directif avec l’entreprise Remoras
Annexe III Entretien semi-directif avec l’office du tourisme de Morges
Annexe IV Entretien semi-directif avec l’entreprise Paresia
Annexe V Entretien semi-directif avec l’entreprise Travelise
Annexe VI Entretien semi-directif avec la compagnie du chemin de fer MOB
Déclaration de l’auteur
Télécharger le rapport complet