Comment le jeune enfant devient-il un sujet actif pour apprendre au sein d’un groupe d’élèves ?

« Ceux qui découvrent l’univers scolaire comme un univers relativement nouveau et étranger dépendent le plus complètement de l’école pour réussir . » Les enfants de petite section découvrent cet univers nouveau que nous décrit Lahire. Ils arrivent dans un nouvel espace réglementé avec de nouveaux adultes référents. Beaucoup de changements s’effectuentdurant l’année de petite section. Autant de changements qui vont leur demander une grande adaptabilité aux exigences de ce lieu. C’est ce que j’ai pu constater dans ma classe de petite section.

L’effectif étant de 28 élèves, nous avons dû vite nous acclimater à la dynamique de ce niveau de classe particulier et singulier. Particulier car ce niveau est propre aux enfants de trois à quatre ans et singulier, car il représente la première immersion au sein de l’école. Les sphères de développement de l’enfant qu’elles soient physiques, cognitives, affectives ou sociales sont inséparables.

L’élève, un statut particulier

Quelle évolution historique de l’élève dans le temps ? 

Avant de s’intéresser aux pratiques à mettre en œuvre dans la classe, je m’intéresse aux éléments qui construisent le devenir élève. Une approche historique sur la formation de l’élève nous permettra ensuite d’analyser les attendus des programmes actuels puis de définir la notion d’élève du point de vue de Meirieu. Alors qu’il n’existait jusqu’à la fin du XIXème siècle, que des maisons d’asiles pour enfants, c’est en 1881 que la loi Jules Ferry définit l’école « maternelle » publique comme une institution à part entière, laïque, gratuite et non obligatoire. C’est à Pauline Kergomard que l’on doit, en France, les premiers apports sur les besoins spécifiques du jeune enfant. Elle préconise le respect de l’enfant et le jeu comme forme naturelle de l’apprentissage.  En 1887, les institutrices sont formées en Écoles Normales spécifiques à l’école maternelle. L’enfant est capable d’apprendre et il faut nourrir sa curiosité. A l’époque, devenir élève n’est pas la priorité de l’école maternelle. Il s’agit de prendre en compte les capacités des enfants pour les ouvrir au monde qui les entoure.

Au début du XXème siècle, le développement des sens, du corps et de l’hygiène est privilégié sans toutefois intégrer les apprentissages que l’on connaît aujourd’hui. C’est seulement en 1977, qu’une circulaire indique que la pédagogie doit être centrée sur l’enfant, « acteur de ses apprentissages ». Le rôle éducatif de l’école maternelle commence à se dessiner. En 1985, les programmes scolaires précisent que toutes les potentialités de l’enfant doivent être prises en compte afin de lui permettre de réussir à l’école et dans la vie. L’année suivante, les apprentissages se précisent dans quatre domaines d’activités (éducation physique, expression orale et écrite, expression artistique et sciences). Trois objectifs sont clairement identifiés : scolariser, socialiser et faire apprendre. On se rapproche de l’idéologie de la maternelle d’aujourd’hui où l’enfant vient à l’école pour apprendre tout en prenant en compte ceux qui l’entourent, enfants et adultes.

En 1989, la loi d’orientation met l’enfant au centre du système éducatif, alors sectionné en plusieurs cycles d’apprentissages. En 1995, des programmes spécifiques font de la maternelle la base du système scolaire, complémentaire à l’éducation familiale. L’objectif est clairement de préparer à l’école élémentaire. Cela implique de conditionner l’enfant de maternelle à la posture d’élève attendue en école élémentaire. Les programmes de 2002 illustrent bien cette volonté en créant deux axes forts : la maîtrise du langage et l’éducation civique. Le « Vivre ensemble » apparaît comme premier objectif dans les programmes scolaires. Les programmes de 2008, bien que fortement réduis en termes de contenus, établissent le « Devenir élève ».

Du vivre ensemble au devenir élève, s’allient des compétences communes : construire sa personnalité au sein de la communauté scolaire, comprendre et s’approprier les règles du groupe, échanger et communiquer dans des situations variées. L’apport du devenir élève permet d’associer le vivre ensemble à la notion de savoir. L’élève devient autonome, sait dire ce qu’il apprend. Alors que la définition de l’élève se précise progressivement dans les programmes, que prévoit le dernier Bulletin Officiel de 2015 sur le devenir élève ?

Quelle place pour l’élève dans les instructions officielles ?

Les nouveaux programmes de 2015 combinent les deux préceptes de vivre ensemble et de devenir élève, décryptés précédemment. La section concernée s’intitule « Une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble ». Ces programmes s’inscrivent dans un cadre national particulier où le vivre ensemble réapparaît comme une priorité de l’École de la République. L’école fonde les bases de la citoyenneté en faisant respecter les règles et la laïcité. Elle s’inscrit parfaitement dans une pluralité de cultures parmi lesquelles les enfants vont évoluer. A l’école maternelle, « l’enfant est appelé à devenir élève ». On comprend qu’une progression sur tout le cycle 1 est à envisager par les équipes pédagogiques pour atteindre au mieux cet objectif.

Les attendus en termes de devenir élève sont explicités de la sorte : repérer les rôles des adultes, s’approprier la fonction des différents espaces et respecter les règles de vie. Dès l’école maternelle, les enfants participent au débat collectif pour construire leur pensée sur des sujets de société tels que l’égalité entre les filles et les garçons. Ainsi, l’école assure les principes de la vie en société. Deux objectifs sont cités : connaître les fonctions de l’école et se construire comme personne singulière au sein d’un groupe. Notons que le terme « élève » n’apparaît que neuf fois dans le programme contre plus de deux-cents fois pour le terme « enfant ». L’enfant est donc au cœur des programmes, l’élève, lui, se construit au long de sa formation. L’élève ne doit pas se réduire à sa fonction d’écolier sous peine de mettre à distance l’enfant qui le caractérise, omniprésent. Cette réflexion de terminologie a son importance quand on sait que les jeunes enseignants doivent employer le mot « élève » dans leurs présentations orales et écrites (lors du CRPE par exemple). La connivence entre ces deux termes est donc relative, prendre en compte l’élève de petite section c’est considérer l’enfant qui va progressivement construire cette posture. Pour cela, il faut se détacher du contenu purement didactique et pédagogique dans les préparations pour y intégrer certains autres critères comme l’attitude d’élève attendue dans une situation d’apprentissage. En effet, être élève c’est aussi savoir répondre aux attendus de l’école, de la société. C’est le processus de socialisation primaire, à savoir, la transmission des valeurs et des normes dans le but d’intégrer l’individu à la société et à son environnement social.

Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture consacre tout un domaine à la « Formation de la personne et du citoyen ». Bien qu’il concerne les élèves à partir du CP, l’école maternelle se doit de suivre les différents axes du socle pour préparer au mieux les élèves à la vie en société. Apprendre la vie en société, respecter les choix d’autrui et se former moralement et civiquement participe à la construction du futur citoyen et ce, dès la maternelle. Au cycle 1, cet apprentissage s’effectue à travers le respect des règles de vie, l’adaptation de soi dans un groupe hétérogène et l’initiation aux débats collectifs. L’école assure ainsi l’acquisition des principes de la vie en société. Mais entre l’élève et le futur citoyen, l’école renonce-t elle bien au formatage et à la normalisation des enfants ? Philippe Meirieu nous livre sa vision de l’élève pour y répondre.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. De l’enfant à l’élève : apprendre à apprendre avec les autres
I.1. L’élève, un statut particulier
I.1.1. Quelle évolution historique de l’élève dans le temps ?
I.1.2. Quelle place pour l’élève dans les instructions officielles ?
I.1.3. Vers une définition de l’élève : l’élève-sujet
I.2. La petite section, un cas d’école
I.2.1. Gestion de classe
I.2.2. De l’implicite dès l’entrée à l’école
I.2.3. Le lien avec l’acquisition du langage
I.3. Éviter les malentendus, quelles solutions ?
I.3.1. L’étayage : l’enseignant, médiateur des apprentissages
I.3.2. Vers un enseignement explicite
I.3.3. L’estime de soi, une variable indispensable
I.4. Les domaines du devenir élève
I.4.1. Vivre ensemble
I.4.2. Devenir autonome
I.4.3. Apprendre à apprendre
II. Former les élèves de petite section : expérimentation en classe
II.1. Enquête empirique
II.1.1. Présentation du terrain
II.1.2. Choix de la méthode
II.1.3. Formulations des hypothèses
II.2. Exemples des dispositifs mis en place pour apprendre à devenir élève
II.2.1. Les règles de vie
II.2.2. Le tutorat
II.2.3. Les responsabilités
II.2.4. L’estimomètre et autoévaluation
II.2.5 Un exemple de séquence « explicite »
II.3. Retour sur les hypothèses de départ
II.3.1. Règles de vie
II.3.2. Le tutorat
II.3.3. Les responsabilités
II.3.4. L’estimomètre et autoévaluation
II.3.5. Un exemple de séquence « explicite »
II.4. Perspective
CONCLUSION
ANNEXES
1. Progression « Devenir élève »
2. Séquence : Règles de vie
3. Progression des règles de vie avec explicitation
4. Séquence : tutorat
5. Les responsabilités
7. Fiche d’autoévaluation en motricité
8. Séquence sciences : Le corps
9. Grille d’évaluation « devenir élève » pour l’enseignant
BIBLIOGRAPHIE
I. Partie théorique
II. Partie méthodologique

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