Comment l’action intentionnelle s’inscrit-elle dans le temps ?

TEMPS ET SIMULTANEITE DANS L’INTERACTION HUMAINE

TRANSFORMATION MODERNE DE LA REPRESENTATION DU TEMPS

Abstraction du temps

Temps concret, temps abstrait dans les sociétés traditionnelles

Aucune société ne se représente le temps exactement de la même façon.
L’essai d’étude comparée du sociologue William Grossin permet d’identifier les traits distinctifs entre sociétés traditionnelles et société moderne. Cet essai a été réalisé à la suite de l’ouvrage Les cultures et le temps publié par l’UNESCO en 1975. Préfacé par Paul Ricoeur, celui-ci rassemble les contributions d’une dizaine d’auteurs contemporains , philosophes, historiens, ethnologues férus des sociétés analysées, qui constituent un riche fondement empirique pour l’étude de William Grossin. Le sociologue présuppose la pluralité des expériences temporelles – des temps- avant l’universalité d’une abstraction – le temps. Dans les sociétés traditionnelles, le temps abstrait n’existe pas. Il surgit de la vie, coïncide avec l’action, les phénomènes concrets. Par exemple, chez les Bahima, peuple de pasteurs en Ouganda, les temps sont déterminés par les soins à donner aux troupeaux de vaches : « la journée commence avec la traite, ou plus exactement la traite commence la journée » car c’est l’ouvrage qui détermine le temps. « Toute action, écrit William Grossin, s’effectue dans le temps même qu’elle engendre ». A plus long terme, les saisons donnent les caractéristiques de leur temps propre. Le cours de la lune et du soleil donne encore un autre temps, distinct mais nullement privilégié. L’homme n’a d’expérience du temps que par les phénomènes dans lesquels il se trouve impliqué.
De ces expériences temporelles concrètes, nait l’intuition d’un temps abstrait. L’étude de l’auteur fourmille d’illustrations parmi lesquelles nous puisons pour mettre en évidence trois aspects de ce temps abstrait. Le temps encadrant découle de la diversité des phénomènes des temps concrets. En particulier, le temps des phénomènes cosmiques, réguliers et indépendants des hommes, se superpose à celui des activités de la vie courante et s’impose comme réalité contraignante. Le temps est perçu et distingué chez Aristote pour qui le changement permet de reconnaitre le temps, et de l’isoler par conséquent des phénomènes. Enfin, le temps, universelle mesure existe en dehors des phénomènes cosmiques pour Saint-Augustin qui écrit : « Même si les astres devaient cesser d’exister, le tour du potier pourrait servir à mesurer le temps ».
Cette intuition d’un temps abstrait conduit à un « renversement métonymique », selon l’expression de William Grossin : les phénomènes, de producteurs de temps, en deviennent les produits. Mais la mesure du temps est encore relative : les phénomènes concrets se mesurent les uns par rapport aux autres.

L’instrument de mesure devient la réalité du phénomène : temps étalon et division du travail social

La transformation de la conscience du temps est inséparable de l’histoire de son instrument de mesure : l’horloge. Dans son ouvrage L’histoire de l’heure, Gerhard Dohrn-van Rossum, historien et philosophe spécialiste des techniques au Moyen âge, enracine la modernité aux origines du temps compté dans l’Occident médiéval : l’introduction de l’horloge mécanique dans les villes européennes à partir de la fin du XIVème siècle modifie la structure temporelle du quotidien urbain. Elle accompagne l’essor des activités marchandes et l’apparition d’un « temps du marchand » qui avait été notée par le médiéviste Jacques Le Goff.Comparée à l’horloge hydraulique, l’horloge mécanique à sonnerie constitue une innovation technique d’importance cruciale : alors que le temps mesuré par l’horloge hydraulique se lisait sur une échelle graduée des hauteurs grâce à l’écoulement continu de l’eau, le temps égal de l’horloge mécanique est le produit d’un battement régulier généré par un mécanisme articulé au train d’une roue dentée. La nouveauté radicale consiste à introduire dans l’écoulement continu du temps la pulsation distincte qui définit l’unité et le découpe. De la nouveauté encore quand à la différence des cloches des églises, l’horloge installée sur les tours des villes divise la journée en vingt-quatre heures et sonne jour et nuit. Ces deux nouveautés techniques offrent des perspectives pour de nouvelles formes d’organisation du temps. Les unités de temps fixes permettent le découplement de séquences temporelles : le temps de la messe, le temps du marché et le temps du conseil, par exemple, peuvent dès lors être déterminés indépendamment les uns des autres . Ce détachement n’est possible que grâce à l’existence d’une référence commune. Le temps-étalon est alors le temps qui mesure l’activité et non plus l’inverse.
L’évolution de la mesure du temps coïncide avec le développement de la division du travail social. De plus en plus, la société est rythmée par les activités de divers groupes qui doivent être synchronisés. Mais le « temps des villes » du Moyen Age, explique Gerhard Dohrn-van-Rossum, n’est devenu le temps abstrait mathématique qu’avec la Révolution scientifique au XVIIème siècle. La division des heures en minutes et en secondes n’entre en effet alors pas encore dans les usages habituels. C’est avec la Révolution scientifique que l’on peut parler de conceptions du temps comme un continuum gradué d’instants distincts. Avec la Révolution industrielle, puis l’accélération incessante de la circulation de l’information, les exigences de précision pour la synchronisation des différentes activités ne cesseront de s’accroitre. La technologie des horloges et les progrès des techniques de mesure se sont régulièrement développés pour répondre à ces besoins toujours croissants de précision. Mais le concept de « temps universel », devenu courant à la fin du XIXème siècle avec les conventions visant à unifier toutes les coutumes locales de définition du temps quotidien, restait un temps défini par l’astronomie. Or le cosmos tel qu’on l’observe ne peut servir de norme temporelle pour de très hautes exigences de précisions. Aussi, en 1967 un pas de plus, significatif, vers l’abstraction du temps est franchi avec l’horloge atomique : le temps est défini en termes physiques d’après les 9 192 631 770 vibrations qu’émet chaque seconde l’atome de césium. La seconde n’est plus définie par rapport à l’année mais par rapport à une propriété de la matière. La mesure du temps est désormais indépendante de la rotation de la terre. Sur la ligne mathématique du temps, divisible à l’infini, le temps est conçu comme un continuum d’instants distincts.

Le passé dans l’histoire

Le changement dans la représentation du temps résulte d’une évolution progressive, longue et complexe. Suivant William Grossin , on trouve par exemple la trace d’un effort d’histoire dans la Grèce ancienne où, bien que le présent ne soit considéré que comme la répétition d’un passé oublié, on raconte des événements avec grande précision mais sans date assurée : comme Thucydide, on y recherche des « vérités utiles à méditer » ou comme Hérodote, la satisfaction d’une curiosité pour les pratiques d’autres civilisations. « Cet effort d’histoire, écrit le sociologue, tout restreint qu’il soit, parait signaler l’apparition d’un temps moins circulaire, et la superposition de deux représentations temporelles annoncer un processus de longue durée au terme duquel la nouvelle représentation triomphera de l’ancienne ».
Au XVIIème puis au XVIIIème siècle, deux discours emblématiques s’affrontent dans le contexte de la transformation de l’histoire universelle : au Discours sur l’histoire universelle de Bossuet répond l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations de Voltaire. Bossuet concilie l’action divine avec la raison et la liberté humaine mais le carcan de la Providence tend à dévaluer tout changement historique . Ce discours est remis en question par Voltaire qui se prononce pour la séparation de l’histoire et des mythes religieux et exhorte l’homme à une connaissance vérifiée de son histoire. Emblématique des Lumières, l’Essai sur les moeurs témoigne de la découverte par l’homme de son existence historique. L’esprit scientifique et critique auquel les Lumières accordent la primauté face à l’obscurantisme religieux se manifeste ici avec la plus grande vigueur . Et quoi d’étonnant à ce que le sujet dont la philosophie politique du XVIIème siècle a fait la source de l’autorité cherche à connaitre une histoire dans laquelle il agit ?

Interaction sociale : la promesse comme échange de dons

Parole contre confiance : transaction sur le modèle de la « kula »

Parole contre confiance : c’est un échange de dons. Cette interaction vise l’alliance politique, à l’instar des transactions de la kula, l’institution trobriandaise. L’acte de promettre pourrait marquer cet « instant fugitif où la société prend, où les hommes prennent conscience sentimentale d’eux mêmes et de leur situation vis-à-vis d’autrui » mis au jour par Mauss. La promesse serait alors un fait social total. Promesse oblige, comme on l’a vu. Voyons si l’on y retrouve le jeu d’obligations de la trilogie donner-recevoir-rendre dans le don maussien. Nous nous limiterons dans un premier temps au niveau du binôme transactionnel pour mettre au jour la réciprocité impliquée par l’interaction donateur-donataire, c’est-à-dire promettant-destinataire. La réciprocité générale sera envisagée après avoir considéré la confiance, « la chose échangée », et son mode de circulation. Sur le modèle de la kula qui comporte deux mouvements distincts et de sens inverses, nous distinguons la parole dans un sens et la confiance dans l’autre.
Décomposons la transaction parole contre confiance, et commençons par la parole. (a) Donner : le promettant qui veut s’allier est obligé de gager sa réputation de bonne foi en donnant sa parole ; (b) recevoir : le bénéficiaire qui est obligé de la recevoir s’il ne veut pas refuser l’alliance, s’oblige à donner sa confiance ; (c) rendre : le bénéficiaire rend, si l’on peut dire, la réputation gagée par le promettant une fois que celui-ci a tenu parole, ou pour le dire autrement : le bénéficiaire délie le promettant une fois la chose promise reçue. Passons à la confiance. (a) Donner : le bénéficiaire qui veut s’allier est obligé de donner sa confiance ; (b) recevoir : le promettant est obligé de la recevoir, obligation impliquée dans le don de sa parole et s’oblige à la rendre ; (c) le promettant qui a tenu parole rend la confiance au donateur qui le délie une fois la chose promise donnée. Pour « rester dans le jeu », chaque partie doit accepter la règle de l’obligation impliquée dans son don. S’obliger est ce qu e coûte à chacun l’appartenance à un groupe. Cet endettement mutuel construit la relation.

Bonne foi et confiance inaliénables : réciprocité générale et continuité

L’enjeu de la réputation est crucial. Dans le cas de la promesse il s’agit précisément de la réputation de bonne foi, c’est-à-dire de la réputation d’être digne de confiance. La bonne foi qui est une disposition qui incline tenir compte des intérêts d’autrui est une vertu morale. Selon Aristote, la vertu est une disposition spécifique qui « a pour effet de mettre [la chose dont elle est vertu] en bon état et de lui permettre de bien accomplir son oeuvre propre » . Ainsi, la vertu de l’homme de parole est la bonne foi qui lui permet de veiller à respecter la confiance d’autrui. Nous ajoutons que la vertu qui est une disposition personnelle est par nature inaliénable, elle ne peut ni se vendre ni se donner. Ainsi pouvonsnous dire que la bonne foi est inaliénable. « Ce sont nos vertus et nos vices qui nous font louer ou blâmer » , dit Aristote. Le groupe dont il fait partie par ce jeu d’interactions juge l’homme selon qu’il respecte ou non la règle de bonne foi. Pour entrer « dans le jeu », la réputation du promettant est décisive. Il l’engage. S’il transgresse la règle de la bonne foi, il affrontera la sanction du groupe dont il perdra l’estime : l’exclusion.
La règle de la bonne foi, et le respect de la confiance donnée qu’elle induit, est profondément ancrée dans les mœurs.

Le sens et la fin de la promesse

Conventions préalables de langage et perspective

La promesse est un acte de langage qui, comme l’a montré la philosophie du langage, avec John L. Austin notamment, lie le promettant au destinataire : c’est un acte performatif qui fait ce qu’il dit : le locuteur disant « je promets » s’engage vis-à-vis de l’interlocuteur. La théorie du langage insiste donc sur le caractère social du langage. Mais cette perspective laisse dans l’obscurité le destinataire qui accepte la promesse. La perspective dans laquelle nous nous plaçons envisage la promesse comme une interaction. Cette interaction qui n’a lieu qu’envers les hommes et entre les hommes relève de la catégorie de l’action au sens politique que lui donne Hannah Arendt. C’est sous cet aspect de la promesse que nous la désignerons ici action politique. Quant à l’action de faire ou donner la chose promise par le promettant au bénéficiaire nous l’envisageons selon la catégorie arendtienne de l’œuvre. Dans la mesure où elle vise précisément de faire la chose promise, l’accomplissement, elle vise une fin, un achèvement qui lui est extérieur. Nous désignerons cet aspect-ci de la promesse : œuvre ou action.

Les deux facettes de la promesse : action politique et œuvre

La promesse est promesse d’autre chose qui appelle l’action. Cet « autre chose » que l’état présent est ailleurs dans le futur. Il est lié à une aspiration au « dépassement de soi » et recèle la signification de l’accomplissement à venir. La promesse ouvre des horizons de signification pour l’action qu’elle appelle.
L’action politique et l’œuvre nous permettent de distinguer le sens et la fin de la promesse : la promesse en tant que manifestation du désir de vivre ensemble dans la modalité du parler et de l’agir accueille le sens ; et la promesse qui oblige à faire la chose promise, engage dans l’accomplissement et fixe la fin. Nous allons tenter d’étayer ces deux aspects : le sens de la promesse réside dans la reconnaissance mutuelle des sujets et l’établissement de relations stables ; sa fin est de permettre aux agents de savoir à quoi s’attendre les uns des autres, et d’inscrire l’action (l’accomplissement promis) dans le temps.

Le sens de la promesse comme action politique : se reconnaître pour être ensemble

Dans la condition humaine de pluralité, nous dit Hannah Arendt, l’action et la parole sont les modes sous lesquels les hommes apparaissent les uns aux autres pour révéler leur singularité. C’est le sens de l’action politique, sa fin en soi. Pour Henri Bergson, un acte libre est un acte qui émane de la personnalité entière et repose sur la singularité des états de conscience reliés dans une durée hétérogène. C’est par l’acte que le moi fondamental s’extériorise dans la vie sociale. Nous pouvons donc dire que l’expression du moi fondamental est la fin en soi de l’acte libre, sa signification, et trouver que ceci s’accorde parfaitement avec la pensée de Hannah Arendt. L’expression de la singularité de chaque homme se conçoit difficilement autrement que librement.
La reconnaissance est directement liée à la pluralité des hommes. Dans son Parcours de la reconnaissance, Paul Ricoeur explore la voix passive de la reconnaissance de celui qui demande à « être reconnu » : « n’est-ce pas dans mon identité authentique que je demande à être reconnu ?» . Paul Ricoeur conçoit deux sortes d’identité : une identité substantielle au sens d’un même (idem) et une identité narrative au sens d’un soi-même (ipse) : « A la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie ».
Cette ipséité est l’identité du « qui » agit et dont l’histoire peut être racontée. Traitant de la reconnaissance de soi par les deux instances de la mémoire, rétrospective, et de la promesse, prospective, Paul Ricoeur souligne que la mémoire verse du côté de la mêmeté tandis que la promesse verse du côté de l’ipséité.

STRUCTURE TEMPORELLE DE L’ACTION INTENTIONNELLE

Qu’est-ce qu’une action intentionnelle ?

Action intentionnelle

L’action est un mouvement dont l‘homme est l’origine et qui produit un changement dans une partie du monde, aussi restreinte soit-elle. Elle manifeste la capacité d’initiative de l’homme. Mais si nous pouvons observer les mouvements, comment observer les intentions ? La notion d’intentionnalité caractérise une spécificité de la conscience de se porter sur ce qui lui est extérieur. Avec Husserl, la phénoménologie évacue la notion problématique d’objet intentionnel et la conçoit sur le mode d’une manière subjective de se rapporter au monde.
Envisagée par rapport à l’action, l’intention a trois traits saillants: Premièrement, toute description vraie d’une action ne décrit pas nécessairement ce que l’agent avait l’intention de faire. Par exemple : prendre un sac qui appartient à quelqu’un d’autre parce-que l’agent le confond avec le sien. Deuxièmement, les descriptions sous lesquelles l’agent a l’intention de faire quelque chose peuvent être vagues, indéterminées. Par exemple : poser un livre sur une table sans pour autant avoir l’intention de le poser à un endroit précis de la table. Troisièmement, les descriptions sous lesquelles l’agent a l’intention de faire ce qu’il fait peuvent ne pas s’avérer vraies comme, par exemple, dans le cas d’un lapsus. Ces traits de l’intention montrent, à tout le moins, son lien étroit avec l’action. D’abord parce-que l’action rend manifeste l’intention. Ensuite, parce-que l’intention « révèle la sensibilité de l’action à l’échec ou l’erreur pratique, c’est-à-dire la possibilité d’un décalage entre ce qu’on a l’intention de faire et ce qu’on fait effectivement ». Le rapport étroit de l’intention avec l’action se retrouve d’ailleurs dans l’expression « avoir l’intention de » qui vient du latin intendere arcum in qui signifie « tendre un arc vers »  . Intention dérive d’ailleurs du latin intentio qui a ces deux sens : « action de diriger » et « tension, intensité ». Il y a dans la notion d’intention ces deux aspects : d’une part, la visée, le but vers lequel la conscience se dirige ; d’autre part, l’idée de tension, d’un degré de force, qui renvoie à l’idée de volonté comme puissance. L’intention apparait donc comme la volonté d’une conscience d’atteindre un but. L’intention, qui est tension de la conscience de l’intérieur où elle se loge vers l’extérieur où elle se projette, se manifeste finalement dans le monde à travers l’action.
Une action intentionnelle est donc une action volontaire qui vise un changement dans le monde et peut être expliquée par des raisons d’agir. Elle met en branle un processus causal puisqu’elle produit des effets. Elle est enclenchée librement (sans contrainte) sur la base de la connaissance par l’ agent de la situation au moment d’agir et de ses conséquences prévisibles. Pour ces raisons, l’agent qui est à l’origine d’une action intentionnelle en est tenu moralement responsable.

TEMPS, ACTION ET LIBERTE DANS LE MONDE EN MOUVEMENT

Changement permanent dans le monde

Complexité et mouvement du monde

La complexité se manifeste le plus souvent sous la forme de l’incertain, de l’instable, d’interactions multiples, de contradictions, de changements rapides qui peuvent être radicaux, de l’incontrôlable en somme. Quand on dit d’une situation qu’elle est complexe, on veut d’abord signifier qu’elle nous échappe, qu’elle comporte une part irréductible d’inaccessible à notre entendement. Pour le dire comme Edgar Morin, « La complexité a dans un sens toujours affaire avec le hasard. […] Mais, ajoute-t-il, la complexité ne se réduit pas à l’incertitude, c’est l’incertitude au sein de systèmes richement organisés ».
Le monde dans lequel nous évoluons est complexe. Les crises parcourent le monde : crise financière, économique, sociale, identitaire, sanitaire, écologique, etc. La liste est si longue qu’on ne parle plus « des crises » mais de « La crise ».
La crise, état typique de la modernité. Elle s’inscrit dans une temporalité propre, au moment critique d’une rupture radicale avec le passé et d’une ouverture vers un futur imprévisible. En même temps, découvertes scientifiques et innovations technologiques viennent sans cesse élargir l’horizon des possibles. La rapidité des transports, les capacités offertes par les technologies de l’information et de la communication, les progrès techniques et scientifiques dans les domaines de la santé, de la conquête de l’espace, etc… ont changé profondément le monde : globalisation, mobilité et interdépendance le caractérisent.
Dans cette complexité, nous avons cette impression étrange : tout semble changer en permanence sans que l’on n’arrive pourtant à voir d’où viendra le changement véritable. C’est que du changement nous sommes passés au mouvement. Le changement consiste à passer d’un état sable à un autre état stable.
Or dans le changement permanent, l’émergence d’un nouvel état stable résiste de plus en plus à la description. Le sociologue Norbert Alter a bien décrit ce phénomène qu’il observe au niveau des organisations . Ce que l’on ne peut plus dépeindre que comme un flux incessant de changements, n’est autre chose que le mouvement – état de mobilité qui dure – d’un monde en perpétuel devenir.

Intérêt de la conception bergsonienne dans le monde en mouvement…

La conception bergsonienne de la décision comme progrès dynamique repose sur la durée et le mouvement indivisible. Or, le mouvement et l’incertitude qui sont inhérents à la complexité, semblent faire partie du monde. C’est pourquoi la décision du moi comme progrès dynamique dans la pensée de Bergson interpelle. Allons même au-delà de la décision individuelle : Peut-on concevoir autrement ce qu’est une capacité d’adaptation continuelle dans un processus de décision complexe qui comporte une part irréductible d’imprévisibilité, fût-il collectif ? Dans des situations complexes, évolutives par nature, nous acquérons de l’information au fur et à mesure de l’écoulement du temps. Dans ces conditions, la contiguïté du processus de délibération et de la mise en œuvre du plan d’action est un comportement rationnel.

Maitrise des risques et principe de précaution

Un danger est une menace identifiée et avérée comme résultant d’un scenario engagé et qui compromet la sûreté ou l’existence d’une chose ou d’une personne. Un danger doit être évité. Un risque est une menace susceptible de porter préjudice en cas de survenance d’un scenario, c’est à-dire de circonstances déclenchant son occurrence. La maîtrise des risques suppose leur identification, leur évaluation et la mise en œuvre des mesures adéquates pour les éviter. Car maîtriser n’est pas gérer et en matière de risques engageant de manière irréversible la vie humaine et son avenir, il ne fait aucun doute sur le plan éthiqu e que les risques potentiels ou avérés doivent être écartés. Prudence et sagacité doivent, dans ce domaine, être maitresses de l’action collective et justifient la délibération publique.

Facteur temps et progrès dynamique

Parce-que nous sommes des agents rationnels et devons coordonner nos propres activités entre elles et avec celles des autres, nous planifions.
Particulièrement dans des situations complexes, évolutives par nature, nous acquérons de l’information progressivement. Les processus de décision et de planification qui en résultent s’étagent dans le temps et doivent répondre continuellement à la double exigence rationnelle de cohérence entre les différences étapes des plans d’actions et de compatibilité entre la fin et les moyens, double exigence qui est mise en tension avec l’acquisition graduelle d’information. Cette tension se loge au cœur de la délibération rationnelle. Le «triple souci d’adaptabilité dans la mise en œuvre, de réceptivité à l’information et d’ouverture à la critique» tout au long du processus de décision milite en faveur d’une flexibilité de l’action collective et donne une prime à la réversibilité des décisions. Il implique la contiguïté du processus de délibération et de la mise en œuvre du plan d’action. Ceci est le propre de la dynamique d’un processus de décision complexe et s’apparente à une vision de la réalité plus organiste que mécaniste. A cet égard, le principal enseignement tiré d’une construction expérimentale relatée par Carbone et Hey confirme cette approche : les sujets mis en situation de s’engager dans un processus de décision complexe avec un certain niveau de risque et une part irréductible d’incertitude, renoncent (pourvu qu’ils l’aient d’ailleurs envisagé) à anticiper les décisions des étapes ultérieures à leur avancement. Au plan collectif, ce type de procédure se déroule en général sur un temps long au fur et à mesure que le projet se précise. Elle inscrit dans la durée la délibération – certes avec une irréversibilité progressive difficile à limiter encore – qui est alors de nature à favoriser l’émergence continue d’information et une adaptation progressive de l’action.

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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : TEMPS ET SIMULTANEITE DANS L’INTERACTION HUMAINE
1. TRANSFORMATION MODERNE DE LA REPRESENTATION DU TEMPS
2. LE PROCESSUS DE L’HISTOIRE
3. L’IDEE MODERNE DE PROGRES
4. LE PRESENT DE L’ACTION
5. PROMESSE ET MAILLAGE TEMPOREL  SYNTHESE
DEUXIEME PARTIE : COMMENT L’ACTION INTENTIONNELLE S’INSCRIT-ELLE DANS LE TEMPS ?
6. STRUCTURE TEMPORELLE DE L’ACTION INTENTIONNELLE
7. TEMPS, ACTION ET LIBERTE DANS LA DUREE INTERIEURE
8. TEMPS, ACTION ET LIBERTE DANS LE MONDE EN MOUVEMENT
9. INTENTION ET PROMESSE
SYNTHESE
TROISIEME PARTIE : APPLICATIONS DANS LE CHAMP DE LA RESPONSABILITE SOCIALE DE L’ENTREPRISE 
10. RESPONSABILITE SOCIALE DE L’ENTREPRISE : CONTEXTE
11. OBJETS ETUDIES : PRESENTATION ET ANALYSE
12. L’AMELIORATION CONTINUE COMME PROCESSUS
13. LA RSE COMME PROMESSE ET ENGAGEMENT  SYNTHESE
CONCLUSION 
ANNEXES 
I. Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales
II. Lignes directrices de la norme ISO 26000
III. Guide méthodologique de la démarche FReD du Groupe Crédit Agricole S.A.
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES

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