Comment la littérature de jeunesse sert-elle l’apprentissage du vocabulaire ? 

Comment la littérature de jeunesse sert-elle l’apprentissage du vocabulaire ?

Découvrir le vocabulaire en contexte : le sens des mots en contexte

Comme le souligne A. Lehmann (2011), une des idées reçues portant sur l’enseignement du lexique est de considérer les mots de façon isolée. Or, l’enseignement du lexique ne consiste pas à « soumettre aux élèves une liste de mots à mémoriser » (2011, p.1). Selon M. Cellier, un mot ne peut donc être isolé des autres mots « car la langue n’est pas un simple répertoire » (2008, p.33). De plus, « le stockage d’une information est intimement lié au contexte de l’acquisition qui peut être d’ordre affectif, cognitif ou social » (2015, p.28). Pour qu’un mot soit compris et mémorisé, il doit donc être mis en relation avec d’autres mots dans un contexte qui en facilite son appropriation. Etudier les mots en contexte (dans le contexte d’une phrase ou plus largement d’un texte) est donc une aide pour la compréhension car « ceux-ci ne prennent de sens que par rapport à un environnement lexical et syntaxique donné » (Cellier, 2015).
L’appropriation des mots est donc facilitée par une étude en contexte, milieu naturel, permettant de donner vie aux mots.
En effet, comme l’indique M. Cellier, « vocabulaire et syntaxe sont liés, avec des interférences entre la construction et le sens » (2015, p.27). La phrase offre un environnement syntaxique particulier qui influe sur le sens du mot permettant ainsi de rendre compte des subtilités de la langue, de la polysémie des mots et des affinités, « alliances particulières », qu’entretiennent les mots entre eux, qu’un mot pris isolément ne pourrait mettre en évidence. De la même façon,A. Lehmann explique que « les mots s’insèrent dans des phrases et sont soumis à toutes sortes de contraintes syntagmatiques. Les différentes acceptions d’un mot polysémique sont à mettre en relation avec les différentes constructions du mot, les synonymes ne sont substituables que dans certains environnements, certains mots s’associent entre eux pour former des assemblages spécifiques (collocations) consacrés par l’usage » (2011 p.3).
Dans cette logique, les verbes ont une place privilégiée dans l’enseignement du vocabulaire puisqu’ils structurent la phrase. Autour de ces verbes figurent des places vides qu’il est nécessaire de remplir par des noms que J. Picoche nomme les « actants », c’est-à-dire des « mots indispensables au verbe pour qu’il offre un sens complet » (2011, p.2).

Apprendre du vocabulaire grâce à la richesse langagière de la littérature de jeunesse

Dans cette perspective, la littérature de jeunesse est une entrée privilégiée pour étudier le vocabulaire car les élèves vont pouvoir se référer aux données du texte pour inférer le sens des mots. Comme l’explique M. Cellier, le contexte de la littérature va fournir à l’élève « un petit scénario narratif » donnant sens aux mots. D’après J.C. Chabanne, M. Cellier, M. Dreyfus et Y. Soulé, la littérature « offre pour les mots une fiction qui vaudrait définition » (2013, p.4). Autrement dit, c’est cet univers fictionnel qui sert de référence, « d’expérience initiale » au terme avant que le savoir lexical ne se construise.
D’après le B.O de 2008, « la richesse du texte littéraire permet des apports spécifiques : ces textes sont choisis pour la qualité de leur langue – correction syntaxique, vocabulaire précis, varié et employé à bon escient. L’étude du vocabulaire peut être mené à partir de supports textuels intentionnellement choisis ». Ainsi, la littérature de jeunesse peut permettre de construire des séquences d’apprentissage centrées autour d’un thème ou d’un champ lexical choisi dans l’objectif de faire acquérir du vocabulaire précis. Il est également possible d’envisager une lecture en réseaux autour d’un même champ lexical, comme c’est le cas dans notre séquence. Cette mise en réseau littéraire va élargir les contextes d’apparition des mots et permettre aux élèves de confronter leurs interprétations.
La pluralité des contextes offerts dans la littérature de jeunesse permet donc autant de rencontres avec des constructions syntaxiques différentes, qui selon M. Cellier « actualisent chaque fois un sens particulier » et permet de ce fait l’accès au sens d’un mot (2015, p.26).

L’intérêt des albums de littérature de jeunesse

Quelles sont les raisons qui peuvent encourager un enseignant à utiliser les albums de jeunesse à des fins pédagogiques en ce qui concerne l’apprentissage du vocabulaire ?
D’après S. Van der Linden, « l’album est une forme d’expression présentant l’interaction de textes (qui peuvent être sous-jacents) et d’images (spatialement prépondérantes) au sein d’un support, caractérisée par une organisation libre de la double page, une diversité de réalisations matérielles et un enchaînement fluide et cohérent de page en page » (2006, p.87).
C’est par l’album que l’enfant entre dans le monde de la littérature à l’école maternelle. Les caractéristiques décrites par S. Van Der Linden en font un outil idéal pour rentrer dans le monde de l’écrit. Au cycle 1, les illustrations confortent la compréhension d’une histoire oralisée par l’enseignant. Bien souvent cette histoire est reprise par l’élève qui prend plaisir à son tour à raconter à ses pairs. Au cycle 2, lorsque l’élève a découvert l’apprentissage de la lecture, l’interdépendance de textes et d’images prend une autre dimension. L’illustration et le texte sont subordonnés l’un à l’autre dans une interaction. Cette complémentarité texte-image apporte au lecteur des indices sur le contenu du récit, donne des précisions sur une situation, renforce une description. C’est un étayage propice à la découverte du sens d’un mot ou à sa consolidation.
Donner du sens, comprendre le sens de ce qu’on lit, voilà bien le centre des préoccupations de l’enseignant. Or, Plus l’élève comprend le sens de ce qu’il lit, plus il est impliqué dans l’histoire.
Plus il en saisit la subtilité, plus elle sera porteuse de sens à ses yeux.
L’interaction texte-illustration, en facilitant la compréhension, fait rentrer en scène le jeu de l’affect. L’enfant se sent concerné parce qu’il comprend qu’il a été confronté à des situations identiques. Il se retrouve. Il peut alors s’identifier au héros. Toute l’histoire par le biais subtil des relations texte-image résonne en lui et il s’imprègne de mots justes qui décrivent ce qu’il a vécu, ressenti. L’impact sur la mémorisation en sera d’autant plus déterminant.
L’album se révèle être un support inducteur de motivation et d’intérêt. Il est attrayant et ludique pour les élèves qui prennent plaisir à le feuilleter et à admirer ses illustrations. De plus, les textes sont généralement courts et constituent une histoire à part entière.
C. Tisset et R. Léon expliquent par ailleurs que l’enfant est séduit par l’album « parce qu’il s’agit de vrais livres … qui proposent des personnages et des situations variés parmi lesquels, à un moment ou à un autre, chaque enfant peut se reconnaître et trouver son miel » (1992, p.33).
L’élève se retrouve alors dans la situation d’un lecteur tenu en haleine par son récit.
De plus l’enseignant n’est pas limité dans son choix. Il existe une multitude d’albums parmi lesquels il peut sélectionner ceux qui lui semblent pertinents en fonction des apprentissages.
Pour le cycle 2, les programmes privilégient l’enseignement du vocabulaire par l’accès au sens et au contexte. Les albums s’insèrent totalement dans cette orientation. Mais ils ne se suffisent pas à eux-mêmes pour enrichir un corpus, sans une manipulation systématique et une étude approfondie menant à l’acquisition d’un vocabulaire actif.
Ils restent indéniablement un support de qualité offrant des dimensions que l’on ne rencontre dans aucun autre type d’écrit.
Vers une appropriation à long terme : des activités complémentaires pour consolider les connaissances

Des activités réflexives et explicites

Comme le souligne M. Cellier, « la seule rencontre avec les mots et une attitude trop passive ne permettent pas une mémorisation correcte. Il faut employer des méthodes actives qui permettent aux élèves de prendre la langue comme objet d’observation et de manipulation » (2015, p.27). Autrement dit, ce n’est pas en exposant les termes de manière fortuite que les élèves vont pourvoir les mémoriser et les réutiliser. D’après les propos de P. Joole, il ne faut pas envisager l’apprentissage du lexique comme un simple « trajet qui irait de la connaissance de mots nouveaux à leur utilisation ». Une simple exposition aux mots ne va pas permettre aux élèves de les réemployer. En effet, « entre ces deux pôles s’intercalent une ou plusieurs séances au cours desquelles les élèves sont invités à prendre en compte des critères de la langue » (2011, p.2). Il faut prévoir des activités explicites et réflexives sur les mots rencontrés dans les albums pour permettre leur réutilisation en contexte. L’acquisition du vocabulaire suppose diverses activités permettant de repérer la logique de la langue et ses régularités selon trois domaines lexicaux (domaine sémantique, morphologique et historique). Au cycle 2, ces activités mêlent à la fois étude du sens des mots, des relations de sens entre les mots et de la formation des mots. L’aspect historique n’étant étudié qu’à partir du cycle 3. D’après M. Cellier, il faut envisager le lexique comme un réseau de mots reliés les uns aux autres « par des relations de sens (synonymie, antonymie, champ lexical…), de hiérarchie (hyperonymie), de forme (dérivation), d’histoire (étymologie et emprunts divers) » (2011, p.1).

En quoi le vocabulaire des émotions est-t-il intéressant ?

Le champ lexical des émotions

Pour commencer, faisons la distinction entre champ sémantique et champ lexical qui sont souvent confondus. « On réserve généralement le terme champ sémantique pour caractériser le fonctionnement propre à une unité lexicale » (O. Marmoux et J. Zermatten, dictionnaire numérique des écoliers, formation des personnels inscrits dans l’opération, 13 octobre 2010), c’est-à-dire le champ sémantique d’un mot est l’ensemble des sens de ce mot. Alors qu’on réserve le « champ lexical pour décrire des relations entre plusieurs unités lexicales. » (Olivier Marmoux et Jean Zermatten, 2010), en d’autres termes le champ lexical d’un mot est l’ensemble des mots se rapportant à la même idée. Prenons un exemple : chemise, montagne font partie du champ sémantique de col ; vert, bleu, rouge font partie du champ lexical des couleurs.
Pour continuer, je ferai un éclaircissement sur la différence entre les émotions et les sentiments.
Je m’appuierai ici sur les dires de Francis Grossmann et Françoise Boch dans « Production de textes et apprentissage lexical : l’exemple du lexique de l’émotion et des sentiments » (2003).
Pour distinguer ces deux termes, F.Grossmann et F.Boch s’intéressent à la cause : « on est conduit à distinguer les émotions, affects transitoires, causés mais non orientés vers un objet humain ou abstrait, appelés « émotion », et les affects orientés vers un objet humain ou abstrait, qui peuvent être durables, que l’on peut qualifier plutôt de « sentiments » » (2003, p.6). En d’autres termes, un sentiment est dirigé vers quelqu’un ou quelque chose, pour une émotion c’est la cause qui est prise en compte. Afin d’illustrer ces propos je reprendrai les exemples de F.Grossmann et F.Boch : « j’aime Jeanne (objet de mon amour) » (2003, p.6) donc l’amour est un sentiment, « la peur du vide est la peur causée par le vide » (2003, p.7) d’où la peur est une émotion. Ils ajoutent, en reprenant les termes de J. Picoche, « les émotions sont des expériences liées au corps, tandis que les sentiments sont des expériences liées au cœur. » (2003, p.7).
Le champ lexical des émotions est alors très riche. Il regroupe des verbes (aimer, pleurer, hurler, …), des noms (joie, tristesse, colère, …), des adjectifs (content, triste, peureux, …), des expressions (heureux comme un poisson dans l’eau, trembler comme une feuille, …).

La richesse des expressions des émotions

Chaque jour, nous pouvons ressentir une foule d’émotions, il est alors important de pouvoir les partager avec les autres. Mais il est parfois difficile de trouver les mots justes pour décrire cette émotion. Nous nous efforcerons, dans ce paragraphe, de voir la complexité et la richesse du champ lexical des émotions.

Les manifestations physiques des émotions

Il est souvent aisé de deviner par l’expression du visage ce que ressent une personne. Les enfants l’ont bien compris de par leur « expérience personnelle des émotions » (Francis Grossmann & Françoise Boch, 2003) et peuvent associer certaines manifestations physiques à une émotion, comme par exemple : un sourire  la joie, les sourcils froncés  la colère, … Dans leur étude, Production de textes et apprentissage lexical : l’exemple du lexique de l’émotion et des sentiments, Francis Grossmann & Françoise Boch (2003) recueillent un extrait de dialogue entre une enseignante et ses élèves de CM2 qui a pour sujet « les émotions éprouvées lors d’une activité d’escalade ». Les élèves insistent sur ce qu’ils ont ressenti dans leur corps pour faire comprendre l’émotion qu’ils ont éprouvée : « dans le corps, il y a de la chaleur ou de la douleur » (2003, p.9), « dans les yeux, quand on pleure, il y a des larmes » (2003, p.9), « dans les mains, quand elles tremblent » (2003, p.9), « dans le ventre : mal au ventre, avoir un nœud à l’estomac » (2003, p.9) et bien d’autres. Francis Grossmann et Françoise Boch disent alors « on voit que les enfants sont en mesure de donner des indices de manifestation, d’associer les émotions à leurs manifestations physiques » (2003, p.9). Les albums sont intéressants de ce point de vue car les élèves ont tendance à beaucoup s’appuyer sur l’illustration. Celle-ci est remplie d’informations grâce notamment aux personnages et surtout à leur visage. Ils peuvent ainsi comprendre un mot peu ou pas connu en s’appuyant sur l’image mais aussi sur le contexte de l’histoire.

Le sens des mots

Les auteurs des albums utilisent très souvent le champ lexical des émotions afin de décrire les personnages (son caractère, ses réactions, …). Ils doivent donc trouver les mots justes et les diversifier pour éviter les répétitions. Ainsi, nous pouvons trouver, dans les albums, beaucoup d’expressions qui sont parfois abstraites mais qui sont riches de sens et intéressantes à étudier avec les élèves. Prenons l’exemple de l’expression « la mort dans l’âme » présente dans l’album.
Une forêt blanche et noire de C. Voltz, cette expression n’est pas commune et n’est pas facile pour des enfants, or grâce au contexte et à l’illustration, ils peuvent en comprendre le sens. Si, de plus, nous étudions plus précisément cette expression, on peut leur faire associer la mort au chagrin, au deuil qui traduit alors l’idée de tristesse. D’autres associations sont possibles comme celles avec les couleurs : « vert de rage », « une peur bleue », …, ou encore celles avec des animaux : « heureux comme un poisson dans l’eau », « avoir le cafard », … Les albums sont donc une véritable mine d’or pour les expressions concernant les émotions.
Ce qui est difficile avec les émotions c’est qu’elles ne sont pas éprouvées avec la même intensité selon les situations, les personnes, … Et c’est pour ça qu’il existe beaucoup de mots ou d’expressions pour une seule émotion. Prenons pour exemple la peur, dans son champ lexical nous pouvons trouver les mots « inquiet » et « terrifié ». On comprend bien ici que le mot terrifié est plus fort, au niveau sémantique, que le mot inquiet.

Formulation de la problématique et de l’hypothèse

D’une part, la recherche démontre qu’étudier le vocabulaire en contexte permet de donner du sens aux mots et que la littérature s’en trouve être un support privilégié. En effet, ces mots sont intégrés au sein d’une structure lexicale permettant de les mettre en lien les uns avec les autres.
En outre, le cadre du récit fictionnel est porteur de sens et joue sur l’affect alors source d’intérêt pour les élèves.
Cependant, M. Cellier souligne bien que partant de cette première rencontre les mots doivent être ensuite observés et manipulés afin de faire ressortir toute la logique de la langue. Des méthodes actives sont donc indispensables pour une mémorisation et une appropriation efficace des mots.
D’autre part, le concept d’émotion est abstrait pour un élève qui parfois est incapable de comprendre et/ou de verbaliser ce qu’il ressent. L’album est essentiel à cette approche, car l’enfant en s’identifiant au personnage peut s’approprier les mêmes émotions d’autant plus si elles lui sont familières. Cette rencontre lui permet non seulement de le conforter dans son ressenti mais aussi d’y associer un vocabulaire qui fera sens pour lui.
Au regard de la recherche et lors de la conception de ma séquence, je me suis donc demandée dans quelle mesure la littérature permet d’acquérir le vocabulaire de l’émotion ?
Cette problématique suppose l’hypothèse suivante :
La constitution d’outils et la mise en œuvre d’activités à partir du lexique découvert lors de la lecture d’albums de littérature jeunesse favorisent l’appropriation et le réin vestissement de ce vocabulaire.

Méthode

Participants

J’ai mené le dispositif dans une classe de CE1 de 25 élèves âgés de 6 à 8 ans dont 14 garçons et 11 filles, au sein d’une école élémentaire comptant 182 élèves issus de milieux socio-culturels plutôt favorisés.
Le projet d’école met en évidence la nécessité d’enrichir le vocabulaire. En effet, il a été constaté d’une part une pauvreté du lexique et d’autre part un manque de précision et de compréhension de la part des élèves. La langue française constituant l’objet d’apprentissage central des programmes, il m’a semblé opportun d’entreprendre un travail dans ce domaine.
Le niveau de la classe est homogène, j’ai cependant constaté des disparités au niveau de la maîtrise de la langue. J’ai pu observer qu’une inégalité importante existait entre les élèves concernant leur stock lexical. Cela m’a donc engagée à renforcer cette compétence.
C’est sur la base des évaluations et de mes observations faites au cours de l’année scolaire que j’ai déterminé 3 niveaux différents comme suit : 5 élèves en difficulté, 15 élèves représentatifs de la moyenne et 5 élèves se situant nettement au-dessus de la moyenne.

Matériel et procédure

Démarche adoptée

Le contexte d’apparition des mots est essentiel car il contribue à leur donner du sens, condition d’une bonne mémorisation. Cependant, il faut amener l’élève à se détacher de ce contexte initial d’acquisition pour qu’il prenne conscience que les mots s’utilisent dans des contextes différents.
Les mots doivent être décontextualisés, c’est-à-dire extraits de leur contexte de base, observés et manipulés au travers d’activités spécifiques sur la langue pour permettre à l’élève de les réutiliser à bon escient dans d’autres situations, de les recontextualiser. D’après Micheline Cellier, il faut privilégier des activités permettant des réemplois multiples, des « opérations de multirecontextualisation » pour consolider le sens et permettre l’accès des mots en vocabulaire actif. En effet, « plus un mot est réinvesti dans différentes phrases, plus la maîtrise de ses emplois s’affermit et plus il se détache du cadre de la première rencontre » (2015, p.36).
D’après les recherches de Micheline Cellier, il s’agit donc d’une démarche en trois temps.

Construction de la séquence au regard de cette démarche

Pour tester mes hypothèses de départ, j’ai construit une séquence d’enseignement autour de la démarche décrite précédemment. Chaque étape du processus suppose donc des outils et des activités précis qu’il s’agira de décrire. Cette séquence porte sur l’acquisition du vocabulaire des émotions à partir d’albums de littérature de jeunesse dont l’objectif final est de réinvestir le vocabulaire appris en production d’écrits. Mon choix s’est donc orienté sur le thème des émotions d’autant plus que les programmes de 2008 incitent les enseignants à étudier le lexique s’y rapportant. L’élève doit maîtriser un vocabulaire qui va lui permettre d’exprimer ce qu’il ressent, non seulement dans le cadre d’activités artistiques : « ces activités s’accompagnent de l’usage d’un vocabulaire précis qui permet aux élèves d’exprimer leurs sensations, leurs émotions, leurs préférences et leurs goûts », mais aussi dans le domaine des compétences civiques et sociales : « chaque élève doit être capable d’évaluer les conséquences de ces actes : savoir reconnaître et nommer ses émotions… ».
La séquence s’est déroulée pendant la 3ème période de l’année, soit de début mars à début avril et se décline en 10 séances détaillées en annexes.
La première séance est dédiée à l’évaluation diagnostique. Il s’agit ici de recueillir les mots déjà connus relatifs au champ lexical des émotions. Les deuxième, troisième et quatrième séances sont consacrées à la recherche du vocabulaire des émotions dans les albums de littérature de  jeunesse et à leur classement sur des outils récapitulatifs collectifs. La cinquième séance constitue une séance intermédiaire puisqu’elle contribue à la fois à établir un outil récapitulatif individuel, à utiliser le vocabulaire dans le contexte des albums puis dans un contexte différent.
Les sixième, septième, huitième et neuvième séances favorisent une appropriation des mots au travers d’activités spécifiques sur la langue et une recontextualisation dans d’autres situations. Enfin, la dernière séance consiste à évaluer les élèves sur le vocabulaire acquis en production d’écrits.

Détail de la séquence

Je vais m’attacher dans cette partie à détailler les grandes étapes de la séquence en veillant à mettre en évidence les outils élaborés et les activités mises en œuvre.

Evaluation diagnostique : séance 1

Afin d’avoir une idée précise du stock de mots déjà connu par les élèves concernant le champ lexical des émotions, j’ai mis en place en début de séquence une évaluation diagnostique. Il s’agissait d’observer des photos et de dire pour chacune d’elle ce que pouvait ressentir le personnage mis en scène. Plusieurs possibilités pouvaient être envisagées.
Celle-ci consistait donc pour les élèves à mettre en mots l’émotion ressentie à partir d’un signifiant (photos).

De la contextualisation à la décontextualisation : séances 2 à 5

Dans un premier temps, j’ai choisi d’étudier le vocabulaire des émotions au travers d’albums de littérature de jeunesse. Comme expliqué dans la recherche, cet outil constitue une entrée remarquable pour donner tout leur sens aux mots. Outre une richesse lexicale, les albums offrent à de jeunes enfants la possibilité d’être confrontés à des situations révélatrices du jeu subtil des émotions. Ma démarche a donc d’abord consisté à m’orienter vers le choix d’albums pour dégager un lexique précis concernant les émotions suivantes : la joie, la tristesse, la peur, la colère et la timidité. Pour offrir des contextes différents auxquels se référer, un champ lexical plus vaste, une variété dans les nuances de sens (plusieurs mots pour une même émotion), j’ai retenu six albums : « La chèvre de Monsieur Seguin » d’Alphonse Daudet, « Loulou » de Grégoire Solotareff, « Même pas peur ! » de Stéphane Frattini, « Aristide chien timide » de Joëlle Rodoreda, « La vie en bleue » de Carl Norac et « Chien bleu » de Nadja. Le corpus de mots sélectionné (présent en annexe 2) comporte donc autant de noms, de verbes, d’adjectifs et d’expressions permettant un réemploi efficace au sein d’un contexte.
Pour étudier et dégager le lexique des émotions de ces albums, j’ai donc construit des questionnaires. Les questions formulées, dont un extrait est présenté en annexe 2, ont été orientées de manière à ce que les élèves repèrent le lexique des émotions, certaines questions se référant non seulement au texte mais aussi aux illustrations. Les élèves ont pu par exemple se servir de ces illustrations pour éclairer le descriptif d’une manifestation physique absente dans le texte. Cette complémentarité texte-image a permis de compléter le texte, d’enrichir le sens d’un mot et ainsi d’en affiner sa compréhension dans un contexte défini. Les mots ont ensuite été capitalisés au tableau.
Au regard de la recherche, ce contexte de base ne suffit pas pour permettre une mémorisation efficace des mots. Dans un deuxième temps, des outils ont donc été élaborés avec les élèves pour les décontextualiser. Après chaque étude du vocabulaire sur les albums, celui-ci a été extrait et relevé sur des affiches collectives récapitulatives. Ces affiches ne constituent pas des listes de mots « en vrac », le champ lexical des émotions a donc été partagé en sous-rubriques : la joie, la tristesse, la colère et la peur. Les élèves ont pour chaque album établi en amont un classement des mots se référant à une même émotion, dont voici un extrait :

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Table des matières
INTRODUCTION 
1. État de l’art 
1.1. L’apprentissage du vocabulaire à l’école
Les textes officiels
Parle-t-on de vocabulaire ou de lexique ?
Que signifie acquérir du vocabulaire ?
1.1.3.1. Distinction entre vocabulaire actif et vocabulaire passif
1.1.3.2. Le stockage des mots en mémoire
1.2. Comment la littérature de jeunesse sert-elle l’apprentissage du vocabulaire ?
Découvrir le vocabulaire en contexte : le sens des mots en contexte
Apprendre du vocabulaire grâce à la richesse langagière de la littérature de jeunesse
L’intérêt des albums de littérature de jeunesse
Vers une appropriation à long terme : des activités complémentaires pour consolider les connaissances
1.2.4.1. Des activités réflexives et explicites
1.2.4.2. Des outils nécessaires à la mémorisation
1.3. En quoi le vocabulaire des émotions est-t-il intéressant ?
Le champ lexical des émotions
La richesse des expressions des émotions
1.3.2.1. Les manifestations physiques des émotions
1.3.2.2. Le sens des mots
1.4. Formulation de la problématique et des hypothèses
2. Méthode 
2.1. Participants
2.2. Matériel et procédure
Démarche adoptée
Construction de la séquence au regard de cette démarche
Détail de la séquence
2.2.3.1. Evaluation diagnostique : séance 1
2.2.3.2. De la contextualisation à la décontextualisation : séances 2 à 5
2.2.3.3. De la décontextualisation à la recontextualisation : séance 6 à 9
2.2.3.4. Evaluation sommative : dernière séance
3. Résultats 
3.1. Choix du traitement des données
3.2. Recueil de données
4. Discussion 
4.1. Retour réflexif sur mes hypothèses initiales
4.2. Limites du dispositif et perspectives
4.3. Apports concernant ma pratique professionnelle
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE

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