Comment définir et évaluer la qualité de vie ?

 DÉFINITION DE LA QUALITÉ DE VIE

Le concept de « qualité de vie»

L’origine du concept

Le concept de qualité de vie n’est pas une création du XXème siècle mais il a été précisé et développé à la fin des années soixante, en particulier dans le cadre du mouvement écologique. L’expression «qualité de vie» recouvre un concept relativement récent qui s’est complexifié au fil du temps. Elle aurait d’abord fait son apparition aux Etats-Unis dans les années cinquante. Au départ, elle se définissait par un bon niveau de vie dans la nouvelle société de consommation : possession d’appareils électroménagers modernes, d’automobiles, de maisons, composantes auxquelles se sont ajoutés plus tard les temps libres, l’épargne pour les vacances et les loisirs. En 1960, le rapport de la commission du président Eisenhower a élargi le concept de la qualité de vie pour y inclure l’éducation, la santé et le bien-être, l’économie et la croissance industrielle, ainsi que la défense du monde libre (FALLOWFIELD, 1990).

Le concept est progressivement devenu opératoire pour observer l’état des conditions de vie des populations urbaines. Le débat sur la qualité de vie s’est déroulé dans un contexte social caractérisé par deux mouvements conjugués. D’une part, la montée de la prise de conscience des nuisances issues de la société industrielle et des effets négatifs de la course au progrès économique et, d’autre part, l’avènement de la qualité de vie en tant que valeur sociale reconnue. C’est sous la menace des effets négatifs de la croissance que s’est effectuée la prise de conscience de la nécessité de réviser les orientations de l’économie. Des seuils de saturation semblaient être atteints tant en ce qui concerne l’économie des ressources mondiales que la vie quotidienne du citoyen (DURAND et HARFF, 1977). L’opposition entre, d’une part, la qualité de vie et, d’autre part, l’enrichissement et le développement économique connus lors des «trente glorieuses» se formulera en termes de nuisance, pollution, dégradation, bref un prix trop cher à payer pour ces progrès (LAMAU, 1992).

«Aurons-nous encore les moyens de nous montrer exigeants sur la qualité de la vie, alors que nous voyons diminuer la quantité des richesses produites» s’interroge BONNEFOUS (1975). Cette interrogation met en évidence le rapport vu par plusieurs chercheurs entre l’environnement, surtout biophysique, et la qualité de vie. De plus, la simple improvisation de politiques environnementales ne semble pas souhaitable pour l’économie et n’assurerait pas nécessairement une amélioration de la qualité de vie, même en période de croissance économique. Les modes de production et les produits créés pour obtenir une meilleure qualité de vie quelques décennies auparavant peuvent s’avérer être des obstacles à la qualité de vie actuelle et future.

L’évolution du concept de « qualité de vie»

«La qualité de la vie est de nos jours un enjeu que tout le monde préfère défendre, que certains prétendent vendre, que chacun est prêt à payer. Elle devient un produit central de notre société de consommation » (C.TOBELEM ZANIN, 1995).

Mais si le terme de «qualité de vie» est devenu une expression qui fait partie du vocabulaire courant des Français, ce concept que ROUGERTE (ROUGERIE, 1977) a défini comme étant la «fée nouvelle de la mythologie moderne » n’a pas pour autant acquis un sens précis et univoque. Selon C.TOBELEM ZANIN (1995), la recherche de définition d’un concept aussi vaste que celui de la qualité de vie pose avant tout un problème de dimensions et reste à l’évidence une notion sans frontière établie. Elle doit prendre en considération les aspirations sociales comme les préoccupations individuelles, elle véhicule les critiques et les contestations à l’égard de la société contemporaine, de la conjoncture ou des institutions, tout autant que les besoins ou les espoirs.

L’observation des nombreuses recherches menées sur le sujet au cours des trente dernières années révèle la difficulté d’approche de cette notion qui recouvre une multiplicité de significations très hétérogènes. Ainsi des chercheurs de différents domaines (sociologie, économie, géographie, statistiques…) se sont attelés à l’étude de la qualité de vie des populations et ont chacun proposé des définitions du concept que leur approche a pu révéler. Dans certains cas qualité de vie et bien-être ont été associés, dans d’autres on les a différenciés. Sans cependant définir la frontière entre les deux, on peut malgré tout constater que le concept a évolué a travers les années. Par exemple, HARLAND (1959) interprète la qualité de vie comme synonyme de vie agréable, de bien-être social, de protection sociale, de progrès social, il la définit comme «la totalité des biens, services, situations et états qui constituent la vie humaine et qui sont nécessaires ou désirés ». DALKEY et ROURKE (1973) définissent la qualité de la vie comme «un sentiment personnel de bien-être, la satisfaction ou insatisfaction de la vie, son bonheur ou son malheur ». BURTON (1977) voit la qualité de vie comme un complexe insaisissable (vague) qui a rapport avec quelque chose au-delà des objets matériels de la vie de tous les jours. J.B RACINE (1986) expose sa position sur les notions de qualité de la vie et de bienêtre en différenciant espaces perçus et espaces vécus. Il oppose le concept de qualité de vie et le concept de bien-être: la qualité de la vie exprime les moyens mis en oeuvre par les hommes dans leur vie matérielle et sociale quotidienne et renvoie le plus souvent à des indicateurs reflétant l’état des conditions matérielles et du niveau de vie d’un groupe humain, le bien-être est un concept plus complexe, renvoyant aux aspirations des individus et à une évaluation plus personnelle de l’ensemble des relations que l’individu entretient avec lui-même et avec l’extérieur.

Ces quelques exemples nous montrent que la qualité de vie recouvre autant de définitions que d’auteurs ayant écrit sur le sujet. Mais l’analyse des différentes définitions révèle une divergence entre les auteurs selon qu’ils considèrent la notion comme objective ou subjective. En effet, certains se sont tournés davantage vers une approche statistique visant à recenser l’absence (ou présence) ou la proportion d’indicateurs jugés révélateurs de la qualité de vie, et ceci dans une approche multicritère du concept (exemple LIU, 1976). A contrario, les sociologues ont basé leurs recherches sur la subjectivité de la notion et se sont concentrés sur des enquêtes auprès des populations pour étudier la perception des indicateurs, plus que leur réalité objective. S.ANTOINE et J.NAVARIN ont, par exemple, tenté de faire la synthèse de différents sondages effectués entre 1970 et 1978 par la SOFRES et l’IFOP, sur les français et la qualité de vie .

Le problème de subjectivité/objectivité de l’approche

Au cours d’une étude sur la qualité de vie, le problème de subjectivité et d’objectivité de l’approche se situe à deux niveaux la subjectivité du sujet étudié et la subjectivité du chercheur.

Tout d’abord, la perception de la qualité de vie par la population étudiée comporte un aspect objectif et un aspect subjectif. En effet, si certaines valeurs ou besoins sont universels (les besoins vitaux par exemple), d’autres sont spécifiques à une population donnée, à une culture donnée. La subjectivité de la perception des populations réside donc dans des «indicateurs variables» de l’évaluation de la qualité de vie, ou du moins dans «une pondération variable ». On s’aperçoit que les critères de qualité de vie dépendent des valeurs et des «normes» de chaque groupe social qui établit sa propre hiérarchie de critères, selon ses préférences, ses traditions et son mode de vie. Ce sont ces valeurs et ces normes qui induisent et conditionnent la subjectivité propre à chaque individu.

Ensuite, il est difficile de croire que le choix des indicateurs ou l’interprétation des résultats ne soient pas influencés par les jugements de valeurs et les propres perceptions du chercheur, intimement liés à sa propre culture et au conditionnement social qu’il a subi.

Alors que la plupart des travaux sur les indicateurs sociaux se sont attachés soit aux indicateurs subjectifs soit aux indicateurs objectifs, quelques chercheurs ont, ensuite, collecté les deux types d’indicateurs afin d’obtenir des mesures simultanément et mutuellement complémentaires. HUTTMAN (1978), l’un des chercheurs précurseurs ayant suivi cette piste, conclut que l’on ne peut se fonder ni sur les seuls indicateurs objectifs ni exclusivement sur les indicateurs subjectifs pour mesurer la qualité de vie. Selon des études récentes, des européens et américains confirment cette idée et préconisent l’utilisation de mesures à la fois subjectives et objectives pour avoir une compréhension de la qualité de vie (TURKSEVER et GUNDUZ, 2001). La recherche sera encore plus efficace si qualité et quantité, ou subjectivité et objectivité, ne sont plus traitées en opposition. La somme des connaissances accumulées par les deux tendances, de la qualité vers la quantité et de la subjectivité vers l’objectivité, se traduit par les variables liées à la perception et au comportement, qui constituent les propriétés des composantes du phénomène de qualité de vie (MUKHERJEE, 1989). Mais comme le remarque C.TOBELEM-ZANIN (1995), «il n’est pas surprenant qu’il y ait des divergences entre les conditions perçues par les individus et les conditions mesurées par les indicateurs objectifs. Il est évident que l’existence d’une relation directe entre les mesures objectives et les mesures subjectives de la qualité de vie rendrait l’un ou l’autre type d’indicateurs superflu, tout comme l’absence d’une telle association renforcerait l’idée de la nécessité d’employer les deux. […]I1 semble que la recherche des indicateurs objectifs et celle des indicateurs subjectifs se complètent. Les indicateurs nous éclairent sur les propriétés collectives de qualité de vie, alors que les indicateurs subjectifs nous renseignent sur les propriétés individuelles de bien-être.» .

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1: Comment définir et évaluer la qualité de vie ?
I. Définition de la qualité de vie
II. L’évaluation de la qualité de vie
Chapitre 2 : Les villes moyennes de l’Espace Atlantique
I. L’Espace Atlantique : un espace d’étude à l’échelle européenne
II. La «ville moyenne », une notion relative à l’espace d’étude
Chapitre 3 : Analyse comparative de la qualité de vie entre les villes moyennes et les grandes villes de l’Espace Atlantique français
I. La méthodologie de l’étude
II. Analyse comparative
Conclusion générale
Bibliographie

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