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Comment définir et caractériser l’insomnie
Comme l’écrit le professeur Costentin {1}
« Nombreuses sont les personnes qui souffrent d’insomnies au milieu de la nuit. De brefs réveils nocturnes sont physiologiques ; mais comme la pensée nocturne a une propension à l’enflure, à l’exagération, elle peut en majorer l’importance, alors qu’il ne s’agit encore que d’un modeste inconfort. Ce n’est pas parce qu’on entend sonner chaque heure de la nuit que l’on n’a pas trouvé le sommeil ; d’ailleurs le comble de l’insomniaque ne serait-il pas de rêver qu’il n’a pas fermé l’œil de la nuit ? »
L’insomnie se définit comme une insuffisance ressentie du sommeil, ou une mauvaise qualité restauratrice, associée à des retentissements diurnes à l’état de veille : fatigue, perte de concentration, manque de mémoire, morosité ou irritabilité, erreurs dans la réalisation de tâches. L’observation doit porter sur l’ensemble du cycle sommeil-éveil, conçu comme un tout.
La notion même d’insomnie repose sur la plainte ou la description qui en est faite par le patient. Le diagnostic spécifique de l’insomnie est complexe ; en effet, l’insomnie peut être considérée en fonction de sa durée, de sa sévérité, de sa quantité ou de sa qualité et de la présence ou non de comorbidités.
Approche diagnostique par le médecin généraliste
Le recours à des hypnotiques ou à des agents facilitant le sommeil, pour ne pas être galvaudé, doit s’appuyer sur des critères précis pour définir l’insomnie.
L’insomnie comporte un retentissement diurne et une altération de la qualité de vie (études de prévalence comparant des populations insomniaques versus non insomniaques).
Du fait du retentissement de l’insomnie et de l’absence fréquente de plaintes fonctionnelles de la part des patients (environ 24 à 25 % seulement de ceux qui présentent un ou plusieurs symptômes d’insomnie expriment une plainte concernant leur sommeil.)
Devant un patient se plaignant d’insomnie, le problème doit être abordé pour lui-même ; il doit aussi être considéré en fonction de l’histoire personnelle et de l’environnement de ce patient.
L’insomnie se diagnostique essentiellement par une évaluation clinique comportant un entretien approfondi, au moyen d’une approche somatique, psychologique et environnementale, et d’une étude de l’historique du sommeil, remontant même à l’enfance du patient.
Les principaux paramètres cliniques de l’évaluation de l’insomnie sont :
– le temps de latence de l’endormissement ;
– la durée des éveils en cours de nuit ;
– le nombre de ces éveils nocturnes ;
– le réveil matinal prématuré ;
– le temps total de sommeil ;
– l’efficacité du sommeil ;
– l’état diurne : fatigue, hypersensibilité diffuse, troubles de l’attention, irritabilité, performances psychomotrices altérées.
– temps (en minutes) passé au lit = délai entre l’heure du coucher et l’heure du lever ;
– temps (en minutes) total de sommeil = temps passé au lit – temps total d’éveil nocturne (incluant le délai d’endormissement, les durées d’éveils nocturnes et le délai entre l’éveil et le lever) ;
– index efficacité du sommeil = (temps total de sommeil/temps passé au lit) x 100 ;
– exemple : 320/450 x 100 = 71,1 %.
Ce calcul n’a de sens qu’en tant que moyenne sur une période donnée (par ex. 15 jours). La démarche diagnostique recommandée comporte les éléments suivants
Démarche diagnostique en cas d’insomnie.
1. Identifier la nature de la plainte, en considérant l’ensemble du cycle sommeil-éveil des 24 heures
– type ; ancienneté et fréquence ; sévérité ;
– répercussions diurnes : fatigue, tension, irritabilité, altération de l’humeur, trouble de la concentration, de la mémoire, somnolence excessive ;
– traitements déjà utilisés pour dormir et éventuellement en cours ;
– temps passé au lit ; temps de sommeil ; besoin de sommeil habituel.
2. Préciser les facteurs physiques d’environnement, les rythmes de vie et de travail, les habitudes relatives au sommeil, les facteurs d’hyperstimulation (activités excitantes en fin de journée, substances entretenant l’éveil, etc.), l’existence d’événements déclenchant, sources possibles de soucis ou de stress.
3. Rechercher les symptômes évocateurs de troubles organiques du sommeil associés, dont apnées (notamment chez les personnes âgées), les mouvements périodiques des membres, le syndrome des jambes sans repos, en recueillant si besoin l’avis du conjoint.
4. Rechercher une pathologie associée, aiguë ou chronique :
– état douloureux ;
– troubles psychiques anxieux et/ou dépressifs ;
– troubles somatiques (cardiopathies, troubles respiratoires ou thyroïdiens, reflux gastro-œsophagien, neuropathies dégénératives, etc.).
5. Détecter l’usage de substances perturbant le sommeil : médicaments, psychostimulants, alcool, substances illicites.
6. Rechercher des croyances, représentations ou pensées parasites pouvant entraîner des conditionnements mentaux défavorables au sommeil (par ex. : lien entre « se mettre au lit » et « certitude de ne pas pouvoir s’endormir »).
Ce n’est qu’à l’issue de cette investigation clinique, que pourra être affirmée la réalité de l’insomnie.
Diagnostiques de l’insomnie.
¬ Le patient rapporte une ou plusieurs des plaintes suivantes :
O difficulté à s’endormir
O difficulté à rester endormi
O réveil trop précoce
O sommeil durablement non réparateur ou de mauvaise qualité
¬ Au moins un des symptômes suivants relatif au problème du sommeil nocturne est rapporté par le patient :
O fatigue, méforme
O baisse d’attention, de concentration ou de mémoire
O dysfonctionnement social, professionnel ou mauvaise performance scolaire O instabilité d’humeur, irritabilité
O somnolence diurne
O baisse de motivation, d’énergie ou d’initiative
O tendance aux erreurs, accidents au travail ou lors de la conduite automobile O maux de tête, tension mentale et/ou symptômes intestinaux en réponse au manque de sommeil
O préoccupations et soucis à propos du sommeil.
Certains jugent de la sévérité en fonction de la présence du nombre de paramètres perturbés : difficulté d’endormissement, réveils nocturnes avec incapacité à se rendormir, sommeil non réparateur.
Insomnie sévère : au moins deux paramètres, au moins trois fois par semaine sur un mois, avec séquelles diurnes.
Il est à retenir que :
– l’insomnie est avant tout une plainte subjective des patients ; bien que ceux-ci évaluent souvent mal leurs temps de sommeil ou d’éveil nocturne, le praticien doit déterminer ses stratégies en fonction de cette plainte ;
– l’appréciation du caractère transitoire de l’insomnie ne peut évidemment se faire qu’avec le recul ;
Conclusion :
Une classification utile au praticien doit prendre en compte :
– d’une part des critères diagnostiques portant sur l’ensemble du cycle éveil / sommeil ;
– d’autre part, les éléments du diagnostic différentiel, qui prennent en considération les éléments suivants :
O La présence ou non d’un évènement déclenchant (insomnie réactionnelle ou non),
O La présence ou non d’autres troubles du sommeil associés,
O La présence ou non d’une comorbidité,
O La consommation ou non de produits psychostimulants, licites ou non,
O Le caractère aigu ou durable.
Épidémiologie de l’insomnie.
L’incidence annuelle de l’insomnie est inconnue ; les données existantes concernent la prévalence. Il s’agit de données subjectives et déclaratives, car il n’existe pas de données objectives sur l’épidémiologie de l’insomnie (réalisée à l’aide d’enregistrements du sommeil).
Lorsqu’une pathologie est clairement liée avec une classe pharmacologique, il est possible de déduire une prévalence à partir de la consommation médicamenteuse, c’est théoriquement le cas pour les hypnotiques. Le codage du médicament permet de connaître le nombre d’assurés ayant demandé le remboursement d’un psychotrope. En 2000, 24,5 % des assurés ou bénéficiaires du régime général ont obtenu le remboursement d’un psychotrope ; 17,4 % ont eu au moins un anxiolytique, 9,7 % un antidépresseur et 8,8 % un hypnotique {3}.
L’étude de Ohayon {4} indique que 10 % de l’échantillon (Selon un échantillon représentatif de la population adulte française n = 5 622) prend un médicament pour dormir : 37,9 % sont des hypnotiques et 50 % sont des anxiolytiques.
Prévalence de l’insomnie en France
La prévalence de l’insomnie en population générale adulte (plus de 15 ans ou de 18 ans selon les études) dépend des critères retenus pour définir l’insomnie. Les deux tiers de la population ont déjà connu un problème de sommeil {5}, mais seulement un cinquième à un quart expriment un trouble contemporain : sommeil insatisfaisant ou prise d’un médicament pour le sommeil avec un symptôme d’insomnie {6} {5} {7} {8}.
* Difficulté d’endormissement, réveils nocturnes avec incapacité à se rendormir, sommeil non réparateur ; Echant. Repr. : échantillon représentatif.
Différences socio-démographique de la prévalence de l’insomnie
La prévalence de l’insomnie est significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes. En France, le ratio femme/homme est de 1,6 pour l’insomnie {6}{5}{7} et de 1,9 pour l’insomnie sévère {5}. Les études internationales font état d’un taux global de 13 {14} et 1,4 {12} et observent que la différence s’accroît avec l’âge. La prévalence de l’insomnie croît avec l’âge. En France, Léger et al. {5} observent un palier entre 25 et 34 ans tandis que Ohayon et Roth {Ohayon 2001 {15} l’observent après 45 ans. Les travaux de ces derniers montrent que lorsque le sujet avance en âge, sa durée de sommeil nocturne diminue avec une modification des horaires veille-sommeil, la latence d’endormissement et le temps passé au lit augmentent, mais le sentiment d’un sommeil non réparateur n’augmente pas {16}. De même, la fréquence de l’insatisfaction du sommeil augmente assez peu avec l’âge : de 12 % entre 15 et 44 ans à 15,5 % chez les plus de 75 ans. Les auteurs avancent l’hypothèse d’une désorganisation du rythme du sommeil où la diminution de la durée du sommeil serait compensée par des siestes au cours de la journée {17}. D’autres variables sont associées avec une prévalence supérieure de l’insomnie : être séparé, divorcé ou veuf, avoir un faible revenu ou un faible niveau d’éducation {18}. Les modèles multi variés relativisent ces effets. L’analyse multi variée de Léger et al. {5} sur données françaises, montrent que les effets de la profession et de l’état marital sont en grande partie expliqués par l’âge et le sexe. Dans l’analyse multi variée réalisée par Ohayon {5}, les variables significativement associées avec un sommeil insatisfaisant ou la prise d’un médicament pour le sommeil sont : un faible niveau de revenu, être une femme, avoir plus de 65 ans et être séparé, divorcé ou veuf.
Conclusion
La prévalence de l’insomnie dépend de la définition que l’on adopte. En France, entre 20% et 30 % des adultes souffrent d’une insomnie que l’on qualifiera de faible à modérée soit parce que les symptômes sont peu nombreux, soit parce qu’elle est occasionnelle, soit parce qu’il y a peu de retentissement sur la vie quotidienne. Environ 10 % des adultes souffrent d’insomnie sévère (plusieurs symptômes, état chronique, retentissement sur la vie quotidienne). Les femmes sont plus concernées. En revanche, plusieurs études montrent que l’incidence de l’âge est, au moins en partie, expliqué par l’état de santé et les habitudes de sommeil.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : L’Insomnie
I. Préambule
II. Définition
A. Physiologie du sommeil
1) Sommeil Orthodoxe
2) Sommeil paradoxal
B. Comment définir et caractériser l’insomnie.
C. Approche diagnostique par le médecin généraliste
1) Démarche diagnostique en cas d’insomnie.
2) Diagnostiques de l’insomnie.
3) Conclusion :
III. Épidémiologie de l’insomnie.
A. Prévalence de l’insomnie en France
B. Différences socio-démographique de la prévalence de l’insomnie
C. Conclusion
IV. Prise en charge thérapeutique des patients insomniaques
A. Stratégies thérapeutiques face aux diverses situations
B. Choix d’un médicament hypnotique
C. Critères de prescription d’un hypnotique
D. Choix du médicament hypnotique
E. Les erreurs à éviter
F. Information des patients sur le traitement par hypnotique
G. Sevrage des hypnotiques
V. Conclusion
Partie 2 : Enquête
I. Introduction
II. Pharmacie semi-urbaine
A. Données clés
B. Relevé de données pour l’année 2011
1) Noctamide® 2mg (lormetazepam)
2) Imovane® (zopiclone 7,5 mg)
3) Stilnox® (zolpidem 10mg)
C. Illustration des résultats.
1) Noctamide® 2mg (lormetazepam)
2) Imovane® (zopiclone 7,5 mg)
3) Stilnox® (zolpidem 10mg)
III. Pharmacie rurale
A. Données clés
B. Relevé de données pour l’année 2011
1) Noctamide® 2mg (lormetazepam)
2) Imovane® (zopiclone 7,5 mg)
3) Stilnox® (zolpidem 10 mg)
C. Illustration des résultats.
1) Noctamide® 2mg (lormetazepam)
2) Imovane® (zopiclone 7,5 mg)
3) Stilnox® (zolpidem 10 mg)
IV. Synthèse
Discussion
Bibliographie
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