Comment apprend-on à lire à l’école ?

Enseigner la compréhension

Une conférence de consensus sur le thème « lire, comprendre, apprendre : comment soutenir le développement de compétences en lecture ? » a eu lieu en mars 2016 en présence de nombreux enseignants et experts de la discipline. Elle a donné lieu à des recommandations concernant l’enseignement des stratégies de compréhension : « La compréhension doit faire l’objet d’un enseignement explicite. L’enseignant explicite les apprentissages visés (pourquoi), les tâches, les procédures et les stratégies (comment) et les apprentissages réalisés selon une scénarisation didactique et pédagogique anticipée, ajustable au fil du déroulement des activités et des réactions des élèves . »
Rendre visible aux yeux des élèves, en particulier des plus fragiles, les processus de compréhension en lecture doit donc impérativement faire partie du travail de l’enseignant.
Reprenons à présent les compétences inférentielles et narratives afin de les décrire et d’expliciter les stratégies de compréhension qui en découlent et qu’il faudra faire construire aux élèves : à Les compétences narratives. Elles sont de 2 types : les compétences narratives en réception vont permettre au lecteur de se faire une représentation mentale de ce qu’il lit et les compétences narratives en production lui permettront de raconter ce qu’il vient de lire.
Pour les élèves, il va s’agir d’apprendre à « se faire un film » et à le raconter. Pour cela, l’enseignant aura pour tâche de les guider dans l’apprentissage de la reformulation et de la mémorisation des idées principales d’un texte dans le but de parvenir à réaliser un tri des informations nécessaires à la compréhension.
Afin que la représentation mentale d’un texte soit la plus juste possible, il sera aussi nécessaire de mener un travail approfondi sur les liens logiques, chronologiques et les relations de causalité : faire relever et expliciter l’importance des mots-clés sur lesquels reposent une histoire (parce que, car, donc…) et qui échappent parfois aux lecteurs en difficulté, mettant en péril toute leur compréhension.
La mise en œuvre systématique de ses stratégies devrait aboutir chez les élèves à une « représentation cohérente et unifiée » du texte selon S. Cèbe et R. Goigoux.
à Les compétences inférentielles. Faire des inférences, « consiste à tirer des conclusions qui ne sont pas explicitement écrites dans le texte ». On parlera d’inférences internes lorsqu’il s’agira de faire des liens entre des éléments du texte, et d’inférence externes quand les liens se font entre le texte et les connaissances du lecteur.
Plus le lecteur est capable de produire des inférences plus sa représentation du texte sera juste.
C’est la raison pour laquelle l’enseignant doit être vigilant à ne pas se laisser aller à des effets de connivence et à bien faire expliciter les éléments qui pourraient ne pas relever de la culture  commune à tous les élèves de la classe.

La pratique de classe

Présentation générale

L’école

L’école Forest est située près de la place de Clichy dans le 18ème arrondissement.
Elle réunit des élèves de familles issues de milieux favorisés (cadres supérieurs, professions libérales) et des élèves de familles issues de milieux plus modestes voire très défavorisés (parents sans travail, familles vivant en hôtel social).

La classe

Je suis en charge d’une classe de CE2 de 27 élèves, 10 filles et 17 garçons. 26 élèves sont nés en 2009 et 1 élève est né en 2010 (son passage anticipé a eu lieu à la fin de la moyenne section).
En CE1 4 élèves étaient suivis par le RASED.
Un nouvel élève, arrivé en janvier, est atteint d’un TDAH et bénéficie d’une AVS. Concernant le niveau en lecture et compréhension de l’écrit, les LSU du troisième trimestre de CE1 révèlent que 74% des élèves de la classe ont atteint les objectifs d’apprentissage et que 26% les ont atteints partiellement.
Trois élèves sont non-lecteurs (cf. partie suivante).
Le constat d’hétérogénéité fait, un de mes objectifs de cette année est de rendre les trois élèves non-lecteurs plus autonomes en lecture afin qu’ils accèdent au sens de ce qu’ils lisent et puissent réguler leur compréhension, tout en permettant aux autres élèves de continuer à progresser.
J’ai donc axé ma pratique sur l’enseignement des stratégies de lecture tout en essayant de mettre en place des moyens pour différencier l’apprentissage de la lecture en classe.

Les élèves en grande difficulté

En lecture ces trois élèves présentent des difficultés communes : ils déchiffrent très lentement, ont du mal avec les trigrammes, butent sur les mots fréquents et irréguliers (monsieur, femme, vingt, hier…) oralisent les lettres muettes et les terminaisons plurielles des verbes. Après leur lecture, ils ne comprennent pas le sens de ce qu’ils lisent notamment car leur attention tout entière est focalisée sur le déchiffrage. à Abdoulaye Issu d’une famille de 11 enfants, Abdoulaye est en grande difficulté, en français, depuis la petite section de maternelle. Signalé au RASED et à l’institution depuis son entrée à l’école, il arrive en CE2 dans une maîtrise totalement insuffisante de la langue française à l’oral comme à l’écrit.
A l’oral, Abdoulaye forme des phrases simples et très courtes. La syntaxe n’est pas maîtrisée et son vocabulaire actif et passif est limité.
En plus des difficultés communes recensées plus haut, en lecture, Abdoulaye a tendance à beaucoup jouer aux devinettes : il déchiffre la première syllabe puis en déduit la fin sans s’appuyer sur le contexte ou un autre indice apporté par le texte mais plutôt en choisissant le premier mot qui lui passe par la tête. J’ai remarqué que la fatigue accentuait ce phénomène.
Ces difficultés se retrouvent aussi à l’écrit et sont amplifiées par le fait qu’il ne sait pas graphier : il est illisible pour lui-même et pour les autres. Il est très difficile de comprendre d’où vient le problème de graphie. Le handicap visuel a été écarté.
Il est suivi depuis 2 ans par une orthophoniste qui, lors de la dernière équipe éducative, a constaté l’échec de sa prise en charge. Toute l’équipe s’accorde à penser qu’Abdoulaye devrait bénéficier de séances de psychomotricité mais le dialogue entre l’école, le CMP dans lequel il est suivi et la famille est compliqué et ralentit considérablement sa prise en charge globale.
Une reconnaissance de handicap est en cours afin notamment qu’il puisse bénéficier de l’aide d’un AVS.

Avant la rentrée

Quelque jour avant la rentrée, mon binôme et moi n’avions pas encore décidé quelle méthode de lecture nous voulions adopter. Pour la plupart des disciplines nous avions choisi un manuel et cela me rassurait énormément : j’avais un guide, une route à suivre.
Notre conseillère pédagogique nous avait fortement déconseillé d’utiliser un manuel pour la lecture-compréhension mais plutôt de vrais textes, des albums, des romans…
Mais comment, sans aucune expérience, choisir les « bons » supports, en extraire des objectifs et des compétences pour les élèves, construire une séquence, des séances… ?
Je me sentais perdue alors que c’était une discipline primordiale et qu’il me tardait d’enseigner. Heureusement lors de la pré-rentrée à l’ESPE, nous avons eu une séance de français durant laquelle notre formatrice nous a proposé une séquence complète autour de l’album La soupe au caillou d’Anaïs Vaugelade. Nous avions de quoi travailler pour les 2 premières semaines de septembre.

Période 2

Pendant cette période, je voulais à la fois que les élèves puissent appliquer les stratégies explicitées sur un album de jeunesse plutôt que sur des morceaux de texte et tester ma capacitéà mettre en place une séquence que j’aurais construite moi-même.
J’ai remarqué que la configuration classique en classe entière avec alternance oral collectif et écrit individuel présente des limites à la fois pour les élèves en difficulté qui peuvent décrocher et comptent sur leurs camarades lors des phases orales. Ce sont des élèves qui écrivent peu et ont des difficultés à transcrire leurs idées en phrases : il est donc compliqué de juger de leur compréhension par ce biais.
Pour les élèves bons et très bons lecteurs, le rythme des séances est un peu lent et nous passons beaucoup de temps à expliquer un lexique qu’ils connaissent déjà, ce qui provoque un décrochage et des bavardages.
Il a donc fallu changer de configuration et j’ai commencé à installer un groupe de besoin en lecture-compréhension. J’ai pris en charge un groupe de 4 élèves (les deux élèves non-lecteurs et deux élèves ayant des difficultés en compréhension) pendant que les autres travaillaient en autonomie sur des questions de lecture écrites. De cette manière j’étais sûre que le texte avait entièrement été déchiffré puis entendu par les 4 élèves et que nous partions sur les mêmes bases pour notre questionnement.
Le groupe de quatre et les autres élèves devaient répondre aux mêmes questions et lorsque « mon » groupe avait terminé nous mettions en commun les réponses à l’oral. Cela permettait à tous les élèves de réfléchir et de participer pendant la séance.
Au mois de décembre, 2 séances seulement ont été menées de cette manière pendant l’étude de l’album Les deux goinfres de Philippe Corentin.
Cet album raconte l’histoire d’un petit garçon, Bouboule, et de son chien, Baballe. Un soir après avoir trop mangé, ils s’endorment barbouillés et font un cauchemar dans lequel ils se retrouvent sur un bateau dont l’équipage est constitué de gâteaux. Le capitaine veut venger sa fille, mangée la veille par Bouboule. S’ensuit une bagarre et la fuite des deux personnages sur la mer. Ils se réveillent le lendemain, encore un peu malades et pas tout à fait sortis de leur rêve.
J’ai choisi cet album pour le rapport intéressant qui existe entre le texte et les illustrations et les liens de causalité entre ce qui se passe dans la réalité et le rêve. L’auteur nous donne des indices permettant d’anticiper la teneur du rêve avant même qu’il ne commence et le lecteur peut s’appuyer sur sa propre expérience pour comprendre.

Bilan de la période

L’album a plu à l’ensemble de la classe et les élèves ont pu réinvestir les stratégies que nous avions vues en période 1, notamment utiliser de manière explicite ses connaissances sur le monde et se mettre dans la peau du personnage pour mieux comprendre. J’ai aussi eu l’impression que le fait d’utiliser un album plutôt que des extraits de livres a mobilisé plus rapidement tous les élèves.
Néanmoins j’ai rencontré des difficultés, parmi lesquelles :
– le décalage de vitesse de lecture même au sein du groupe de besoin,
– la gestion de la parole dans le groupe de besoin car les élèves veulent tous beaucoup participer quand ils sont en petit groupe,
– le manque d’anticipation de ma part pour la préparation dans ce groupe : qui doit lire en premier, les élèves ou moi ? quel est l’intérêt dans chacun des cas ? comment aider sans faire à la place ?
– la gestion des élèves en autonomie qui n’ont pas l’habitude d’être autonomes.

Période 3

Durant cette période j’ai souhaité reprendre l’ouvrage Lectorino & Lectorinette et j’ai donc débuté un module basé sur un album entier qui s’intitule Un petit frère pas comme les autres, et qui raconte la vie d’une famille de lapins dont le plus jeune fils est atteint de trisomie.
J’avais eu l’impression que l’étude et l’application des stratégies de compréhension entre septembre et décembre avait été bénéfique pour les élèves fragiles et j’ai eu envie de continuer dans ce sens.
L’objectif du module est d’apprendre à comprendre les inférences causales en étudiant les états mentaux des personnages. Il comprend 5 séances que j’ai divisées en deux afin que les séances soient plus courtes et plus fréquentes.
• Séance 1 : découverte de l’album en demi groupe hétérogène (l’autre demi-groupe est en EPS). Les trois élèves non-lecteurs font partie du même demi-groupe.
La découverte de l’album s’est déroulée en 2 temps :
Présentation de la couverture : titre, auteur, illustrateur et illustration. Cela permet de donner aux élèves un horizon d’attente et d’expliciter les enjeux de la lecture à suivre.
Les élèves doivent d’abord décrire l’illustration puis imaginer à partir de celle-ci et du titre, ce qui va se passer dans l’album.
Tous les élèves participent, les plus faibles décrivent l’illustration de manière factuelle (le paysage, les personnages, leurs habits, leur posture…) mais peinent à imaginer l’histoire qui va suivre. Ils restent attachés à l’illustration et imaginent que c’est l’histoire d’une famille qui se promène dans les bois.
En se servant aussi du titre, les élèves plus performants font l’hypothèse que l’album raconte l’histoire d’un petit lapin qui n’est pas pareil et que l’on va découvrir pourquoi il est différent en lisant le texte.

Période 4

Toujours dans l’idée de varier les supports mais de ne pas me retrouver complètement seule pour gérer la lecture compréhension j’ai choisi de travailler pendant les 3 semaines de cette période sur différents textes issus d’un ouvrage recommandé par Mme Pires, ma PEMF, intitulé Enseigner la compréhension par le débat interprétatif . A chaque séance nous travaillons sur un texte selon le même déroulement proposé par le manuel :
1. Les élèves lisent le texte seuls (pour les élèves en difficulté, je prends en charge la lecture)
2. Ils répondent à une ou deux questions ouvertes (proposées par les auteurs de l’ouvrage), individuellement et par écrit sur leur cahier de littérature.
3. Par groupe de 4-5 élèves, et lorsque chacun a répondu aux questions, ils mettent en commun leur travail et s’accordent sur une réponse de groupe.
4. En classe entière, chaque groupe expose sa réponse en la justifiant et une discussion collective se lance.
5. On réalise un bilan des stratégies utilisées pour comprendre le texte.
6. Je lis le texte à voix haute pour toute la classe.
L’intérêt du dispositif proposé par le manuel c’est qu’il répond à une de mes problématiques d’enseignante : comment faire travailler – réellement – ensemble, ces 27 élèves, qui pour certains n’ont en commun que les quatre murs de notre classe ?
Comme nous le verrons un peu plus bas, grâce à la mise en place de discussions de groupes et de débats collectifs, les bons lecteurs et les plus faibles ont pu échanger de manière constructive et tous, affiner leur compréhension.
L’objectif de ces 3 semaines, était que les élèves puissent mettre en œuvre les stratégies que nous avions explicitées depuis le début de l’année et continuer à s’en approprier de nouvelles sur plusieurs textes indépendants, fables et contes, qui avaient pour point commun d’être porteurs d’une morale, d’un message.
La séquence prévue comprenait initialement 6 séances et donc 6 textes à étudier. Pour des questions de temps et parce que 2 textes ont été travaillés sur 2 séances, nous avons finalement étudié 4 textes :
– « L’ours et les deux amis », Margareth Clark, Fables d’Esope, adaptées par Marie Farré, Gallimard. (Annexe 1)
– « Le chien envieux », Extrait des Contes du Moyen Âge, Gründ, 1982. (Annexe 2)
– « Le lion et le vieux lièvre », Conte traditionnel. (Annexe 3)
– « Le plat du chien », Jean-Pierre Chabrol, in Contes d’outre-temps, Plon. (Annexe 4)
J’ai moins insisté avec les élèves non-lecteurs sur le déchiffrage que lors de la période précédente. Je voulais qu’ils travaillent la compréhension sur des textes résistants, c’est la raison pour laquelle j’ai pris en charge la lecture des textes.

Séance 1

Nous avons commencé par lister les stratégies qui se trouvent sur une affiche dans la classe.
J’ai essayé autant que possible de leur faire répéter et oraliser ces stratégies afin qu’ils prennent vraiment conscience que la lecture n’est pas, comme les pensent les bons lecteurs, une activité simple, facile et automatique ; mais n’est pas non plus, comme le pensent les élèves en difficulté, une activité difficile, hors de leur portée et réservée à d’autres.
L’objectif de la séance était d’identifier le message du texte.
Le premier texte que j’ai choisi, « L’ours et ses deux amis », pose principalement deux difficultés :
– sa structure : un dialogue est présent à la fin du texte mais il n’est pas évident de comprendre immédiatement qui parle.
– le texte est porteur d’un message qui n’est pas explicitement donné par l’auteur. Par conséquent, le lecteur devra impérativement se plonger dans une analyse fine du texte pour ne pas se limiter à une compréhension superficielle.
Après avoir lu le texte, les élèves devaient répondre à 2 questions : « Repère le dialogue. Qui dit quoi ? » puis « Les ours parlent-ils ? ».
Pendant que les élèves écrivaient, je suis passée dans les rangs sans intervenir et j’ai pu observer que, comme prévu, les élèves ne sont pas tous d’accord. Lors de la mise en commun en petit groupe, certains se laissent convaincre par leurs camarades et acceptent de changer leur interprétation tandis que d’autres tiennent absolument à leur réponse, ce qui fait que nous avons lancé le débat collectif sans attendre un consensus au sein de chaque groupe. Cela ne m’a pas posé problème tant que les élèves étaient capables de justifier leur proposition.
Lors du débat de classe, tous les élèves sont d’accord sur qui prononce la première réplique (l’ami qui a fui) mais 2 interprétations se dégagent pour la seconde : une partie de la classe (un quart environ) pense que c’est l’ours qui prononce la dernière phrase du texte, tandis que pour l’autre, c’est celui qui s’est allongé par terre qui prononce cette phrase.
Pour départager les points de vue, je propose à 3 élèves de venir jouer leur version du texte puis à 3 autres, l’autre version possible. A la suite de cette mini-pièce, tous les élèves se mettent d’accord sur le fait que l’ours n’a pas pu prononcer cette phrase car à ce moment-là du texte, il était déjà parti. Le fait d’avoir joué le texte a permis de rendre concrète la stratégie qui consiste à se faire un film de l’histoire que l’on vient de lire et a permis aux élèves et en particulier auxplus fragiles, de « voir le texte avec leurs yeux » afin de le comprendre.
Charly, dont le niveau en compréhension en lecture est habituellement assez faible lance l’idée à la classe que la dernière phrase prononcée est comme un message pour l’ami qui s’est enfui : « Il est fâché, c’est un peu comme s’il lui faisait la leçon. » Grâce à cette intervention, une discussion collective s’ouvre durant laquelle les élèves prennent conscience que ce texte est un peu comme une fable, qu’il a une morale mais qu’elle est « cachée », implicite et qu’il leur a fallu mettre en œuvre des stratégies pour la trouver.
Pour cette séance (et les suivantes), j’ai constitué un groupe de besoin de 4 élèves (Mellanie, Abdoulaye, Sabrina et Adam) et je leur ai lu le texte à haute voix une fois avant qu’ils ne lisent eux-mêmes. Il me semblait important que chacun réponde individuellement aux questions même en quelques mots puis nous sommes rapidement passés à la confrontation des différents avis à l’oral. J’ai remarqué à ce moment-là que pour ces 4 élèves, il était difficile d’exprimer et
surtout d’argumenter leur opinion.
Pendant le débat qui a suivi, j’ai commencé par donner la parole aux élèves dont la compréhension était partielle de manière à ce que mis bout à bout, comparés et confrontés, les différents points de vue puissent mener la classe à une compréhension globale cohérente. J’ai insisté sur la nécessité de justifier par l’utilisation d’une stratégie ou par retour au texte. Les stratégies évoquées par les élèves ont été :
– lire, relire si nécessaire et essayer de se faire le film,
– se demander pourquoi un personnage disait ou faisait quelque chose.
A posteriori, je pense que je n’aurais pas dû proposer l’étude de ce texte de cette manière. Le chemin n’était pas assez balisé pour la majorité des élèves qui se sont retrouvé démunis devant la complexité du récit. Je pensais qu’ils seraient suffisamment armés mais ce n’était pas le cas.
J’aurais dû travailler ce texte à la manière de Lectorino & Lectorinette en axant par exemple l’étude sur les deux personnages : leur motivation, leurs intentions et leur but, ce qui aurait donné aux élèves des outils pour mieux comprendre.

Bilan de la période

Durant cette période j’ai volontairement confronté tous les élèves à des textes plus complexes que d’habitude et j’ai pu constater que l’écart en matière de compréhension s’était progressivement un peu resserré entre les élèves.
Les différences les plus remarquables ont été visibles au niveau de la quantité et de la qualité des réponses écrites et en général une lecture et une réflexion individuelle ne suffisaient pas à lever tous les obstacles de compréhension chez les élèves au faible niveau. Mais dès la phase de discussion en petit groupe, probablement parce qu’ils pouvaient alors s’exprimer oralement, ces élèves ont montré qu’ils connaissaient et pouvaient utiliser à bon escient les stratégies pour comprendre. J’ai eu l’impression que les élèves fragiles n’attendaient parfois que la confirmation d’un camarade qu’ils étaient sur la bonne voie, lors de la mise en commun en petit ou en grand groupe, pour se lancer et montrer que leur niveau de compréhension pouvait être équivalent.

Analyse de ma pratique

Au départ, mon mémoire devait s’intituler : « La différenciation en lecture ». Dès le début de l’année scolaire je savais que je souhaitais travailler sur le thème de la lecture car comme je l’ai déjà dit dans l’introduction de ce mémoire, j’avais été très étonnée de trouver 2 élèves non lecteurs dans ma classe et je voulais absolument changer cela ; et puisque j’avais 26 élèves au niveau hétérogène dans ce domaine, il me faudrait différencier pour parvenir à l’objectif que je m’étais fixé. Jusqu’au mois de mars, j’ai préparé mes séquences et mes séances en pensant chaque fois à Abdoulaye et Sabrina, en cherchant comment les faire progresser ou quels dispositifs particuliers je pouvais mettre en place pour eux et quelques autres élèves en difficulté. J’avais vraiment le sentiment de différencier. Pourtant, en relisant ce que j’avais rédigé pour le mémoire et en prenant un peu de recul, je me suis rendu compte qu’en dehors des quelques séances d’APC pendant lesquelles nous avions découvert en amont les textes ou retravailler le contenu d’une séance, d’une présence beaucoup plus forte auprès d’eux et d’une grande insistance à les faire participer, je n’avais pas particulièrement différencié l’enseignement de la lecture pour mes élèves en difficulté.
J’ai bien mis en place des ajustements qui constituent une forme de différenciation, mais cela n’a pas été le cœur du travail que j’ai effectué en lecture-compréhension avec ma classe. J’ai même l’impression d’une certaine façon que j’ai parfois tenu à différencier le moins possible pour prouver aux élèves en difficulté qu’ils étaient capables de faire comme les autres.
Ce que j’ai fait, c’est tenter d’expliciter au maximum l’enseignement de la lecture car je pensais qu’en s’apercevant qu’ils avaient dorénavant les moyens de comprendre les mêmes textes que leurs pairs, les élèves fragiles auraient envie de lire pour eux et non pas seulement parce que c’est ce que l’on doit faire à l’école ou pour faire plaisir à la maîtresse. Les ouvrages lus ou parcourus pour la rédaction du mémoire, les cours dispensés à l’ÉSPÉ, les recommandations données par mes tuteurs et ma toute jeune expérience d’enseignante m’avaient convaincue qu’expliciter les façons de faire, les méthodes, les stratégies, était ce qu’il fallait faire pour permettre aux élèves pour lesquels rien n’est transparent à l’école de progresser. C’est la raison pour laquelle changer le titre de mon mémoire s’est imposé et une question a émergé : enseigner ces stratégies peut-il vraiment faire progresser les élèves de CE2en grande difficulté en lecture ?
Je me suis donc replongée dans mes séquences des périodes 1, 2 et 3 afin de les analyser à la lumière de ce questionnement et non de la différenciation mise en œuvre et j’ai pu observer, de façon très subjective bien sûr, que les élèves en difficulté avaient progressé selon plusieurs critères : leur lecture est un peu plus fluide, ils participent davantage, ils osent dire ce qu’ils pensent, ils parviennent à comprendre (seulement partiellement dans certains cas) mais surtout ils justifient ce qu’ils disent car ils savent qu’ils n’ont pas le droit de deviner ; lors des moments d’autonomie ils choisissent plus souvent de lire un album de la bibliothèque de la classe.
Il faut ajouter que mon binôme a aussi enseigné la lecture en utilisant à la fois Lectorino & Lectorinette et d’autres supports. Nous avons essayé autant que possible d’être cohérentes en nous servant des mêmes stratégies et en les explicitant de la même manière afin que les élèves les intègrent au mieux.
Néanmoins, il aurait été bénéfique de réaliser dès le début de l’année, une évaluation diagnostique pertinente en compréhension orale et écrite et des tests de lecture (par exemple le nombre de mots lus en une minute) pour les élèves en difficulté en déchiffrage afin de pouvoir comparer et évaluer leur progrès plus objectivement.
J’aurais aussi souhaité pouvoir passer plus de temps à travailler le déchiffrage avec Abdoulaye, Sabrina et Adam et mettre en place avec eux un atelier uniquement dédié à cela pendant lequel ils auraient pu comme en CP et en CE1 travailler le code pour devenir plus autonomes.
Je remarque aussi que je n’ai pas utilisé de manière optimale l’ouvrage Lectorino & Lectorinette qui a pourtant été une référence tout au long de l’année. Avant de démarrer, prise dans la préparation des séquences, j’avais lu un peu « en diagonale » la partie théorique qui explique les raisons de la mise en place des activités proposées et je me rends compte après avoir réalisé ces activités en classe puis relu leurs fondements que je n’ai pas assez insisté sur l’enseignement du lexique et que je n’ai pas suffisamment explicité pour les élèves l’objectif final : pouvoirraconter les textes lus à quelqu’un qui ne les connaîtrait pas.
Un autre constat que je fais est que j’ai axé uniquement mon travail sur les textes narratifs et que j’ai très peu varié les genres. J’aurais aimé travailler des textes documentaires, du théâtre, de la poésie dans le but d’apporter aux élèves un bagage culturel plus important et de ne pas les lasser. On sait que certains élèves ont besoin d’un « déclic » pour entrer dans un apprentissage et je pense que les élèves fragiles pourraient bénéficier d’une entrée en lecture par le biais d’autres vecteurs que le texte narratif. Cela aurait aussi permis de travailler d’autres enjeux de lecture avec notamment la distinction et le croisement entre la lecture utilitaire et la lectureesthétique.
Bien que l’explicitation systématique des stratégies de lecture puisse sembler un travail très scolaire notamment pour des élèves qui ne lisent pas en dehors de l’école, je pense que grâce à cela, ils ont pu découvrir que comprendre mieux est aussi un plaisir auquel ils ont accédé en s’autonomisant.
La séquence que nous avons faite sur l’album traitant du handicap m’a fait prendre conscience qu’il était primordial de choisir des textes qui pouvaient, en parlant d’eux, entrer en résonnance avec les élèves. Je prendrai dorénavant ce critère en compte dans le choix de mes supports afin d’augmenter l’implication des élèves et par conséquent leur réussite.

Conclusion

La maîtrise de la lecture à l’école élémentaire est un prédicteur de la réussite scolaire future.
Ainsi c’est un enseignement primordial qui démarre dès l’école maternelle et se poursuit jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire et j’ai souhaité cette année me pencher particulièrement sur ce domaine dans le but de faire accéder deux élèves non-lecteurs à plus d’autonomie tout en continuant à faire progresser les autres. Pour ce faire, j’ai donc axé ma pratique sur l’enseignement des stratégies de compréhension des textes narratifs en complexifiant progressivement les supports.
Contrairement à ce que je pensais au début de l’année, il est plus difficile de prendre du recul sur sa pratique et de tirer les leçons des séances déjà réalisées que de les construire. Ce mémoire avait justement pour but de me faire prendre le temps d’analyser mes choix pédagogiques et didactiques en lecture-compréhension et de les mettre en perspective avec mon questionnement et mon objectif initial. Je ne saurais pourtant pas émettre de conclusion quant à la réussite de mon action car je manque d’indicateurs objectifs. La conclusion que je peux établir est donc subjective : j’ai l’impression qu’avoir enseigné et fait systématiquement utiliser des stratégies en lecture a permis aux élèves en grande difficulté de progresser car j’observe qu’Abdoulaye et Sabrina possèdent des outils concrets à leur disposition, sont plus motivés et au final, comprennent mieux ce qu’ils lisent qu’au début de l’année.
Dans les faits, les recherches actuelles montrent que l’explicitation des stratégies favorisent les progrès des élèves, mais au sein d’une classe en particulier, afin de pouvoir juger véritablement de l’effet de ma pratique il faudra à l’avenir que je prépare en amont des moyens de compareret d’évaluer les compétences des élèves.

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Table des matières
Introduction
1. Apprendre à lire, aspects théoriques
1.1 Qu’est-ce que lire ?
1.2 Comment apprend-on à lire à l’école ?
1.2.1 À l’école maternelle
1.2.2 Au cycle 2
1.3 Enseigner la compréhension
1.4 Vers l’autonomie
2. La pratique de classe
2.1 Présentation générale
2.1.1 L’école
2.1.2 La classe
2.1.3 Les élèves en grande difficulté
2.2 Avant la rentrée
2.3 Période 1
2.3.1 Un album
2.3.2 Lectorino & Lectorinette
2.4 Période 2
2.5 Période 3
2.6 Période 4
3. Analyse de ma pratique
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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