En Février 2016, une modification de l’article 1111-11 du code de santé publique, à travers la Loi Clays-Léonetti (1), faisait évoluer le dispositif des directives anticipées (DA) crées en 2005 lors de la première loi Léonetti (2). Ce dispositif permet à toute personne majeure, en capacité d’exprimer son souhait, de rédiger des consignes et des souhaits qui seront pris en considération lors de la fin de vie, notamment s’il est dans l’incapacité de s’exprimer à ce moment-là. Le dispositif de personne de confiance complète celui-ci. Cette modification législative de Février 2016 introduit : l’opposabilité des directives anticipées au médecin (hormis en contexte d’urgence ou après une procédure collégiale, si les directives semblent inadaptées), l’information de la personne de confiance en cas de refus d’application des directives, la suppression de la durée de validité, la reconnaissance de la mission d’information du médecin généraliste, l’officialisation d’un modèle de rédaction sur avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) et la précision des modalités de conservation.
De nombreuses études menées ces dix dernières années montrent que la population et les médecins généralistes sont intéressés par les directives anticipées et y voient un intérêt (3–18). Les médecins généralistes sont un pivot du système de soins et leurs relations privilégiées avec les patients les rendent indispensables et centraux dans le recueil des directives anticipées. Certaines études montrent que cette centralité est attendue, tant du côté du généraliste que du patient.
Revue de la littérature préalable
Méthode de recherche bibliographique
Une recherche bibliographique a été effectuée préalablement pour connaître les données scientifiques récentes sur la pratique des médecins généralistes vis-à-vis des directives anticipées. La recherche a été faite sur des moteurs de recherche de publications médicales faisant référence (PubMed®, Medline®, Suddoc.fr, CisMef…) avec les mots-clés (Descripteurs MeSH) « directives anticipées » et « médecins généralistes », ainsi que leur équivalent en anglais. Le stockage et l’organisation des références ont été faits grâce au logiciel Zotero®. Cette recherche a eu lieu entre Janvier et Février 2018. La quasi-totalité des articles a été retrouvée sur Suddoc.fr (site de référencement des thèses françaises), en francophone et sur les dix dernières années. En effet, le concept de directives anticipées est récent dans la législation française et n’est pas nécessairement transposable à d’autres pays. Beaucoup d’articles internationaux parlant de « fin de vie », de « loi sur la fin de vie », de « personne de confiance » ou de « directives de fin de vie » ont été retrouvés, mais beaucoup moins en rapport avec les médecins généralistes (concept qui n’est pas, lui non plus, nécessairement transposable à d’autres pays). De plus, la notion de directives anticipées étant récente en France, il n’a pas été retrouvé d’article traitant du rapport des médecins généralistes aux directives anticipées avant 2008. Pour rappel, la première loi Léonetti remonte à 2005.
Une cinquantaine d’articles français (dont de nombreuses thèses), publiés entre 2008 et 2017, traitant de la pratique des directives anticipées par les médecins généralistes, de la loi Léonetti et de la personne de confiance, ont été retrouvés. Cette première revue de la littérature a permis de faire un point sur les connaissances scientifiques récentes sur le sujet puis de dégager la question de recherche et l’hypothèse associée.
Discussion
Synthèse des résultats principaux de l’étude
La synthèse du classement des différents thèmes et du classement général des propositions montrent que, pour améliorer le recueil des directives anticipées dans leur pratique, les médecins généralistes normands mettent en avant :
• La nécessité d’une meilleure coordination entre les différents acteurs de santé (et notamment la relation hôpital / ville), par une plus grande implication dans les décisions collégiales concernant la fin de vie de leurs patients, ainsi qu’une meilleure information dans les courriers concernant les volontés du patient pour sa fin de vie.
• L’amélioration de l’accès aux directives anticipées (notamment des supports), en demandant de rendre les modèles de rédaction plus faciles d’accès et notamment le modèle de la HAS.
• La formation des professionnels de santé est également considérée comme prioritaire, notamment lors de la formation initiale des médecins à la faculté ou lors de la formation des professionnels paramédicaux.
• Les médecins sont plus partagés sur l’information du public qui n’arrive qu’en quatrième position, ce qui va à l’encontre de mon hypothèse de départ. La campagne de sensibilisation médiatique par des spots publicitaires télé, radio ou presse semble être privilégiée.
• Les médecins généralistes sont également partagés sur l’amélioration de la communication avec le patient. Ils privilégient cependant la présence de la personne de confiance durant la consultation.
• L’amélioration de l’organisation du recueil des directives anticipées ne semble pas être leur priorité. La proposition systématique de rédaction des directives anticipées à l’entrée en EHPAD est la solution qu’ils souhaitent le plus voir mise en application.
• La rémunération de l’aide à la rédaction des directives anticipées est, quant à elle, plutôt rejetée ou du moins clivante. Les médecins privilégient la cotation de l’acte en « consultation longue ou complexe », s’ils devaient choisir.
On peut également constater que certaines propositions sont majoritairement rejetées, comme : la rémunération par ROSP ou par forfait annuel, le fait de rendre les directives anticipées obligatoires ou les consultations systématiques dédiées aux directives anticipées (comme un dépistage de masse), les réunions dans le cadre de formations ou de sensibilisation du public (réunions de patients ou groupes de pairs). De même, l’utilisation de jeux ludiques, la FMC en e-learning ou des informations disponibles sur Ameli.fr ne font pas consensus.
Forces et faiblesses de l’étude
Forces de l’étude
L’étude répond à la question principale et à l’hypothèse de départ
Cette étude permet de répondre à la question principale, à savoir : quelles mesures les médecins veulent voir mises en place pour améliorer le recueil des directives anticipées dans leur pratique ? Elle permet de répondre également à l’hypothèse de départ qui était : la sensibilisation du public est prioritaire sur les autres mesures. A contrario, elle montre que les généralistes mettent en avant, ou du moins au même niveau, d’autres domaines d’amélioration que la sensibilisation du public.
Étude quantitative plutôt que qualitative
Cette étude quantitative permet de produire des données chiffrées plus objectives que les études qualitatives précédentes sur le sujet. Elle permet donc de produire des conclusions plus solides, sur un plus grand échantillon, avec une valeur statistique et scientifique plus grande.
L’étude se base sur des études récentes
Cette étude est un prolongement d’études réalisées récemment. Les propositions faites dans le questionnaire viennent de généralistes précédemment interrogés et sont donc plus pertinentes que si elles émanaient uniquement de l’auteur du questionnaire. Elle permet à la fois de confirmer ou d’infirmer les conclusions des études précédentes, mais aussi de les préciser ou de faire émerger des hypothèses ou des propositions qui manquaient dans celles-ci.
Le choix des propositions d’aide plutôt que les freins
Le choix d’orienter l’étude sur les proposition d’aides au recueil, plutôt que sur une évaluation des freins à ce recueil, a plusieurs justifications. En premier lieu, parce que les freins au recueil sont finalement bien connus. En effet, un certain nombre d’études ont déjà abordé ce sujet avec une grande redondance, ce qui permet de pouvoir s’appuyer sur ces dernières, sans devoir nécessairement passer par une nouvelle étude quantitative. Deuxièmement, je souhaitais réaliser une étude qui pourrait s’appliquer directement dans la pratique. Or, analyser les freins au recueil, même si cela est nécessaire, ne permet pas de présumer des solutions à apporter pour lever les difficultés du recueil. Pour finir, puisque les études qualitatives avaient déjà été réalisées, je souhaitais réaliser une étude quantitative. Dans ce cadre, juger ses propres difficultés et limites s’avère beaucoup plus difficile à quantifier pour un médecin, que de juger l’utilité de mesures qui lui sont proposées. Aborder les aides était donc plus pertinent pour un questionnaire.
L’utilisation d’un nuancier avec un nombre pair de réponses
Cette méthode avait pour objectif de hiérarchiser le « degré » d’adhésion et pas simplement le « taux » d’adhésion aux propositions. En effet, certaines propositions dans les études qualitatives peuvent être considérées utiles par beaucoup de médecins (consensus) sans pour autant être considéré comme déterminantes (efficace) dans l’aide au recueil. C’est pour cette raison que j’ai choisi de proposer un nuancier de réponses mesurant l’utilité des propositions avec un nombre de possibilités paires de réponses, obligeant ainsi les médecins à prendre position (il n’y avait pas d’option « sans réponse » ou « ne se prononce pas » ou bien de position médiane). Dans les quelques études quantitatives précédentes, les propositions d’aide étaient questionnées par des réponses binaires (sous la forme oui/non). Cela ne permettait pas une analyse fine du degré d’adhésion, mais simplement de voir si les généralistes adhéreraient ou rejetaient globalement les propositions, sans préjuger de leur caractère consensuel ou clivant.
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Table des matières
I. Introduction
II. Matériels et Méthodes
A. Description globale de l’étude
B. Élaboration du questionnaire
C. Distribution du questionnaire
D. Méthode d’analyse des résultats
III. Résultats
A. Taux de réponse et marge d’erreur
B. Caractéristiques de l’échantillon
C. Réponses sur la formation professionnelle
D. Réponses sur l’information du public
E. Réponses sur la communication avec le patient
F. Réponses sur l’organisation du recueil
G. Réponses sur la coordination des professionnels
H. Réponses sur la rémunération des directives anticipées
I. Réponses sur les supports des directives anticipées
J. Classement par thème
K. Classement général
L. Autres aides proposées par les généralistes
IV. Discussion
A. Synthèse des résultats principaux de l’étude
B. Forces et faiblesses de l’étude
C. Comparaison à la littérature
D. Interprétation des résultats et hypothèses
E. Un regard à l’international
F. Pistes de réflexion
G. Prolongement de l’étude
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes
Annexe 1 : Modification de l’article L1111-11
Annexe 2 : Le questionnaire envoyé aux généralistes
Annexe 3 : Modèle de rédaction des directives anticipées du ministère de la santé
Annexe 4 : Modèle de rédaction des directives anticipées de la SRLF
Annexe 5 : Serment d’Hippocrate