Depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro 1992, le monde a commencé à prendre conscience des risques qui menacent la planète et du dérèglement climatique comme conséquence de la consommation croissante des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon,…). Ceci a amené les décideurs politiques des principaux pays industrialisés et des pays émergents à favoriser la mise en place de nouveaux moyens de production d’énergie plus propres et respectueux à l’environnement. La solution s’avérait donc dans l’utilisation des énergies renouvelables : vent, soleil, biomasse,…
L’énergie éolienne est une forme indirecte de l’énergie solaire. En effet, c’est le réchauffement inégalement réparti à la surface de la planète qui provoque les vents. Cette énergie propre et de moins en moins coûteuse avec les progrès technologiques, permet une production électrique décentralisée faiblement émettrice de gaz à effet de serre. Tous ces facteurs ont fait de l’éolien, l’énergie renouvelable la plus prometteuse, ce qui explique l’engouement fort pour cette technologie dans le monde. Ainsi, durant les dernières décennies, l’utilisation des méthodes alternatives de production d’électricité, et notamment l’énergie éolienne, ont connu une forte et rapide croissance à travers le monde. Par conséquent, l’énergie éolienne raccordée au réseau a augmenté, et devrait être un contributeur important à la production d’électricité, avec un taux de pénétration pouvant atteindre 50%, dans certains pays comme le Danemark, la Norvège, la Suède et l’Allemagne [DE ALEGRIA ET AL., 07].
Pour encourager le développement de cette nouvelle forme de production énergétique, plusieurs facilités ont été mises en œuvre par les pays pour la connexion des systèmes éoliens au réseau électrique.
Mais avec le développement de cette nouvelle forme de production, certains risques majeurs sont apparus, [MARIN ET AL., 05]. En effet, étant donné la nature aléatoire du vent, de fortes variations de la puissance fournie par les éoliennes peuvent être produites et risquent donc de provoquer des variations de la fréquence et de la tension du réseau. En outre, aux conditions limites, lorsque le vent dépasse une certaine valeur, l’éolienne se déconnecte du réseau, faisant passer sa puissance injectée de sa valeur maximale à 0 en un temps extrêmement court créant ainsi une instabilité de la production éolienne de puissance. Ainsi, l’impact de la production de l’énergie éolienne sur la fréquence du réseau n’est plus négligeable. Rappelons brièvement l’incident de grande ampleur du 4 novembre 2006 survenu sur le réseau interconnecté européen à très haute tension qui a privé d’électricité 15 millions d’habitants de l’Ouest de l’Europe pendant près de deux heures [CRÉ, 07]. Bien que les éoliennes ne soient pas à l’origine de cet incident, le comportement de celles-ci a eu tendance à aggraver les problèmes ; ainsi, en Espagne 2800 MW d’éoliennes se sont déconnectés alors que cette zone était déjà en déficit énergétique.
Toutefois, l’importance croissante de la production d’électricité par les éoliennes à l’avenir exige des critères de fonctionnement normalisés dans chacun des pays. De ce fait, il a été nécessaire de formaliser les conditions de raccordement au réseau dans des documents appelés « grid code » propres à chacun des pays. Ces critères doivent être adaptés afin d’intégrer l’énergie éolienne sans affecter la qualité et la stabilité du système, et ce en pouvant demander aux éoliennes de participer au réglage de la fréquence dans les réseaux électriques [TSILI ET AL., 08] [SØRENSON ET AL., 05]. En conséquence, les éoliennes seront amenées à moduler leur puissance en fonction de la fréquence afin de maintenir l’équilibre entre la production et la consommation par une valeur satisfaisante de la fréquence qui nécessite d’adapter en permanence le niveau de la production à celui de la consommation. Ceci risque d’induire de grandes variations de la puissance dans un petit laps de temps : typiquement de 10 à 15% de la production nominale en une seconde. Un contrôle dynamique de la puissance éolienne est alors nécessaire : il s’agit d’une évolution significative pour les superviseurs de ces systèmes complexes et fortement non linéaires.
Afin d’augmenter le taux de pénétration des systèmes éoliens dans les réseaux électriques, notamment les réseaux insulaires, en réduisant le coût de revient de l’énergie électrique produite par ces systèmes, et en améliorant sa qualité, plusieurs travaux de recherches se sont orientés vers l’amélioration du système de commande des éoliennes et le développement de différents types de stratégies de commande. Les correcteurs classiques de types PI/ PID considèrent deux boucles différentes: une pour la puissance et l’autre pour la vitesse de la turbine [SLOTH ET AL., 10]. Comme le système éolien est non linéaire et que la vitesse du vent est variable, des techniques de linéarisation et d’adaptation de gain ont été proposées pour réguler le système autour d’un point de fonctionnement bien spécifique [HANSEN ET AL., 05] [VENNE ET AL., 10]. Cependant, ces correcteurs classiques implantés aujourd’hui sur la quasi-totalité des éoliennes commercialisées et conçus généralement à partir de modèles relativement simples, permettent en général de satisfaire un seul objectif de commande qui est une bonne conversion de l’énergie éolienne. Il est alors nécessaire de mentionner que nous avons affaire ici à un système MIMO où les différentes variables sont couplées. Ainsi, il sera plus adéquat d’utiliser un correcteur linéaire quadratique (LQ) qui tient compte de toutes les variables d’état [CUTULIS ET AL., 06]. Dans [POULSEN ET AL., 05], [YAO ET AL., 09(A)], [YAO ET AL., 09(B)] et [BOUKHEZZAR ET AL., 06], cette solution est bien exploitée – surtout du point de vue de la qualité de la puissance électrique générée- à partir d’une comparaison de simulation entre un correcteur traditionnel de type PI ou PID et une commande LQ notamment en zones de vitesses de vent élevées. Le principe est basé sur la minimisation d’un critère (une fonction coût) quadratique donné, qui assure un meilleur compromis entre de bonnes performances sur les états (ou les sorties) du système d’une part, et une économie d’énergie sur les signaux de commande d’autre part. Les lois de commande linéaires quadratiques, basées sur une structure de commande par retour d’état, permettent d’atteindre des objectifs assurant l’optimisation du fonctionnement de l’éolienne. Dans [LESCHER, 06] et [HAMMERUM ET AL., 07], l’objectif principal de la commande était la réduction de la fatigue de la structure mécanique afin de permettre une durée de vie plus longue aux éoliennes. Dans [SLOTH ET AL., 10], la commande LQ a réussi à minimiser la sollicitation de l’actionnaire pitch en plus réduction de la fatigue mécanique. À travers une comparaison entre 4 stratégies de commande LQG, les auteurs de [NOURDINE ET AL., 10] ont pu prouver l’efficacité de cette loi de commande à prendre en compte de la souplesse de l’arbre, la tour et même les pales. Dans [ØSTERGAARD ET AL., 07], l’objectif principal de la commande est de générer au réseau une puissance électrique de bonne qualité même avec les fortes fluctuations de la vitesse du vent. Et dans [CUTULIS ET AL., 06] et [KO ET AL., 07], les études présentées ont visé à améliorer les performances des systèmes hybrides combinant des éoliennes à des moteurs diesel, ou celles des fermes éoliennes connectées au réseau électrique respectivement.
Présentation des différentes technologies des systèmes éoliens
Du point de vue conception, les éoliennes peuvent être classées en deux catégories selon l’orientation de leur axe de rotation par rapport à la direction du vent. On distingue : les éoliennes à axe vertical (Figure 1.2) et les éoliennes à axe horizontal (Figure 1.3). Ces dernières sont les plus répandues sur le marché à cause de leur rendement supérieur à celui des autres machines [CUNTY, 01] et c’est bien ce type d’éoliennes qui sera étudié dans ce document. Ces aérogénérateurs sont équipés par des hélices généralement bi- ou tripales. Dans la littérature, les principales éoliennes étudiées sont à axe horizontal et tripales, et un petit intérêt a été destiné aux éoliennes bipales [LESCHER, 06]. Les pales peuvent être fixes ou orientables. Le deuxième cas est plutôt utilisé pour les grandes installations [GOURIERES, 82].
Les éoliennes peuvent être aussi classées selon leur vitesse de rotation. Celle-ci peut être fixe ou variable. Les premières éoliennes implantées sont des éoliennes à vitesse constante utilisant des génératrices asynchrones liées directement au réseau et c’est la fréquence du réseau qui impose la vitesse de rotation de la machine (Figure 1.4) [AL AIMANI, 04]. Cette technologie est moins chère et utilise un système électrique simple ne nécessitant pas un système électronique de commande [CAMBLONG, 04]. Contrairement à cette technologie, les éoliennes à vitesse variable utilisent de l’électronique de puissance (Figure 1.5) pour établir une séparation complète entre la fréquence du réseau et la vitesse de rotation de l’éolienne qui sera adaptée à la vitesse du vent afin d’optimiser la puissance fournie au réseau.
Il est à noter que les éoliennes à vitesse variable sont de plus en plus utilisées aujourd’hui par rapport à celles à vitesse constante. En effet, elles présentent de meilleures performances surtout en basses vitesses du vent, et elles sont moins sensibles aux vibrations induites par la structure mécanique et qu’elles permettent d’extraire le maximum de puissance disponible comme présenté à la Figure 1.6 [BIANCHI ET AL., 07].
Modélisation du système électrique
Le sous-système électrique de l’éolienne est composé de la génératrice et d’un module d’électronique de puissance et a pour rôle de convertir l’énergie mécanique au niveau de la turbine en énergie électrique. Sur les systèmes éoliens d’aujourd’hui, on peut distinguer essentiellement l’utilisation de deux types de machines électriques: les machines synchrones et les machines asynchrones sous leurs diverses variantes [CAMBLONG, 04], [MARIN, 09]. Ces dernières sont réservées aux éoliennes raccordées au réseau. Les dynamiques des machines électriques et des systèmes d’électronique de puissance qui y sont associés sont beaucoup plus rapides que celles des autres parties de l’aérogénérateur. Et, étant donné que les dynamiques dominantes sont essentiellement imposées par le sous-système mécanique, le système éolien sera considéré en tant qu’une structure mécanique [BIANCHI ET AL., 07]. Par la suite, le générateur sera caractérisé par le fait que son couple électromagnétique Cem peut être pris à tout instant égal à sa valeur de référence [LESCHER, 06].
Définition du cahier des charges de la commande
Commande avec optimisation de la puissance produite
L’objectif principal de la commande des éoliennes consiste en la génération d’une puissance électrique optimale et de bonne qualité. Cette nouvelle et importante notion de qualité de puissance générée au réseau électrique consiste en fait à la production d’une puissance électrique avec une parfaite continuité et dont les fluctuations ne dépassent pas un certain seuil préétabli [LAVERDURE, 05]. Cependant, l’éolienne ne produit pas le maximum de puissance sur toute sa plage de fonctionnement [LESCHER, 06]. En effet, l’éolienne passe par trois zones de fonctionnement différentes : PL1 (zone de charge partielle 1), PL2 (zone de charge partielle 2) et FL (zone de pleine charge) .
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CH. 1: PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DE L’INSERTION DES ÉOLIENNES DANS LES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES
1.1. CONTEXTE GÉNÉRAL
1.2. PRÉSENTATION DES DIFFÉRENTES TECHNOLOGIES DES SYSTÈMES ÉOLIENS
1.3. MODÉLISATION DU SYSTÈME ÉOLIEN
1.3.1. MODÉLISATION DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE
1.3.2. MULTIPLICATEUR
1.3.3. MODÉLISATION DU SOUS-SYSTÈME AÉRODYNAMIQUE
1.3.3.1. Modèle de transmission rigide
1.3.3.2. Modèle de transmission souple
1.3.4. MODÉLISATION DU SYSTÈME D’ORIENTATION DES PALES
1.3.5. MODÈLE LINÉARISÉ
1.3.6. STRUCTURE MULTIMODÈLE
1.3.7. MODÉLISATION DU VENT
1.4. DÉFINITION DU CAHIER DES CHARGES DE LA COMMANDE
1.4.1. COMMANDE AVEC OPTIMISATION DE LA PUISSANCE PRODUITE
1.4.1.1. Zone de la Charge Partielle 1 (Partial Load1 :PL1)
1.4.1.2. Zone de la Charge Partielle 2 (Partial Load 2 : PL2)
1.4.1.3. Zone de la Pleine Charge (Full Load : FL)
1.4.2. LIMITATION DE LA PUISSANCE PRODUITE-PARTICIPATION AU RÉGLAGE DE LA FRÉQUENCE
1.5. CONCLUSION
CH. 2: COMMANDES MULTIMODÈLES SIMPLIFIÉES DES ÉOLIENNES
2.1. INTRODUCTION
2.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE COMMANDE D’UN SYSTÈME ÉOLIEN
2.3. COMMANDE PAR ACTION PROPORTIONNELLE
2.3.1. EXPRESSION DE LA LOI DE COMMANDE AVEC UN PITCH ASSIMILÉ À UN GAIN UNITAIRE
2.3.2. RÉSULTATS DE SIMULATION
2.4. CORRECTEUR PROPORTIONNEL INTÉGRAL (PI)
2.5. CORRECTEUR PROPORTIONNEL INTÉGRAL DÉRIVÉ (PID)
2.6. LIMITATIONS DES COMMANDES CLASSIQUES
2.7. COMMANDE D’UN SYSTÈME ÉOLIEN SOUPLE PAR RETOUR D’ÉTAT
2.8. CONCLUSION
CH. 3: COMMANDE LQ D’UN SYSTÈME ÉOLIEN POUR UN FONCTIONNEMENT À MAXIMUM DE PUISSANCE
3.1. INTRODUCTION
3.2. SYNTHÈSE D’UNE LOI DE COMMANDE OPTIMALE QUADRATIQUE
3.2.1. CRITÈRE QUADRATIQUE : FORMULATION ET INTERPRÉTATION
3.2.2. REPRÉSENTATION D’ÉTAT DU SYSTÈME ÉTUDIÉ
3.2.3. OBSERVATEUR D’ÉTAT MULTIMODÈLE DU COUPLE MÉCANIQUE
3.2.4. LOI DE COMMANDE OPTIMALE QUADRATIQUE
3.2.5. RÉSULTATS DE SIMULATION
3.2.6. MISE EN ÉVIDENCE DES AVANTAGES ET DES LIMITATIONS DE LA COMMANDE LQ
3.3. COMMANDE LQ AVEC CONSERVATION DE LA DYNAMIQUE DE L’ACTIONNEUR PITCH
3.4. COMMANDE LQ NON STATIONNAIRE : DYNAMIQUE MINIMALE GARANTIE
3.5. ANALYSE DE STABILITÉ DU SYSTÈME ÉOLIEN COMMANDÉ
3.5.1. ANALYSE DE STABILITÉ DE LA COMMANDE LQ MULTIMODÈLE AVEC MAINTIEN DE LA DYNAMIQUE DU PITCH ET LA DYNAMIQUE GLOBALE DU SYSTÈME
3.5.2. ANALYSE DE STABILITÉ DE LA COMMANDE LQ MUNIE D’UN OBSERVATEUR D’ÉTAT MULTIMODÈLE
3.6. CONCLUSION
CH. 4: LIMITATION DE LA PUISSANCE DE L’ÉOLIENNE
4.2. MODÈLE LINÉARISÉ AUTOUR D’UN POINT DE FONCTIONNEMENT CARACTÉRISÉ PAR UNE VITESSE DU VENT ET UN NIVEAU DE PUISSANCE
4.2.1. LINÉARISATION ET REPRÉSENTATION D’ÉTAT
4.2.2. DESCRIPTION MULTIMODÈLE
4.3. LOI DE COMMANDE PROPOSÉE: APPROCHE QUADRATIQUE MULTIMODÈLE
4.3.1. REPRÉSENTATION D’ÉTAT AVEC MAINTIEN DE LA DYNAMIQUE DU PITCH
4.3.2. COMMANDE QUADRATIQUE BASÉE SUR UN MODÈLE DE RÉFÉRENCE ET UNE ACTION INTÉGRALE
4.3.3. COMMANDE QUADRATIQUE MULTIMODÈLE
4.3.4. RÉSULTATS DE SIMULATION
4.4. COMMANDE DE L’ÉOLIENNE AVEC COMMUTATION ENTRE ZONES
4.4.1. PRÉSENTATION DE LA COMMANDE SANS PITCH
4.4.1.1. Introduction
4.4.1.2. Modèle de la commande sans pitch
4.4.1.3. Synthèse de la commande
4.4.1.4. Commutation entre les commandes
4.5. CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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