Combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine

Combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine

Le paludisme demeure un problème majeur de santé publique dans le monde surtout en Afrique subsaharienne. C’est une maladie de la pauvreté. Le paludisme touche non seulement la santé de milliards d’individus à travers le monde mais affecte également l’économie des pays endémiques [1].

Globalement, on estime à 3,2 milliards le nombre de personnes à risque d’être infectées par le paludisme à travers le monde [2]. Selon les dernières estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 198 millions de cas de paludisme ont été enregistrés dans le monde en 2013 (marge d’incertitude de 124 à 283 millions) avec 584 000 de décès (marge d’incertitude 367 000 à 755 000) [2].

La région africaine de l’OMS est la plus touchée, où environ 90 % de tous les décès dûs au paludisme se sont produits [2]. Le paludisme frappe considérablement les enfants de moins de 5 ans qui constituaient 78 % de tous les cas de décès [2]. Les femmes enceintes sont aussi lourdement affectées par le paludisme. Les primigestes sont particulièrement plus affectées que les multigestes avec un risque d’anémie, d’accouchement prématuré et d’un faible poids à la naissance [3].

En Afrique, chaque minute un enfant meurt du paludisme. Dans les zones rurales pendant la saison de transmission du paludisme (l’hivernage), chaque enfant est susceptible de faire au moins un épisode de paludisme [4]. Les enfants qui se rétablissent après un accès palustre cérébral présentent des troubles de l’apprentissage et des incapacités consécutives aux lésions cérébrales [5].

Au Mali, le paludisme représente 42% des motifs de recours aux soins dans la population générale selon la 5ème enquête démographique de santé au Mali (EDSM V) [6]. En 2012 selon le ministère de la santé, plus de 2 millions de cas de paludisme ont été enregistrés. Parmi ces cas il y a eu près d’un million et demi de cas de paludisme non compliqué et plus de 600 000 cas graves dont 1833 décès (EDSM V) [6].

Généralités 

Paludisme et agents pathogènes 

Paludisme
Le paludisme est une érythrocytopathie fébrile, hémolysante dû à la présence et à la multiplication dans les hépatocytes puis dans les érythrocytes d’un hématozoaire du genre Plasmodium, transmis à Homo sapiens par la femelle du moustique du genre Anophèles [16]. Il existe aussi d’autres moyens de contaminations que sont les voies sanguines (transfusion sanguine), la transplantation d’organe et la transmission fœto maternelle [17,18]. Cinq espèces sont reconnues pathogènes pour l’Homme à savoir: Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium malariae, Plasmodium ovale et Plasmodium knowlesi. L’espèce Plasmodium ovale est constituée de deux sous-espèces P. o. wallikeri et P. o. curtisi, toutes deux également pathogènes pour l’Homme. Une étude récente a rapporté l’évidence de cas d’infection humaine par Plasmodium cynomolgi [19].

Agents pathogènes
Ce sont des protozoaires Apicomplexa à tropisme hépatique puis érythrocytaire. Leur taxonomie est la suivante [20]:
Domaine: Eukaryota
Règne: Protistes
Sous-règne: Protozoires
Super-phylum: Alveolata
Embranchement: Apicomplexa
Classe: Aconoïdasida
Ordre: Haemosporida
Famille: Plasmodiidae
Genre: Plasmodium
Espèces: P. falciparum, P. malariae, P. vivax, P. ovale et P. knowlesi.
Sous-espèces : P. o. wallikeri, P. o. curtisi.

Les différences entre les espèces pathogènes résident au niveau de leur capacité de multiplication durant la phase sanguine, la durée des cycles schizogoniques, la possibilité de séquestration des globules rouges infectés dans la microcirculation vasculaire et de leurs préférences du type de globule rouge pour l’invasion (jeunes, adultes, âgés). Plasmodium falciparum est endémique essentiellement en zone tropicale: Afrique, Asie du sud-est, Amérique du sud, et Océanie. Il a une période d’incubation hépatique de 7-12 jours. Il provoque une fièvre tierce maligne et donne des formes graves et mortelles dont les atteintes neurologiques [16]. Il est capable d’envahir les hématies quelques soit leur âge. Le cycle intraérythrocytaire dure environ 36-48 heures. La taille des hématies parasitées est quasiment identique à celle des hématies non parasitées. A la microscopie, les parasites jeunes ont une forme en bague à chaton avec un anneau cytoplasmique mince appelés « rings »; les trophozoïtes âgés ont une forme en bague plus élargie voire déformée. On note des tâches jaune orangés en coup d’ongle à la surface de l’hématie parasitée appelées tâches de Maurer (Macules de formes et de dimensions inégales). Le polyparasitisme d’un GR est fréquent. La gamétocytogénèse dure 9-12 jours et les gamétocytes ont une forme caractéristique en banane avec un diamètre moyen d’à peu près de 10µm (d’où le nom d’espèce falciparum), un amas central de granulation nucléaire en rouge et de pigments en noir, les schizontes ont une forme de corps en rosace contenant 16-32 noyaux [21] .

Plasmodium vivax est le plus répandu dans le monde. Il sévit en Asie du sud-est, Amérique du sud, Océanie et en Afrique sahélienne et de l’est. Il a une période d’incubation hépatique de 11-13jours, il provoque une fièvre tierce bénigne et est responsable de recrudescence grâce aux formes dormantes dans le foie: hypnozoites. Dans le sang, il préfère envahir les réticulocytes pour engager une schizogonie de 48 heures. Il provoque la déformation irrégulière et l’augmentation considérable de la taille de la cellule hôte. A la microscopie, les rings ont une forme en bague avec un anneau cytoplasmique épais et un gros noyau ; les trophozoïtes âgés ont un cytoplasme digité ou fragmenté avec un gros noyau plus ou moins déformé et un pigment noir. On note des granulations de Schüffner dans l’hématie parasitée. La gamétocytogénèse dure 7-9 jours et les gamétocytes sont arrondis (10-12 µm) avec un cytoplasme bleu pâle ou mauve et de fins pigments noirs dispersés au Giemsa. Les schizontes sont volumineux (10-14µm) avec 12-24 noyaux fins et de pigments noirs fins plus ou moins dispersés [21]. Il a longtemps été associé à l’infestation des individus Duffy positif, mais actuellement il a été observé chez des individus Duffy négatif [22].

Plasmodium ovale sévit surtout en zone intertropicale africaine. Des études récentes ont montré l’existence de 2 sous-espèces sympatriques de P. ovale (Plasmodium ovale curtisi et Plasmodium ovale wallikeri) [23], présentes en Afrique et en Asie, non distinguables par la microscopie [24]. Il a une période d’incubation hépatique de 15 jours. Il provoque une fièvre tierce bénigne et produit des hypnozoites. Il parasite les hématies jeunes pendant 48 heures en leur donnant une forme ovale et les hématies parasitées sont plus grande par rapport aux hématies saines. A la microscopie, les trophozoïtes jeunes ont une forme en bague avec un anneau cytoplasmique mince; les trophozoïtes âgés ont une forme régulière avec des granulations et de pigment noir. On note l’apparition précoce des granulations de Schüffner dans l’hématie parasitée (granulations volumineuses). La gamétocytogénèse est inférieure à 7 jours et les gamétocytes sont arrondis (7-8µm) avec un cytoplasme bleu pâle ou mauve et de fins pigments noirs peu abondants. Les schizontes ont une taille moyenne de 10µm, 8-12 noyaux volumineux et de gros pigments noirs plus ou moins dispersés [21].

Plasmodium malariae est endémique dans les climats tropicaux: Afrique, Asie du sud, Amérique du sud et Océanie. Il a une période d’incubation hépatique de 15-21 jours. Il provoque une fièvre quarte. Il préfère se développer dans les hématies âgées et la schizogonie intra-érythrocytaire dure environ 72 heures. Il est associé à des faibles parasitémies inframicroscopiques pouvant durer toute la vie [21]. A la microscopie, les trophozoites ont une disposition en plaque équatoriale de la cellule hôte; les trophozoïtes jeunes ont une forme en bague avec un anneau cytoplasmique épais et un gros noyau; les trophozoïtes âgés ont une forme en bague très épaisse ou forme en drapeau (rectangulaire) avec un gros pigment noir, les schizontes ont un aspect en rosace avec 12 noyaux [21].

Plasmodium knowlesi est génétiquement proche de P. vivax. Mais microscopiquement il peut poser un problème de diagnostic différentiel avec P. malariae. Les schizontes comportent 16 noyaux. Il a une période d’incubation hépatique de 5 jours. Il est responsable de fièvre quotidienne avec une schizogonie intra-érythrocytaire de 24 heures.

Cycle biologique 

Les recherches entreprises ces dernières années pour la mise au point de nouveaux médicaments et de vaccins antipaludiques, ont considérablement enrichi la connaissance de la biologie du parasite. Ces recherches ont mis en évidence la complexité des relations hôtesparasite. Les plasmodies sont des protozoaires intra-cellulaires. Le cycle biologique des plasmodies est complexe du fait de l’existence de plusieurs stades parasitaires et de diverses niches de multiplication [25]. Le cycle se déroule chez deux hôtes différents: l’anophèle (la reproduction sexuée et la sporogonie) et l’Homme (les schizogonies hépatique et intraérythrocytaire) .

L’infection de l’Homme est initiée par l’inoculation des sporozoïtes dans l’organisme par la piqûre de l’anophèle femelle au cours de son repas sanguin. Ces sporozoïtes restent pendant une trentaine de minutes maximum dans la peau, la lymphe et le sang. Beaucoup sont détruits par les macrophages mais certains parviennent à gagner les hépatocytes. Ils se transforment en trophozoïtes puis en schizontes pré- érythrocytaires donnant des mérontes ou plasmodes « corps bleus » (formes multinucléées) d’où le nom de Plasmodium. Après quelques jours de maturation, ces schizontes éclatent et libèrent dans le sang des milliers de mérozoïtes (10 000 à 30 000 mérozoïtes en fonction des espèces) en paquet : Mérosome. La schizogonie hépatique dure 5-21 jours selon les espèces. Dans les infections à P. vivax et P. ovale, des formes dormantes (les hypnozoïtes) peuvent être responsable de reviviscence schizogonique après plusieurs mois voir années.

Dans le sang, chaque mérozoïte pénètre dans le globule rouge et devient un trophozoïte qui grossit et forme un schizonte. Celui-ci éclate, libérant des mérozoïtes qui infestent de nouvelles hématies. Ces mérozoites se transforment en trophozoïtes puis en schizontes et le cycle intra-érythrocytaire continu. L’éclatement des schizontes toutes les 24 à 72 heures selon l’espèce, correspond à l’accès fébrile. Après plusieurs cycles endo-érythrocytaires, certains trophozoïtes se transforment en gamétocytes femelles et mâles.

Physiopathologie 

Les stades hépatiques et les gamétocytes ne donnent pas lieu à une manifestation clinique.

L’éclatement des globules rouges infectés et la libération de pyrogènes malariques ou endogènes provoquent la fièvre [28].

Dans le sang, les érythrocytes sont détruits par les parasites qu’ils hébergent. Quant aux hématies non parasitées, elles peuvent êtres agglutinées par le sérum de Coombs. Cette agglutination est favorisée par la présence d’immunoglobulines plasmatiques sur leur surface [29]. En présence de complément, ces érythrocytes opsonisés subissent l’hémolyse ou sont phagocytés par les macrophages. Cette hémolyse contribue à l’implantation de l’anémie [29]. L’hémoglobine libérée par l’hémolyse provoque une surcharge rénale et est partiellement transformée dans le foie en bilirubine. L’excès est éliminé dans les urines (hémoglobinurie). L’hémolyse brutale et massive est la cause du syndrome appelé « fièvre bilieuse hémoglobinurique »[30].

Par ailleurs, l’utilisation de l’hémoglobine par le parasite entraine la précipitation dans son cytoplasme, de granules de pigment appelées hémozoïne [31]. Ce pigment accumulé dans le cytoplasme du schizonte est relargué dans le plasma lors de la libération des mérozoïtes. Il est phagocyté par les macrophages et les histiocytes (leucocytes mélanifères). L’hémosidérine de couleur jaune sombre provient de la transformation de l’hémoglobine et de l’hémozoïne par les histiocytes. Les thrombocytes, enfin, sont détruits par des mécanismes encore mal précisés [31].

L’augmentation du volume de la rate notée dans l’infection palustre est provoquée par l’hypertrophie de la pulpe blanche [32]. L’érythrophagocytose est accélérée par deux phénomènes: activation des macrophages et fixation d’immunoglobulines sur la paroi des érythrocytes, infectés ou non [32]. L’activité de phagocytose concerne aussi le pigment parasitaire et les débris cellulaires. On observe une rate congestive, de consistance molle. Sa rupture est aisée à cause de la fragilité augmentée de la capsule. Sa couleur rouge foncé, parfois brune est dûe à l’accumulation du pigment repris par les phagocytes .

Traitement du paludisme au Mali 

Au Mali, les CTA sont recommandées dans le traitement du paludisme non compliqué. L’artémisinine en première intention et la quinine en formes parentérales sont réservées pour le traitement des formes graves et compliquées. Le traitement préventif intermittent du paludisme est réservé aux femmes enceintes et la CPS aux enfants de moins de 5 ans.

Dérivés de l’artémisinine 

L’artémisinine est un endopéroxide sesquiterpène trioxane lactone. Elle a une formule brute de C15H23O5 et possède une masse moléculaire de 282, 3 ±0 ,015. Le point de fusion est de 150 -153ºC et la masse volumique de 1,24 g·cm-3. Elle est soluble dans la plus part des solvants apolaires mais faiblement soluble dans l’huile et dans l’eau. L’artémisinine est une substance naturelle isolée de la plante armoise annuelle Artemisia annua . Elle possède des propriétés schizonticide érythrocytaire [37] et gamétocytocide [9] qui est la base principale des autres molécules de cette classe.

Mécanisme d’action
Le mécanisme d’action de l’artémisinine et ses dérivés est très complexe. Il n’est pas parfaitement connu. L’artémisinine est une lactone sesquiterpénique portant un groupe peroxyde qui est la responsable de son activité antipaludique.

L’artémisinine réagit avec le fer des globules rouges pour créer des radicaux libres qui, à leur tour, détruisent la membrane du parasite entrainant leur mort [38]. À noter que la présence de toute substance protégeant des dommages radicalaires (antioxydant) pourrait contrarier son efficacité [38].

Mécanisme de résistance
L’artémisinine et ses dérivés sont très utilisés depuis plusieures années dans les pays d’endémie palustre. Leur utilisation en monothérapie est associée à de forts taux de recrudescence à cause de leur courte demi-vie plasmatique [43]. Pour cette raison ils sont associés à d’autres molécules d’élimination plus lente.

En effet, le mécanisme clair et exact de la résistance parasitaire à l’artémisinine et dérives n’est pas encore bien connu. Certains chercheurs pensent que cette résistance serait dûe à la présence des mutations sur le gène PfATPase6 (Plasmodium falciparum ATPase6) et un changement du nombre de copie de Pfmdr1 (Plasmodium falciparum multidrug resistant1) . D’autres chercheurs ont évoqué le phénomène de quiescence pour expliquer cette résistance [46]. Ce phénomène de quiescence est observé au stade ring des plasmodies. Il résulterait d’une réponse naturelle des plasmodies face au stress provoqué par l’artémisinine et ses dérivés. Ainsi, au cours d’un traitement à l’artémisinine et ses dérivés, certains plasmodies au stade ring entrent dans un état de dormance jusqu’à la soustraction de la pression médicamenteuse et poursuivent ensuite leur développement normal.

Combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA)
Les CTA constituent actuellement les traitements de première intention du paludisme dans les pays endémiques. Le but est d’assurer un traitement efficace, court, abordable et bien toléré en retardant l’apparition et la diffusion de la résistance aux dérivés de l’artémisinine et aux molécules partenaires [48]. L’OMS a préconisé depuis 2001 l’utilisation des CTA [49]. Les dérivés de l’artémisinine agissent rapidement et entrainent une réduction considérable de la charge parasitaire. Ce qui se traduit par une résolution rapide des manifestations cliniques. Ils possèderaient aussi une activité gamétocytocide capable de réduire le risque de transmission de la maladie [50]. La molécule partenaire assure le relais de la destruction des parasites dû à sa plus longue demi-vie [50].

Conclusion 

Au terme de notre étude, les résultats ont montré que les clairances parasitaires de l’AS+SP et de l’AL étaient rapides et similaires. Aucun sujet parasité n’a été constaté à 60 heures du traitement. Notre étude montre que les deux CTA de notre étude (AS+SP et AL) demeurent toujours efficaces au Mali.

 

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Table des matières

I. Introduction 
II. Hypothèse de recherche 
III. Objectifs 
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
IV. Généralités 
1. Paludisme et agents pathogènes
1.1. Paludisme
1.2. Agents pathogènes
2. Cycle biologique
3. Physiopathologie
4. Traitement du paludisme au Mali
5. Dérivés de l’artémisinine
5.1. Mécanisme d’action
5.2. Mécanisme de résistance
5.3. Combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine
5.4. Situation actuelle de l’efficacité des CTA
6. Clairance parasitaire
V. Méthodologie 
1. Site d’étude
2. Type et période d’étude
3. Population d’étude
4. Echantillonnage et taille de l’échantillon
5. Critères d’inclusion et de non inclusion
6. Equipe de suivi
7. Screening et procédure d’enrôlement
8. Suivi
9. Traitement
10. Considérations éthiques
11. Variables étudiées
11.1. La demi-vie de la clairance parasitaire
11.2. Le PC 95
11.3. Le taux de parasitémie négative à l’heure 24 et le taux de parasitémie positive à l’heure 60
12. Gestion et analyse des données
VI. Résultats 
1. Diagramme de flux
2. Clairance parasitaire des sujets suivis aux heures H0, H8, H16, H24, H36, H48 et H60
3. Clairance parasitaire et âge
4. Clairance parasitaire et sexe
5. Clairance parasitaire et réponse thérapeutique
VII. Discussion 
VIII. Conclusion

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