Colonisation des débris ligneux par les Formicidae en forêt boréale
Traitement statistique des données
En raison du caractère binaire de la colonisation du bois par les fourmis (colonisé vs non-colonisé), une régression logistique binaire a été choisie comme méthode appropriée (Quinn et Keough 2002) permettant de déterminer les caractéristiques des débris ligneux sélectionnés pour la colonisation. En premier lieu, une matrice de corrélation a été calculée entre chacune des variables pour examiner la colinéarité potentielle. Les variables conservées dans la régression logistique présentent entre elles un coefficient de corrélation (R) inférieur à 0,60. Afin de minimiser le nombre de zéro dans l’analyse, les débris se trouvant dans les classes de décomposition 1 et II ont été fusionnés de même que ceux se trouvant dans les classes IV et V. Ainsi, cette analyse porte sur trois classes de décomposition: la classe des débris peu décomposés (1 et II), la classe moyennement décomposés (III) et la classe de décomposition avancée (IV et V). Les variables retenues pour l’analyse sont le temps depuis le feu , la longueur moyenne des débris, l’abondance de chicots par site, l’abondance des débris dans chacune des classes de décomposition, le couvert moyen en écorce des débris, le contact moyen au sol des débris, le couvert moyen en mousse/lichen sur les débris, l’abondance moyenne de trous de longicornes.
Il est à noter que l’ abondance réfère au décompte total à l’intérieur de la surface d’échantillonnage (100 m2). La vraisemblance du modèle a été estimée à partir du test de d’adéquation d’Hosmer et Lemeshow (ê) (Hosmer et Lemeshow 1989) ainsi que par le taux de classification exacte de la variable de réponse (colonisé vs non-colonisé). Ce test indique s’il y a des différences significatives entre les valeurs prédites par le modèle et les valeurs obtenues. Les relations existant entre les espèces de fourmis et les caractéristiques des débris ligneux ont été évaluées au moyen d’une analyse de redondance (RDA), une méthode qui contraint l’ordination dans un espace défini par la combinaison linéaire des variables environnementales mesurées (Jongman et al. 1995; Legendre et Legendre 1998). Cette analyse a été réalisée au moyen du logiciel CANOCO version 4.5 (ter Braak et Smilauer 2002). Les espèces considérées dans cette analyse devaient être présentes dans au moins 10 % des placettes. Ainsi, un total de cinq espèces a été considéré dans l’ analyse. Une transformation d’Hellinger a été réalisée sur les données d’ abondance de fourmis afin de contrôler pour la faible abondance de certaines espèces (Legendre et Gallagher 2001). Les classes de décomposition ont été groupées de la même façon que dans la régression logistique.
Les caractéristiques des débris retenues pour l’ analyse devaient influencer significativement (p < 0,05) la distribution des fourmis. La puissance explicative de ces caractéristiques a été vérifiée au moyen d’une série de RDA partielles (une caractéristique à la fois) et éprouvée par des tests de permutation de Monte Carlo (999 permutations). Ensuite, le facteur d’ inflation de la variance a été examiné dans l’analyse de redondance complète afin d’ éliminer les variables ayant des corrélations multiples avec d’ autres (ter Braak et Smilauer 2002). Les variables ayant un facteur d’inflation supérieur à cinq ont été éliminées, une à la fois, en commençant avec celle ayant la plus grande valeur. Les variables environnementales retenues pour l’ analyse sont donc la longueur moyenne, le diamètre moyen, l’abondance de chicots, l’abondance des débris dans la classe de décomposition «faiblement décomposés », l’abondance des débris dans la classe de décomposition «moyennement décomposés », l’abondance des débris dans la classe « décomposition avancée », le couvert moyen en écorce, le contact moyen au sol, le couvert moyen en mousse/lichen, l’abondance moyenne de trous de longicornes. Un test de permutation de Monte Carlo a été réalisé pour évaluer la signification des axes ainsi que celle du modèle complet (999 permutations non contraintes). Les différences dans les teneurs en carbone et en azote entre les débris colonisés et les débris non-colonisés ainsi qu’entre les mesures prises à l’intérieur du nid et celles prises à l’extérieur du nid, ont été testées à l’aide du test de T de Wilcoxon (Zar 1999). Ce test a été choisi comme équivalent non paramétrique du test de t pour échantillons appariés puisque la condition d’ égalité des variances n’était pas respectée. Ces analyses de même que la régression logistique ont été conduites à l’ aide du logiciel SPSS 9.0.
Résultats
Un total de 1 625 débris ligneux ont été examinés révélant la présence de 263 nids appartenant à huit espèces de fourmis. Les nids ont été retrouvés à l’ intérieur de 211 débris ligneux, indiquant qu’ un débris particulier peut être occupé par plus d’ une colonie. Leptothorax cf canadensis (= muscorum) et Myrmica alaskensis sont de loin les espèces les plus abondantes avec respectivement 65,4% et 21 ,7% des captures (figure 2). Leptothorax cf. canadensis n’ a pas été observée dans les deux premières années après l’incendie tandis que M alaskensis colonise les débris à tous les stades après feu. Les espèces de Formicinae (Formica aserva (= subnuda), F. neorufibarbis, et Camponotus herculeanus) peuvent être abondantes localement et ce, spécialement dans les débris des feux de 30 ans et plus. L’occurrence des trois autres espèces (F. podzolica, M fracticornis et Tapinoma sessile) est davantage sporadique. D ‘ une façon générale, le nombre de nids et le nombre de débris colonisés augmentent avec l’ âge des sites dans les 30 premières années à l’intérieur de la chrono séquence tandis que la quantité de débris ligneux diminue (figure 3). La diminution du nombre de nid est associée à une diminution du nombre de débris disponible de 30 à 62 ans après feu. Enfin, bien que le nombre de débris disponibles soit plus élevé dans les vieilles forêts, l’abondance de nid de fourmis demeure semblable aux peuplements ayant brûlé en 1941.
Le modèle de régression logistique (tableau 2) prédit correctement la colonisation des débris ligneux dans 85 ,23 % des cas (édl=8 = 4,712; P = 0,788). Le degré de contact avec le sol semble être le facteur déterminant de la colonisation des débris avec presque 35 fois plus de chance d’ être colonisé avec une augmentation de 1 % de contact. De plus, il appert que l’ augmentation du nombre moyen de trous de longicornes augmente la probabilité de colonisation par les fourmis de près de 60%. À l’inverse, l’augmentation du couvert par les mousses et lichens diminue la probabilité qu’un débris soit occupé par les fourmis. Les deux premiers axes de l’analyse de redondance saisissent respectivement 60,9% et 26,3% de la relation entre les caractéristiques des débris ligneux et les espèces de fourmis (figure 4). Les tests de permutation de Monte Carlo indiquent que seulement les deux premiers axes de la RDA sont significatifs (p < 0,05) et que le modèle complet (tous les axes combinés) est également significatif(F = 1,975;p = 0,012). Le gradient observé dans le premier axe est principalement corrélé à l’abondance de débris faiblement et moyennement décomposés, le niveau de contact avec le sol ainsi que l’abondance des trous de longicornes (tableau 3). Le deuxième axe est surtout relié à la longueur des débris, à l’abondance des chicots et à l’abondance de débris faiblement décomposé (tableau 3). Il en résulte un gradient de décomposition depuis le quadrant inférieur gauche, avec des débris peu décomposés, surtout debout, vers le quadrant supérieur droit, avec des débris essentiellement au sol et bien décomposés (figure 4a). Les stations d’ échantillonnage se distribuent en fonction de ce gradient. En effet, les fourmis colonisant les débris des stations d’ échantillonnage des feux de 1998, 1996 1989, 1988, 1973a et 1973b se retrouvent principalement dans la partie inférieure gauche de l’ ordination tandis que le reste des stations se situent davantage dans l’autre extrémité (figure 4b).
Dans la figure 4b, il apparaît surprenant que les débris colonisés dans les deux premières années après le feu s’ordonnent avec ceux des feux anciens et des sites témoins. Une analyse détaillée des débris de ces placettes indique que de grosses billes avec moins de 10% d’ écorce et sans ramilles étaient déjà au sol avant le feu. Des classes de décomposition de 3 ou 4 ont été attribuées à ces débris. Enfin, cette analyse indique clairement qu’ il existe une relation importante entre l’occurrence des colonies de L. cf. canadensis et la présence de galeries de longicornes. La figure 5 montre les variations considérables dans le volume qu’ occupent les nids des différentes espèces. Avec une dimension moyenne de 7 417,1 ± 10356,6 cm3 (n = 8), C. herculeanus est l’espèce dont le nid occupe le plus grand volume de débris ligneux. Les petites colonies de L. cf. canadensis utilisent pour leur part de plus petits volumes (195 ,0 ± 343,4 cm3 ; n = 172) de bois.
D’ une façon générale, les fourmis occupent préférentiellement l’ intérieur du débris ligneux (aubier et/ou coeur) à l’exception de F. aserva et F. podzolica qui colonisent davantage l’ espace entre l’ écorce et l’aubier de même que l’ espace entre le sol et le débris (figure 6). Le ratio C : N des débris colonisés a une tendance générale à être plus faible que les débris non-colonisés (figure 7a). Cette différence est significative (p < 0,05) dans les feux de 1989, 1988, 1973a et 1941 b. Ces différences dans les ratios C: N seraient principalement dues à des concentrations d’ azote plus élevées dans les débris colonisés (figure 8a). Le ratio C : N est également plus faible à l’ intérieur du nid qu ‘ à l’extérieur lorsque la comparaison est faite à partir du même débris ligneux (figure 7b). Même si cette tendance est générale dans tous les feux, elle n’est cependant significative que dans le cas du feu de 1988. À l’échelle du débris ligneux, il est également possible de constater que la quantité d’ azote est plus importante à l’ intérieur du nid qu’ à l’ extérieur (figure 8b).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Objectifs
PATRONS DE COLONISATION DES DÉBRIS LIGNEUX APRÈS FEU PAR LES FOURMIS
EN FORÊT BORÉALE
Résumé
Introduction
Matériel et méthodes
Région étudiée
Sélection des sites
Méthode
Traitement statistique des données
Résultats
Discussion
Faune myrmécologique
Impact direct du feu
Facteurs influençant la colonisation
Les débris ligneux comme sites de nidification
Impact de la colonisation sur le ratio C : N
Références bibliographiques
STRATÉGIES DE DISPERSION DE Leptothorax cf. canadensis (HYMENOPTERA,
FORMICIDAE) DANS UNE FORÊT BORÉALE NORDIQUE FRÉQUEMMENT INCENDIÉE
Résumé
Introduction
Matériel et Méthodes
Région étudiée
Sélection des sites et échantillonnage
Analyses génétiques
Résultats
Discussion
Excès d ‘hétérozygotes
Stratégie de dispersion
Références bibliographiques
CONCLUSIONS GÉNÉRALES
Colonisation des débris ligneux par les Formicidae en forêt boréale
Stratégies de dispersion et de colonisation de Leptothorax cf. canadensis
Ouverture et perspectives de recherche
BIBLIOGRAPHIE
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