La naissance de la théorie keynésienne
« La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » de Keynes (1936) paru dans le contexte des crises économiques des années 1930. Les autorités publiques ne trouvaient rien pour résoudre le chômage de masse qui sévissait à l’époque. Les économistes, se basant sur les théories d’Alfred Marshall d’équilibre partiel des marchés pensaient que la théorie économique ne disposait pas d’outils pour résoudre la crise. C’est alors que Keynes avait la brillante idée que le chômage ne devait pas être étudié seulement dans le marché de travail mais qu’il avait d’autres sources du fait de l’interdépendance entre les marchés. C’est alors qu’il conclut que le chômage de l’époque était la conséquence d’une insuffisance de la demande agrégée. De Vroey (2004)1 fait un résumé des programmes développés par Keynes :
– démontrer l’existence d’un chômage involontaire d’équilibre, situation dans laquelle certains agents étaient prêts à travailler au niveau de salaire en vigueur mais étaient dans l’incapacité de le faire ;
– prouver que le salaire n’était pas responsable de cet état des choses ;
– donner une explication d’équilibre générale ;
– démontrer que la cause principale en est l’insuffisance de la demande globale et que la solution consiste à l’action de l’Etat sur cette demande.
Le livre reçu un accueil favorable, surtout de la part des jeunes économistes. C’est de ces derniers que naîtra une formalisation des analyses keynésiennes et de sa vérification empirique.
Les « Critiques de Lucas »
Les seuls avis favorables de Lucas à l’égard de Keynes sont seulement ses contributions dans l’endiguement des socialistes et le fait d’avoir engagé la théorie économique dans la construction de modèles économiques2. Quant aux concepts et méthodes de Keynes, Lucas en fait des critiques sévères. Tout d’abord, il critique le concept d’un chômage analysé statiquement, c’est-à-dire en un point du temps. Il reproche également à Keynes le refus d’avoir aborder la réalité par les postulats de comportements optimisateurs et d’ajustement par le marché. En plus, il suggère qu’on a rien à perdre à abandonner les concepts de chômage involontaire et de plein emploi de Keynes vue qu’elles sont mal définies par ce dernier. Les « Critiques de Lucas » portent sur les dimensions d’évaluation quantitative des modèles keynésiens. Ses raisonnements se font en trois étapes. Premièrement, il introduit la notion de « paramètres structurels », paramètres exogènes aux modèles (les préférences des agents, les contraintes technologiques, paramètres faisant apparaître des états du monde). Deuxièmement, il introduit la notion de « modèle structurel », ensemble d’équation ne comprenant que des paramètres structurels et permettant de décrire les réactions optimales des agents économiques aux variations de son environnement. Troisièmement, il affirme que seuls de tels modèles sont capables de faire des évaluations de politique économique non-biaisées. Il l’explique du fait de leurs paramètres indépendants du système économique et qui ne varient pas en fonction de la politique économique.
La Nouvelle Economie Classique (NEC)
Ces économistes (Lucas, Sargent, Barro…) et leurs modèles se reposent sur l’hypothèse d’anticipation rationnelle. Ils se veulent classique parce qu’ils veulent marqués leurs filiations aux économistes prékeynésiens (en particuliers Hayek). Leur message peut être résumé ainsi : la politique conjoncturelle est, d’après eux, complètement inefficace et il faut rejeter la modélisation macroéconomique keynésienne. Le premier message est le fondement du « principe d’invariance ou d’inefficacité des politiques contracycliques ». Si Friedman reconnaissait qu’il existe un arbitrage temporaire entre inflation et chômage, avec sa proposition d’instabilité de la courbe de Phillips (verticale à long terme et une famille de courbes de court terme), la NEC va plus loin est propose une courbe de Phillips verticale aussi bien dans le long terme que dans le court terme. Ceci signifie que les autorités n’ont pas la possibilité d’exploiter la courbe. Pour la deuxième proposition, la NEC stipule que les simulations faites à partir des modèles keynésiens ne peuvent donner aucune information utile quant aux conséquences réelles de politiques économiques alternatives. Il propose ainsi un modèle structurel avec des paramètres structurels et qui ne dépend pas des politiques économiques. La NEC dominait dans les années 1980 mais le renouveau de la théorie keynésienne ne la laissera pas dominer seule la théorie économique.
Un modèle d’équilibre global
Le modèle permet de présenter sur un seul diagramme les relations entre le niveau des prix d’une part et le niveau de la production offerte et demandée d’autre part. Sur l’axe vertical, on trouve le niveau général des prix et sur l’axe horizontal, on trouve la production globale. L’équilibre de l’offre et de la demande globale est obtenu par l’ajustement entre le niveau des prix et la production. Dans la pratique, la production est mesurée par le PIB réel et le niveau général des prix est obtenu grâce à l’indice des prix à la consommation ou le déflateur du PIB.
a. La courbe de la demande globale : C’est une courbe qui indique la quantité de biens et services demandée par l’économie qui correspond à chaque niveau de prix. Dans le graphique 1, on constate que la courbe est décroissante. La demande globale inclue la consommation des ménages, l’investissement des entreprises, les dépenses de l’Etat et les exportations nettes. Pour comprendre la pente de la courbe de demande globale, il suffit d’examiner les effets de la variation des prix sur la consommation, l’investissement et les exportations nettes. La dépense publique étant une variable de politique fixée par les autorités. La Consommation est une fonction décroissante du prix. En effet, la « baisse du niveau général des prix donne aux consommateurs l’impression d’être plus riches, ce qui les encourage à consommer davantage. Cette consommation supplémentaire signifie un accroissement de la demande globale. » C’est l’effet de richesse de Pigou. Quant à l’investissement la « baisse des prix fait baisser les taux d’intérêt, ce qui fait monter les dépenses en biens d’investissement et donc la demande globale ». Cet effet est appelé effet de taux d’intérêt de Keynes. Un exemple provenant de l’observation de l’économie américaine permet d’expliquer l’effet du prix sur l’exportation. La « baisse des prix américains fait baisser le taux d’intérêt américains, le taux de change réel se dégrade, ce qui stimule les exportations nettes, et accroît la demande globale de biens et services. » Cet effet est appelé effet de taux de change de MundellFleming, du nom des économistes qui l’a présenté. Ces trois raisons sont connexes et expliquent la pente négative de la demande globale. La baisse de prix provoque une augmentation de la demande globale car les consommateurs se sentent plus riches et augmentent leur consommation. Les taux d’intérêt diminuent, ce qui stimule l’investissement. De même, la dépréciation de la monnaie stimule les exportations nettes. Une augmentation du prix provoque donc une diminution de la demande globale.
b. La courbe de l’offre globale : C’est une courbe qui représente la quantité de biens et services produite et vendue à chaque niveau de prix. Contrairement à la courbe de demande globale, la graphique 1 présente deux courbes d’offre globale : la courbe d’offre globale à long terme et la courbe d’offre globale à court terme. A long terme, la courbe de l’offre globale est verticale. La cause en est qu’à long terme, le niveau de production est indépendant du niveau de prix. En effet, c’est des facteurs technologiques (productivité du travail et du capital) que dépendent la production, c’est le taux naturel de production. Une amélioration de ce taux fera déplacée la courbe vers la droite, mais une variation du niveau de prix n’aura aucun effet sur elle (graphique 2). Par contre, dans la graphique 1, la courbe de l’offre globale à court terme est une courbe croissante. C’est une courbe croissante du niveau de prix. Trois explications sont proposées par les économistes. La théorie néo-classique des mésinterprétations ou des anticipations adaptives explique qu’« une baisse du niveau général des prix conduit à une mésinterprétation des prix relatifs, qui pousse les producteurs à réduire leur production. » La théorie keynésienne de la viscosité des salaires stipule que « les salaires ne s’adaptant pas immédiatement au niveau général des prix, une baisse de celui-ci accroît le coût réel du travail, ce qui incite les producteurs à réduire la quantité produite. » Quant à la théorie néo-keynésienne de viscosité des prix, elle affirme que « dans la mesure où tous les prix ne s’adaptent pas à la même vitesse aux conditions économiques changeantes, une baisse du niveau générale des prix fait apparaître certains prix comme trop élevés, ce qui déprime les ventes et conduit à une réduction de la production. Cette construction du modèle a permis de comprendre les effets d’une fluctuation de prix sur l’offre et la demande globales. Mais avant d’étudier les effets de la politique conjoncturelle à travers ce modèle, quelques notions sur celle-ci seront d’abord abordées.
|
Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES ANNEXES
INTRODUCTION
PARTIE I –L’EFFICACITE DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE A TRAVERS LA THEORIE ECONOMIQUE
CHAPITRE 1. SURVOL HISTORIQUE DES THEORIES S’ATTACHANT A LA POLITIQUE ECONOMIQUE
A. La naissance de la théorie keynésienne et de la politique économique
1. La naissance de la théorie keynésienne
2. Hicks, Tinbergen et le développement de la théorie
3. L’apogée de la théorie keynésienne
B. La critique des monétaristes et les nouveaux classiques
1. Friedman et les monétaristes
2. Les « Critiques de Lucas »
3. La théorie des anticipations rationnelles, l’incohérence dynamique de Kydland et Prescott
C. Nouvelle Economie Classique versus Nouvelle Economie Keynésien
1. La Nouvelle Economie Classique (NEC)
2. La Nouvelle Economie Keynésienne (NEK)
3. La situation actuelle
CHAPITRE 2. LE MODELE OFFRE GLOBALE ET DEMANDE GLOBALE ET LA POLITIQUE ECONOMIQUE
A. L’analyse des fluctuations économiques à travers le modèle offre et demande globales
1. Un modèle d’équilibre global
2. Les chocs macroéconomiques
B. La politique conjoncturelle
1. Les fonctions de l’Etat
2. Les composantes de la politique conjoncturelle
3. La politique budgétaire et la politique monétaire
C. Les effets de la politique budgétaire et de la politique monétaire à travers le modèle offre et demande globales
1. Propriété du modèle
2. Les effets d’une politique budgétaire sur la demande globale
3. Les effets d’une politique monétaire sur la demande globale
CHAPITRE 3. L’EFFICACITE DES POLITIQUES CONJONCTURELLES
A. Quelques précisions sur la politique budgétaire et la politique monétaire
1. Les objectifs de la politique économique à travers le modèle
2. L’Etat et la politique budgétaire
3. La Banque Centrale et la politique monétaire
B. L’efficacité de la politique budgétaire
1. Le multiplicateur budgétaire
2. Les effets d’une politique budgétaire
C. Analyse des effets de la politique monétaire à travers le modèle
1. La préférence pour la liquidité
2. La politique monétaire à travers le modèle
3. Les effets attendus de la politique monétaire sur les objectifs de la politique économique
PARTIE II –LA COHERENCE ENTRE POLITIQUE BIDGETAIRE ET POLITIQUE MONETAIRE : QUELLE COMBINAISON POUR PLUS D’EFFICACITES
CHAPITRE 4. L’INCOHERENCE ENTRE POLITIQUE MONETAIRE ET POLITIQUE BUDGETAIRE, UN FREIN A L’EFFICACITE
A. Pourquoi il y a incohérence ?
1. Incohérence entre politiques budgétaire et monétaire
2. Conflits entre instruments
3. Incompatibilités des objectifs, le carré magique de Kaldor
B. Incohérence entre politique et impacts sur leurs efficacités
1. Type de politique incompatible
2. Incohérence temporelle (incohérence dynamique)
3. Une dimension spatiale, cas de l’Union Européenne
CHAPITRE 5. LA COHERENCE : UNE MEILLEURE COMBINAISON POUR PLUS D’EFFICACITE ENTRE POLITIQUE MONETAIRE ET POLITIQUE BUDGETAIRE
A. Une combinaison efficace pour garantir la cohérence entre politique budgétaire et la politique monétaire
1. Comparaison de l’efficacité des deux politiques
2. Les règles d’utilisation des politiques économiques
3. La policy mix
B. La cohérence : une affaire de dosage entre éléments contradictoires
1. Doit-on passer par une coordination entre politique budgétaire et politique monétaire ?
2. Solution d’incohérence temporelle
3. L’incohérence interne et externe des politiques économiques, cas de l’Union Européenne
PARTIE III – MADAGASCAR : LA COHERENCE ENTRE POLITIQUE BUDGETAIRE ET POLITIQUE MONETAIRE DANS LA PERIODE 2001-2005
CHAPITRE 6. MADAGASCAR ET SA POLITIQUE ECONOMIQUE
A. L’économie malgache
1. Quelques indicateurs sur les agrégats de la politique économique
2. Programme de lutte contre la pauvreté et coopération régionale
3. Les secteurs économiques en 2005
B. La politique économique à Madagascar
1. Survol historique de la politique économique malgache
2. Le Gouvernement et la politique budgétaire
3. La Banque Centrale et la politique monétaire
CHAPITRE 7. LA COHERENCE ENTRE POLITIQUE BUDGETAIRE ET LA POLITIQUE MONETAIRE A MADAGASCAR
A. Etude des effets de politiques économiques sur le PIB et le prix
1. Le modèle SVAR
2. Construction du modèle
3. Les résultats du modèle et interprétation
B. La politique économique malgache, pour une meilleure cohérence face aux chocs conjoncturels
1. Les chocs d’origine interne
2. Les chocs économiques d’origine externe
3. La cohérence des politiques économiques face aux chocs exogènes, quelles solutions ?
CONCLUSION
ANNEXES
ANNEXES 1
ANNEXE 2 – LES RESULTATS DE LA SIMULATION S-VAR
LA POLITIQUE ECONOMIQUE DE MADAGASCAR (2001-2005)
Les résultats du modèle
Simulation faite avec une version d’évaluation d’EViews, version 4.1, limitée à 30 jours
Les données utilisées
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet