Cognition sociale et fonctions exécutives dans la neurofibromatose de type 1

Efficience intellectuelle

             Il est aujourd’hui admis que les enfants avec NF1 seraient peu nombreux à présenter une déficience intellectuelle. Elle touche 4 à 8% de ces enfants selon les études (Lehtonen et al., 2013 ; Ozonoff, 1999), soit deux à trois fois le taux retrouvé dans la population toutvenant. Le handicap intellectuel est donc nettement inférieur à ce qui est généralement observé dans d’autres contextes génétiques touchant le système nerveux central, tels que le syndrome de Turner ou le X fragile (Hyman et al., 2005). Si le quotient intellectuel (QI) des enfants porteurs de la NF1 apparait relativement préservé, il se situe souvent dans la moyenne faible. En effet, la majorité des études décrit un QI total se situant entre 85 et 100, indiquant ainsi un discret décalage par rapport à la norme (e.g., Champion et al., 2014; Hyman et al., 2005; Lehtonen et al., 2015; Roy et al., 2010). Ce léger fléchissement intellectuel apparait dès l’âge préscolaire (Lorenzo et al., 2013; 2015). Certaines études ont suggéré une différence significative entre l’intelligence cristallisée et l’intelligence fluide, le plus souvent en défaveur de l’intelligence fluide. Néanmoins, la plupart des recherches décrit un fléchissement similaire des différents indices aux échelles d’efficience intellectuelle (e.g., Ferner et al., 1996; Hyman et al., 2005; North et al., 1994; Roy et al., 2010).

Traitement visuospatial et visuoperceptif

      Les troubles visuospatiaux ont longtemps été décrits comme caractéristiques et consensuels dans la NF1 (e.g., Levine et al., 2006; Torres Nupan et al., 2017). Une grande majorité des études s’est appuyée sur la tâche du Jugement d’orientation de lignes (JOL) de Benton (Benton et al., 1994) de par sa robustesse par rapport aux autres outils existants. Quatre-vingt pourcents de ces travaux ont observé des performances déficitaires (Levine et al., 2006) et ce dès l’âge préscolaire (Lorenzo et al., 2013). Néanmoins, cette hypothèse a été largement remise en cause ces dernières années. Si de nombreuses études identifient une atteinte des performances au test du JOL (par exemple, Cutting et al., 2000; Hyman et al., 2005), certaines à l’inverse ont mis en exergue des performances préservées chez les enfants avec NF1 à cette même tâche (Billingsley et al., 2002; Eylen et al., 2017; Mazzocco, 2001). D’ailleurs, l’évaluation de ces fonctions par le biais d’autres tâches ne permettait pas toujours de discriminer les patients des sujets contrôles, suggérant ainsi des performances dans la norme chez les patients (Levine et al., 2006). En parallèle, une autre étude a souligné l’existence d’une grande variabilité des performances au sein même du groupe avec NF1 (Isenberg et al., 2013).

Troubles d’apprentissage

             Les troubles d’apprentissage sont fréquents chez les enfants avec NF1 puisqu’ils sont retrouvés chez 20 à 75% d’entre eux selon les études (Brewer et al., 1997; Descheemaeker et al., 2005; Hyman et al., 2006; Krab et al., 2008; Riccardi, 1992). Il n’existe aucun pattern spécifique de ces atteintes et plusieurs profils sont identifiés, les patients pouvant présenter des difficultés dans une ou plusieurs tâches selon les études (Brewer et al., 1997; Descheemaeker et al., 2005; Krab et al., 2008). Les résultats retrouvés semblent par ailleurs dépendants des outils de mesure, des définitions, et du seuil de déficit considéré (Lehtonen et al., 2013; Ozonoff, 1999). La spécificité de ces atteintes est aussi interrogée, certains auteurs décrivant les troubles d’apprentissage comme une comorbidité de la NF1 (Hyman et al., 2006), alors que d’autres évoquent une prévalence amoindrie après contrôle du QI (Levine et al., 2006). Les difficultés identifiées peuvent toucher les capacités de lecture, d’orthographe et/ou de mathématiques (Ozonoff, 1999). L’incidence des troubles de la lecture serait plus élevée chez les patients avec NF1 par rapport à la population tout-venant (Watt et al., 2008). En effet, la plupart des études ont démontré une atteinte d’au moins une mesure de lecture chez deux tiers de ces enfants (Watt et al., 2008), impactant notamment le déchiffrage et la compréhension (Billingsley et al., 2003; Cutting et al., 2000; Mazzocco et al., 1995; Watt et al., 2008). Si les résultats concernant la compréhension ne sont pas consensuels et semblent moins constants (Descheemaeker et al., 2005), la plupart des études s’accordent sur le fait que les atteintes relevées chez les patients seraient surtout d’ordre phonologique (Chaix et al., 2018; Cutting et al., 2000; Watt et al., 2008). Certains auteurs interrogent la spécificité de ces troubles, et évoquent la dyslexie comme comorbidité de la NF1 (Orraca-Castillo et al., 2014). Par exemple, Watt et al. (2008) ont mis en évidence que 17% des patients rencontrés présentaient les critères diagnostiques de la dyslexie phonologique (pour la plupart – 75%) ou de la dyslexie mixte (pour 20% d’entre eux). En outre, d’autres ont démontré que les enfants avec NF1 présentaient des scores similaires à ceux des enfants avec troubles spécifiques d’apprentissage pour les mesures liées à la lecture (Cutting et al., 2000). Néanmoins, la question de l’impact d’autres capacités cognitives, telles que le langage oral ou encore l’efficience intellectuelle est évoquée (Cutting et al., 2000; Mazzocco et al., 1995; Watt et al., 2008), quelques études ayant retrouvé de meilleures performances en lecture après contrôle du QI par exemple (Descheemaeker et al., 2005). Peu d’études ont examiné spécifiquement les atteintes en orthographe dans la NF1 (Levine et al., 2006). Néanmoins, des déficits ont été démontrés chez environ 30% des enfants (Billingsley et al., 2003; Descheemaeker et al., 2005; Watt et al., 2008). La majorité des études ont montré des déficits en mathématiques, notamment pour les capacités de calcul et la résolution de problèmes arithmétiques (Levine et al., 2006). Certains auteurs suggèrent l’existence d’une dyscalculie développementale comme comorbidité de la NF1 chez certains enfants, précisant que la prévalence de la dyscalculie chez ces patients serait plus élevée que dans la population générale (Orraca-Castillo et al., 2014). Néanmoins les performances apparaissent hétérogènes entre les patients (Mazzocco, 2001) et l’impact d’autres fonctions cognitives est à nouveau interrogé. En effet, certains auteurs ont montré qu’après contrôle du QI, les performances en arithmétique des patients étaient meilleures (Descheemaeker et al., 2005), et qu’un QI plus faible serait prédicteur de performances arithmétiques inférieures (Costa et al., 2016). D’autres études émettent l’hypothèse que les troubles en mathématiques seraient dus à la combinaison de déficits visuospatiaux et de langage (Cutting et al., 2000).

Les fonctions exécutives froides

              Les FE froides interviennent dans des situations sollicitant de manière préférentielle le raisonnement logique, sans implication d’état émotionnel, motivationnel et/ou affectif (Cassotti et al., 2021; Er Rafiqi et al., 2018). Elles regroupent habituellement divers processus tels que l’inhibition, la flexibilité mentale, la MDT, la planification, ou encore la résolution de problème, la prise d’initiative ou le monitoring (Diamond, 2013; Gioia et al., 2000). Le contrôle inhibiteur renvoie à différents mécanismes. Il empêche la survenue de stratégies, réponses ou comportements automatiques mais non pertinents pour la tâche en cours. Il est aussi impliqué dans la résistance aux informations interférentes et aux distracteurs (Cassotti et al., 2021; Diamond, 2013; Meulemans, 2008; Roy et al., 2020; Van der Linden et al., 2014). Ces capacités sont sous-tendues par un réseau cérébral impliquant plusieurs structures : le cortex préfrontal dorsolatéral et ventrolatéral, le gyrus frontal inférieur, la partie antérieure de l’insula, le cortex cingulaire antérieur, certaines régions du cortex pariétal, les noyaux subthalamiques et le striatum (Cassotti et al., 2021; Diamond, 2013). La flexibilité mentale permet de s’ajuster de manière dynamique à un changement de perspective en adoptant de nouvelles stratégies. Elle implique notamment de déplacer son focus attentionnel de stimuli à d’autres, en alternant entre les différents items (Cassotti et al., 2021; Diamond, 2013; Roy et al., 2020). On distingue la flexibilité réactive (capacité de s’adapter au feedback) de la flexibilité dite spontanée. Cette dernière consiste en la production d’un flux d’idées ou de réponses suite à une question simple (Meulemans, 2008; Van der Linden et al., 2014). Sur le plan neuroanatomique, ces fonctions engagent le cortex préfrontal latéral, le cortex cingulaire antérieur et le cortex pariétal inférieur (Meulemans, 2008). Notons que la flexibilité spontanée est sous-tendue préférentiellement par les lobes frontaux, alors que la flexibilité réactive impliquerait les lobes frontaux, les noyaux de la base et leurs interconnexions, formant ainsi un réseau cortico-striatal (Meulemans, 2008). La MDT permet à l’individu de maintenir des informations en mémoire à court terme pour ensuite les manipuler, les utiliser pour effectuer un travail cognitif complexe (Cassotti et al., 2021; Meulemans, 2008; Roy et al., 2020). Il existe deux MDT en fonction de la modalité : la MDT verbale et la MDT visuospatiale (Diamond, 2013). La MDT engage des structures cérébrales frontales (cortex préfrontal dorsolatéral, régions frontales supérieures) et pariétales (sillon intra-pariétal, régions pariétales supérieures ; Cassotti et al., 2021; Diamond, 2013). La mise à jour est une capacité exécutive faisant intervenir la MDT, permettant la modification de son contenu en fonction de l’arrivée de nouvelles informations (Miyake et al., 2000). La planification renvoie à la capacité d’identifier  des étapes dans les stratégies à adopter pour parvenir à un but donné (Roy et al., 2020). Elle implique ainsi l’anticipation des événements à venir, la projection du but à accomplir, et la formulation d’une série d’opérations et de méthodes stratégiques, séquencées et efficaces pour mener à bien une activité (Dennis, 2006; Luria, 1966).

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Table des matières

PARTIE THEORIQUE
Introduction
Chapitre 1. La neurofibromatose de type 1
1.1. Définition, sémiologie et critères diagnostiques
1.2. Profil neuropsychologique de l’enfant
1.2.1. Efficience intellectuelle
1.2.2. Fonctions instrumentales
1.2.3. Mémoire et attention
1.3. Profil neuropsychologique de l’adulte
1.3.1. Fléchissement intellectuel persistant
1.3.2. Fonctions instrumentales et troubles d’apprentissage : des disparités
1.3.3. Une évolution stable des capacités mnésiques et attentionnelles
1.3.4. Quid du vieillissement ?
1.4. Retentissement de la maladie
1.4.1. Une qualité de vie moindre
1.4.2. L’impact des caractéristiques de la maladie
1.5. Particularités neuroanatomiques
1.5.1. Hypersignaux
1.5.2. Autres particularités cérébrales
Synthèse
Chapitre 2. Les fonctions exécutives
2.1. Cadre théorique des fonctions exécutives
2.1.1. Définitions
2.1.2. Modèles théoriques
2.2. Profil exécutif dans la NF1
2.2.1. Une atteinte précoce et plurielle
2.2.2. Trouble dysexécutif diffus à l’âge scolaire
2.2.3. Evolution à l’âge adulte
2.3. Impact sur le fonctionnement cognitif
2.4. La question de la comorbidité du TDAH
Synthèse
Chapitre 3. La cognition sociale
3.1. Définitions
3.1.1. La cognition sociale
3.1.2. La reconnaissance des émotions
3.1.3. La théorie de l’esprit et l’empathie
3.1.4. Le raisonnement moral et le traitement de l’information sociale
3.2. Modèles théoriques
3.2.1. Modélisations de la cognition sociale : expansion et limites
3.2.2. L’intérêt de l’approche bio-psycho-sociale
3.3. Evaluation de la cognition sociale : enjeux et difficultés
3.3.1. Les outils cliniques existants
3.3.2. Limites de ces outils
3.3.3. Apports de la perspective interactionniste
3.4. Les compétences sociales dans la NF1
3.4.1. La cognition sociale
3.4.2. Comportement et fonctionnement social
3.4.3. La comorbidité du TSA
3.5. La question des liens avec les fonctions exécutives
3.5.1. Développement typique : plusieurs arguments en faveur de l’existence d’un lien
3.5.2. Données cliniques : des doubles dissociations à l’origine d’une remise en cause de ce postulat
Synthèse
PARTIE EXPERIMENTALE
Chapitre 4. Problématique et méthodologie
4.1. Problématique
4.2. Objectifs et hypothèses
4.3. Méthodologie
4.3.1. Participants
4.3.2. Matériel
4.3.3. Procédure
4.3.4. Analyses statistiques
Chapitre 5. Résultats chez l’enfant
5.1. Données relatives à la population
5.2. Cognition sociale
5.2.1. Identification et reconnaissance des émotions
5.2.2. Cognition sociale de haut niveau
5.2.3. Retentissement en vie quotidienne
5.2.4. Prise de perspective en situation d’interaction
5.3. Fonctions exécutives
5.4. Liens entre fonctions exécutives et cognition sociale
5.4.1. Corrélations
5.4.2. Patients présentant un profil dysexécutif vs non dysexécutif
5.4.3. Etude des profils
5.5. Impact des caractéristiques de la maladie
5.5.1. Mode de transmission
5.5.2. Sévérité et visibilité
Chapitre 6. Discussion chez l’enfant
6.1. La confirmation d’une atteinte globale des processus de cognition sociale – l’exception de la théorie de l’esprit
6.2. La situation d’interaction : un contexte aidant pour la mobilisation des compétences de cognition sociale des enfants NF1 ?
6.3. La question des liens avec les fonctions exécutives : disparités et dissociations
6.4. Influence des caractéristiques de la maladie : des résultats peu probants
6.5. Limites méthodologiques
Chapitre 7. Résultats chez l’adulte
7.1. Données relatives à la population
7.2. Cognition sociale
7.2.1. Volet émotionnel
7.2.2. Volet inférences sociales
7.2.3. Retentissement en vie quotidienne
7.2.4. Prise de perspective en situation d’interaction
7.3. Fonctions exécutives
7.4. Liens entre fonctions exécutives et cognition sociale
7.4.1. Corrélations
7.4.2. Etude des profils
7.5. Impact des caractéristiques de la maladie
7.5.1. Mode de transmission
7.5.2. Sévérité et visibilité
Chapitre 8. Discussion chez l’adulte
8.1. Evolution de la cognition sociale dans la NF1 à l’âge adulte : entre amélioration et stabilisation
8.2. Liens avec les fonctions exécutives : des arguments en faveur d’une spécificité de l’atteinte de cognition sociale dans la NF1
8.3. L’absence d’influence des caractéristiques de la NF1 à l’âge adulte
8.4. Limites méthodologiques
Chapitre 9. Discussion générale
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

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