Présentation introductive : techniques et concepts, réponses aux défis d’aujourd’hui
La fin du XXème siècle a été marquée par les évolutions liées à l’ère de l’information et de sa diffusion. Au début, flirtant entre illusion et réalité, utopie et concret, possible et imaginaire, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont su conquérir une place privilégiée et se rendre indispensable dans notre société. Au fil des années, des chercheurs ont réfléchi à leurs usages, leurs évolutions, et à l’ensemble des impacts et répercussions que la société de l’information apportait à notre civilisation. Ces orientations ont permis d’affirmer que les aspects techniques et conceptuels (Wolton, 2001) étaient intrinsèquement liés, et que s’il existe un domaine dans lequel les techniques et les considérations conceptuelles tendent à se rejoindre, il s’agit bien de celui de l’information et de la communication. Il en demeure ainsi essentiel de ne pas dissocier l’analyse des sciences techniques et les usages de la société. Pour cela, tout au long de notre recherche, nous les considèrerons comme étroitement liés.
Sans doute faut-il remonter pour aborder notre sujet vers 1973 avec la prédiction de la société « postindustrielle » par le sociologue Daniel Bell (Bell, 1973), dans laquelle il présente des changements dans l’humanité. Mais c’est dés 1951, qu’Harold Innis envisage des événements, qui vont au-delà de la société postindustrielle. Le discours présidentiel à la Société royale du Canada en 1947 en présente une trace éloquente : « La civilisation occidentale a été fortement influencée par la communication » (Innis, 1951, p. 3). L’information et la communication seront désormais au centre des défis, non seulement de la connaissance, mais également du développement de la société. Ils ne sont plus à considérer comme un artefact isolé, mais en connexion avec les enjeux plus larges de sociabilité.
Des chercheurs affirmeront que la rapidité des évolutions et les collisions avec notre mode de vie et ses représentations ne connaissent aucun égal dans l’histoire, et laissent émerger des conséquences considérables (Forester, 1985 ; Breton, Proulx, 1996 ; Rosnay (de), 1996). En effet, ni même le passage à l’industrialisation ou plus récemment les effets de la société de consommation de masse, n’ont engendré autant de conséquences et surtout dans un délai si court.
La communication a toujours été au cœur des enjeux de société, l’analyse des schémas et des processus de l’émetteur au récepteur, sans attendre leur formalisation au milieu du siècle, (Shannon, Weaver, 1949), ainsi que des conditions et de l’environnement, ont nécessité sans cesse une adaptation à l’Homme pour qu’il puisse optimiser ses échanges.
Héritage et positionnement dans le domaine
Au sein des Sciences de l’information et de la communication, il est possible de s’insérer en évoquant le positionnement des principaux axes et courants de recherches auxquels nous ferons référence.
Le laboratoire I3M (Information, Milieu, Média, Médiation) , qui regroupe deux équipes au sein de l’Université du Sud Toulon/Var et l’Université de Nice Sophia Antipolis, couvre plusieurs domaines dans le champ des Sciences de l’information et de la communication. Parmi les cinq axes définis par la quadriennal, des recoupements peuvent être opérés. Cependant, il est à propos de se situer clairement au sein du cinquième axe relatif à « l’intelligence informationnelle ». Pour en apporter une définition, une des références se retrouve sur le site du laboratoire I3M :
« Lřintelligence informationnelle peut être définie comme une capacité individuelle et collective à comprendre et résoudre les problématiques dřacquisition de données et de transformation de lřinformation en connaissance opérationnelle, cřest-à-dire orientée vers la décision et lřaction (Bulinge, Agostinelli, 2005). Elle peut être envisagée comme un champ théorique et expérimental commun au renseignement, à lřintelligence économique, à lřintelligence territoriale, mais également à toutes les approches centrées sur lřinformation comme support de décision. » (Laboratoire I3M, 2009) .
Il faut convenir que cette définition initiale dans la discipline, demeure large et englobe de nombreuses réalités. Ainsi, l’acquisition de données et la transformation de l’information en connaissance opérationnelle peuvent constituer notre première affiliation et ouverture dans la discipline. Pour approfondir notre ingression, nous allons faire appel à deux dimensions au sein de l’intelligence informationnelle : La première concerne les analyses et la compréhension des données. On fera ainsi référence aux indicateurs : infométriques, webométriques , bibliométriques, scientométriques, à lřanalyse des réseaux sociaux, ou encore aux techniques de datamining. Cet ensemble de domaines est particulièrement incarné au sein du laboratoire, et de manière plus large dans la discipline des Sciences de l’information et de la communication par les travaux d’Eric Boutin et al., dont on retrouve quelques marqueurs références: en matière de recherche d’information et d’extraction des connaissances (Boutin, 2003, 2005, 2008 ; Boutin, Romma, 2005) ; de maillage, d’analyse réseaux et de transposition au territoire (Boutin, Martaillan, 2005 ; Boutin, Cadel, 2005). Il s’agit notamment de privilégier le lien hypertexte et ses significations, et de s’appuyer sur des cartographies et des analyses infométriques. Le deuxième pilier sur lequel mon cheminement est basé, est représenté par le champ de l’intelligence territoriale. Elle est également largement incarnée au sein du laboratoire I3M, comme on peut le constater par les travaux de Yann Bertacchini dont les réflexions initiales constituent une partie des références du domaine. Elle se positionne donc à la convergence de la communication, de l’information et de la connaissance en prenant en compte l’appropriation des ressources et en menant une réflexion stratégique. Même si Philippe Dumas reconnaît que « LřIntelligence Territoriale est une expression polysémique, ses limites et contenus sont flous. Ses définitions actuelles sont nombreuses et parfois contradictoires. » (Dumas, 2008), il faut sřaccorder qu’un consensus existe sur les bases de son approche. Nous ferons cas de cette appréhension pour aborder la suite: « On peut considérer lřintelligence territoriale comme un processus informationnel et anthropologique, régulier et continu, initié par des acteurs locaux physiquement présents et/ou distants qui sřapproprient les ressources dřun espace en mobilisant puis en transformant lřénergie du système territorial en capacité de projet […] Lřobjectif de cette démarche, est de veiller, au sens propre comme au sens figuré, à doter lřéchelon territorial à développer de ce que nous avons nommé le capital formel territorial ». (Bertacchini, 2004c) .
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Table des matières
INTRODUCTION
1 MISE EN SITUATION
2 ANALYSE ET SUBSTANCE DU PROBLEME
3 QUESTIONNEMENT ET INTERET
4 PRESENTATION DU THEME
5 ANNONCE DU PLAN
CHAPITRE 1 : QUESTION DE RECHERCHE, ANCRAGE SCIENTIFIQUE, OUTILS ET TERRAINS D’APPLICATION
1 QUESTION DE RECHERCHE
1.1 Approche et démarche de questionnement
1.2 Formulation de la question de recherche
2 POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIQUE
2.1 Evocation de la théorie de la connaissance ou gnoséologie
2.2 Prémisses épistémologiques
2.3 Entre matérialisme et idéalisme
2.4 Une recherche et une démarche inscrite en Sciences humaines et sociales
2.5 Une contribution axée sur les principes de la complexité
2.6 Méthodes et complémentarités des approches
2.7 L’observation participante
2.8 Une articulation entre objet et humain
2.9 Démocratisation de la recherche par les NTIC
2.10 Démarche quantitative et qualitative
2.11 Une représentation et une immersion en Sciences de l’information et de la communication
2.12 Retranscription du parcours de recherche (ou) feuille de route
3 DELIMITATION DU PERIMETRE DE RECHERCHE : OUTILS, AXES, TERRAINS D’APPLICATIONS ET LIMITES
3.1 Immersion dans les outils et domaines de référence
3.2 Approfondissement et incursion dans les axes de recherche
3.3 Terrains d’application
3.4 La prise en compte des limites dans le cadre de l’étude
CHAPITRE 2 : EXPERIMENTATION AU SEIN DES TERRITOIRES
1 ETAT DE L’ART ET METHODOLOGIE PRATIQUE
1.1 Etat de l’art dans le domaine précis
1.2 Méthodologie pratique et techniques d’extraction des données
2 LA CARACTERISATION DE LA RELATION PHYSIQUE/VIRTUEL AU MOYEN DE LA COMPARAISON DE L’INFORMATION EN LIGNE ET DU TERRITOIRE
2.1 Introduction
2.2 Comparaisons inter-thématiques et inter-régionales
2.3 Les déterminants des couleurs des pages d’accueil des sites web des communes en Paca
2.4 Conclusion
3 COMMENT VALORISER LES INTERACTIONS EXISTANTES EN LES REVELANT VISUELLEMENT ? L’APPORT DU LIEN
3.1 Validation de la conception de la méthode
3.2 Représentation et analyse des interactions au travers des champs définis : analyse statistique
et cartographique des réseaux
4 CONSOLIDATION DES ANALYSES ET COMPARAISON DES CHAMPS D’ETUDES
4.1 L’élargissement du terrain : une confrontation à la lumière de la comparaison Paca/Tunisie
4.2 L’élargissement thématique : Références aux interactions hypertextuelles des sites web culturels maghrébins
4.3 L’élargissement au croisement institutionnel et humain : interactions des laboratoires de recherche en SIC en France et au travers du web
CHAPITRE 3 : ANALYSES ET PROJECTIONS DU PHYSIQUE ET DU VIRTUEL
1 DES CONSIDERATIONS PHYSIQUES A L’ORIGINE DU DEVELOPPEMENT DE LA TRANSMISSION DE L’INFORMATION… ET
DE SES CONSEQUENCES ?
1.1 Des liens originels
1.2 Principes d’évolution
1.3 La stabilité des territoires
1.4 Reproduction des dispersions physiques
2 FORMES DE REPRESENTATIONS PHYSIQUES ET INFORMATIONNELLES
2.1 Représentation des plans
2.2 Une divergence de proportion
2.3 Regroupement des données physiques en information
3 PHYSIQUE ET VIRTUEL : UNE COOPERATION IDOINE ET INDISSOCIABLE
3.1 Les territoires en superposition
3.2 Nature de la cohabitation du territoire physique et virtuel
3.3 Une notion d’espace à définir et à redéfinir
3.4 Vers un regroupement des espaces
4 LA TRANSCENDANCE DES MODELES TRADITIONNELS BASES SUR LA VERTICALITE ET LA HIERARCHIE. UNE QUESTION D’ORDRE ET DE DESORDRE
4.1 Du lien informationnel dans l’ère de l’émotion
4.2 De la verticalité à l’horizontalité ou le calque de la société dépassé par ses possibilités
4.3 La désorientation du nombre
4.4 Quelle place pour un territoire ordonné et volontaire ?
4.5 De nouvelles formes de représentativité physique/virtuelle. L’autorité perturbée par les territoires
5 LE VIRTUEL ET LE PHYSIQUE FAÇONNES PAR LE LIEN (OU INVESTIS PAS LE LIEN)
5.1 Les conséquences du lien transcendent les dimensions
5.2 La typologie des échanges et la nature du lien
5.3 Création de communautés virtuelles en relation avec les communautés physiques ?
5.4 La médiation dans le virtuel : l’application de la reproduction du désir, favorisée par le lien
5.5 L’appartenance au territoire à l’épreuve du virtuel
6 DES REALITES SUPERPOSES ET ENTRELACEES. UN MONDE COMPLEXE A REDEFINIR (AU TRAVERS DES CARTES PHYSICOINFORMATIONNELLES)
6.1 Des changements au sein même de la nature et de la modification des cultures
6.2 L’apport des expériences immersives : l’assemblage physique et virtuel par des
environnements virtuels immersifs
6.3 De la déterritorialisation à la décorporalisation ou de la déterritorialité à la décorporalité
CONCLUSIONS, ENJEUX ET PERSPECTIVES
1 RETOUR SUR UNE RECHERCHE SCIENTIFIQUE DISTINCTIVE
1.1 Un contexte empirique nouveau et un phénomène global
1.2 L’alliance de l’expérimentation et de l’analyse
1.3 Un choix des terrains évocateur et une restriction des limites
2 DES RESULTATS SIGNIFICATIFS : UN ESPACE VIRTUEL INSPIRE MAIS NON CONTINGENTE
2.1 L’importance de la validation des méthodes
2.2 L’étude colorimétrique : une première approche des territoires
2.3 La participation du lien et les consolidations
3 CONSEQUENCES ET ENJEUX : DES TERRITOIRES A APPROFONDIR ET REAJUSTER
3.1 Introspection analytique des résultats : le virtuel entre application physique et indépendance
3.2 Le territoire virtuel se crée
3.3 L’assemblage des territoires
3.4 La remise en cause des modèles
3.5 Quels types d’échanges ?
3.6 Une nouvelle donne pour un nouveau territoire
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
INDEX DES TABLEAUX
INDEX DES FIGURES
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