Coder la liberté : l’éthique derrière la pratique

HACKER OU MAKER ? LA CULTURE DU FAIRE

Avant de considérer le hacker comme un militant politique et d’insinuer que le politique a investi les réseaux d’Internet, rappelons l’étymologie même de « hacker »: le terme nous vient de la langue française et du mot « hache ». Un hacker est un individu doté de la capacité et de la volonté de fabriquer un meuble avec une hache. Hacker signifie « bidouiller, modifier, bricoler ». Selon Numendil, interrogé par Amaelle Guiton, le hacker a pour motivation de détourner un objet de sa première nécessité : « j’aime bien prendre l’exemple des baguettes chinoises. A priori, ça sert à manger. Si tu en fais un truc pour tenir une lampe, tu les détournes de leur finalité d’origine. Eh bien voilà, tu as hacké une paire de baguettes chinoises. » Selon Ijon, l’un des pilier de C-base, le célèbre hackerspace berlinois déguisée en station spatiale : « quand il voit un objet qu’il ne connaît pas, le hacker ne se demande pas : qu’est-ce que c’est ? La question qu’il se pose, c’est : qu’est-ce que je peux faire avec ça ? » .

Aussi, au sein de la littérature dont l’intérêt porte sur les hackers et aux phénomènes qui les accompagnent, on retrouve de nombreuses acceptions comme quoi la culture hacker et la culture du faire se recoupent. Par exemple, Michel Lallement, professeur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), dans son ouvrage Âge du faire, s’adonne à une analyse ethnographique précise des hackers au sein d’un hackerspace de San Francisco : il décrit les origines historiques ainsi que les multiples impacts du « faire » (make) dans l’économie et la société. Il recueille aussi les propos des Noisebridgiens (we do things, we make stuffs) qui lui permettent de venir à la conclusion que les hackers sont « des bricoleurs, des puristes et des utilisateurs qui mettent les mains dans le cambouis. » .

Et si le hacker était un maker ? 

Michel Lallemand, lors d’un interview à France Radio l’affirme : hacker ou maker, les termes sont équivalents. Pourtant, le terme hacker, contrairement à maker est majoritairement connoté négativement. Selon Tim Jordan, professeur au King’s College à Londres, hacker et hacking sont des « mots-valise » de par leur multiples significations et du manque de consensus quant à la définition de ce terme. Etienne Candel, quant à lui, parle d’ « images agissantes » convoquées par les métaphores fortes entre hacking et pirate informatique. Ainsi, la circulation terminologique du terme hacker influence, en partie, les représentations que l’on peut se faire de celui ci. Pourquoi alors s’embarrasser de ce terme lorsqu’on souhaite qualifier un groupe de personnes passionnées de bidouillage informatique ? Le hacking étant souvent considéré comme le piratage de systèmes informatiques, pratique subversive affranchie de la légalité, pourquoi ne pas définir les hackers que nous étudions ici comme des makers, c’est-àdire comme « des spécialistes du faire, occupés à bonifier le monde autrement que par la flibuste. » L’imprécision sémantique serait alors soulevée et leur représentation dans les médias traditionnelle peut-être plus positive ?

C’est, en effet, une des causes citées par Lallemand lorsqu’on lui demande comment est apparu le terme maker. Selon lui, si le terme permet de mieux appréhender une réalité sociale, l’apparition de celui-ci est bien plus ancienne qu’il n’y paraît. Le maker (de « make » ou « faire » en français) serait revenu au devant de la scène sociale que très récemment, dans les années 2000, au moment où Dale Dougherty s’en empare pour créer le Make Magazine. Selon Lallemand, le terme maker se serait justement imposé pour se démarquer du hacker et redonner un sens positif aux activités auxquelles ils s’adonnent. Tout comme les hackers que nous essayons d’analyser ici, les makers sont des personnes motivées par l’idée de « donner de l’intelligence aux gestes de la main » et créer des objets dotés d’une certaine esthétique.

Le hacker : usager innovateur 

Ainsi, le hacker (comme le maker) pourrait être considérés comme des usagers innovateurs. C’est ce que considère Eric von Hippel, chercheur au MIT. Tout comme nous l’avons illustré ci-dessus, le hacker peut être considéré tel un usager innovateur car il « peut interpréter le sens ou les modes d’emploi des technologies mises à disposition », détourner des fonctionnalités et adapter des outils pour qu’ils répondent à ses besoins spécifiques. Dès lors, si le hacker crée un nouveau produit, et que ce produit trouve des utilisateurs pour lesquels il a crée de la valeur alors on peut considérer son invention telle qu’une innovation. Depuis plusieurs années, certains chercheurs comme Von Hippel, Lallemand ou Cardon étudient ces dynamiques d’innovation par l’usage. Dominique Cardon parle d’innovations ascendantes dans le sens où celles-ci ne proviennent pas des laboratoires de R&D (innovation descendante) mais du cerveau d’un utilisateur, qui en tentant de répondre à un problème spécifique qu’il rencontre, crée un objet technique. Celui-ci est innovant si l’objet trouve un autre utilisateur que celui qui l’a spécialement crée. Lallemand donne l’exemple d’un objet crée dans l’enceinte du hackerspace Noisebridge à San Francisco : un kit permettant d’éteindre toutes les télévisions dans un rayon de cinquante mètres (TV-B-Gone). L’objet ayant reçu un bel accueil auprès du public et ayant été par la suite commercialisé, on peut parler d’innovation. Von Hippel constate que ces innovations sont issues d’un processus coopératif et communautaire réunissant d’abord un premier cercle : les usagers innovateurs puis un cercle plus large : les proches qui apportent progressivement leurs contributions aux innovations. Les usagers innovateurs s’engagent directement dans la production d’innovations mais seulement à partir de services mis à leur disposition dans leur environnement proche. Comme l’explique Cardon, motivés par la recherche concrète d’une solution à un problème pratique, ils vont chercher puis bidouiller et ainsi résoudre le problème en question. Contrairement aux innovations sortant des laboratoires de R&D, ces « innovations horizontales » ne visent pas à répondre aux besoins de clients ciblés mais à leurs propres besoins. Au lieu d’intégrer l’utilisateur final dans le travail de conception, le besoin et la solution sont coprésents dans le contexte d’utilisation.

Cette approche de l’« innovation horizontale » a largement été influencée par Michel de Certeau qui, dans son ouvrage L’invention du quotidien, décrit la lecture comme un « braconnage » au travers duquel le lecteur, introduit sa propre intimité et son propre univers dans texte de l’auteur. Josiane Jouët étudie aussi l’appropriation des technologies et démontre que la manière dont l’utilisateur lit une notice est beaucoup plus imprévisible que les prescriptions initiales d’utilisation. Si l’innovation ascendante est donc possible dans de nombreux secteurs, selon Von Hippel et Cardon, les technologies de l’information apportent une grande possibilité d’innovations qui viennent du bas. Cela s’explique par la capacité de l’information à circuler librement et sans coût entre les usagers, rendant ainsi inutile la médiation des grandes industries dans l’innovation et la diffusion des nouvelles technologies. Nous pouvons prendre exemple sur le développement du logiciel libre que les auteurs considèrent comme offrant un modèle ayant rompu avec le modèle traditionnel de l’innovation en construisant un cadre favorisant l’innovation par l’usage.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. ANALYSE ETHNOGRAPHIQUE ET SOCIOLOGIQUE DU HACKER
A. CRITERES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES ET PSYCHOGRAPHIQUES
B. IDENTITÉ GROUPALE DES HACKERS
C. HACKERS : CULTURE ALTERNATIVE ?
II. CODER LA LIBERTÉ : L’ÉTHIQUE DERRIÈRE LA PRATIQUE
A. HACKER OU MAKER : LA CULTURE DU FAIRE
B. LES HACKERS OU LE MYTHE DE L’INFORMATION LIBRE
C. LE HACKER COMME ENTREPRENEUR DE MORALE
III. LA CULTURE HACKER AU SEIN DES MODÈLES DE REPRESENTATIONS AUTOUR D’INTERNET
A. VERS UNE NOUVELLE ÉTHIQUE DU TRAVAIL ?
B. L’ÉCONOMIE DU DON HIGH TECH ET LA CULTURE DU « REMIX »
C. FABRICATION DISCURSIVE D’UN « ÂGE D’OR » DU NUMÉRIQUE ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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