Clos Toreau, un quartier populaire et mixte accueuille des réfugiés

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Une arrivée discrète dans le quartier

Après ma visite du site, je contacte Christian, un voisin solidaire. Je veux en savoir plus sur le début de l’installation des réfugiés dans le quartier. Il habite dans le quartier depuis 62 ans où il a grandi et où il y « mourra. » Actuellement chargé de cours à l’Université Catholique de Rezé, iI s’investit également dans d’autres projets. Il est en train de créer une association juridique proposant une animation sur la sèvre qui borde le quartier. Il est aussi actif dans une association de quartier et fait partie d’un groupe de musique. Récemment il a décidé de s’engager dans les municipales de 2020. « Je suis dans une dynamique d’être au service d’un quartier, d’une rue, de gens. Ne pas vivre tout seul dans un petit coin. » C’est certainement cette dynamique là qu’il l’a poussé à envoyer une lettre à la mairie de Nantes, peu avant l’arrivée des réfugiés, informant que les 3 maisons du quartier sont vides depuis longtemps et pourraient servir à des gens en difficulté. En vain…
Quelques mois après, les trois maisons sont ouvertes illégalement.
Christian l’apprend par le biais d’articles de presses dénonçant RTE de vouloir expulser des personnes à la rue.
N’étant pas souvent dans le quartier puisque très pris professionnellement, il entendait parler les voisins de la présence de la police dans la rue. Il a aussi remarqué un écrit sur les boîtes aux lettres des 3 maisons disant que des personnes venaient vivre ici le temps de trouver un autre logement. Estimant qu’il avait déjà contribué par le biais de sa réclamation à la mairie, il s’est « carapaté » dans sa maison sans « lever le petit doigt ». Il se sentait trop occupé pour intervenir à ce moment là. Christian ignore toujours si sa lettre a aidé à quelque chose.
Peu après je rencontre Clothilde. Elle est mariée, a deux enfants, et est en reconversion professionnelle. Elle est installée dans la rue de la Gilarderie depuis 3 ans. Elle dit avoir remarqué le passage quotidien de personnes réfugiées dans sa rue menant au busway. Le quartier n’étant pas mixte, la remarque est immédiate.
« J’avais remarqué avant qu’il y avait des jeunes africains dans le quartier, et le quartier n’étant pas vraiment mixte. Tu les vois quoi. Je me suis dit qu’il y avait quelque part un centre d’accueil ou un centre administratif. Et puis dans la rue il n’y a pas beaucoup de passage à pied aussi. C’est aussi pour ça que tu les remarques. » Jean-Paul, ancien professeur et retraité, habite le quartier depuis les années 80. Il a aussi remarqué ce passage inhabituel ce qui lui a mis la puce à l’oreille. « J’ai vu qu’il y avait beaucoup de personnes africaines qui arrivaient. »
Il décide donc de les aider en leur apportant de la nourriture et des vêtements « c’est venu comme ça.» Face à la détresse de ces jeunes hommes, il essayera de mobiliser le plus de voisins possible pour leur venir en aide.

Une mobilisation de voisins solidaires

Jean-Paul préoccupé par la précarité des réfugiés fraîchement arrivé dans son quartier, décide de lancer un appel à l’aide en distribuant des tracts dans le quartier et en faisant du porte-à-porte. « C’est là qu’on se rend compte un peu de visu de ce qu’il se passe. Il y a un bon accueil ou un moins bon accueil.
Il y en a quelques-uns de pas très délicats. » Il rencontre ainsi Mario, un étudiant en BTS SP3S. Lui aussi voyait passer quotidiennement les occupants du squat devant chez lui. C’est le prospectus de Jean-Paul qui a été le déclic de son investissement « Je suis allé voir Jean-Paul et il m’a présenté les gars. Je me suis investie, j’ai participé aux réunions et ça s’est fait au fur et à mesure. » Jean-Paul et Mario commencent alors à participer aux réunions à l’intérieur de la maison avec l’aide du collectif « soutient migrants44 ». Concernés par l’intégration des réfugiés dans le quartier, ils organisent des fêtes et des goûters où tous les voisins sont invités afin de provoquer la rencontre. Le but est de « faire sortir les voisins de leurs maisons » et démonter les préjugés et craintes que les voisins peuvent avoir vis-à-vis des réfugiés. « C’est surtout le fait de passer la porte des trois maisons.
Certains l’on fait. » me précise Jean-Paul. Clothilde fait partie de ceux qui ont franchi le pas. Lorsqu’elle a reçu l’invitation à un gouter, elle décide de s’y rendre avec sa famille. Elle rencontre alors Jean-Paul et décide de s’investir en donnant des cours de français les vendredi à l’intérieur même des maisons.
Etant en reconversion professionnelle, elle avait du temps libre pour quelques mois. Christian, très intéressé mais trop occupé, montre son soutient à Jean-Paul et lui fait part de sa motivation de s’investir lorsqu’il sera moins en activité. « En juin 2018, je suis rentré dans la danse et j’ai assisté aux premières réunions, sur la pointe des pieds, parce que j’étais novices, je ne connaissais pas. »

Quel futur ?

Le squat des trois maison ne peut rester ainsi. Les voisins ont donc l’idée de péréniser le squar afin d’en faire une maison d’accueil sous la tutelle de l’association «une famille, un toit ».Le futur de l’engagement des voisins quant au changement de « statut » de trois maisons pose question. Pour Jean-Paul son engagement est trop lourd au quotidien. Aujourd’hui s’il s’engage autant c’est parce que c’est provisoire et que bientôt des associations vont prendre le relais « on sera beaucoup moins partie prenante, on sera là comme soutient en plus. Nous on veut passer le témoin à ça, on ne veut pas être là en permanence comme on le fait. » Même si Jean-Paul compte se désengager un peu, la synergie des voisins est un atout implacable pour les associations et collectif qui s’occupent du lieu. Il est nécessaire d’avoir cet ensemble afin d’aboutir à un projet. Les associations extérieures apportent différents outils à la mise en place d’une maison d’accueil comme le rachat de maisons, l’assistance sociale ou l’aide administrative. Le soutient des voisins qui s’investissent permet de créer une bonne cohabitation « Si on était tout seul, on y arriverait pas, il faut cet ensemble pour aboutir. Nous on est le garant de cette tranquillité du quartier, c’est important. » ajoute Jean-Paul. Cependant il y a parfois des divergences d’opinions entre ces différentes structures. Mario me racontait qu’il n’assimilait pas forcément les idées parfois extrêmes du collectif 44 « il y avait de la haine dans leurs discours, et moi je m’assimile pas du tout à ça. On est des voisins solidaires quoi. » Clothilde va bientôt reprendre son travail, elle aura donc beaucoup moins de temps. Elle explique son retrait par manque de temps et parce que « quand tu mets le doigt dedans, tu comprends que c’est un sujet complexe avec plein d’acteurs différents. » Son engagement de voisine solidaire continuera puisqu’elle estime qu’elle peut être « facilement utile.» Cependant s’engager plus auprès des associations ou des collectifs n’est pas possible pour elle.

Relevé habité et architectural avec le collectif moustache

En hiver 2019 je me rends pour la première fois sur le site en compagnie du collectif moustache. Suite à la décision des voisins solidaires de faire une maison d’accueil, nous sommes sollicités pour faire un relevé habité afin d’amorcer le projet de réhabilitation des 3 maisons. Il est 10h du matin et les occupants ne sont pas tous réveillés. Nous nous divisons en trois groupes : relevé structure, relevé habité, relevé architectural. J’opte pour l’équipe enquêtant sur les modes de vie des résidents et leurs demandes.
Djime, un jeune Tchadien nous sert de guide et parfois de traducteur. Nous serons rejoints plus tard par Jean-Paul, un voisin solidaire.
Les 3 maisons, partagées par une trentaine de personne, sont très bien organisées. Chaque pièce à sa fonction.
Le salon de la maison 2 est réservé aux réunions ou au cours, il sert à recevoir. Alors que le salon de la maison 1 est dédié à la détente, il y a une télé, une bibliothèque, des canapés. La cuisine de la maison 3 sert à la préparation des repas. Ils partagent un repas le soir en général. La maison 2, elle ne comporte pas de cuisine, seulement un évier qui sert parfois à laver le linge.
Les réfugiés s’organisent très bien eux même dans la maison ce qui permet de gagner la confiance de RTE. Il y a donc beaucoup de circulation entre les trois maisons. Nous poursuivons notre enquête au niveau des chambres. Celle-ci sont à l’étage, elles reçoivent entre deux ou trois personnes pour des espaces allant de 9m2 à 12 m2. La promiscuité est maximale et entraine des problèmes de cohabitation et d’intimité. Djime me raconte qu’il y a toujours du bruit dans la maison. Même la nuit, certain écoute de la musique. Il a aussi été interdit de mettre une alarme la nuit pour le rappel de prière du muezzin. Malgré cette promiscuité, les habitants s’entendent bien et créer des amitiés.
Djime me dit qu’il ne voudrait pas partir des maisons maintenant, sinon il serait tout seul. Un groupe d’habitant de cinq personnes ont décidé d’habiter ailleurs, dans une maison. Pourtant il n’est pas rare qu’ils viennent rendre visite à leur anciens colocataires.
Nous nous arrêtons dans notre enquête pour manger un bout, les résidents avaient cuisiné du poulet avec des légumes que nous mangeons debout avec du pain. Ils ont tous été très accueillants avec nous. Nous repartons du squat avec l’envie d’avancer sur ce projet.

Rencontre avec un habitant du squat

Après un weekend à Paris, je me dirige vers la gare routière de Bercy pour prendre mon bus vers Nantes. Je suis en retard, il y a une trentaine de bus, je ne sais pas lequel est le mien.
Finalement je le trouve in extrémis. Quand je monte dans le bus, plus qu’une place n’est disponible. Je m’assois donc à côté d’un jeune homme d’origine Africaine. Je lui demande s’il peut brancher mon chargeur qui est juste à côté de son siège. De là, nous commençons à parler. Au fil de la conversation j’apprends qu’il s’appelle Amar et qu’il réside dans le squat de la Gilarderie, il a eu son statut de réfugié. Quel hasard… D’origine Soudanaise, il est venu en France pour fuir la guerre et chercher une vie meilleure pour ses enfants et sa femme qui sont restés au pays.
Il a risqué sa vie en traversant le désert dans une camionnette et sans eau. Il a fait une pause en Egypte où il a rejoint sa femme et des membres de sa famille pour visiter les pyramides. Il me montre une photo de lui posant fièrement devant l’une d’entre elles. De là, il rejoint la Lybie, au bout de 6 mois il réussira à prendre un petit bateau pour l’Europe. Amar a eu la chance d’être secouru par le polémique Aquarius « J’ai eu beaucoup de chance, c’était très difficile, beaucoup de personnes de mon village que je connaissais sont morts en traversant, j’ai eu de la chance ». Son voyage lui aura couté au total 1000 Euros. « Ce ne sont que les gens qui ont de l’argent qui partent du Soudan, les pauvres ne peuvent pas ». Après être resté à Lyon et à Clermont Ferrand, il a atterri par hasard à Nantes, selon lui c’était plus facile pour trouver du travail. Il est actuellement dans une entreprise de nettoyage, et a pour objectif de faire une formation en BTP quand il parlera bien le Français. Amar attend aussi de pouvoir s’installer dans un maison qui pourra accueillir sa famille. Il n’aime pas être dans le squat à cause du bruit et ne partage pas de repas ou d’activités avec les autres occupants.
Dès qu’il le peut il sort de la maison même si il ne travaille pas.
Il me raconte aussi qu’il aime beaucoup Jean-Paul chez qui il a été et Mario. Il est reconnaissant de leur aide et de leur support.

Un quartier populaire face à la gentrification

Il suffit de taper Clos Toreau sur Google pour se rendre compte de la mauvaise réputation de ce quartier : « altercations et coups de feu » ou encore « la violence se propage ». Certains le placent au même statut que Malakoff ou Bellevue, ces quartiers Nantais où il ne vaut mieux pas aller. Le Clos Toreau est une cité d’habitat social construite dans les années 70 située à l’entrée sud de Nantes, entre la commune de Saint-Sébastiensur- Loire et le quartier Saint-Jacques. Le quartier est resté longtemps à l’écart des principales voies de communication.
De nombreux programmes de réhabilitation engagent une mutation profonde du quartier. En 2006, la mise en service du busway permet de relier le quartier au centre ville en 10 minutes.
Peu après en 2015, des travaux d’aménagements urbains ont été fait afin de désenclaver le quartier : nouveaux logements, équipements renforcés, espaces publics améliorés… Ces réaménagements semblent être aussi un moyen de redonner une bonne image et une attractivité au quartier au détriment des anciens habitants. Cependant les loyers ont augmenté et certaines familles ont dû déménager. Par ailleurs la maison de quartier, élément fédérateur du quartier été démolie pour en construire une nouvelle à l’entrée du Clos Toreau. Elle est placée ici dans l’intention de s’ouvrir à la ville. En réalité, très peu d’habitants du quartier ne s’y rendent, ils ne s’y sentent pas à leur place. Ce sont surtout des personnes de quartiers avoisinants qui viennent le temps d’une activité proposée. Le quartier semble donc avoir été engloutie dans le « Nantes quartier Sud » au détriment, peut être, de la vie de quartier à échelle plus réduite.

L’arrivée surprise des migrants

Durant l’été 2018, 44 réfugiés ayant leurs statuts s’installent dans un ancien foyer du quartier inutilisé sous la tutelle de l’association « une famille un toit ». Ils sont placés ici pour deux ans en attendant de s’insérer dans la vie professionnelle.
Peu après, en octobre, 88 nouveaux réfugiés arrivent dans le quartier. Ils sont placés dans un foyer de retraités ayant déménagé 15 jours plus tôt sous l’association Annef-ferrer. Ceux-là sont des demandeurs d’asile, ils n’ont pas encore leur titre de séjour.
Au total le quartier a accueilli 130 migrants en 4 mois, sois 10% de la population du quartier.
Anne habite le quartier depuis 45 ans. Depuis le mois de mai 2018, elle travaille dans l’association une famille un toit qui a accueilli un groupe de réfugiés. Son travail est d’intégrer les nouveaux venus dans son quartier. Elle revêt donc deux casquettes, celle d’habitante et celle d’actrice sociale dans son quartier. Je la questionne sur le jour où la première « vague » de migrants est arrivée. Les voisins ont eu des réactions négatives par rapport au nombre qu’ils étaient et par rapport à leurs statuts de réfugié. Anne a temporisé la situation du fait de sa position d’actrice sociale au sein de l’association.
Cependant, quelques mois après 88 demandeurs d’asile s’installent à leur tour dans le quartier. Personne n’a été prévenue ce qui a été un choc et une incompréhension des habitants et des travailleurs sociaux. Anne a été prise de court. 88 personnes qui arrivent dans un immeuble prévu pour 44 personnes posent problème au niveau du voisinage et du vis-à-vis : « c’est beaucoup ! » « ça va faire du bruit ! ». Si Anne avait été avertie, cela lui aurait permis d’avoir un discours modérateur et rassurant envers les voisins ayant des craintes face à cette nouvelle cohabitation « on aurait été mis dans le coup … Bah voilà moi je me pris ça en pleine poire avec les voisins et du coup t’as moins de recul pour digérer quoi. » Anne soupçonne la ville d’avoir eu peur d’une levée de boucliers du quartier si elle avait annoncé qu’un nouveau groupe de réfugiés s’installeraient au Clos Toreau.

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Table des matières

Introduction
PARTIE 1/ ETATS DES LIEUX
Chapitre 1 : Les 3 maisons de la gilarderie : un squat se pérenise
Une arrivée discrète dans le quartier
Une mobilisation de voisins solidaires
Quel futur ?
Relevé habité avec le co.Moustache
Rencontre avec un habitant du squat
Chapitre 2 : Clos Toreau, un quartier populaire et mixte accueuille des réfugiés
Un quartier populaire face à la gentrification
L’arrivée surprise des migrants
Des stéréotypes sociaux
Une mixité culturelle présente
La mixité sociale engendrée par l’arrivé des réfugiés
Chapitre 3 : Saint-Brevins-Les-Pins, un accueil mouvementé
Une ville balnéaire
Des résistances sociales
D’une situation violente à un élan de solidarité
Un engagement qui se poursuit
Un deuxième accueil plus serein
PARTIE 2 / RETOUR ET ANALYSE
Chapitre 1: La solidarité des voisins
Les origines de l’engagement des voisins
Une hospitalité différente en fonction de la
catégorie sociale du quartier/commune
environnement stable vs. fragile
entiment d’infériorité social
Chapitre 2 : Réinventer un quartier
Un voisinage qui se redéfinit
entre voisins et voisins
entre voisins et réfugiés
le rôle du voisin solidair
e au sein du quartier
Les initiatives locales autour d’un projet commun
le concept de maison d’accueil
entre dispositif public et privé
Chapitre 3 : Vivre ensemble
L’hospitalité
Aller vers l’Autre
une peur réciproque
franchir la porte
Un décalage culturel provoquant malentendu et ambiguïté
une coordination nécéssaire
le rapport à la femme
intégration / adaptation
Un enrichissement culturel
Conclusion

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