Climat, réacteurs nucléaires et cycle combustible
Après une brève exposition des enjeux actuels du secteur énergétique vis-à-vis du changement climatique et du rôle que le nucléaire peut jouer dans ce contexte, Introduit des notions de physique nécessaires à la compréhension du fonctionnement d’un réacteur nucléaire et du cycle combustible qui lui est associé. Parmi les différentes matières radioactives présentes dans le cycle, le plutonium demande une attention particulière en raison de son statut dual, entre élément responsable de la radiotoxicité des déchets sur le long terme et ressource stratégique sur le long terme. La France garde comme objectif de déployer des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na) d’ici la fin du siècle afin d’exploiter pleinement le potentiel du plutonium et de l’uranium. Pour préparer le futur du parc actuel, des scénarios électronucléaires sont utilisés et fournissent des projections d’évolutions possibles du parc.
LE ROLE DU SECTEUR ENERGETIQUE DANS UN CONTEXTE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
L’être humain et l’énergie
Le succès de l’être humain en tant qu’espèce est notamment dû à la créativité dont il a fait preuve pour développer des outils réduisant la pénibilité de son travail, ou dit autrement, des outils lui permettant d’accomplir des tâches de plus en plus difficiles et complexes pour une même quantité d’énergie fournie. Les premiers outils conçus servent à utiliser plus efficacement sa propre énergie et à accéder à de nouvelles compétences. Par exemple, la roue rend plus facile le transport d’objets lourds, les outils tranchants confèrent à l’être humain la capacité de chasser et de travailler différents matériaux comme le cuir ou le bois, le marteau brise la roche à partir d’un simple mouvement de bras. Puis, des sources d’énergie externes sont utilisées pour remplacer l’énergie humaine. On peut penser aux bœufs qui tirent la charrue ou à l’eau d’une rivière qui met en mouvement un moulin. L’être humain est alors capable d’exploiter les forces directement disponibles dans son environnement pour accomplir du travail. A l’instar de sa propre énergie, l’utilisation des animaux ou des forces présentes dans la nature sont renouvelables.
Bien que l’asservissement des forces immédiatement disponibles combiné à l’utilisation d’outils de plus en plus perfectionnés aient permis aux sociétés humaines de se développer, c’est à partir de la fin du XVIIIème siècle qu’un tournant majeur s’amorce. Des machines capables de convertir l’énergie chimique disponible dans les ressources fossiles, telles que le charbon, le pétrole et le gaz, en énergie mécanique ont vu le jour. Pour parfaire cet arsenal, l’énergie électrique se voit maîtrisée à la fin du XIXème siècle. La combinaison de toutes ces inventions conduit à des changements de l’organisation du travail et à une explosion de la production. Cette phase de développement accéléré, nommée révolution industrielle, constitue les prémices de l’actuelle société de consommation. Néanmoins, cette course effrénée à la production demande une quantité croissante d’énergie, énergie principalement fournie par les ressources fossiles. Cette surconsommation n’est pas sans conséquence sur notre monde.
Changement climatique
Constat
Voilà maintenant longtemps qu’il a été constaté que les activités humaines affectent le climat [1]. En 1896, Svante Arrhenius avait déjà pressenti le lien entre la concentration de CO2 dans l’atmosphère et la fonte des glaces. Après plus d’un siècle, la science du climat a beaucoup évolué et les modèles mathématiques se sont perfectionnés. Cette température a pu s’élever entre 0,2 et 1 °C de plus que la température moyenne mesurée entre 1850 et 1900. Concernant la période comprise entre l’an 0 et 1850, les variations de la température moyenne sont incluses entre -0,5 et 0,5 °C. A partir de 1850, une brusque augmentation de la température est observée, passant de 0 à plus de 1 °C en 170 ans. Trois courbes sont superposées : en noir, la température effectivement mesurée, en vert, une modélisation de l’évolution de la température ne prenant en compte que des variations liées à l’activité solaire et volcanique, en orange, une autre modélisation qui ajoute l’effet des activités humaines. Lorsque que seuls des effets naturels sont pris en compte (courbe verte), la température reste relativement stable entre 1850 et 2020. En revanche, le modèle qui inclut l’effet des activités humaines (courbe orange) montre une tendance nette d’augmentation de la température au début du XXème siècle, tendance qui ressemble à l’évolution des températures effectivement mesurées.
Le constat laisse aujourd’hui peu de place au doute : les émissions de gaz à effet de serre, qui n’ont cessé de croître depuis la révolution industrielle, altèrent le climat à l’échelle planétaire. Pour endiguer ce phénomène, 195 pays ont signé l’accord de Paris en 2015 lors de la 21ème Conférence des Parties (COP21). Cet accord constitue un cadre au niveau mondial pour limiter la hausse de la température moyenne à 2°C d’ici la fin du siècle. Les signataires se sont donc engagés à mettre en place des politiques concrètes de réduction d’émission de CO2 dans l’atmosphère pour remplir cet objectif.
Problématique du secteur énergétique
Le sens premier de « transition » est le passage d’un état à un autre. Si on s’en tient à l’interprétation littérale, les sociétés humaines sont déjà passées par plusieurs transitions énergétiques. la biomasse a longtemps été la première source d’énergie, à laquelle se sont sommés au fil des ans le charbon, le pétrole, le gaz, le nucléaire, l’éolien, le solaire et l’hydraulique. Il est important de souligner le fait qu’aucune des nouvelles sources d’énergie exploitées au cours du temps n’a remplacé une de ses prédécesseures. Par exemple, le pétrole n’a pas remplacé le charbon au début du XXème siècle. Au contraire, l’énergie produite par l’utilisation du charbon a presque été multipliée par 6 entre 1900 et 2019. Les transitions énergétiques effectuées jusqu’ici n’ont donc eu qu’un impact négatif sur les émissions de CO2 puisque l’énergie provenant des ressources fossiles représente à l’heure actuelle plus des trois quarts de l’énergie primaire consommée.
Pour la première fois de son histoire, la transition énergétique que l’être humain doit accomplir ne consiste pas à ajouter une nouvelle source d’énergie aux autres, mais bien à diminuer notablement l’utilisation des plus carbonées. Une telle diminution n’est possible que par deux approches. La première est la voie de la sobriété, qui consisterait à fortement réduire notre consommation énergétique. Cette solution, bien qu’efficace au premier abord, demanderait un important changement de paradigme de société, qui impliquerait une perte dans le confort acquis. Effectivement, la sobriété appliquée au sens strict conduit à l’abandon des énergies fossiles, soit une réduction de la consommation d’énergie primaire d’environ 80%. Même si un changement si abrupt ne semble pas réaliste, il serait intéressant de réfléchir en tant que société à une diminution acceptable de notre consommation d’énergie.
A ces réflexions s’ajoute la problématique du développement des pays. Si les pays occidentaux ont majoritairement atteint un stade de développement pour lequel leur consommation énergétique est stable, des pays comme l’Inde ou la Chine sont en pleine accélération. Leurs besoins en énergie croissent eux aussi et le recours aux énergies fossiles semble être la réponse la plus simple à mettre en place, malgré son impact négatif pour le climat sur le long terme. Les pays occidentaux, qui ont euxmêmes profité des énergies fossiles à partir de la révolution industrielle, peuvent difficilement reprocher aux pays en développement de s’en servir à leur tour. Il est alors d’autant plus difficile de parler de sobriété dans ce contexte.
La seconde approche pour sortir des énergies carbonées est la voie de la substitution, qui consisterait à remplacer l’énergie obtenue à partir de ressources fossiles par des énergies plus vertueuses du point de vue du climat. Cette solution passe notamment par l’électrification massive des technologies existantes, en particulier le chauffage et le transport, ainsi que l’investissement dans des vecteurs énergétiques alternatifs, comme l’hydrogène par exemple. L’électricité doit alors être générée par des moyens de production les plus neutres possibles en termes d’émissions.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre I – Climat, réacteurs nucléaires et cycle combustible
1.1 Le rôle du secteur énergétique dans un contexte de changement climatique
1.2 Energie nucléaire : physique du réacteur et cycle associé
1.3 Gestion du plutonium
1.4 Les scénarios électronucléaires
1.5 Conclusions
Chapitre II – Problématique : couplage de la conception de cœur de réacteur avec les scénarios électronucléaires
2.1 Etat de l’art
2.2 Formulation de la problématique et cadre pour exemple d’application
Chapitre III – Outils et méthodologie
3.1 Présentation de la méthodologie
3.2 Modèle flexible de RNR
3.3 Définition du parc cible
3.4 Calcul dynamique : COSI
3.5 Evaluation des performances
3.6 Résumé de la méthodologie
Chapitre IV – Etude statique : minimisation de la fraction de RNR dans un parc stabilisant l’inventaire en plutonium
4.1 Introduction
4.2 Résultats pour la première stratégie de retraitement
4.3 Résultats pour la seconde stratégie de retraitement
4.4 Conclusions du cas d’application
Chapitre V – Etudes dynamiques : transition d’un parc REP vers un parc 100% RNR ou un parc mixte REP-RNR
5.1 Hypothèses / scénarios étudiés
5.2 Conception de RNR et transition : cas de la Fermeture du cycle avec un parc 100% RNR
5.3 Déploiement d’un parc mixte REP – RNR qui stabilise l’inventaire en plutonium
5.4 Conclusions
Chapitre VI Conclusions et perspectives
6.1 Synthèse des travaux
6.2 Perspectives
Conclusion
Références