Dans une région minée par une famine cyclique tous les trois ou cinq ans, causant ainsi d’énormes pertes en vies humaines et la mort de beaucoup d’animaux d’élevage, il serait intéressant de proposer une ou des solutions efficaces qui pourraient enrayer ce fléau. Depuis une vingtaine d’années, le terme « KERE » qui exprime la grande famine dans l’extrême sud de Madagascar a, non seulement fait couler beaucoup d’encre mais il est devenu un mot d’obédience internationale. On ne peut d’ailleurs pas s’empêcher d’associer « kere » au grand sud malgache, un pays déshérité parce que les conditions de vie y sont difficiles. Notre prétention, avec l’étude de cette région de Madagascar, est de présenter comme solutions alternatives l’exploitation des abondantes ressources marines vivant dans les mers australes qui ne demandent qu’à être pêchées mais mal connues par la population locale. Les ressources que recèlent les mers australes peuvent servir de compléments alimentaires pour une population affamée. Elles sont à la portée de la main. Les stocks sont importants et facilement accessibles tandis que la population « tandroy » n’ayant pas de traditions halieutiques, laisse passer une opportunité tant pour ses besoins les plus élémentaires que pour une économie basée sur l’autosubsistance grâce à un élevage sentimental et une agriculture vivrière s’adaptant tant bien que mal aux conditions édaphiques des sols pauvres et soumise à un climat semi-aride et/ou aride. Les langoustes rouges côtières des mers du sud prisées sur le marché mondial pourraient être pourvoyeuses de ressources financières pour une population résignée au fatalisme lié aux conditions naturelles ingrates.
Ces richesses potentielles des mers australes pourraient jouer un rôle de premier plan si elles sont exploitées rationnellement. Les Antandroy ne doivent pas rester éternellement les auxiliaires des sociétés de pêche de la région de l’Anosy. Ils doivent, par contre, assumer leurs responsabilités en pratiquant des échanges commerciaux équitables avec les sociétés de pêche. Les ressources halieutiques, en l’occurrence les langoustes, pourraient jouer un rôle considérable dans le développement économique régional de la région de l’Androy. En effet, l’extrême sud de Madagascar est une zone semi-aride à aride. Ce climat est défavorable pour le développement de l’agriculture et de l’élevage ; d’où l’apparition de la famine « KERE » qui frappe d’une manière cyclique cette région. Aussi, n’est-il pas utile de limiter les activités de la population à ces seules activités principales. Il faudra, par contre, diversifier ces dernières par l’exploitation d’autres ressources d’autant que les Antandroy sont une population dynamique, une population déterminée à lutter quelles que soient les conditions.
UN MILIEU NATUREL INGRAT
Dans la climatologie classique, l’extrême Sud de Madagascar est classé parmi les régions au climat tropical semi-aride. Aussi, les conditions de vie dans l’Androy, composé essentiellement de populations à majorité paysanne, ne sont-elles pas toujours faciles à cause du déficit en eau dû à l’insuffisance des précipitations, des eaux de ruissellement, de lacs. Certains slogans publicitaires affichent même que « L’EAU, C’EST LA VIE ». Les artistes du grand sud, conscients de cette situation moins avantageuse de leur pays d’origine, réclament aux pouvoirs publics l’adduction d’eau potable et d’irrigation tant pour les hommes, les animaux que pour les cultures. Ce manque en eau constitue l’un des facteurs bloquants du développement économique et social de cette partie de la grande île. On n’oublie pas non plus l’insuffisance des infrastructures de base tels que les routes, les ponts, les barrages, les banques, les écoles techniques et professionnelles spécialisées, les centres de santé bien pourvus en salles, en matériels, en médicaments, en personnel médical et paramédical par rapport aux potentialités économiques régionales. La population, à majorité paysanne et ayant un niveau d’instruction très bas, n’utilise que des techniques culturales ancestrales basées sur des pratiques plutôt archaïques, notamment le brûlis et le « hatsake » qui sont destructrices d’un milieu naturel déjà fragile. Ce dernier connaît d’ailleurs un déficit hydrique chronique. Une agriculture se penchant aux cultures sèches de tubercules et de graines et orientée vers l’autosubsistance ne permet pas de résoudre les problèmes liés aux besoins les plus élémentaires de la population qui attend sans se lasser les éventuelles aides libératrices des décideurs. Le grand sud malgache vit, d’une manière cyclique, les grandes famines « KERE » avec leurs cohortes de loqueteux, des sans ressources, de maladies de tous genres surtout diarrhéiques, de malnutris et mal nourris, de pertes d’animaux. Les bêtes efflanquées meurent fautes de nourriture. Beaucoup de villages sont désertés. La seule alternative pour cette population pourchassée par la sécheresse est la migration vers les villes voisines ou vers le Nord aux conditions naturelles plus clémentes tant les pluies y sont plus abondantes et les sols plus riches. Ces migrations temporaires, sur de courtes ou sur de longues distances, définitives ne signifient nullement une désertion, loin s’en faut. Pour les migrations lointaines, les Antandroy travaillent en tant que main-d’œuvre sans qualification professionnelle dans les plantations de canne à sucre de la Siranala, Namakia, Brickaville, etc…. Pendant leur absence, ils laissent en friche leurs terres. Les Antandroy ont un amour profond de leur région natale ; ils sont aussi très attachés à leurs us et coutumes. C’est l’une des raisons pour lesquelles ils s’accrochent à leurs terres natales, à leur identité culturelle.
Cette identité culturelle est véhiculée par l’art, en particulier : la musique, les chants, la danse, les habits folkloriques, l’art funéraire, la sculpture et le mythe du zébu. Ce qui explique, en partie, l’attachement à l’agriculture itinérante sur brûlis et à l’élevage extensif sur des étendues de pâturages naturels plus ou moins grands ; cet élevage en accordéon, contemplatif pour certains observateurs ne sert qu’à honorer les dépenses relatives aux funérailles. Les migrations saisonnières sont souvent une sorte de stratégie de survie tant pour les hommes que les animaux dans le cadre de la transhumance pendant laquelle une partie de la population «tandroy » quitte momentanément la région pour s’approvisionner en vivres dans les zones voisines plus productives ou pour nourrir le bétail là où il existe un peu de verdure (prairie et pâturage forestier).
L’extrême Sud de Madagascar est une région semi-aride à aride. Il est caractérisé par la faiblesse des précipitations. Il est soumis à deux saisons bien distinctes : une saison humide de très courte durée de novembre à février, une saison longue sèche de mars à octobre. L’insuffisance des précipitations s’accompagne de d’une température élevée, de vents desséchants très violents et d’une forte insolation accentuant plus encore l’évapotranspiration. Les poussières soulevées et les grains de sables soulevés par ces vents « tio-mena ou tiopoty » mitraillent les feuilles des végétaux. Les plantes et les champs s’assèchent rapidement et/ou ensevelies par les dunes vives de sables. Les exemples les plus fréquents sont enregistrés le long du littoral telles que les dunes de Sampona, Maroaloke, Ambazoamirafe, Esanta, Erada, Anjeke Tsimanagnada, Beroroha, Tsirangote, Mokofo, Kotoala, Faux-Cap, Antaritarike, Talaky, Marovato, Imongy, Cap Sainte Marie, Lavanono, etc… « Tsy ty tomabile ro raty fa Mokofo ro fase » que l’on traduit librement « La voiture s’enlise parce que la piste à Mokofo est trop sableuse ». Ces sables se répandent sur les champs de cultures, les villages et les routes. Ils témoignent de l’aridité régionale.
Une zone située au bout du monde
La région de l’Androy, à cheval sur le tropique du capricorne, a des limites naturelles :
– à l’Ouest par le fleuve Menarandra qui la sépare de la région mahafale, – à l’Est par le fleuve Mandrare, – au Nord par le fleuve Manampanihy, les massifs volcaniques de l’Androy et celui d’Ikalambatritra, – au Sud par l’Océan Indien. L’extrême Sud de Madagascar est un monde hostile à cause de son isolement physique. En effet, cette région est caractérisée par l’aridité de son climat, la pauvreté de ses sols et l’insuffisance de l’écoulement superficiel.
Les infrastructures de base tels que les routes, les ouvrages d’art, les barrages sont insuffisantes, voire inexistantes à beaucoup d’endroits. L’insuffisance et la précarité des voies de communication accentuent plus encore cet isolement. Dans cette région assez vaste, seule la portion de route entre Ambovombe et Amboasary-Sud longue de 35 kilomètres est bitumée ; actuellement, ce tronçon est dégradé de telle sorte que les voitures de transport en commun mettent environ une heure pour avaler les 35 bornes kilométriques séparant ces deux localités. Les routes nationales RN10 (Ambovombe – Andranovory) et RN13 (Ambovombe – Ihosy), respectivement longues de 323 km et 310 km, sont entièrement en terre. Elles sont difficilement praticables pour les petites voitures à deux roues motrices. Elles ne sont guère praticables en saison pluvieuse ou du moins les trajets sont très périlleux. Faute de voies de communication dignes de ce nom, la région de l’Androy semble se trouver au bout du monde. Cette région n’est pas attrayante par son aspect rébarbatif qui semble dire « attention, je pique ». En effet, les ronces, les cactées, les épineux ne sont pas accueillants. Cet aspect répulsif est complété par la quasi absence d’humidité. La sécheresse qui sévit dans cette région résulte de l’insuffisance des précipitations et elle a des conséquences fâcheuses sur la vie de la population locale : la famine cyclique ou « KERE » avec tout un lot de problèmes tels que les pertes de vies humaines et animales, les maladies de tous genres, l’ensablement des champs, les épizooties qui déciment les animaux domestiques. Cette région pauvre n’attire pas les investisseurs. Suite à la sécheresse de 1990 qui a entraîné la crise et provoqué la grande famine « KERE», seuls quelques projets de développement tels que le CGDIS ou Commissariat Général au Développement Intégré du Sud, le projet RDS ou Relance du Sud, le SAP ou le projet du Système d’Alerte Précoce, le GTZ, le projet KIOMBA, etc … se sont implantés dans l’Androy. Les ressources minières importantes à l’instar de l’ilménite dans la région de l’Anosy et attirant de nombreux investisseurs qui sont à la base de la transformation fulgurante de Fort-Dauphin actuellement, n’existent pas dans la région de l’Androy. D’où le faible intérêt accordé à cette région de l’Androy et la faiblesse de sa force d’attraction. Le déplacement vers cette région aux multiples problèmes est considéré comme une perte de temps inutile pour tout le monde. Cela nous a poussé à la qualifier de « zone située au bout du monde ».
Climat aride et défavorable pour le développement de l’agriculture
L’extrême sud malgache a un climat semi-aride à aride. Il est caractérisé par une grande sécheresse. Les précipitations y sont rares, insuffisantes, irrégulières et mal réparties dans le temps et dans l’espace. Les températures élevées et l’insolation intense favorisent l’évapotranspiration. Le vent desséchant du sud souffle très fort ; il st souvent violent et soulève des nuées de sables en période sèche. Les vents d’Est chargés d’humidité laissent tomber sa charge sur le versant oriental des Chaînes Anosyennes. Ils arrivent sur la région de l’Androy complètement desséchés par effet de Foehn. Les précipitations occultes ou brouillards matinaux constituent les seules sources d’humidité de la région. Les faibles précipitations, complétées par les pluies d’orages dues à la descente estivale des basses pressions intertropicales déterminant la saison des pluies partout dans l’île et les perturbations frontales consécutives à la remontée de l’air subpolaire vers le Nord en hiver austral, permettent d’enregistrer en moyenne 400 600 millimètres de pluies par an. Il s’agit d’averses brutales et intermittentes apportant parfois la grêle. En été austral, ces perturbations subfrontales affectent le Sud. Elles peuvent se présenter sous forme de tornades qui déciment tout (cultures, maisons d’habitations, bureaux administratifs, hôpitaux et centres de santé de base, infrastructures routières à leurs passages.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : – DES ZONES DIFFICILES D’ACCES ET HOSTILES POUR UNE POPULATION N’AYANT PAS LE PIED MARIN
Chapitre I : LE MILIEU NATUREL
1.1 – Une zone située au bout du monde
1.2 – Climat aride défavorable pour le développement de l’agriculture
1.3 – Des ressources halieutiques à la portée de la main
1.4 – Population fortement attachée aux activités agro – pastorales
1.5 – La langouste : Une aubaine pour une population acculée par la sècheresse
Chapitre II : UN CHAPELET DE ZONES D’EXPLOITATION
2.1 – Les principales zones d’exploitation de la langouste dans le littoral Sud
a- La zone de Faux-Cap : une zone convoitée par les collecteurs de Fort-Dauphin
b- La zone d’Ankatravitra
c- La zone de Lavanono : une zone de rencontre de pêche et du tourisme
d- La zone de Maroafo
e- La zone de Kotoala
2.2 – Les zones secondaires
Chapitre III : LES ESPECES RENCONTREES DANS LES ZONES D’ EXPLOITATION
3.1.- Le Panulirus penicillatus
3.2.- Le Panulirus longipes
3.3.- Le Panulirus versicolor
3.4.- Le Panulirus homarus
3.5.- Le Panulirus ornatus
Chapitre IV : LES PROBLEMES RENCONTRES PAR LES TANDROY FACE A LA ZONE D’EXPLOITATION
Deuxième partie : – UN COMMERCE A SENS UNIQUE
Chapitre V : LES CIRCUITS DU COMMERCE DE LA LANGOUSTE
5.1.- Les échanges commerciaux entre les pêcheurs locaux et les collecteurs
5.2.- Les échanges commerciaux entre les collecteurs et les sociétés d’exploitation
5.3.- Les échanges commerciaux entre les sociétés et les différents hôtels et restaurants à Madagascar
5.4.- Les exportations vers l’Asie, l’Europe, l’Afrique
Chapitre VI : PROBLEMES RENCONTRES POUR LA COMMERCIALISATION
6.1- Variations des prix
6.1.1.- Variation saisonnière des prix
6.1.2.- Variation des prix en fonction de la qualité du produit
6.1.3.- Variation des prix en fonction de la commande
6.2.- Difficultés liées a la conservation de la langoust
6.3.- Pertes dues aux transports
6.3.1.- Transport par colportage
6.3.2.- Transport par pirogue
6.3.3.- Transport par véhicules
6.3.4.- Transport par bateau
6.3.5.- Transport par avion
6.4.- Difficultés liées aux infrastructures routières
Troisième partie : IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES DE L’EXPLOITATION DE LA LANGOUSTE
Chapitre VII : UNE ECONOMIE D’ECHELLE
Chapitre VIII : UN COMMERCE AVANTAGEUX POUR L’INTERMEDIAIRE
Chapitre IX : DES ACTIVITES DE PECHE, UNE MENTALITE D’AGROELEVEURS
Chapitre X : DES PECHEURS TANDROY MARGINALISES
9.1.- Absence de plus-value
9.2.- Des dépenses futiles
9.3.- Des dépenses ostentatoires
CONLUSION