La prééclampsie est un syndrome maternel spécifique de la gestation humaine, liée à une anomalie de la placentation. Elle complique 3-5% des grossesses dans le monde, et se caractérise par la présence d’hypertension artérielle au cours de la grossesse au delà de la 20eme semaine d’aménorrhée(SA), associée à la protéinurie.
Les prééclampsies peuvent évoluer vers une prééclampsie grave émanant de plusieurs types de complications à des degrés d’atteintes variables. Pour cette raison, la prééclampsie sévère constitue une des causes majeures d’hospitalisation en unité de soins intensifs obstétricaux. Elle constitue un facteur de morbi-mortalité materno-fœtal aussi bien dans les pays développés que les pays du tiers monde.
Vu la gravité de cette pathologie sur le plan mondial, et vu qu’à Madagascar très peu d’étude épidémio-clinique a été faite à ce sujet, nous avons réalisé ce travail intitulé : « Profils épidémio-cliniques des prééclampsies sévères à l’HUGOB au cours des années 2010 et 2011 ».
L’objectif principal est d’établir les profils épidémio-cliniques des patientes sujettes à cette pathologie.
DEFINITIONS
Les pathologies hypertensives au cours de la grossesse souffrent d’un problème de définition. En l’absence de consensus, on retient comme critères pour les définir:
◉ L’hypertension artérielle gravidique est une hypertension artérielle(HTA) avec une pression artérielle systolique(PAS) ≥ 140 mmHg et/ou pression artérielle diastolique(PAD) ≥ 90 mmHg) survenant après la 20e semaine d’aménorrhée(SA) et disparaissant avant le 42ème jour du post-partum.
◉ La Prééclampsie est une association d’HTA gravidique et d’une protéinurie (> 0,3 g/24 h ou > à 2 + a la bandelette), là aussi après 20 SA et disparaissant avant la 6eme semaine du post-partum. Un tableau d’hypertension gravidique qui serait associé à certains signes doit faire également suspecter la prééclampsie :
– œdèmes d’apparition brutale ou rapidement aggravé,
– augmentation des transaminases au-delà des normes de laboratoire,
– thrombopénie < 150000/mm3,
– Hyperuricémie > 350µmol/l,
– et/ou à une restriction intra utérine(RCIU).
◉ La prééclampsie sévère est une prééclampsie avec au moins l’un des critères suivants :
– HTA sévère : PAS ≥ 160 mm Hg et/ou PAD ≥ 110 mm Hg,
– atteinte rénale avec : oligurie (< 500ml/ 24h) ou créatinine > 135µmol/l, ou protéinurie supérieure à 5 g/j ou > à 3 +a la bandelette,
– œdème aigu du poumon(OAP),
– barre épigastrique persistante ou syndrome HELLP,
– éclampsie ou troubles neurologiques rebelles : troubles visuels, reflexe ostéo-tendineux(ROT), polycinétiques, céphalées,
– thrombopénie < 100000/mm3,
– hématome rétroplacentaire (HRP) ou retentissement fœtal .
◉ L’éclampsie est une crise convulsive tonico-clonique survenant dans un contexte de pathologie hypertensive de la grossesse.
CLASSIFICATIONS DES HYPERTENSIONS AU COURS DE LA GROSSESSE
La National High Blood Pressure Education Program (NHBPEP) classifie les hypertensions au cours de la grossesse en quatre catégories : la prééclampsie et l’éclampsie, l’HTA chronique, la prééclampsie surajoutée à une HTA chronique, et l’HTA gravidique.
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
Prévalence de la prééclampsie sévère
Les troubles hypertensifs de la grossesse restent fréquents puisqu’ils touchent environ 10 à 15% des grossesses, dans les pays développés ils varient de 6 à 8%(15). Les prévalences de la prééclampsie et de la prééclampsie sévère restent variables en raison des différences ethniques, géographiques, socio-économiques des populations étudiées, de la multiplicité des définitions ainsi que les données de littérature et de la fréquence des erreurs de diagnostic. Cependant, les données montrent qu’elle apparaît nettement plus élevée dans les pays en voie de développement.
Globalement, la prévalence de la prééclampsie est estimée entre 3 à 5% des grossesses dans le monde. En Europe et aux Etats-Unis sa prévalence est de 0.7 et 1.5%. Ce chiffre est plus bas qu’il y a 20 ans. En Afrique noire la prévalence est généralement de 2.8 à 6.1% des accouchements en milieu hospitalier. En Asie, une étude collaborative de l’organisation mondiale de la santé rapporte des chiffres entre 1.5 à 8.3% des gestantes (1). Un taux de 3.4% a été retrouvé en Nouvelle Zélande (8). Par rapport à la parité, la prééclampsie survient chez 3 à 7% des primipares et chez 1 à 3% chez les multipares. Selon l’appartenance ethnique, on a rapporté à Birmingham un taux respective de 17,2% chez la race blanche, 12,7% chez les noires et de 18,6% chez les indo-asiatiques. (17) L’incidence des formes sévères est de 5 pour 1000 accouchements. Elle représente 1% des grossesses aux Etats unis (20). En Europe elle est plus basse de 0.5%. Cette forme sévère contribue à de forte morbi-mortalité fœtale. Tuffenel et al. (13) rapportent un taux de mortalité néonatale de 5%. Certaines études rapportent un taux de 12 à 14%. Aux Etats Unis le taux est le plus bas de 1 à 2%.
En outre, elle constitue une maladie grave de la grossesse responsable de morbidité maternelle. Le décès maternel y afférent atteint 15 à 20% dans les pays développés. Elle est la 2ème cause de mortalité maternelle aux USA. Actuellement il existe 50 000 décès maternels dans le monde attribuable aux prééclampsies sur un total d’un peu plus d’un demi-million.
Facteurs de risque
Plusieurs facteurs ont été rattachés à la prééclampsie.
– Les facteurs de risques familiaux notamment génétiques. Le risque de prééclampsie est augmenté en cas d’antécédent familial :
● Une femme naissant d’une mère prééclamptique a 2 fois plus de risque.
● Une transmission génétique paternelle est aussi possible. Un homme naissant d’une grossesse prééclamptique, a en effet un risque augmenté de 50% de la déclencher chez sa partenaire. Lorsqu’une grossesse a été prééclamptique dans un couple, une nouvelle procréation entre le même père et une femme différente double le risque pour cette dernière.
– Facteurs immunologiques :
● Nulliparité : la prééclampsie est 4 à 5 fois plus fréquente chez la nullipare que chez la multipare. Un argument supplémentaire est fourni par l’effet protecteur des antécédents de fausse couche spontanée ou d’interruption volontaire de la grossesse.
● Changement de partenaire : le changement du père entraine un retour du risque de prééclampsie équivalent à la première grossesse chez les multipares.
● « Sperm exposure » courte : le risque de prééclampsie est ainsi plus élevé en cas de conception précoce dans un couple récent. L’usage d’une contraception barrière pendant la période pré-conceptionnelle telle que les préservatifs augmenteraient son incidence.
● Insémination avec donneur : en cas d’insémination artificielle, le risque de prééclampsie est plus élevé si le sperme provient d’un donneur autre que le conjoint.
– Facteurs physiologiques :
● Origine ethnique : certains auteurs retrouvent une augmentation du risque élevé de prééclampsie chez les femmes noires (afro-américaine).
● Age maternel : le risque de prééclampsie est multiplié par 2 à 4 pour les femmes plus de 35ans. En revanche, l’âge maternel inférieur à 20 ans n’est plus considéré comme un facteur de risque .
– Facteurs liés à la grossesse :
● Grossesse multiple : l’incidence de la prééclampsie et de l’éclampsie est multipliée par 3 en cas de grossesse multiple.
● Anomalie congénitale, chromosomique et môle hydatiforme : un risque de prééclampsie est multiplié par 1,34 en cas de malformation fœtale. Il semble que le risque soit aussi augmenté en cas de trisomie 13 ou de triploïdie avec ou sans môle hydatiforme.
● Infection urinaire(IU).
● Intervalle entre deux grossesses : une augmentation de prééclampsie est a notée chez une femme présentant un long intervalle inter-génésique.
– Pathologies maternelles
● Hypertension chronique et maladie rénale : on a noté un excès de prééclampsie chez des patientes présentant une HTA chronique connue ou non. Enfin, même si le risque exact est difficile à estimer, le risque de prééclampsie surajoutée est augmenté en cas de maladie rénale.
● Obésité, insulino-résistance et diabète : l’insulino-resistance entraine une augmentation de l’insulinémie qui a pour conséquence une réabsorption hydrosodée et un effet sympathomimétique, contribuant à élever la pression artérielle et à augmenter le risque de prééclampsie. L’obésité est probablement la première cause d’insulino-resistance et, même si l’HTA essentielle peut expliquer une certaine part de l’association retrouvée, les niveaux de preuve sur l’obésité comme facteur de risque d’HTA gravidique et de prééclampsie sont élevés. Le risque de prééclampsie est augmenté en cas de diabète de type 1.
● Thrombophilies et pathologies vasculaires : ‘une anomalie héréditaire (notamment la mutation Leiden du facteur V) et/ou acquise (syndrome des anti-phospholipides), peut, entraîné la prééclampsie.
– Facteurs environnementaux
● Tabac : le risque de prééclampsie est diminué chez les femmes tabagiques, indépendamment des autres facteurs de risque, en particulier l’obésité.
● Altitude : les femmes enceintes vivant en altitude ont un risque augmenté de prééclampsie
● Style de vie : activité physique, stress, travail : chez les femmes ayant un travail procurant un niveau socio-économique élevé, le risque de prééclampsie était multiplié par 3,1 lorsqu’il existait des responsabilités importantes ou un stress important. De même, une activité physique régulière et un temps important consacré aux loisirs ont un effet protecteur sur le risque de prééclampsie.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I . DEFINITIONS
II . CLASSIFICATIONS DES HYPERTENSIONS AU COURS DE LA GROSSESSE
III . DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
III .1. Prévalence de la prééclampsie sévère
III .2. Facteurs de risque
IV . PHYSIOPATHOLOGIE
V . DIAGNOSTIC DE LA PREECLAMPSIE SEVERE
V .1. Diagnostic clinique
V .2. Signes paracliniques
VI . COMPLICATIONS MATERNELLES
VI .1. Eclampsie
VI .2. Troubles de la coagulation
VI .3. Lésions ischémiques
VI .4 Atteintes oculaires
VI .5. Insuffisance rénale aiguë
VI .6. Œdèmes aigus des poumons
VI .7. Complication cardiaque
VII . COMPLICATIONS FŒTALES
VIII . PRINCIPES DU TRAITEMENT
VIII .1. But
VIII .2. Moyens
VIII .3. Indications
VIII .4. Surveillances
IX . MODALITES DE L’ACCOUCHEMENT
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS DE NOTRE ETUDE
I . NOTRE ETUDE
II .1. Cadre de l’étude
II .2. Type de l’étude
II .3. Objectif de l’étude
II .4. Critères d’inclusion
II .5. Critères d’exclusion
II .6. Collecte des données
II .7. Analyse et traitement des données
II . RESULTATS
II .1. Epidémiologie
II .2. Caractères maternelles
II .3. Aspects cliniques
II .4. Données néonatales
II .5. Complications
II .6. Issu de la mère
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES ET DISCUSSION, SUGGESTIONS
I . COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
I .1. Profils épidémiologiques
I .2. Profils cliniques
I .3. Aspects évolutifs
SUGGESTIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE